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La raison et le cœur

Isabelle Ledoux

« Le cœur a ses raisons que la raison ignore ». Le nom même de « Sacré Cœur » pouvait-il évoquer autre chose, pour qui baignait dans une certaine culture dite « progressiste », qu’une sensiblerie un peu mièvre, émanant d’une imagerie sulpicienne surannée ? Impression aggravée par l’évocation d’un célèbre monument parisien, à l’architecture inimitable, associé à un triomphalisme « réactionnaire », exigeant une obéissance aveugle à des dogmes, et refusant toute réflexion rationnelle sur la foi de l’Église. Pour qui n’entrait dans la basilique de Montmartre qu’en touriste ou en curieux, le malentendu pouvait s’alimenter de l’esthétique de l’édifice, devenue, pour beaucoup, étrangère à la sensibilité artistique contemporaine. Et certains soirs de Montée des jeunes ou d’entrée en Carême, la grande procession qui s’avançait vers le saint lieu à la lumière tremblante des torches pouvait inspirer aux passants les sentiments les plus divers, depuis la répulsion hautaine face à des rites obscurantistes et mystérieux, jusqu’à cette étrange fascination peut-être mêlée de crainte, devant ces curieuses manifestations du sacré...

A l’inverse, le chrétien qui, déjà engagé sur d’autres voies, venait se joindre, par hasard ou par entraînement, à la grand messe du dimanche ou à d’autres manifestations liturgiques, pouvait être impressionné, voire « refroidi » par la rigueur et la solennité du rite, qui contrastait singulièrement avec l’aspect plus ou moins spontané des célébrations auxquelles on avait fini par l’habituer. Loin des « eucharisties » où le déroulement normal de l’office s’éclipsait derrière l’avalanche des témoignages personnels, la restitution intégrale des règles liturgiques conférait à la sainte messe une majesté où se déployait la grandeur divine, à travers la clarté lapidaire des prières romaines et la précision minutieuse des gestes des officiants. Tout apparaissait mûrement pensé, construit, médité, à l’image des homélies de « Monseigneur le Recteur », un petit homme au regard vif et au verbe vigoureux ; et déjà, à son écoute, tandis que l’esprit commençait à se délecter, peut-être sans trop s’en rendre compte, de l’intelligibilité de la doctrine chrétienne ainsi présentée dans le meilleur de sa clarté et de sa force, la raison peu à peu commençait à se réconcilier avec le cœur...

La rigueur d’une méthode

Quelques pas de plus, et cette impression première se trouvait renforcée par le vaste choix des formations proposées à toutes les catégories de fidèles ou simplement de curieux. On découvrait dans les cours dispensés avec générosité à la basilique la possibilité, ou plutôt la nécessité, d’une pensée logique et structurée, fondée sur l’amour d’une clarté classique, dans la droite ligne des auteurs religieux et profanes du grand Siècle. Le plan des exposés comportait généralement trois étapes, partant des données de l’Écriture et de la Tradition, passant par un développement spéculatif fortement argumenté, pour finir bien souvent par des conclusions pratiques en vue de l’apostolat et de la mission. Même dans des écrits présentés, pour faire plus « vivant », sous la forme de questions/réponses, la conversation ne se déroule pas à bâtons rompus ; à travers une certaine liberté de la forme se dessine le développement d’une pensée bien construite, qui sait conduire le lecteur à des conclusions précises et sûres. Dans tous les cas, un esprit positif demeurait impressionné par l’importance accordée aux sources de la Révélation, témoignages scripturaires ou patristiques, textes du magistère, et jusqu’aux développements les plus récents de la pensée chrétienne. La méthode « carliste » a pu être qualifiée d’antiscolastique : loin de reposer sur une pure construction philosophique des preuves de l’existence de Dieu, elle se rapproche plutôt des sciences expérimentales, qui elles aussi vont puiser dans les données disponibles pour en dégager des lois générales. La raison doit s’approcher du réel quel qu’il soit, avec humilité, et s’attendre à tout. Non pas que le réel se substitue à Dieu, bien au contraire c’est par lui qu’il trouve tout son sens, mais la confrontation avec le donné constitue une première expérience de l’altérité, à l’image de celle que rencontre le physicien confronté à un monde qui lui est irréductible. Contre le danger, inhérent à toute expérience spirituelle, de réduire le religieux à une expérience purement intime, le retour aux sources, tel qu’il fut pratiqué par Mgr Charles, permet de ressentir l’extériorité du message d’un Autre.

