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"Ante Altaria". Les rites antiques de la messe dominicale en Gaule, en Espagne et en Italie du Nord. (Matthieu Smyth)

Coll. « Liturgie », Cerf, Paris, 2007, 208p.
Jean Lédion

Ce livre est donc consacré aux rites non romains qui ont été utilisés dans le passé dans une grande partie de l’Europe occidentale et qui ont progressivement disparu au cours du premier millénaire à part quelques exceptions (rites ambrosien à Milan, lyonnais, mozarabe à Tolède...) subsistant encore dans des zones géographiques très restreintes. On accuse souvent les Carolingiens, surtout Charlemagne, d’avoir fait disparaître ces expressions liturgiques en voulant imposer partout, dans l’empire d’Occident, les rites de l’église romaine. C’est ce qu’écrit d’ailleurs l’auteur dès l’introduction de son premier chapitre : « Ici, il nous faut renverser notre perspective en considérant l’ensemble de l’Occident qui partageait des usages communs, assez différents de ceux de Rome, avant que les Carolingiens ne les abolissent au profits des seconds » (p. 15).

Mais la réalité est sans doute beaucoup plus complexe. En matière de liturgie, les décrets pontificaux ou impériaux ne sont que très rarement suivis d’effets à brève échéance, il suffit de se rappeler que le dernier diocèse de France à adopter le missel romain, devenu la norme après le concile de Trente, le fait à la fin du XXe siècle ! De plus, il faut rappeler que certains rites, comme le lavement des pieds lors de la liturgie baptismale, attesté à Milan, disparaissent très tôt ailleurs. Dans une note (p. 16, note 7), l’auteur indique que ce rite fut supprimé en Espagne par le concile d’Elvire (vers 300). On est alors encore bien loin des Carolingiens.

L’étude de ces rites a par ailleurs intéressé de nombreux chercheurs qui avaient souvent pour but, plus ou moins avoué, d’y découvrir des éléments qui auraient prouvé que ces liturgies auraient été plus pures que le rite romain qui, lui, aurait été contaminé de telle manière que l’on y aurait perdu la quintessence des liturgies primitives de l’époque apostolique. Cependant la réalité, comme toujours est moins romantique. Des travaux comme ceux de B. Botte et L. Bouyer ont montré naguère que la prière eucharistique romaine était beaucoup plus proche que l’on ne pensait des premières anaphores chrétiennes héritées du culte synagogal.

Ces remarques ne doivent pas être oubliées quand on aborde la lecture de cet ouvrage. On y trouvera tout un ensemble d’éléments sur le déroulement de la messe dans ces différents rites, avec beaucoup de références et de notes. Mais l’ensemble est un peu fastidieux pour qui n’est pas un érudit en matière de liturgie. On n’échappe pas à une impression de confusion devant une grande profusion de détails et d’érudition, profusion qui n’est pas compensée par une synthèse claire qui nous expliquerait ce qui faisait l’originalité et le génie propre de ces liturgies. C’est d’ailleurs peut-être l’exubérance de certaines formes de ces liturgies qui les ont progressivement condamnées au profit du rite romain, beaucoup plus sobre, plus qu’une action centralisée de Rome ou de Charlemagne.

Jean Lédion, marié, trois enfants. Diplôme d’ingénieur, docteur d’État ès Sciences Physiques. Enseignant dans une école d’ingénieurs à Paris.

Réalisation : spyrit.net