La fin du monde. Homélies eschatologiques. (Jacques de Saroug)

On sait que la collection des Pères dans la foi se propose de rendre accessible dans l’aire francophone les chefs d’œuvre de la littérature patristique trop longtemps méconnus. Avec ce titre, le dépaysement est garanti, puisque cet auteur syriaque du VIe siècle, monophysite de surcroît, nous fait sortir du monde gréco-romain et découvrir tout un pan de la pensée chrétienne, élaboré dans le monde mésopotamien en langue sémitique. L’auteur, Jacques, devenu à la fin de sa vie évêque de Saroug, est un maître, parmi les plus grands, et on est conquis, à la lecture de ces huit homélies en vers (un genre propre à la littérature syriaque), par la vigueur et l’ampleur de sa pensée : la forme constamment lyrique, mais d’un lyrisme tout nourri de la Bible, est au service d’une réflexion exigeante, qui aborde par d’innombrables biais le mystère de la fin des temps ; loin de se complaire dans la seule description des bouleversements cosmiques, l’auteur cherche à éclairer des thèmes aussi essentiels que celui des signes annonciateurs, de la nature du jugement, de la possibilité de la résurrection de la chair, etc…

C‘est tout un panorama de la doctrine chrétienne des fins dernières qui est ainsi proposé, de façon non systématique, mais finalement très cohérente. Ce qui domine est une pensée du temps, fascinée par le rythme frénétique du devenir humain, car si, dans la ligne du Qohélet, on souligne la vanité des plaisirs d’aujourd’hui, ce n’est jamais au profit d’une vision cyclique de l’histoire : l’histoire a un terme qui entraîne tout et l’entraîne de plus en plus vite. Le monde est « vieux » (VIe homélie, v. 52), il est devenu « ennuyeux », et cette vieillesse qui tourne à la décrépitude appelle un renouvellement complet, rapproché le plus souvent d’un enfantement. Le face-à-face de Jésus enfant et du vieillard Siméon aide à penser la manière dont le Sauveur peut renouveler un jour la vieillesse du monde. De quoi préparer chaque Avent et chaque Noël !