L’extériorité, le nécessaire extrinsécisme d’un message reçu d’un autre... nous paraît faire violence à la spontanéité de nos aspirations vers Dieu... On se contente de goûter l’expérience de sa propre ferveur, plus soucieux de sauvegarder son conditionnement sociologique que de l’alimenter par des découvertes intellectuelles. [1]

Le rôle des sciences profanes

Au-delà des sources traditionnelles, toutes les activités de l’esprit humain, en particulier la philosophie et les sciences humaines, doivent, d’après ce principe, être prises en considération, afin d’affiner le développement de la théologie. Un rôle spécial est dévolu à l’histoire : dans un sens purement profane, conformément à une méthodologie où « la foi en l’inspiration des Écritures ne doit pas intervenir comme argument » [2], l’historicité du Christ doit être reconnue et prouvée. En cela les recherches exégétiques et historiques sont nécessaires pour que soit manifesté le sérieux de l’Incarnation. Cela étant, les sciences profanes sont exposées, aussi curieux que cela puisse paraître, à perdre leur caractère objectif, lorsqu’elles adoptent, en matière d’histoire des religions, des a priori tellement saugrenus qu’ils ne sauraient être pris au sérieux dans tout autre domaine de la science historique. A la fin d’un numéro de Résurrection, le P. Charles reproduit avec humour un texte du XIXème siècle démontrant qu’avec des méthodes et des préjugés analogues à ceux des tenants d’une certaine exégèse « moderne », on peut en conclure que Napoléon n’a jamais existé et qu’il n’est qu’un pur mythe solaire ! [3] Tout en cherchant à comprendre les motivations et les fondements d’une pensée qui proclame allègrement que « Dieu est mort », il ne se laisse pas prendre au piège d’une interprétation extérieure aux sources qui consisterait en fait à récuser leur caractère objectif. Non, les Évangiles et les Actes des Apôtres ne sont pas de pures projections de l’expérience spirituelle de l’Église primitive, ils ne sont pas une accumulation de symboles ; ils constituent, comme les autres documents de l’époque, une source historique, et même l’analyse la plus sérieuse concernant l’historicité du Christ. Combien de fois n’a-t-on pas entendu Mgr Charles insister sur la simplicité et la sobriété des récits évangéliques reconnus par l’Église, par contraste avec les apocryphes où un merveilleux conte de fées noie le mystère de l’Incarnation sous une avalanche de prodiges ?

L’intelligence et l’Incarnation du Verbe

Mais la rationalité chrétienne ne se dégage pas seulement des conclusions des sciences humaines, éminemment faillibles et révisables. Son fondement théologique est celui de l’Incarnation du Verbe ; notre intelligence est à l’image de la sienne, et l’on peut parler d’une adéquation du langage divin au nôtre, de par la ressemblance originelle :

Le christianisme s’avance dans le sens de l’Incarnation dont il est le déploiement. Car la Parole de Dieu a pris chair. Elle est aussi rigoureusement exacte car, devenue perceptible, elle garde néanmoins toute la véracité divine : c’est une adaptation garantie du mystère de Dieu. Elle atteint aussi sûrement les hommes, car le Christ et à sa suite l’Église parlent leur langage. [4]

Si l’intelligence divine s’est faite humaine, alors nous pouvons en comprendre quelque chose ; la Révélation doit être communicable – sinon elle ne pourrait se révéler ! – et l’illumination seule ne suffit pas. Mgr Charles donne en exemple la conversion de Claudel qui, après le choc initial du retour à Dieu, entreprit d’étudier pendant quatre ans la foi chrétienne avant d’approcher des sacrements. « Sans la raison, le Christ n’est pas crédible », il ne peut-être reconnu comme une personne ; dans toute l’histoire du salut, « Dieu s’explique », il veut emporter l’adhésion de l’homme, non pas sur un « coup de tête » de sa part, mais sur le « oui » d’une liberté qui ne peut s’exercer sans être éclairée par l’intelligence et la raison.

