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Jérôme, Les hommes illustres.

éd. JP Migne, Paris, 2010, coll. Les Pères dans la foi, n° 100, 220pp.
P. Michel Gitton

De Bethléem où il s’est retiré pour vivre dans le silence et la prière, saint Jérôme mène un travail forcené de traducteur, d’exégète, de polémiste, d’épistolier. A la suite d’Origène, qu’il a longtemps admiré avant de s’en déclarer l’adversaire, à la suite d’Eusèbe de Césarée qui a écrit un Onomasticon, recensant tous les noms de lieux de la Bible, et des Chroniques que Jérôme lui-même a traduites et prolongées, il souhaite doter le public cultivé d’ouvrages de référence, pour donner aux lettres chrétiennes leurs titres de noblesse. Nous sommes dans les dernières années du IVe siècle, en un moment où le christianisme commence à donner le ton à toute la société et où le paganisme longtemps dominant se voit réduit à disparaître.

C’est ainsi que l’ermite de Bethléem entreprend de rédiger son De Viris illustribus, qui tient à la fois du catalogue de bibliothèque et du dictionnaire biographique. Il s’agit, en 135 notices, de présenter tous les auteurs chrétiens de quelque notoriété entre saint Pierre et Jérôme lui-même. Seuls trois non-chrétiens y sont admis, eu égard à leurs liens avec le développement de la pensée chrétienne : Philon d’Alexandrie, Sénèque et Flavius Josèphe. On remarque d’étranges omissions : Augustin est oublié, ainsi que Rufin d’Aquilée et Evagre le Pontique, alors que Jérôme a eu affaire à eux. Certaines notices sont très courtes, juste quelques lignes, d’autres atteignent plusieurs pages (Ignace d’Antioche, Origène, Jérôme bien sûr). Les Grecs y sont les plus nombreux, mais les Latins forment un bon contingent. Les auteurs écrivant en syriaque sont à peine cités (Bardesane et Ephrem sont seuls à figurer), comme cela sera souvent la règle par la suite, prouvant que le monde oriental évolue de plus en plus à l’écart de l’Église impériale.

L’ouvrage garde son utilité et nous fait connaître bien des personnages curieux et des ouvrages perdus depuis l’antiquité. On se prend à rêver que telle bibliothèque du Caucase ou des Balkans nous restitue un jour l’Exposition des paroles du Seigneur de Papias ou les Actes de l’Église d’Hégésippe, nous fournissant ainsi les premiers jalons de histoire de l’Église.

La traduction, les notes et les commentaires abondants et généralement bien venus sont de Delphine Viellard, chargée de cours à l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand.

P. Michel Gitton, ordonné prêtre en 1974, membre de la communauté apostolique Aïn Karem.

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