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La première épître de Pierre (Jacques Schlosser)

Paris, Cerf, coll. Commentaire biblique : Nouveau Testament, 21, 2011, 336pp.
P. Michel Gitton

La nouvelle collection de commentaires bibliques qui paraît aux éditions du Cerf a déjà publié cinq titres (sur l’évangile de Marc, l’épître aux Galates, celle aux Éphésiens, les épîtres pastorales, les lettres de Jean), voici le sixième, consacré à la première épître de Pierre. Il est dû à un exégète renommé de Strasbourg, Jacques Schlosser. La bibliographie sur la Prima Petri est impressionnante et se déploie plus en allemand qu’en français, signe que les études d’exégèse restent dominées par la science d’outre-Rhin. L’introduction sur le genre littéraire, la date, l’auteur, les destinataires, ne réserve pas beaucoup de surprises. L’auteur reste fidèle à la doctrine commune qui fait de 1P un pseudépigraphe. Le raisonnement circulaire est toujours le même : le texte suppose une organisation de l’Église dans laquelle les ministères ordonnés (les presbytres) jouent de toute évidence un rôle, or cette organisation ne peut être primitive, puisqu’il y a eu d’abord un mode de fonctionnement charismatique, donc... L’idée a priori qui commande toute cette reconstitution se trouve confortée par les liens perçus avec d’autres textes (les lettres pastorales de Paul ou l’évangile de Matthieu) qui sont datés eux-mêmes selon les mêmes critères. Évidemment les travaux de Philippe Rolland sont ignorés...

Mais là n’est pas l’apport essentiel de ce livre. L’important tient au commentaire minutieux de chacune des unités qui composent l’épître. Chaque groupe de versets est d’abord traduit en français, traduction suivie d’annotations textuelles, puis il est doté d’une « interprétation » très fouillée, qui se prolonge dans des notes, sans compter de copieux excursus (sur le mot christianos, sur le sacerdoce commun, etc.). Le commentaire fait une large place à l’étude rhétorique, il cherche à élucider tous les enchaînements de la pensée et les nuances de la sémantique. On peut difficilement être plus complet et plus minutieux.

Glanons quelques éléments qui éclairent le texte de l’épître. L’adresse « aux étrangers de la dispersion du Pont, de Galatie, etc. » est comprise, non comme indiquant le statut juridique des destinataires (pas plus que les « résidents et les étrangers » de 2,11), mais comme porteuse de la connotation religieuse qu’avait pris le terme de Diaspora. Les chrétiens sont à part, non à cause de leur origine sociale ou ethnique, mais parce que leur fidélité au Christ les met bien souvent en porte-à-faux par rapport au comportement de leurs concitoyens.

Les déclarations contenues dans 1P 2, versets 5 et 9, sont le lieu classique pour l’affirmation du sacerdoce commun des baptisés. J. Schlosser y fait droit, mais sans en exagérer la portée : « aucune action strictement cultuelle, ni aucune médiation, ne se laisse discerner parmi les manifestations de sacerdoce commun repérables dans l’épître » (p.142).

Les conseils donnés aux époux, comme ceux qui concernent maîtres et esclaves, sont analysés avec finesse, en tenant compte de l’univers mental de l’antiquité et du contexte social dans lequel évoluent les chrétiens. L’originalité du comportement suggéré est ici bien mise en valeur.

Sur 1P 3,19 (la prédication du Christ aux esprits en prison), texte qui a fait déjà couler beaucoup d’encre, l’auteur n’ajoute pas une nouvelle hypothèse à celles qui ont eu cours mais, plutôt que d’y voir une allusion à la descente aux enfers, il préfère rattacher cette « prédication » à l’annonce de la victoire pascale portée à la connaissance des anges déchus, dans la ligne du livre des Jubilés qui associe tous les fauteurs de Mal, depuis les « Veilleurs » corrompus jusqu’aux hommes précipités dans le Déluge.

Une riche matière à découvrir. Il sera difficile d’étudier sérieusement la Prima Petri sans s’y référer.

P. Michel Gitton, ordonné prêtre en 1974, membre de la communauté apostolique Aïn Karem.

Réalisation : spyrit.net