N’est-ce pas d’ailleurs par une telle sollicitation [de l’intelligence] que Dieu respecte davantage le mystère de l’engagement libre, personnel, d’une créature à son égard ? [5]

En cela Maxime Charles suit totalement l’enseignement de Vatican I, selon lequel Dieu est accessible par l’exercice de la connaissance rationnelle.

L’Église affirme et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude, à partir des choses créées, par la lumière naturelle de la raison humaine. [6]
Ce qui ne signifie pas que l’adhésion au Christ soit réductible aux conclusions de la raison raisonnante. Mais le Concile tient à rappeler que l’acte de foi ne doit pas être séparé de la rationalité. En expliquant ces documents à ses lecteurs, le P. Charles souligne que le rejet du rationalisme et du fidéisme ne constitue pas un « moyen terme » entre deux extrêmes, entre un positivisme à l’Auguste Comte et un mysticisme débridé. De fait, les deux démarches rejettent, l’une et l’autre, la foi dans les ténèbres extérieures de l’irrationnel, soit en la prétendant incompatible avec la pensée logique et les découvertes de la science qui finiront bien par en démontrer l’absurdité, soit en affirmant qu’elle se suffit à elle-même, comme attachement spontané ou obéissance aveugle à des mystères trop élevés pour les pauvres créatures que nous sommes.

La théologie pour tous !

Le christianisme est-il pour autant une « religion pour intellectuels » ? Certes, en réaction contre une tendance à réduire le religieux à une expérience tout intime, Mgr Charles tenait à ce que l’intelligence et la culture de chacun en matière de foi atteignent le niveau des facultés mentales que nous utilisons dans notre métier ; l’ignorance religieuse des étudiants chrétiens l’indisposait profondément, et le vaste choix des formations proposées au Centre Richelieu ou à Montmartre, savamment adaptées à une large gamme d’auditeurs, visait à dispenser largement l’enseignement théologique à tous les niveaux d’accessibilité. Mais un des slogans du P. Charles aurait pu être : « la théologie pour tous ! » Les intuitions premières de la revue Résurrection relèvent de cette volonté de rendre accessible à tout croyant l’intelligibilité du message chrétien ; il s’agit là de :

faciliter l’apprentissage de cette quête de Dieu à partir de la Révélation, qui est malheureusement devenue le privilège d’un trop petit nombre. C’est parce que c’est là notre conviction profonde que Résurrection a entrepris une vulgarisation théologique qu’il juge la tâche la plus urgente. [7]

D’ailleurs, la méthode théologique ne s’acquiert pas seulement de façon livresque : au Centre Richelieu comme à Montmartre, les étudiants l’apprenaient pour ainsi dire « sur le tas », de manière autodidacte, par l’organisation de groupes de travail : par l’approfondissement d’un sujet théologique durant l’année scolaire, avec des lectures d’auteurs et des exposés préparés à tour de rôle par chacun des participants, cette pédagogie permettait d’accéder, avec une relative facilité, à l’intelligence de la Révélation. On découvrait peu à peu, dans ces groupes d’études, – complétés par un cours magistral – que l’on peut aborder la théologie par n’importe quel aspect de la foi chrétienne : par l’interrogation métaphysique sur la sainte Trinité et par l’exégèse du prologue de saint Jean, par la lecture de saint Bernard et par la découverte de l’art chrétien, par des recherches sur la conscience du Christ et par des réflexions de théologie morale. Par là même, l’accès à la théologie se faisait sans conditions préalables ; l’ingénieur ignorant tout de Platon et d’Aristote était invité à se pencher sur la question des deux volontés du Christ, à égalité avec l’agrégé de philosophie. Mais bien sûr, la découverte progressive des subtiles nuances de la christologie encourageait le néophyte, par cette immersion dans une ambiance théologique, à acquérir une certaine culture historique, philosophique et littéraire. On comprenait par là que la théologie est vecteur de culture : elle n’exige rien au départ, et elle donne tout. Par elle on apprend à se servir des outils que la pensée chrétienne doit savoir mettre à son service : analyse historique ou textuelle, notions de philosophie et d’art... Celui qui se jette dans l’étude de la Révélation peut avoir l’impression de sauter dans un inconnu qui ne lui apprend que sa propre ignorance ; mais très vite, il en perçoit l’inépuisable richesse et l’extraordinaire fécondité.

