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À l’attention de nos lecteurs

P. Michel Gitton

L’ouvrage de John P. Meier, traduit de l’américain, est connu comme une somme désormais classique sur les attestations historiques relatives au personnage « Jésus ». Notre collaborateur Jérôme Levie en rend compte dans les colonnes de ce numéro, avec toute l’objectivité nécessaire, rendant accessibles les principales conclusions de l’auteur, sur des dossiers aussi complexes que le Testimonium Flavianum (le passage de l’historien juif Flavius Josèphe sur Jésus), l’origine du thème du Royaume de Dieu, ou encore les miracles mentionnés dans l’Évangile…

Ce ne sont pas tant les conclusions, au demeurant assez mesurées, de Meier qui méritent quelques réserves, que le présupposé méthodologique à l’œuvre dans tout l’ouvrage. L’auteur, prêtre catholique, soutient qu’on peut et même qu’on doit, dans l’exposé scientifique des faits relatifs à Jésus, faire abstraction des convictions de la foi. Sous prétexte de stricte objectivité, nous voilà, quoi qu’en pense l’auteur, ramenés à l’historicisme « laïc » du XIXe siècle, dont nous ont heureusement sortis Henri Irénée Marrou, Jean Guitton et bien d’autres. Comme s’il était possible de faire abstraction, dans un sens comme dans un autre, des positions existentielles qui sont les nôtres face à un personnage qui a révolutionné le cours du monde, mais surtout vu que sa revendication à la vérité semble liée pour la première fois à des données factuelles (naissance virginale, miracles, résurrection). La foi n’est pas un jugement éventuel que l’on peut porter sur un personnage quelconque au demeurant attesté par l’histoire : tout ce que nous savons de lui (et Meier le reconnaît à sa façon) est porté par des témoins qui avaient la foi. Leur attestation de faits relatifs à Jésus est donc liée à la vision qu’ils ont peu à peu acquise de sa personne, et ceci dans les deux sens : les faits ont précédé les interprétations, mais les interprétations ont préservé le souvenir des faits. On peut ne pas partager leur vision des choses, mais dans ce cas la cohérence des faits eux-mêmes disparaît, on n’arrive qu’à une reconstitution arbitraire qui n’est pas le Jésus de l’histoire.

La question que pose le rapport si particulier de l’histoire et de la foi dans le Nouveau Testament est un sujet en soi, c’est un peu un des thèmes favoris de Résurrection, qui n’a pas craint dans l’ambiance très lourde des années 1970 de poser, en consonance avec l’exégète allemand Pannenberg, la question de savoir si la Résurrection du Christ n’obligeait pas à une révision de l’histoire elle-même.

P. Michel Gitton, ordonné prêtre en 1974, membre de la communauté apostolique Aïn Karem.

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