"La Bible : le code secret" : danger !
Nous avons lu le récent livre de Michael Drosnin, journaliste américain, publié aux éditions Robert Laffont et intitulé La Bible : Le Code Secret ( édition française publiée en mai 1997, réédité en livre de poche).
Dans ce livre, M. Drosnin expose la découverte des chercheurs qu’il a rencontrés : il y a plus d’une quinzaine d’années, des savants israéliens ont introduit dans l’ordinateur la Bible en hébreu (à peu de livres près, notre Ancien Testament). Ils en ont retiré espaces, ponctuations, annotations, numéros de chapitres et de versets, titres etc ... Il reste le texte à l’état brut, celui que Moïse, les prophètes, et les scribes ont, selon la Tradition, reçu de Dieu et retransmis aux générations futures, parfois à partir d’une véritable révélation, parfois simplement inspirés.
Avec des ordinateurs hyper-puissants, des algorithmes [3] appropriés et l’inspiration du Rabbin tchèque Weissmandel, l’un des précurseurs de ces découvertes [4], ces savants ont cherché des mots, des expressions ou des phrases en hébreu, dans cette « Bible brute », par progressions arithmétiques (pour parler en langage mathématique) ou plus simplement par « sauts de lettres » ; c’est-à-dire, en sautant systématiquement un certain nombre (toujours fixe) de lettres ou (ce qui revient au même) en prenant toutes les lettres multiples d’un même nombre.
L’exemple classique, qui a d’ailleurs été découvert par Rav Weissmandel, lui-même est le suivant :
Si on prend le premier Tav (), ou « T » dans le livre de la Genèse et que l’on saute 3 fois de suite 50 lettres, on a :
soit : T O Ra H
L’alphabet hébreu ne contenant pas de voyelle, les vocalisations sont inscrites sur les lettres, à côté ou en dessous : c’est en reconnaissant TWRH que l’hébraïsant y voit TORaH.
Ainsi, on lit par saut de lettre : Torah, c’est-à-dire la Loi de Dieu. On trouve ce même phénomène dans le livre de l’Exode, des Nombres et du Deutéronome. Ces 4 livres de Moïse sont en effet structurés par l’attente et par la réception de la Loi (cinquante). En revanche, dans le Lévitique, on trouve avec un saut de lettre de 26 (le chiffre de YaHWHé), le nom de AARON, le Grand-Prêtre de l’ordre de Lévi. En effet le Lévitique est structuré par l’institution, l’exercice et les modalités du sacerdoce juif.
Les savants ont constaté que, souvent, l’ordinateur trouvait des dizaines, voire des centaines d’occurrences [5] de certains mots-clés. L’ordinateur affiche alors un « tableau » composé des lettres de la Bible agencées à la suite, dans l’ordre où elles se trouvent sur le texte papier. La largeur de ce tableau correspond au saut de lettres ayant permis de trouver le mot-clé [6] à tel ou tel endroit des écritures.
Le tableau ainsi affiché fait bien évidemment apparaître le mot-clé recherché en verticale de façon très lisible. Mais ce qui est beaucoup plus surprenant, c’est que le tableau fait également apparaître d’autres mots, phrases ou expressions, qu’on appelle mots-satellites. C’est en établissant le lien sémantique et syntaxique entre le mot-clé et les mots-satellites s’y rapportant que l’identification d’événements historiques, de découvertes scientifiques, de créations littéraires ou artistiques dans le passé est possible. C’est parce que l’hébreu est une langue vivante, qu’on peut même lire des mots qui n’existaient pas à l’époque de Moïse mais qui sont cependant reconnaissables dans les tableaux par n’importe quel hébraïsant. Par exemple, américain se dit « Americani », SIDA, « AIDS », électronique, « Electroni », etc ...
L’un des exemples que donnent les savants juifs est très parlant : on recherche « diabète » en hébreu avec l’ordinateur. La machine affiche un premier tableau qui « démarre en position 64930 » ( c’est à dire, dont le premier caractère est le 64930eme de la Torah, ce qui se trouve vers la fin du livre de la Genèse. Le tableau a une largeur de 312 caractères. On y trouve :
D (+312) I (+312) A (+312) B (+312) E (+312) T (+312) E (+312)
Autour du mot-clé, s’affiche en verticale le mot « SheM MHLH » qui veut dire « Nom de la Maladie », en hébreu.
Plus loin, en position 67088 avec un saut de 7 lettres, soit un tableau de 7 lettres de largeur, apparaissent en diagonale, les 2 mots-satellites suivants : « DIABÈTE » et « DESCRIPTION ».
