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"La guerre. Un évêque prend la parole" : Etude critique

Mgr Dubost, Mame/Plon, 2003
Jacques-Hubert Sautel

Que le lecteur nous permette de commencer par un aveu, qui pourrait sembler impertinent, mais que nous souhaiterions seulement honnête. L’ouvrage de Mgr Dubost que nous voulons étudier sous un angle critique, après la recension qui vient d’en être faite par J.-S. Règue, se présente à la fois comme une parole autorisée et une parole dite dans l’urgence. Après le titre, déjà significatif, la deuxième page de garde porte la mention : « Parole d’Église. Collection dirigée par le Secrétariat général de la Conférence des évêques de France », tandis que l’auteur commence la préface par ces mots : « Voici un livre écrit à la hâte » (p. 1).

La lecture critique que nous présentons est celle d’un croyant en Jésus-Christ, baptisé au sein de l’Église catholique, qui ne peut se réclamer d’aucun titre autre que le sacerdoce commun de son baptême, ni d’aucune délégation pastorale. Mais cette lecture n’a pas été faite à la hâte, puisque le livre recensé est paru au début de l’année 2003, a été lu peu après les premiers succès militaires de l’intervention en Irak et que la présente réflexion paraît au printemps 2005. Nous ne demanderons donc pas pour nous-même l’indulgence qu’on peut accorder à un écrit d’urgence, mais seulement le discernement de la vérité et de la charité, que nous nous essayons nous-même de vivre et d’opérer.

Richesses de l’ouvrage

Reconnaissons en premier lieu tout le bien qu’a pu et que peut faire un tel ouvrage, en diffusant l’enseignement de l’Église catholique en dehors du cercle si douloureusement étroit des pratiquants. Les textes du Concile de Vatican II, les interventions des derniers Papes y sont souvent cités : ainsi de nombreuses interventions sur le plan international ont été mentionnées dans la recension précédente. On peut ajouter certains documents peu connus, même parmi les habitués des messes dominicales : on pense notamment au texte du Conseil pontifical « Justice et Paix », publié en 1994 et intitulé Le commerce international des armes. Une réflexion éthique, document largement analysé dans le chapitre 11 du livre de Mgr Dubost. L’ensemble de ces textes chrétiens est confronté aux déclarations des responsables politiques et aux documents juridiques internationaux, comme la Charte des Nations Unies, les déclarations des responsables américains, etc. Il en ressort une mise en lumière de la doctrine chrétienne qui dans l’ensemble est instructive et nourrissante.

Au crédit de l’auteur, on doit porter aussi une réflexion qui nous semble originale et juste sur la mise en évidence d’un travail de pensée urgent à effectuer : celui qui concerne le « droit d’ingérence », c’est-à-dire la légitimité d’intervention dans les affaires d’un État, lorsque les principes humanitaires essentiels y sont bafoués [1]. Dans le chapitre 4, intitulé « Doit-on faire la guerre pour défendre les droits de l’homme ? », Mgr Dubost explique très clairement les données du problème : l’absence de texte juridique fondant une telle légitimité, notamment dans le droit international ; la difficulté de trouver le ton juste en raison des dérives possibles ; la perception par l’opinion publique internationale de la nécessité de telles interventions et de leur fondement éthique ; les interventions personnelles du Pape. On sent ici l’expérience d’un pasteur d’âmes, qui a longuement réfléchi sur des questions difficiles et fait part du fruit concret de ses réflexions, pour faire advenir le Royaume de Dieu [2].

Quelques grandes lignes sont ainsi tracées sur les pages que nous avons appréciées dans l’ouvrage, et nous ne pensons pas en avoir épuisé la richesse. Mais il serait peu honnête de ne pas signaler aussi ce qui nous a paru contestable et ce sur quoi le débat mérite d’être réouvert, nous semble-t-il, parmi les sujets abordés.