Cette générosité du mystère chrétien permet d’ailleurs de ne plus le considérer comme « mystérieux », inexplicable et indicible – ce qu’il est pourtant de par la disproportion entre le Créateur et sa créature. S’il nous paraît obscur, c’est parce que notre esprit est trop faible pour le saisir. Le problème ne vient pas de ce qu’il n’y a rien à comprendre, mais de ce qu’il y a trop à comprendre. Le caractère insondable du mystère ne tient pas à son obscurité, mais à sa profondeur. Ainsi, le dogme n’est pas une forme d’expression autoritaire, voire arbitraire, de notre foi ; se développant sur un terreau si riche, le dogme, c’est l’imagination au pouvoir !, comme aimait à le répéter Mgr Charles ; loin d’être enfermement dans des formules toutes faites, où les mots ne sont que des paravents commodes à l’indigence de la pensée, le dogme devient cette expression à la fois paradoxale et synthétique du mystère chrétien. Le P. Charles ne se contentait jamais de régler une question théologique par l’introduction d’un mot nouveau ; à la terminologie il fallait donner un contenu aussi rigoureux que possible, tout en sachant que nulle expression ne peut prétendre faire le tour du problème. Par cette vigilance, l’esprit critique, toujours en éveil, permet d’aller toujours plus loin dans la contemplation du mystère et de son explicitation rationnelle.

Les phénomènes « surnaturels »

Cette « imagination au pouvoir », si elle est invitée à se déployer dans la réflexion théologique, est par contre strictement canalisée lorsqu’il s’agit d’aborder les phénomènes dits « surnaturels » et que l’Église désigne par le terme plus approprié de « préternaturels ». En cette matière, le rationalisme rigoureux de l’abbé Charles lui valut quelques problèmes avec le « Comité de Vigilance » diocésain encore actif dans les années 50. Mais il put aisément se justifier en citant un texte de saint Augustin qui confirmait sans équivoque ses propres idées. Pour lui en effet, le miracle ne résulte pas d’une violation des lois de la nature, que Dieu mettrait entre parenthèses par le jeu de sa toute-puissance ; il se produit au contraire parce que Dieu fait de ces lois naturelles un usage parfait, sachant tirer parti de leurs potentialités d’une manière infiniment plus efficace que nous. Dieu ne veut pas récuser ce qu’il a créé, le monde n’est pas pour lui un jouet dont il dérèglerait les mécanismes selon son bon plaisir ; mais nous voyons le miracle comme extraordinaire et impossible parce que notre intelligence humaine, limitée par le péché, ne voit pas ce que nous pourrions réellement faire de la Création que Dieu nous a confiée au jardin d’Eden. Le miracle est signe de la venue du Royaume de Dieu, parce qu’il relève de cette restauration du monde opérée par le Christ.

Avec une telle interprétation, il ne faut pas s’étonner de la méfiance instinctive de Mgr Charles vis-à-vis des manifestations du préternaturel. Il n’était guère séduit par cette notion de degré intermédiaire, bâtard, flou, entre le « naturel » en tant que compréhension du monde par l’homme, et le « surnaturel », en tant que présence et action salutaire de Dieu dans sa création. Conscient que bien des phénomènes dits miraculeux pouvaient relever de processus psychosomatiques comparables à ce qui est observé dans les hôpitaux psychiatriques, il ne s’attardait pas sur le fait lui-même, mais sur ce qu’il pouvait nous apprendre sur le Christ et sur la mission de son Église. C’est d’ailleurs cette Église, gardienne de la Révélation, qui permet de reconnaître objectivement la personne du Christ ; en donnant des indications rationnelles pour entrer dans le mystère, elle nous fait entrer dans une relation authentique, libérée de toute subjectivité déformante, avec le Christ Sauveur. Elle nous donne, face aux phénomènes extraordinaires, le discernement nécessaire pour y découvrir la présence – ou l’absence – agissante de Dieu dans notre monde, tout en nous rappelant que les « révélations privées » n’ont en aucune façon valeur d’enseignement face à la Tradition dont elle est la seule dépositaire.