Et plus loin encore : « LA MALADIE », « DESCRIPTION DE LA MALADIE » (symptômes), en verticale.
Enfin, un troisième tableau de 113 lettres de large en position 66814 (toujours dans le dernier quart de la Genèse) affiche le mot-clé « DIABÈTE » avec cette fois-ci les deux mots-satellites :
« NOM DU REMÈDE » et « INSULINE »... !!!
Les savants israéliens ont également découvert de nombreux tableaux concernant le cancer, la tuberculose, le SIDA, la structure de l’ADN, la structure de l’atome, etc...
En outre, par cette méthode, les noms de tous les grands rabbins juifs du Moyen-Age apparaissent avec leur date de naissance et le nom de la ville où ils ont enseigné. D’autres informations importantes enfin, sont données sur la Révolution Française, l’affaire Dreyfus, l’assassinat du président Sadate, le processus de paix au Moyen-Orient, l’élection et le ministère du Pape Jean-Paul II :
Par exemple, dans le livre de la Genèse au chapitre 6, à partir du verset 13 où Dieu dit à Noé, en préparation du déluge, « De tout ce qui vit, de tout ce qui est chair tu feras entrer dans l’arche deux de chaque espèce » (trad. Bible de Jérusalem) on lit avec le mot-clé « Karol Wojtyla », les mots-satellites suivants « Évêque de Cracovie », « Élu Pape », la date de son élection, « Redemptor Hominis » (sa première encyclique) et bien d’autres informations concernant son pontificat et son enseignement.
De semblables investigations ont également été menées avec l’ordinateur, dans leurs langues respectives, sur des textes aussi différents que Guerre et Paix de Tolstoï, Le Coran, Le Talmud, l’œuvre de Shakespeare (et même sur l’annuaire téléphonique de New York, sans que cela ait donné le moindre phénomène de ce genre : les phénomènes alphanumériques à ces degrés de probabilité et avec de tels enjeux n’existent que dans la Bible, Ancien et Nouveau Testament, comme le montrent les calculs de probabilité réalisés par les algorithmes israéliens. Ceci fait maintenant dire à de nombreux scientifiques, jusqu’alors agnostiques :
En somme, une découverte authentique , confortée par les sciences statistiques avec un enjeu considérable, puisque d’après l’un des grand rabbins de l’histoire du Judaïsme, tout est contenu dans la Torah, la Parole vivante de Dieu, tout l’univers et son histoire, ... soit explicitement, soit par mode de symbole, soit par prophétie soit encore par code caché ...
Premièrement, de nombreuses informations données dans cet ouvrage sont incontrôlables, puisque les lecteurs, pour la plupart, ne possèdent pas le logiciel qui permet de les contrôler et les outils statistiques qui permettent d’en vérifier la pertinence [7]. Il est très probable qu’aucun des nouveaux tableaux [8] reproduits par M. Drosnin (mis à part ceux déjà publiés par Doron Witztum et Eliyahu Rips [9]) n’ont été validés scientifiquement. Il ne suffit pas de repérer un phénomène ; encore faut-il vérifier s’il est statistiquement probant.
Deuxièmement, ce qui est encore plus grave, l’auteur affirme pouvoir, à partir de la Torah [10] et du logiciel israélien commercialisé depuis quelques années [11], prédire des événements (pour la plupart tragiques) à partir de connexions de mots-clés hébreux relatifs, dans un même passage, à certaines dates, certains lieux et certains personnages connus.
D’un point de vue épistémologique [12], ces prédictions sont complètement invalides. En effet, l’ordinateur ne peut afficher un tableau de mots-satellites [13] autour d’un mot-clé principal, que si l’utilisateur du logiciel lui donne à l’avance ces mots à rechercher dans le texte. Or ces mots-satellites sont précisément ceux dont la relation sémantique par rapport au mot-clé (donc au thème historique en question) n’est donnée à l’utilisateur qu’une fois l’événement terminé et interprétable.
Autrement dit, le "capital de connaissance" indispensable à l’homme pour faire fonctionner le logiciel sur des bases historiques n’est acquis qu’après le déroulement de l’événement.
Donc l’interprétation certaine d’événements ou de découvertes à venir est strictement impossible : le passé et le présent peuvent être sondés, mais pas l’avenir !!!