Présentations contestables du message de l’Église

Contestable nous semble être, à plusieurs reprises, la présentation du message de l’Église catholique. En effet, à côté des citations extrêmement utiles déjà mentionnées, parce qu’elles donnent directement accès à la pensée de l’Église, le lecteur quelque peu averti reconnaît dans d’autres pages l’inspiration de textes ecclésiaux qui ne sont pas cités, donc pas mis en valeur, et parfois même utilisés d’une façon qui prête le flanc à des interprétations peu flatteuses pour l’Église. Je m’explique en développant l’exemple le plus frappant. Dans l’article de J.-S. Règue (cf. supra), se trouve cité un passage significatif du livre de Mgr Dubost concernant la notion de « guerre juste », à laquelle l’auteur préfère celle de « légitime défense ». A lire ce texte (et l’ensemble du chapitre 2 d’où il est extrait), l’impression forte qui saisit le lecteur est que l’Église s’est trompée dans son analyse pendant vingt siècles, et qu’enfin avec l’aube du XXIème siècle, on voit surgir la façon de parler correcte, l’analyse juste et adéquate, non seulement avec une terminologie plus appropriée (légitime défense), mais encore avec une définition de cinq critères précis, qui servent de grille d’analyse pour qualifier une opération militaire. Il n’y a ici aucune référence à un texte ecclésial pour sous-tendre cette présentation quelque peu rapide et déformante.

Or, à la lecture d’un document romain assez largement diffusé, le Catéchisme de l’Église catholique (première édition parue en 1992), on trouve déjà précisément [3] cette transition sémantique de « guerre juste » à « légitime défense » ; sont énoncés aussi les cinq critères dont la réunion est nécessaire pour que l’expression soit employée. Les paragraphes 2308 et 2039 du Catéchisme sont d’une grande clarté, et contiennent tous les éléments développés par le chapitre 2 de l’ouvrage de Mgr Dubost, avec en plus le respect de la continuité de la tradition de l’Église, marqué notamment par la référence au texte conciliaire de Gaudium et spes. Une citation de cet ouvrage destiné à tout fidèle de l’Église catholique aurait donc été beaucoup plus profitable au lecteur, ou du moins une analyse précise de ces paragraphes, avec mention de leur référence. En écrivant ces lignes, nous ne voulons absolument pas suspecter l’auteur de notre livre de mépris de la tradition de l’Église dont il est un des pasteurs, mais souligner seulement combien la formulation de sa pensée peut induire ou conforter ce mépris, si répandu dans l’opinion publique, au moins celle de la grande presse.

Analyses conceptuelles insuffisantes

Allant plus avant dans notre essai de discernement, nous voudrions signaler que parfois notre auteur semble appuyer ses citations de l’Évangile sur des positions philosophiques a priori, qui risquent d’enlever tout crédit aux paroles citées. L’exemple le plus flagrant nous est apparu dès le premier chapitre « Peut-on expliquer la violence ? » A cette question, notre auteur répond clairement « non ». Citons, en complément des passages déjà analysés par J.-S. Règue, deux extraits de ce chapitre : « Au fond de moi, je doute, car je crois que savoir ce qu’il faut faire contre la violence, c’est percer le mystère de l’homme. C’est réduire l’homme à une analyse ou à une synthèse, au fond c’est oublier l’homme » (p. 15) ; « Le Christ n’a pas fait de déclaration sur la violence, il a vécu dans la vérité malgré la violence et en pardonnant même au violent (…) Le cœur de la violence ne consiste-t-il pas à vouloir enfermer dans des concepts trop précis, trop fermés, l’excès de sens de toute réalité ? Le cœur de la violence ne consiste-t-il pas, notamment en matière religieuse, à vouloir réduire Dieu — mais j’en dirais autant du mystère de l’homme — à des conceptions qui en réduisent la véritable grandeur ? » (p. 20-21).

Il nous semble que ces lignes, écrites dans une évidente recherche de la paix évangélique, manquent en partie leur but, parce qu’elles occultent une partie de l’Évangile. Mais si, le Christ a bien parlé de la violence ! J’en citerai trois exemples, dont les deux premiers sont donnés par Mgr Dubost lui-même (p. 20) : « Heureux les doux » (Mt 5, 4) ; « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive »(Mt 10, 34) ; « Depuis les jours de Jean-Baptiste jusqu’à présent, le Royaume de Dieu est assailli avec violence ; ce sont des violents qui l’arrachent » (Mt 11, 12) [4]. Ainsi, l’attitude de non-violence de Jésus, ordonnant à Simon-Pierre de remettre son glaive dans son fourreau et recollant l’oreille du serviteur du Grand Prêtre qu’il avait tranchée (Mt 26, 52), est en parfaite cohérence avec son enseignement. Car il y a bien un enseignement du Christ sur la violence : la violence est une perversion de la force par le péché (principalement haine ou lâcheté), et la lutte contre la violence est d’abord la légitime défense, ensuite le retournement complet de la Croix, qui est l’acceptation volontaire, par amour, de la violence injuste.

