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L’apport de la Septante aux études sur l’Antiquité

dir. J. Joosten et Ph. Le Moigne, Éditions du Cerf, Paris, 2005 (314 p.)
M. Aussedat

Cet ouvrage rassemble les différentes communications prononcées par des spécialistes de la Septante, lors d’un colloque organisé par le Groupe de Recherches sur la Septante, de la Faculté de théologie protestante à Strasbourg, les 8 et 9 novembre 2002.

L’objectif de ce colloque était de mettre en valeur le fait que l’étude de la Bible grecque ou Septante (LXX), première traduction de la Bible hébraïque, est au carrefour de plusieurs disciplines :

  • l’histoire du texte biblique, puisque la LXX donne souvent accès à un texte hébreu plus ancien que le texte massorétique (TM), fixé entre le VIe et le Xe siècle de notre ère par des érudits juifs appelés les Massorètes et conservé jusqu’à aujourd’hui. La LXX a eu un impact considérable sur les livres du Nouveau Testament et est restée la référence scripturaire pour les chrétiens, jusqu’à ce qu’elle soit remplacée, dans l’Église catholique, par la traduction latine de Saint Jérôme (la Vulgate), qui revient au Ve siècle pour une part à l’hébreu.
  • l’histoire des religions, car elle est la première traduction connue d’un long texte sacré.
  • l’histoire du judaïsme, parce qu’elle est un témoignage de la piété et de la théologie juives de la diaspora aux IIIe et IIe siècles avant Jésus-Christ.
  • la philologie grecque, puisqu’elle constitue, pour les philologues, une source importante du grec de la période hellénistique (la koiné).

L’ouvrage est ainsi divisé en quatre parties thématiques. La première concerne les aspects linguistiques de la Septante. L’une des questions essentielles posées par les auteurs est la suivante : est-ce une œuvre littéraire dont la langue est un témoin important du grec écrit et parlé juste avant l’ère chrétienne, ou bien une traduction qui tente de refléter l’original hébreu le plus fidèlement possible ? Les auteurs invitent à répondre de manière nuancée en considérant que la LXX est un peu des deux à la fois.

La deuxième partie est consacrée à la technique de traduction et au style de la version grecque ; sont analysées quelques modifications textuelles mini-males dans le texte d’Isaïe, qui permettent au traducteur de donner une image un peu plus optimiste de Dieu et d’insister sur l’amour du Créateur envers son peuple. Ensuite est étudié le procédé de la transcription phonétique appliquée pour conserver en grec quelques indices phonétiques du texte hébraïque. Une dernière inter-vention insiste sur le souci du traducteur des Juges d’offrir un texte doté de sens, qui puisse être lu et compris par les lecteurs hellénistiques ; elle signale aussi que la scène de divertissement du chapitre 16 est transformée par la traduction en une scène de moquerie, de telle sorte que le héros Samson est dépeint comme la victime des Philistins.

La troisième partie concerne la critique textuelle et l’histoire du texte biblique. Les interventions mettent ici en valeur les différentes recensions des livres bibliques. La version grecque de Jérémie permet de résoudre quelques problèmes de datation des oracles ; de même l’histoire du texte scripturaire et des versions grecques présente pour Daniel l’intérêt d’éclairer le processus de composition du recueil, en particulier l’incor-poration tardive des chapitres 5-6, ainsi que l’historicisation de ce recueil, avec l’ajout des noms des rois ; enfin, on montre comment les différents états rédactionnels d’Aggée doivent être perçus comme autant de traces anciennes du développement littéraire du texte hébreu.

La dernière partie est consacrée à la réception de la Bible grecque dans le judaïsme et le christianisme anciens à travers trois contributions, sur la prière de Manassé – une fantaisie linguistique pour chanter la miséricorde de Dieu –, sur l’interprétation patristique de quelques mots hébraïques de la LXX , et sur le Psautier, dont il nous est offert une rapide synthèse de l’histoire de la réception.

Cet ouvrage, destiné davantage à des spécialistes qu’au grand public, permet d’avoir un riche aperçu sur les différentes disciplines dont l’ancienne version grecque de la Bible nécessite la mise en œuvre, ainsi que sur les lumières qu’elle leur apporte dans les domaines suivants : linguistique, stylistique, critique textuelle, réception du texte.

Réalisation : spyrit.net