Prenons un exemple purement fictif :
Admettons que vous ayez cherché il y a une dizaine d’années dans la Torah, l’expression « Prince Charles » (ce sera le mot-clé). Les mots-satellites suivants auraient très bien pu apparaître dans un tableau :
« 1998 » ; « Diana Spencer » ; « Reine d’Angleterre » ; « Londres » ; « Couronnement ».
L’interprétation audacieuse de la succession au trône par le Prince Charles et Lady Diana Spencer en 1998 est très séduisante, si ce n’est qu’en 1997, à l’heure où nous écrivons, le Prince Charles est déjà divorcé et que Lady Diana (avec tout le respect que nous lui portons) est tragiquement décédée. [14]
Cette « lecture » faite en 1988, n’aurait pas vu qu’une expression-satellite supplémentaire se situait un peu plus bas dans le même tableau : « Ils ne succéderont pas ». Cette expression-satellite était difficile à lire, puisque décalée par rapport aux autres mots et en diagonale [15].
Troisièmement , l’Esprit de Dieu (la Rouah Qadosh des juifs ) qui a révélé la Torah, a mis dans cette Torah ainsi que dans les livres prophétiques de l’Ancien Testament [16] et du Nouveau, des interdictions formelles concernant la prédiction de l’avenir, autrement dit la divination. Voici les références des textes où le Seigneur met l’homme en garde contre de telles pratiques : [17]
Lévitique 20, 27 - Nombres 22, 7 - Deutéronome 18, 9-14 - 1 Samuel 15, 23 - 2 Chroniques 33, 6 - Isaïe 8, 19 - Jérémie 2, 7-8 - Ezéchiel 13, 6 et 13, 23 - Michée 3, 11 - Actes des Apôtres 16, 16.
Jésus a été tenté par le satan dans le désert. Le démon s’est servi des Écritures Saintes pour tenter de faire chuter le Fils de l’Homme. Ils sont donc à plaindre, ceux qui utilisent la Parole de Dieu pour détourner le peuple de la voie humble du salut et le faire sombrer dans ces « divinations pernicieuses ».
Enfin, saint Paul dit : « [Dieu] nous a rendus capables d’être serviteurs d’une nouvelle Alliance, non de la lettre, mais de l’esprit ; car la lettre tue, mais l’esprit fait vivre » [18]. La Torah vue par l’ordinateur n’est guère qu’une suite morte de 304 805 caractères [19]. C’est la Foi dans le Mystère Révélé qui permet de recevoir Vie de cette Écriture.
Michael Drosnin, par son livre à sensation (publié chez un éditeur par ailleurs très connu pour ses publications ésotérico-occultes) a jeté le trouble chez beaucoup de chrétiens et de juifs. Il a coupé l’Écriture Sainte de son essence historique [20], prophétique, morale et mystique.
Les équipes de recherche juives, protestantes et catholiques travaillent sur l’intelligence et l’unité de la lettre, inspirée et habitée par l’Esprit Saint. Nous-mêmes faisons ces recherches en vue de servir la Parole de Dieu. Parmi les chercheurs armés des outils et du logiciel capables de travailler sur le texte original de la Torah, on peut donc légitimement se demander si une déontologie ne doit pas être explicitée et appliquée. Distinguer les approches gnostiques [21], ésotériques ou divinatoires, de l’approche rigoureusement théologique, qui revient à pratiquer dans un premier temps une exégèse littérale respectueuse de l’intention de l’auteur sacré du texte, devient indispensable et urgent.
Il faut expliquer aux lecteurs du livre de Michael Drosnin que l’approche judéo-chrétienne de ce travail de recherche implique la Foi et le respect de la Loi Divine : elle ne s’appuie en aucun cas sur la Kabbale [22] magique qui rejette la méthode interprétative de la Loi de Moïse contenue dans les Traditions juives et chrétiennes. Elle n’est pas un chapitre à rajouter à la gnose ésotérique qui recherche la connaissance à caractère occulte ou initiatique. Elle est tout intérieure à l’étude de la Révélation objective, à la lumière de la Tradition, du Magistère et de la Foi. Notre approche a donc pour but de dégager les enseignements révélés en exégèse littérale, grâce à la rapidité des instruments informatiques de lecture, d’écriture et de calcul.
En résumé, Drosnin travaille sur la lettre seule, vide et morte. Il ne sert pas la Parole... Il s’en sert à des fins millénaristes [23] et mercantiles. Merci à tous ceux qui, au contraire, sont fidèles à l’esprit profond du judéo-christianisme et poursuivent ces recherches informatiques sur la Bible avec humilité et amour de Dieu.
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