Les yeux de la foi

Mais alors, dira-t-on, où est la foi ? Est-elle réductible à cette « connaissance rationnelle » dont parle Vatican I ? Et le P. Charles ne serait-il que le chantre d’une religion bâtie sur la seule rationalité d’un message historiquement repérable ? Il met pourtant en garde contre un rationalisme sec ..., une argumentation orgueilleuse qui ne saurait ébranler des personnes. Mais comment alors mettre en évidence un lien intrinsèque, organique, entre la raison et l’acte de foi, sans les juxtaposer ni les confondre ? Comment assurer la cohérence entre le Christ de l’histoire et celui auquel nous nous adressons dans la prière ? Comment se garder de l’intellectualisme et de l’ivresse d’une autocohérence qui menace d’ailleurs tout système scientifique ? Comment, en d’autres termes, échapper à l’autosuffisance des outils de la raison humaine ?

Maxime Charles fut éclairé, au cours de sa formation théologique, par la pensée de deux grands théologiens de l’acte de foi, les PP. Rousselot et de Broglie. Le premier, dans un article intitulé « Les Yeux de la Foi » [8], présente la démarche de conversion d’une manière originale, comme analogue à une enquête policière où le détective, tout en accumulant des indices, élabore une solution qui vient par là même éclairer les indications déjà perçues et permet d’en découvrir plus facilement d’autres. Dans le domaine de la foi, on pourrait parler d’un processus de connaissance par « sympathie » : l’amour donne un regard nouveau, lui confère une acuité particulière pour discerner les signes qui viennent confirmer le bien-fondé de cet amour. Le P. Rousselot explique cette action réciproque du donné objectif et de la démarche de foi par des formules lapidaires : « C’est un acte identique que la perception de la crédibilité et la confession de la vérité ». Le P. Charles aimait à utiliser cette notion de connaissance par sympathie dans le domaine de l’histoire : l’érudition et l’appareil critique ne suffisent pas pour établir une analyse historique vraiment juste ; de fait, la connaissance stimulée par une attirance vers l’objet permet d’en percevoir certains aspects et de comprendre des mécanismes qui resteraient obscurs en l’absence de ce regard illuminateur.

L’historien, après avoir vérifié les faits, cherche à les comprendre en établissant, au moins à titre d’hypothèse, un rapport de causalité entre eux… Le raisonnement… reconnaît par les voies qui lui sont propres la crédibilité des miracles de la résurrection, de la divinité du Christ, et autorise comme raisonnable l’acte de foi, adhésion de tout l’être... La foi dont la vérité historique est le fondement rejaillit à son tour sur la connaissance historique du Christ… Cette connaissance…, sa cohérence, sa profondeur et sa beauté deviennent alors une garantie de plus que la démarche historique ne s’ est pas fourvoyée. [9]

Ainsi, parler des « yeux de la foi » ne veut pas dire que le croyant adhère à son Dieu par une démarche d’autopersuasion, comme l’expression populaire le laisse entendre. Dans la vision qui est celle de l’acte de foi, le regard est à la fois éclairant et éclairé, contrairement à ce qui se passe dans le mécanisme biologique de la vue, dans lequel les yeux ne font que recevoir la lumière ; éclairé par les signes objectifs de la raison et de l’histoire, et éclairant ces signes en retour par l’acte de foi qui leur donne une cohérence. L’acte de foi ne relève donc, ni de l’intellect seul, ni du pur sentiment ; il embrasse toute la personne, corps et âme, esprit et cœur. Ce qui est perçu n’est pas un phénomène naturel comme en science, c’est une personne, une figure, qui donne tout leur sens aux éléments objectifs et intellectuels qui ont aidé à la découvrir. « L’amour suscite la volonté de connaître, et la connaissance légitime l’amour » [10]. C’est par l’amour que l’incompréhensible peut être saisi, que l’expérience de l’ineffable grandeur et de l’infinie sollicitude de Dieu peut être communiquée. La grâce divine stimule les facultés intellectuelles, et Mgr Charles ne se privait pas d’user de cet argument pour engager les étudiants à se mettre toujours davantage au service du Christ, malgré la charge des examens et des cours. Certes, il y a loin du regard illuminateur de la foi à la réussite scolaire ou universitaire ; mais la familiarité avec cette démarche de « sympathie » qui constituait le fond de sa méthode de travail donnait un moyen d’accès rapide et efficace à bien des formes de connaissance.

