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Éditorial

Le sacerdoce catholique à la croisée des chemins
Résurrection

La crise que connaît le clergé dans l’Église catholique depuis au moins les années 50 du XXe siècle n’est pas terminée. Malgré tous les espoirs de reprise (avec le Concile, avec l’arrivée des communautés nouvelles, après l’an 2000, etc...), tous les indicatifs sont à la baisse, et tendent inexorablement vers le bas. La démoralisation s’est installée un peu partout et les plans de relance qu’on pouvait encore proposer dans les années 80 avec l’espoir de retourner la situation sont peu crédibles. On peut certes se dire que la crise est surtout européenne et liée aux pays dits développés, tandis qu’il est des pays, en Afrique notamment, où les séminaires sont pleins et les vocations nombreuses. Mais ne nous y trompons pas : même là certains effets délétères apparaissent déjà et, si la ferveur est réelle, le choc des modèles culturels issus des pays occidentaux n’a pas fini d’ébranler les bases de la vie sacerdotale, compte tenu surtout de la fragilité de la formation dans bien des cas.

Dans ce contexte, il est impossible de ne pas prêter attention à la voix de ceux qui, constatant l’essoufflement d’un certain modèle sacerdotal, appellent de leurs vœux une profonde refonte de la conception même du ministère ordonné. Généralement ce qui est considéré comme la cause perdue, c’est la notion du prêtre séparé, homme de Dieu envoyé à un peuple pour le sanctifier et l’instruire. Le prêtre, s’il a un avenir, ne pourrait s’envisager que comme un acteur parmi d’autres, au sein d’une communauté où s’exercent des responsabilités plurielles. Et, dans cette perspective, le célibat sacerdotal est évidemment un anachronisme, pour ne pas dire une hypocrisie. De façon encore rampante, on voit apparaître des projets de solutions alternatives, le diaconat permanent étant pour certains la première étape en vue d’un clergé marié et bien inséré dans la « vie », comme on dit. Mais, derrière ce changement qu’on pourrait croire mineur, car il ne remet en cause, croit-on, qu’un aspect de la discipline ecclésiastique, c’est toute une vision de l’Église qui est en jeu : au lieu d’être cette enclave du ciel, venue d’ailleurs pour ouvrir ce monde à la provocation de Dieu et le préparer au retour du Seigneur, elle serait là, au contraire, pour lui permettre de se construire dans son autonomie, dans un sens toujours plus humain.

Après les règnes de Jean-Paul II et de Benoît XVI, réputés hostiles à toute évolution en ce domaine, les partisans d’un changement radical fourbissent leurs armes en ce moment et le choc s’annonce rude.

Ce numéro de Résurrection voudrait humblement apporter sa contribution à une refondation de l’identité sacerdotale, en partant de cette conviction que ce n’est pas le sacerdoce apostolique qui doit changer en se conformant aux modèles du monde, en renonçant à être le sel de la terre et la lumière du monde, mais c’est toute l’Église qui doit se renouveler dans sa fidélité au Christ, après des années d’affaiblissement intérieur. Ce dont souffrent les prêtres aujourd’hui, ce ne sont pas des prétendues contraintes imposées par l’autorité de l’Église, c’est de l’ambiance générale qui dévalue le sacrifice, qui relativise la foi, qui prône une fausse égalité.

Conformément à sa mission intellectuelle, la revue Résurrection voudrait s’efforcer de fonder théologiquement ce qui est tout autre chose qu’une position de circonstance, ou un attachement au passé.

Après l’habituel billet sémantique, qui nous permet de voir clair dans le sens des mots « prêtre » et « sacerdoce » et de comprendre la raison de ce double vocabulaire, on attachera une importance particulière à l’article consacré à l’École française, qui ne se veut pas seulement un point d’histoire des idées, mais qui formule ce qui est peut-être le fond de toute l’affaire, en posant la question : le prêtre remplit-il seulement une fonction ou est-il intérieurement transformé par la grâce de l’ordination ?

Vient ensuite un article qui montre en quel sens le prêtre peut être vu comme l’« instrument conjoint » du Christ pour agir dans le monde : en envisageant la célébration de la messe bien au-delà du seul moment où le prêtre consacre les espèces in persona Christi, l’auteur veut nous faire sentir cette intime collaboration du Sauveur avec celui qui lui prête son corps, son cœur et toute sa vie.

Un point sensible reste la place du prêtre dans une communauté qui a pris plus clairement conscience de sa dimension sacerdotale depuis le Concile Vatican II. En quel sens le prêtre doit-il rester un « séparé » ? En quel sens doit-il être le « père », le « berger » ? Toutes ces questions sont abordées franchement et reliées au cœur de la problématique de ce numéro.

Un excursus en direction du cinéma ne sera pas inutile, car, si les images vues à l’écran peuvent conforter les stéréotypes concernant le prêtre, elles peuvent aussi dans certains cas les faire voler en éclats et aider à pénétrer dans l’aventure intérieure qu’est le sacerdoce catholique.

Enfin un plan de travail, résultant du programme de préparation du Pèlerinage à Vézelay 2010, permettra de camper rapidement un aspect important du sujet : le prêtre est celui qui maintient béante dans ce monde la provocation eschatologique, la brèche ouverte par le Christ, c’est pourquoi la contradiction le vise particulièrement.

Ce numéro aurait mérité d’autres développements, notamment bibliques. Peut-être d’autres occasions nous seront-elles fournies pour le faire.

Réalisation : spyrit.net