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Editorial

Résurrection

Trop bien vue ou trop mal vue, l’observance risque de perturber le jeu de l’amour. Courtisée, recherchée avec empressement et minutie, elle dégénère en source de jugement, de suffisance, bien souvent de culpabilité. Minimisée, relativisée à outrance, elle ne laisse qu’une foi cérébrale, sans ressort et sans sérieux.

Pourtant les commandements, même « les plus petits » (Mt 5, 19), ont leur place dans l’Évangile. Jésus ne relativise nullement les commandements au profit de l’unique commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Saint Paul, bien connu pour avoir rompu avec le légalisme pharisien, n’est pas le dernier à recommander aux chrétiens des jeunes Eglises de rester fidèles aux règles et usages qu’il leur a laissés. La fidélité à la parole du Christ se mesure à cela.

Bien sûr, un changement est intervenu par rapport à l’Ancienne Loi. Celle-ci bloquait l’absolu de la volonté divine avec des comportements sociaux et rituels qui étaient censés l’incarner. Les règles de pureté, par exemple, qui sont après tout l’assomption de quelques principes d’hygiène, servaient de pédagogie pour acquérir le sens de la transcendance du Tout Autre. Mais, déjà dans l’Ancien Testament, ce blocage n’était pas total, ne fût-ce que parce que plusieurs états de la Loi coexistaient, parfois, en tension entre eux.

Mais, avec Jésus, la loi morale du Décalogue, non susceptible de remise en cause ou de relativisation, se distingue clairement du précepte (rituel, discplinaire, etc.) qui sera de plus en plus du ressort de l’Église. Il s’en distingue, non parce que seul l’un serait obligatoire, mais parce que le second est soumis à une double détermination extérieure, l’une en fonction de l’autorité qui décide (qui peut en modifier les données, en urger l’application, éventuellement en dispenser), l’autre en fonction des circonstances (il s’agit de garder la proportion, la loi morale l’emportant, en cas de conflit, avec le précepte positif. Mais le précepte n’en garde pas moins son sens de signe de fidélité dans le concret, c’est ce que les règles monastiques ont magnifiquement mis en valeur. À oublier la place du précepte, on s’habitue peu à peu à agir comme si tout dans notre vie n’était l’objet que d’un calcul utilitaire, c’est considérer Dieu comme le simple garant de ma réussite personnelle, invoqué comme secours en cas de difficultés et peut-être simplement remercié, en cas de succès, mais non susceptible d’intervenir par une exigence réelle et concrète, dans nos choix quotidiens : partirai-je en vacances après la messe ou déciderai-je qu’elle ne me concerne pas puisqu’elle gêne mon programme ?

Le recul de l’observance, c’est l’avancée du paganisme dont le judaïsme nous avait, peu à peu et non sans mal, libérés.

Réalisation : spyrit.net