La raison est aimable

La connivence entre la rationalité et l’adhésion du cœur se manifeste enfin par le caractère aimable, attirant, voire « appétissant », de la pensée chrétienne : la rationalité elle-même peut être source d’émotion et toucher l’âme par sa beauté et sa cohérence. « L’intellection nous est naturelle et quand la vérité nous apparaît, nous éprouvons du plaisir », écrivait déjà le P. Rousselot [11]. En d’autres termes, dans cette recherche de la vérité qui motive toute démarche raisonnée, il y a déjà un désir, il y a déjà de l’amour. La « sympathie » chère à Mgr Charles n’est pas seulement un courant qui va du cœur à la raison pour arracher celle-ci à son dessèchement ; la raison peut déjà trouver en elle-même, ou plutôt dans ce qu’elle parvient à dévoiler, la joie de l’amour comblé par ce qui lui est donné de découvrir. La raison elle-même est séduisante lorsqu’elle s’attache à rechercher la Vérité.

Enfin, la raison ne doit pas être considérée comme un pur moyen d’accès à la Présence divine, et qui deviendrait inutile, incongru ou dérisoire dès que l’Esprit viendrait faire en nous sa demeure. Tout d’abord, parce que l’amour exige une connaissance de l’autre : seule la reconnaissance de sa réalité objective permet des relations personnelles, écrit le P. Charles dans un article sur la sainteté. Ce jeu réciproque de l’amour et de la raison est indispensable pour sauvegarder l’un et l’autre : l’intelligence humaine peut être tentée par l’autosuffisance et finir par tourner en rond, enfermée dans un processus de prétendue autonomie qui la livre, par le fait même, à cette subjectivité à laquelle elle prétend échapper. Seule l’intervention de Dieu comme Autre permet de sortir de l’enfermement suicidaire d’une raison qui ne sait plus parler qu’à elle-même. Inversement, la recherche rationnelle donne un regard objectif sur un Dieu qui peut être perçu comme autre, et qui autrement ne serait que le pur produit de notre sentimentalité. La connaissance objective purifie notre regard de tout subjectivisme, et le Dieu personnel sauve la raison humaine de son isolement.

L’altérité divine

On l’aura compris, le fondement de ce qu’on pourrait appeler chez Mgr Charles le « rationalisme chrétien » (expression qu’il n’aurait peut-être pas cautionnée) réside dans une conscience aiguë de l’altérité divine. Le Christ n’est pas seulement un objet d’étude, c’est une personne ; c’est Lui qui est au centre de nos vies, qui prend l’initiative et nous interroge.

On peut l’aimer et être aimé de lui, mais à la condition de ne pas mettre en question son altérité... Il est réalité distincte au-delà de tout ce qu’il a créé... Le saint de toujours est celui qui a perçu cette transcendance de Dieu, non comme une notion philosophique, mais comme quelque chose qui l’a bouleversé. [12]

Nous sommes confrontés à un Dieu qui parlait à Moïse « comme un ami parle à son ami », qui nous a voulus distincts de lui et pourtant capables de l’écouter et de lui répondre. L’altérité du Dieu chrétien n’est pas seulement une Transcendance invisible, elle est bien davantage qu’une notion métaphysique, elle est devenue accessible à notre esprit et à nos sens. Dans ce jeu réciproque de la transcendance et du dialogue, Mgr Charles développe une vision « chalcédonienne » de l’amour, où altérité et connaturalité sont indissociablement liées sans être confondues :