Il faut donc accepter le paradoxe que nos paroles soient à la fois inadéquates à décrire pleinement une réalité que seul le Christ vit pleinement, et nécessaires pour transmettre sa Bonne nouvelle. Si nous refusons cela, nous conférons à la violence, censée être une réalité « mystérieuse », un prestige qu’elle ne mérite pas ; le véritable mystère n’est pas celui de la nature de la violence, il est celui de la puissance de l’amour qui en Jésus, réduit à néant le mal, autrement dit Satan, à l’œuvre dans notre pratique de la violence. Ne mettons donc pas sur le même plan ces réalités troubles de l’être humain, que nous fait entrevoir la psychologie moderne, et le mystère de recréation que Dieu met en œuvre en Jésus, et qui nous libère de la violence aveugle, en nous permettant de retrouver, moyennant le combat spirituel, le sain usage de la force, au service de la création en voie de libération par l’Esprit saint. Pour conclure, il nous semble qu’il faut à la fois être prudents dans nos discours sur la violence, et audacieux, car sinon, nous occulterons tout un pan du message évangélique , en laissant croire qu’il y des réalités humaines que le Christ n’a pas osé envisager dans son enseignement ; on voit les risques ultimes d’une telle position : si le Christ s’est tenu à l’écart de ces pans de la réalité humaine, en n’osant pas en parler, cela reviendrait à dire qu’elles n’ont pas été assumées par la Rédemption. Ici encore, nous ne pensons absolument pas que ce soit l’intention de notre auteur, mais que c’est un risque possible de son discours, et trop grave pour ne pas devoir être signalé.

La question de l’islam

Dernier point de notre critique : la position que Mgr Dubost exprime sur l’attitude de l’islam face à la question de la guerre et de la paix nous paraît tout à fait contestable, dans la mesure où elle semble, à la lecture de l’ouvrage, la seule attitude représentative de l’islam dans le monde contemporain sur la question. Reprenons, de façon synthétique et simplifiée, les éléments mis en lumière par la recension de J.-S. Règue : il faut distinguer, en matière de violence autorisée la religion issue du Coran, donc en matière de djihad (guerre sainte), un djihad spirituel (majeur) et un djihad militaire (mineur). Le premier est principal dans le Coran, le second est secondaire et s’applique à des guerres de légitime défense ; il ne peut notamment viser à convertir par la force des non-musulmans ou des musulmans éloignés de l’orthodoxie. Une théorie d’éthique de la guerre a été développée en ce sens, dont les règles apparaissent très proches de l’éthique internationale contemporaine. Et le texte cité (« Point de violence en matière de religion, la vérité se distingue assez de l’erreur »), extrait de la sourate 2 (verset 257) du Coran, semble illustrer parfaitement cette vision d’un islam que nous serions tenté de qualifier d’exemplaire, porteur de paix et de vérité, en un mot, parfaitement compatible avec le christianisme, du moins dans cette perspective de morale publique.

Or une telle vision nous paraît malheureusement trop partielle pour pouvoir résumer l’essentiel de l’islam contemporain… Reconnaissons tout d’abord qu’elle existe et que Mgr Dubost a certainement rencontré des interlocuteurs musulmans qui la lui ont présentée ; signalons que c’est tout à l’honneur de notre pays et de l’Europe en général que de compter en son sein des hommes qui parlent ainsi de l’islam, et avec lesquels un dialogue islamo-chrétien est possible et certainement fructueux. Nous pensons notamment au recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, d’un ouvrage duquel [5] il cite un long passage (p. 125). Mais deux observations doivent nuancer un tel enthousiasme : d’abord le Coran ne contient pas que des textes semblables à celui cité, il contient aussi des textes justifiant le meurtre des non-musulmans, particulièrement des juifs et des chrétiens ; ensuite, il y a dans le monde quelques millions d’hommes qui se réclament de l’islam, et qui ne rejettent pas ces textes assassins, au lieu de suivre les textes pacifiques et humanistes, dont celui qui a été cité.

