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La Bible et les Pères (Philippe Henne)

coll. « Initiation aux Pères de l’Église », Paris, Cerf, 2010.
Jean Lédion

Cet ouvrage est sous-titré : « Parcours historique de l’utilisation des Écritures dans les premiers siècles de l’Église ». On s’attend donc à une contribution à l’étude des écrits marquants des Pères des premiers siècles. Or cet aspect est quelque peu occulté par le fait que l’auteur a plutôt procédé à la rédaction de courtes (voire très courtes) notices sur une trentaine de Pères de l’Église, allant de saint Clément de Rome et du pseudo-Barnabé jusqu’à saint Bernard de Clairvaux, ce qui porte quand même sur un parcours de 1000 ans ! Le lecteur ne doit donc pas s’attendre à une étude détaillée.

Le mérite de ce parcours, c’est de suivre assez rapidement la manière dont les Pères ont œuvré pour répondre aux problèmes posés, à leurs époques respectives, dans le domaine de la défense de la foi orthodoxe comme dans celui de la morale publique ou privée. On remarquera surtout les chapitres les plus étoffés, consacrés notamment à saint Hilaire de Poitiers, à saint Grégoire le Grand et à saint Jean Chrysostome. À noter également des notices sur des Pères moins connus, comme Diodore de Tarse, Didyme l’Aveugle, ainsi que l’énigmatique « Ambrosiaster ». En revanche, on peut être surpris par l’absence d’auteurs chrétiens parmi les plus marquants de l’époque patristique. Nulle trace de saint Cyprien de Carthage, en ce qui concerne les Pères latins ; de même aucune notice sur Maxime le Confesseur, pour ce qui est des Pères grecs…

On regrettera aussi le peu d’importance accordée à des Pères aussi importants pour la théologie postérieure que saint Augustin ou saint Grégoire de Nysse. Pour le premier, dont chacun sait que les conditions de sa conversion vont avoir un effet indélébile sur sa vie et son œuvre théologique et exégétique, l’auteur oublie de signaler que cette conversion n’est pas une conversion « ordinaire », mais une conversion à la vie monastique. C’est pourquoi la notice sur Augustin aurait pu être à sa place dans la septième partie du livre intitulée : « La tradition monastique ». De même on est surpris, en lisant le chapitre consacré à Grégoire de Nysse, de n’y voir (comme dans la bibliographie) aucune allusion aux Homélies sur le Cantique des cantiques, dans lesquelles la pensée de Grégoire s’exprime avec une expression synthétique qui approfondit les grands thèmes développés dans ses œuvres antérieures.

Quoi qu’il en soit de ces regrets, cet ouvrage peut intéresser les lecteurs soucieux de mieux connaître les écrits de nos Pères dans la foi, car ce n’est que pas à pas qu’on peut entrer dans l’intelligence de leur pensée, et, dans ce domaine, toute contribution est la bienvenue. Mais il ne faut pas oublier que, en définitive, ce qui est important, c’est de passer à la lecture des auteurs eux-mêmes. D’où l’intérêt de la bibliographie (pp. 253-269), accessible en français, qui est proposée au lecteur.

Jean Lédion, marié, trois enfants. Diplôme d’ingénieur, docteur d’État ès Sciences Physiques. Enseignant dans une école d’ingénieurs à Paris.

Réalisation : spyrit.net