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Éditorial

Résurrection

La figure de Maxime Charles, bien souvent évoquée dans la revue Résurrection, présente de multiples facettes dont certaines n’ont été explorées que récemment. A l’occasion de la thèse de Michel Emmanuel « Devenir prêtre dans l’entre-deux-guerres : les années de formation de Mgr Maxime Charles » soutenue en décembre 2011, Résurrection propose une nouvelle évocation de son fondateur. A travers certains aspects de ses années de séminariste et de jeune prêtre, les articles de ce numéro permettent d’identifier les lignes directrices de la pensée et de l’action de Mgr Charles, qui ont inspiré les mouvements qu’il a fondés par la suite, que ce soit au centre Richelieu ou à la basilique de Montmartre, ainsi que la revue Résurrection qui lui rend aujourd’hui un nouvel hommage.

Le numéro s’ouvre sur l’article de Michel Emmanuel sur « l’énigme Charles », qui rappelle les principales étapes de l’enfance et de la jeunesse du fondateur de Résurrection, où se dessine la personnalité singulière d’un jeune homme brûlant du désir d’évangéliser, comme en témoigne son action à Malakoff, paroisse ouvrière et communiste, sur la base d’une très solide assise théologique, la formation des cadres étant déjà une priorité à ses yeux. Son zèle missionnaire ne faiblira point par la suite, au prix d’une certaine singularité, voire d’une marginalisation, d’un prêtre qui ne peut se contenter d’une « mystique de l’enfouissement » en vogue dans l’Église de France durant la deuxième moitié du XXe siècle. La raison de cette remarquable fidélité à cette vocation missionnaire réside cependant avant tout dans un amour intense et radical pour le Christ, comme en témoignent ses écrits précédant son ordination.

On ne saurait poursuivre cette évocation de Maxime Charles sans évoquer son grand inspirateur, le cardinal de Bérulle, fondateur de l’Oratoire en France et initiateur de l’École française de spiritualité. L’article du P. Gitton rappelle en quoi la pensée et la piété de Bérulle, associées à un sens élevé de la dignité sacerdotale et de ses degrés hiérarchiques, ont été trop rapidement oubliées, voire rejetées, par les tenants de ma modernité théologique de l’après-guerre. Et pourtant, cet « Apôtre du Verbe incarné » qu’était Bérulle a magistralement montré, en prenant pour modèle l’humanité du Christ, comment notre propre humanité était transformée par l’Incarnation du Verbe, non pas tant par la gloire que l’homme est appelé à partager avec le Christ que par cette dépossession de soi, cette consécration totale à Dieu que Jésus a assumée durant sa vie terrestre. Et c’est en suivant cette pensée si originale sur l’Incarnation, associée à un sens aigu du caractère sacré du sacerdoce, que Maxime Charles a su répondre à sa vocation de prêtre et d’évangélisateur.

L’historiographie de Mgr Charles, évoquée dans l’article de Donatien du Thuyt, s’est nettement étoffée ces dernières années avec au moins deux thèses et plusieurs articles dans la revue Résurrection et quelques autres périodiques. De ce rapide panorama biographique, où transparaît chez Mgr Charles un mode de transmission essentiellement oral, se dégagent quelques lignes de force : la vision de la Révélation comme un événement, mieux encore, une personne, Jésus-Christ, avant d’être un ensemble de notions discursives ; une expression claire, excluant le jargon et la pédanterie, sachant exprimer dans un langage compréhensible toutes les nuances de la théologie ; et enfin un attachement indéfectible à l’enseignement de l’Eglise, sur la base d’une doctrine crue « toujours et partout », qui ne se laisse pas ébranler par la question des sources historiques.

Enfin, le texte inédit « Ite et vos  » est un extrait d’un cahier que Maxime Charles, encore séminariste, rédigea en 1933 suite à une expérience originale de pèlerinage missionnaire en France avec quelques amis séminaristes. Le récit de la vie quotidienne de ce petit groupe au jour le jour, de ses activités d’évangélisation et de sa vie spirituelle est assorti de considérations plus fondamentales concernant la vie sacerdotale et surtout, la recherche inlassable d’un équilibre bien compris entre le corps et l’esprit, le visible et l’invisible, notamment au sein de la liturgie. Cette piété « qui s’adresse aux sens », qui fuit l’abstraction desséchante et qui ne craint pas de se montrer, se veut avant tout manifestation visible et vivante d’une vie intérieure qui brûle de communiquer à autrui l’expérience unique de la rencontre avec Jésus-Christ. Piété enracinée dans une formation intellectuelle solide, et qui, loin de niveler les individualités, cherche à en valoriser le caractère singulier, à encourager la responsabilité, au sein d’une vie communautaire bien comprise « sans conformisme, sans uniformité ». Dans ces quelques pages se dessine déjà la figure de l’abbé Charles tels qu’on le connaîtra dans ses missions ultérieures. De sa première paroisse à Malakoff jusqu’à la basilique de Montmartre, il se montera, selon le mot célèbre du cardinal Daniélou, « l’homme d’action le plus théologien et le théologien le plus homme d’action ».

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