En effet, parmi les premières sourates du Coran, qui sont les plus récentes et les plus longues, la sourate 9 contient un grand nombre de versets sur les relations entre « fidèles » (musulmans) et « infidèles » : juifs, chrétiens, polythéistes, c’est-à-dire les groupes religieux qui formaient le contexte culturel de l’Arabie à l’époque où le « Prophète Mahomet » est né et a vécu. Nous notons ici deux versets consécutifs [6] :

Combattez ceux qui ne croient point en Allah ni au Dernier Jour, qui ne déclarent pas illicite ce qu’Allah et Son Apôtre ont déclaré illicite, qui ne pratiquent point la religion de Vérité, parmi ceux ayant reçu l’Ecriture ! Combattez-les, jusqu’à ce qu’ils paient la jizya (taxe), directement, et alors qu’ils soient humiliés. (v. 29)

Les Juifs ont dit : « Ozaïr est fils d’Allah ». Les Chrétiens ont dit : « Le Messie est fils d’Allah ». Tel est ce qu’ils disent, de leur bouche. Ils imitent le dire de ceux qui furent infidèles antérieurement. Qu’Allah les tue ! Combien ils s’écartent de la Vérité ! (v. 30)

Il convient de noter ici en passant la différence de ton avec l’Évangile :

Or, comme arrivait le temps où il devait être enlevé du monde, Jésus prit résolument la route de Jérusalem. Il envoya des messagers devant lui. Ceux-ci s’étant mis en route entrèrent dans un village des Samaritains pour préparer sa venue. Mais on ne l’accueillit pas, parce qu’il faisait route vers Jérusalem. Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous disions que le feu tombe du Ciel et les consume ? » Mais lui se retourna et les réprimanda. (Lc 52-55)

Il n’est donc pas exact de mettre sur le même plan Évangile et Coran, et de dire que les deux religions peuvent également engendrer le pire (les Croisades d’un côté, le terrorisme actuel de l’autre) et le meilleur (par exemple, le soutien de l’Église catholique à l’ONU, la contribution de la Ligue arabe à la paix au Proche-Orient). S’il est vrai que les deux religions portent en elles de grands germes de paix, ces germes se trouvent dans l’Évangile à un grand état de pureté et de perfection, qui ne nous semble pas pouvoir être comparé avec les contradictions internes des sourates coraniques.

Il convient maintenant de développer brièvement la seconde objection à cette présentation partielle de l’islam. Résumer la position des musulmans sur la question de la guerre aux positions pacifiques présentées par Mgr Dubost signifie en fait dénier la qualité de musulmans à tous ceux qui mettent en œuvre les interprétations belliqueuses du Coran et se réfèrent à des textes analogues à celui que nous avons cité. Même si nous pouvons comprendre et nous réjouir que des autorités musulmanes, en Occident ou au Proche-Orient souhaitent rejeter hors de l’ouma, la communauté des croyants, les terroristes qui se réclament de l’islam tout en prétendant le réformer et le diffuser, nous ne pouvons passer sous silence cet « islam fondamentaliste », et dire seulement qu’il est minoritaire, donc non représentatif.

Au contraire, nous devons prendre au sérieux la controverse interne à l’islam sur l’interprétation du Coran, notamment sur la question qui nous occupe, et ne pas penser qu’elle est déjà tranchée, que la position pacifique est déjà victorieuse : l’actualité de la situation en Irak, plus de deux ans après l’intervention américaine, montre qu’il n’en est hélas rien. Reste à réfléchir sur la contribution qui peut être la nôtre, en tant que chrétiens, à ce débat, dans la mesure où il est certes d’abord interne à l’islam, mais non imperméable à l’évolution des idées dans le monde. Bien sûr par la prière, puisque tout bien vient de Dieu ; ensuite par une réflexion approfondie sur les conditions de la paix et les liens qui l’unissent aux vertus et attitudes morales (la justice et le pardon) ; enfin par une collaboration interreligieuse, qui n’est pas qu’une action politique, mais aussi une œuvre de la charité. Ces différents éléments ont été développés dans l’admirable message de Jean-Paul II pour le 1er janvier 2002 [7], moins de trois mois après les attentats sanglants qui ont atteint les États-Unis. Nous voudrions esquisser brièvement une autre voie, particulière, mais qui nous semble avoir sa pertinence.

En effet, nous avons été frappé, à la lecture du texte cité par Mgr Dubost comme étant le « testament de Ben Laden » (p. 16), par son début. Paradoxalement, la première phrase nous semble en effet plutôt sympathique et en consonance profonde avec tout l’univers de la Bible : « La raison profonde du malheur de notre nation, c’est la peur de mourir pour Dieu. » Bien sûr, la suite du texte n’appelle pas la même adhésion, tout entière engluée dans des préjugés vis-à-vis des peuples. Mais fondamentalement, l’un des ressorts de l’action de ces terroristes est bien religieux : c’est le constat de l’immense immoralité et désespérance d’un monde occidental qui majoritairement ne croit plus en Dieu, et qui impose au reste du monde une manière de vivre sans référence transcendante, sans prière, sans gratuité, sans Providence, avec le principal règne de l’argent.

