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LIMINAIRE

Bientôt deux cents numéros !

Damien Lavergne

Un de nos collaborateurs a pu bénéficier, auprès du P. Gitton, d’informations de première main sur l’histoire de la revue : nous avons pensé que ce survol historique n’était pas déplacé pour un anniversaire, en ce qu’il montre la vitalité d’une fidélité à l’Église qui a traversé bien des périodes mouvementées.

Les rares privilégiés qui disposent d’une collection complète de Résurrection depuis les origines peuvent se vanter de posséder un petit trésor. Certains ont comparé la série des numéros à une encyclopédie en fascicules, car on y trouve abordés presque tous les sujets de la théologie (au moins de la théologie dogmatique, car la morale est nettement moins représentée), avec des redites qui soulignent l’insistance sur certaines questions (l’exégèse biblique, la Trinité, le Cœur du Christ, la Rédemption, l’Eucharistie, l’Évangélisation, etc…). La série des personnalités qui ont écrit dans la revue est aussi impressionnante, car on trouve presque tous les grands maîtres de la théologie du XXe siècle, au moins du côté français : les cardinaux Daniélou et de Lubac, les PP. Guy de Broglie, Louis Bouyer, Joseph Jungmann, Paul Beauchamp, André Feuillet, Henri Cazelles, Marie-Joseph Le Guillou, sans parler de Urs von Balthasar. Plusieurs personnages devenus célèbres dans l’Université et dans l’Église y ont fait leurs premières armes (Michel Rouche, Jean-Luc Marion, Rémi Brague, Jean Duchesne, Marie-Hélène Congourdeau, mais aussi le Cardinal Philippe Barbarin, et avant lui NNSS Henri Tessier et Michel Coloni).

La collection révèle aussi une histoire qui a comporté bien des péripéties, comme on peut s’en douter, surtout quand on pense que la revue a été presque constamment entre les mains d’équipes très jeunes et en constant renouvellement. Elle a bien mérité son nom, par les nombreuses « résurrections » dont elle a bénéficié. Née au Centre Richelieu, c’est-à-dire à la Sorbonne, du temps où le Chanoine (futur Mgr) Charles en était l’aumônier tout puissant, Résurrection a été un élément de choix au service de l’action menée par une pléiade d’aumôniers de valeur pour diffuser, auprès d’une jeunesse étudiante avide d’apprendre, les fruits du renouveau théologique de l’après-guerre. On y vit des numéros explosifs, comme le 6-7 sur « l’apostolat des laïcs », paru en pleine crise de l’Action catholique étudiante, ou tel numéro remettant en cause une « théologie du travail », devenue une tarte à la crème dans les milieux engagés de ces années-là.

Elle s’est ensuite transportée, à partir de son onzième numéro, sur la Butte Montmartre, où elle a vécu près de trente ans, avec des fortunes diverses, à l’ombre de la basilique du Sacré-Cœur. D’abord au service de l’approfondissement doctrinal des équipes de jeunes célibataires et de foyers, qui étaient en train de se fonder entre 1960 et 1963, elle traita des sujets moins polémiques, dans ces années qui étaient celles du Concile Vatican II. Un numéro resté célèbre donna une synthèse d’une rare profondeur sur le « mal et la souffrance ». Elle connut néanmoins un premier essoufflement après 1963, faute de jeunes rédacteurs, ce qui entraîna sa suspension pendant quatre ans, puis elle vécut une reprise dans les premiers mois de 68, confiée à un groupe de jeunes normaliens et agrégatifs. Au moment où d’autres « préparaient la Révolution », ceux-ci se jetèrent avec une fougue extraordinaire à l’assaut des sources de la théologie, qui leur paraissait un monde nouveau plein de promesses. Il en sortit des fascicules glorieux et d’accès un peu difficile (entre les numéros 26 et 38), qui contiennent en germe toute une pensée du Christ et de l’histoire, audacieuse et féconde. La plupart d’entre eux participèrent quelques années plus tard au lancement de l’édition française de la Revue internationale Communio, qui entretient toujours avec Résurrection des rapports fraternels. Après leur départ, d’autres équipes se lancèrent dans l’aventure de la théologie, avec des bonheurs inégaux, mais certains numéros (comme celui sur la « Conscience du Christ ») restent des jalons précieux. Surtout les rédacteurs de la revue travaillèrent à deux numéros spéciaux, qui devinrent des ouvrages de vulgarisation très appréciés et plusieurs fois réédités : Chrétien, quelle est ta foi ? et Cent points chauds de l’histoire de l’Église.

En 1985, commença une nouvelle série, qui, symboliquement, adopta une numérotation nouvelle. C’est que, cette année-là, Mgr Charles quittait le rectorat de la Basilique de Montmartre et confiait au P. Gitton la direction de la revue, avec le privilège de conserver la mention cum permissu superiorum, mention qui indiquait la responsabilité doctrinale confiée jadis à Mgr Charles par le Cardinal Feltin, pour valider le contenu des articles. La nouvelle série formait des projets ambitieux, qui se traduisirent, pour un temps, par l’extension du nombre des rubriques et l’intégration plus forte de l’actualité.

En s’installant à la paroisse Saint Germain l’Auxerrois, où le P. Gitton venait d’être nommé curé (à l’automne 1990), la revue se trouva plus que jamais au cœur d’un mouvement qui débordait largement le groupe des rédacteurs : diverses équipes d’apostolat de rue, des mouvements de jeunes, une véritable école de théologie se groupèrent bientôt sous la bannière de Résurrection, y apportant leurs questions, et suscitant des approfondissements variés. La revue a vécu cette époque en étroite symbiose avec le mouvement du même nom, qui a débordé le cadre étroit de l’âge étudiant pour accueillir tout l’apostolat intellectuel et concret gravitant autour de la paroisse. De cette période, on retiendra particulièrement le numéro qui suivit la mort de Mgr Charles et qui tenta un premier bilan de son œuvre et de sa pensée, mais aussi un numéro double sur la question des « divorcés remariés », d’autres sur « littérature et théologie » etc…

Depuis l’an 2000, Résurrection a amorcé une nouvelle étape de son parcours. L’équipe de rédaction a cherché à maîtriser la régularité de la parution, en adoptant le rythme de quatre numéros par an (deux numéros simples et deux numéros doubles). De façon exceptionnelle, ce numéro dédié aux 50 ans s’étend sur trois mois, ce qui permettra de débuter chaque nouvelle année avec un nouveau numéro. Surtout, les recensions se sont bien étoffées, et un site web a été préparé depuis deux ans, qui voit le jour pour cet anniversaire (http://www.revue-resurrection.org/).

On le voit, la revue s’est resserrée sur son travail d’approfondissement, mais sans perdre l’audace des découvertes et le souci de servir les projets apostoliques qui ont continué de mûrir autour du Mouvement Résurrection et de la communauté Aïn Karem (notamment le pèlerinage annuel à Vézelay).

En attendant de nouveaux développements…

Réalisation : spyrit.net