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Carnets du Concile, Tomes I et II

Henri de Lubac. Introduction et annotations par Loïc Vigoureux. Avant-propos de François-Xavier Dumortier, s.j. et Jacques de Larosière. Préface Jacques Prévotat, Paris, Cerf, 2007, 1200 p.
Jean Lédion

Ces carnets du concile ne font pas parties au sens strict des œuvres du cardinal de Lubac. De son vivant, il n’en avait pas souhaité la publication, car, à ses yeux, il s’agissait de notes personnelles recueillies au jour le jour, en fonction de ses capacités d’écoute et aussi des hasards des rencontres qu’il était amené à faire. De ce fait, des remarques sur divers personnages encore vivants, rapportées dans ces carnets, n’avaient pas vocation à être livrées au public. Mais ses éditeurs, après avoir hésité, en ont jugé autrement. Il ne nous appartient pas d’en apprécier l’opportunité, mais, après avoir parcouru sans effort les 1220 pages de ces carnets, on se dit qu’il serait dommage qu’ils n’aient pas été publiés. Le lecteur, surtout celui qui a vécu cette époque de l’histoire de l’Église y retrouve une foule de personnages dont il a entendu parler ou qu’il a même personnellement connus.

La lecture de ces deux volumes est donc tout à fait passionnante. Les notes sont abondantes sans être excessives. Il est à signaler que chaque personne dont le nom est cité fait l’objet d’une petite notice biographique lors de sa première apparition dans le corps du texte. Cela est fort important pour bien situer le rôle de chacun. Les « carnets » sont bien sûr classés dans l’ordre chronologique et, ne couvrent pas l’intégralité de la période conciliaire, de nombreuses coupures, liées aux intersessions et aux périodes de maladie du P. de Lubac font qu’il ne s’agit pas d’une prise de note continue.

Comme il s’agit de textes à usage personnel, les commentaires du cardinal ne s’embarrassent pas de nuances lorsqu’il donne son impression sur tel théologien, tel évêque ou tel membre éminent de la curie romaine. Cela est très précieux. Le lecteur voit donc ses convictions renforcées (ou nuancées !) sur les personnages qu’il a pu connaître ou rencontrer. En dehors de cet aspect, qui pourrait paraître anecdotique, on peut percevoir quelques grandes considérations sur les acteurs de cette époque conciliaire. On voit bien, à travers toutes ces notes, quelles sont les appréciations de notre théologien sur les différents groupes épiscopaux et sur ses autres confrères théologiens qui s’agitent autour de l’aula du concile. On discerne son regret de voir que les évêques n’ont pas fait appel, pour les seconder, aux meilleurs théologiens de l’époque (sauf d’heureuses exceptions !). L’exemple le plus flagrant cité est celui d’Urs von Balthasar. Mais il faut aussi souligner qu’aucun évêque français n’a fait appel à Henri de Lubac. Il est l’expert d’un évêque malgache (Mgr Gilbert Ramanantoanina, qui était jésuite !).

Quand on referme le livre on est quelque peu chagriné de voir qu’alors que l’épiscopat d’Afrique, notamment francophone, celui de Madagascar et celui d’Allemagne semble jouer un rôle très actif et très positif, aux yeux du P. de Lubac, l’épiscopat français se signale, lui, par une médiocrité dans l’action et la réflexion. Enfin, les remarques, toujours pertinentes et lucides du cardinal, anticipent sur l’avenir qui les confirmera.

De la même manière, les hommes qu’il discerne comme à la fois des hommes de valeur et de grands serviteurs de l’Église, se révèleront comme tels à la fin du XXe siècle. Il suffit de citer Karol Wojtyla ou Josef Ratzinger. Un seul regret : le plan de Rome, censé indiquer les différents lieux où se passent les évènements rapportés dans les carnets, a été inséré sans la légende appropriée ; la topographie aide toujours à mieux comprendre l’histoire.

Jean Lédion, marié, trois enfants. Diplôme d’ingénieur, docteur d’État ès Sciences Physiques. Enseignant dans une école d’ingénieurs à Paris.

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