Rechercher

Histoire et Esprit. L’intelligence de l’Écriture d’après Origène. Présentation de Michel Fédou.

Cerf, 2002, 649 p.
C.B.

Les éditions du Cerf se sont lancées, sous la direction de G. Chantraine et M. Sales, dans un vaste projet d’édition des Œuvres Complètes, devant intégrer à terme tous les textes publiés par le P. de Lubac lui-même ainsi que douze volumes de correspondance et quelques inédits. Cette entreprise veut faire sentir toute l’ampleur et la portée de cette pensée sur la théologie du vingtième siècle. Histoire et Esprit est le 5e volume publié.

L’ouvrage, qui date de 1950, constituait une première étape dans l’histoire de l’exégèse des 4 sens poursuivie ensuite dans Exégèse médiévale. Le P. de Lubac y fait d’abord œuvre d’historien. Il nous propose une lecture minutieuse d’Origène chargée de restituer la vérité du texte et de nous faire comprendre une logique à première vue si différente de la nôtre. Il s’agit donc aussi de lever des malentendus et de répondre à des accusations fondées, selon le P. de Lubac, sur des contresens. Le cœur du débat concerne la signification exacte à attribuer à « l’allégorie » dans ce système exégétique. Origène n’aurait-il pas perverti l’exégèse chrétienne par son goût du sens spirituel et symbolique ? N’aurait-il pas transposé une méthode utilisée pour donner un sens philosophique et moral aux mythes de l’Antiquité gréco-latine ? Pire encore, cette « spiritualisation » de la Bible ne témoigne-t-elle pas d’une mystique essentiellement néo-platonicienne ?

La démonstration du P. de Lubac est, on le sait, magistrale. Origène ne remet jamais en cause le sens historique de la Bible : Dieu s’est révélé à travers des événements, des réalités situées dans le temps. Mais son exégèse vise à montrer comment chacune de ces réalités a une portée pour toute l’humanité ; elle se porte directement vers le sens de cette histoire. Dieu ne cesse en effet de renouveler sa Pâque dans l’âme du chrétien. « Tout ce qui est rapporté de Jésus […] n’a pas eu lieu seulement au temps marqué mais opère en nous aujourd’hui encore » (homélie sur l’évangile selon saint Luc, citée p.210). La présentation du P. de Lubac mesure la portée de chaque terme, multiplie les exemples pour reconstituer la cohérence d’une telle interprétation. On découvre que le commentaire scripturaire vient appuyer une synthèse dogmatique fondamentale : chaque phrase de l’Écriture renvoie en effet à la présence vivifiante de l’Esprit qui l’inspire et du Logos qui s’exprime à travers elle. L’accès aux « mystères » voilés par la lettre n’est autre qu’une conversion à cette nouveauté du Verbe incorporé en quelque sorte dans les Écritures. C’est là la différence chrétienne dans l’ordre de l’interprétation : « Jésus-Christ ne vient donc pas montrer le sens profond des Écritures […] il vient, proprement, le créer, par un acte de sa toute-puissance » (p.271). Cette lecture spirituelle laisse ainsi deviner, dans ses imperfections mêmes, la Parole qui transcende toutes les paroles.

Réalisation : spyrit.net