Toute la question est celle de l’attitude qui suit ce constat : l’attitude terroriste consiste à réagir à cet état de fait en voulant imposer par la violence et la terreur un ordre différent, tout en prétendant agir au nom de Dieu. C’est effectivement une perversion de la religion, dans ce qu’elle a de plus pur. Mais ce qu’elle a de plus pur n’est donné que par Jésus : c’est le don de sa vie, gratuit. Aussi le martyr [8], qui imite Jésus, en donnant sa vie pour les autres, n’est-il pas seulement différent du kamikaze, qui accepte de détruire sa vie en même temps que celle des autres. Il est la réponse de Dieu en Jésus au kamikaze, car il est celui qui seul détruit la violence en acceptant de livrer sa vie, il est, à la suite de Jésus, celui par qui meurt la mort [9]. Le martyre des moines de Tebeherine en Algérie est à cet égard exemplaire.

Dans cette perspective, nous ne devons pas oublier que des milliers de chrétiens risquent encore aujourd’hui leur vie pour le Christ, dans des pays musulmans ou en proie à d’autres idéologies (Chine, Corée du Nord, Vietnam, Colombie, pour ne prendre que les exemples les plus flagrants). La réponse chrétienne au terrorisme aveugle, islamiste ou non, passe par l’acceptation du martyre, comme fondateur de l’Église, selon l’ancien adage « sang des martyrs, semence de chrétiens » [10]. Que s’il ne nous est pas demandé en Occident pour l’instant d’aller jusqu’à cette forme ultime du témoignage, imitant le sacrifice même de Jésus-Christ, innocent mis à mort par des injustes, nous devons nous souvenir que notre baptême dans Sa mort et Sa résurrection nous conduit, en solidarité avec nos frères persécutés, sur des chemins de fidélité dont nous ignorons les étapes, sachant seulement dans la foi qu’ils nous permettront de partager un jour la royauté du Prince de la paix.

Jacques-Hubert Sautel, Né en 1954, oblat séculier de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Travaille au CNRS sur les manuscrits grecs (Institut de Recherche et d’Histoire des Textes).

[1] Plusieurs articles de ce numéro, notamment celui du P. Calvez, ont étudié cette question, vraiment centrale aujourd’hui.

[2] L’analyse de Mgr Dubost rejoint ici clairement celle de Mgr Patrick Le Gal, actuel Evêque aux Armées : pour appuyer la légitimation par la diplomatie vaticane de l’intervention américaine au Kosovo en 1999, on peut citer en effet le discours de Jean-Paul à Rome en nov. 2000, à l’occasion du Jubilé des militaires, où il est question d’« ingérence humanitaire » (cf. Mgr. P. Le Gal, « Chercher et construire la paix : l’Eglise au travail », dans Résurrection, n° 102-103, p. 9-16, notamment p. 12, n. 2).

[3] Voir l’article du Colonel Irénée Saint-Georges, « La Colombe et le Serpent », dans le même numéro de notre revue, en p. 73-83, et spécialement p. 78-79.

[4] Pour les citations évangéliques que nous faisons nous-même, nous suivons le texte de la TOB, version intégrale, 1994.

[5] D. Boubakeur, Non, l’Islam n’est pas une politique, Paris, Desclée de Brouwer, 2003.

[6] Le texte suivi est celui de la traduction de R. Blachère, Professeur à la Sorbonne, Paris, 1980, p. 216-217.

[7] Sous-titré « Il n’y a pas de paix sans justice. Il n’y a pas de justice sans pardon » (éditions Téqui). Voir sur la question l’article de C. Bourgeois, « Le Saint-Siège exhorte à la paix : prophétie ou réalisme ? », dans Résurrection, n°102-103, p. 85-96.

[8] Il serait bon de mener à ce propos une enquête rigoureuse sur l’emploi du mot martyr à propos des musulmans morts les armes à la main (voir supra la citation par J.-S. Règue de la p. 95 de l’ouvrage recensé). Rappelons seulement que le procès en béatification de Charles de Foucauld, avant d’aboutir prochainement, a été arrêté une première fois lorsqu’il a été prouvé que sa cabane du Sahara contenait des armes, même stockées dans un but défensif.

[9] Antienne du Psaume 50, dans les laudes bénédictines du Samedi saint : « O mort, je serai ta mort ; je serai ta morsure, ô enfer. »

[10] Cf. Tertullien, Apologie, 50, 13 (cité par Jean-Paul II, A l’approche du troisième millénaire, 1994, § 37).

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