Cet amour du Christ est relation de personnes. Il réclame l’altérité objective de l’être aimé... avec tout ce que cela comporte de connaissance, d’effort d’adaptation, de disponibilité et même de transformation personnelle. En contrepartie de cette altérité, l’amour réclame une certaine connaturalité, la possibilité d’entrer en contact, de comprendre quelque chose de l’être aimé. [13]

« Sans confusion ni séparation » pourrait-on dire de la relation d’amour entre Dieu et l’homme. Relation qui ne relève ni d’une mystique fusionnelle, ni d’un agnosticisme se refusant à tout discours sur Dieu, la théologie n’est pas un plaisir solitaire, mais la découverte d’une personne et le désir de la faire connaître à tous ceux qui la refusent ou simplement l’ignorent. Loin d’être un penseur en chambre, le théologien est doublement confronté à autrui, par la rencontre avec son Dieu dans la prière et dans l’étude, et par la communication aux hommes de ce qu’il en a compris. En témoigne la double exigence de Mgr Charles envers ceux dont il avait la charge : pas de théologie sans envoi en mission, pas d’apostolat sans approfondissement de la foi. En cela, des opérations comme la préparation du pèlerinage de Chartres savaient à merveille harmoniser les deux impératifs : et se tenir éveillé à l’aube pour suivre le cours théologique du dimanche matin, ou bien passer de longues heures au téléphone pour constituer un chapitre, demandait aux uns et aux autres un certain effort...

Dieu est amour

Mais cette lutte salutaire pour donner un juste équilibre à la vie chrétienne, et se garder également de la spéculation d’initiés comme de l’activisme superficiel, ne demeurait pas bien longtemps pénible. Car la pensée et l’action de Mgr Charles reposaient en fin de compte sur la notion d’un Dieu amour. Non seulement parce que la prière personnelle donne souvent chaud au cœur (ce qui n’est d’ailleurs pas toujours le cas). Mais surtout, parce que cet Amour est constitutif de la Trinité même, amour éternel qui règne entre les trois personnes divines et qui habite le cœur humain du Fils incarné. En rappelant clairement qu’il ne saurait exister aucune « définition » de Dieu, le P. Charles ne cessait de rappeler l’étendue de cette sollicitude divine, fondatrice de toute la théologie et de toute la morale. Dans sa réflexion sur la sainteté, il rappelle que Dieu

... ne s’est pas proposé d’autre but, en donnant l’existence à des êtres qui ne sont pas lui, que de leur permettre de participer à sa vie interne qui est amour... Toutes les attitudes morales... procèdent de cet amour. [14]

Ainsi l’homme est digne d’aimer Dieu, c’est pour cela même qu’il a été créé. Dans cette perspective, la Rédemption n’est pas une façon de payer la dette de l’homme envers Dieu par le poids de souffrance du Fils de l’Homme, mais l’expression la plus haute de l’amour divin qui seul peut nous sauver, et qui ne passera jamais. La question n’est pas d’acquérir orgueilleusement toutes les vertus, mais d’entrer en relation avec Dieu.

Le bonheur

On ne s’étonnera donc pas de retrouver dans le langage de Mgr Charles, la notion d’un Dieu « aimable », séduisant, source de bonheur et de joie. Il y a une sorte de sensualité dans cette idée de l’amour. Il est d’ailleurs significatif que Mgr Charles n’opposait pas éros et agapè, l’amour charnel et l’amour entre Dieu et l’homme. Le désir de l’Autre relève de l’« appétit », et pour lui

le bonheur de l’éternité comportera en effet la jouissance de Dieu à travers le Christ Jésus, vu avec son corps de chair et par nos yeux de chair, et goûté dans les profondeurs de son Cœur. [15]

Ainsi, à l’encontre des sagesses stoïcisantes, qui voient l’accomplissement de l’homme dans un « esprit de sacrifice » qui n’est pas dénué d’une certaine autosatisfaction, Mgr Charles accorde la primauté au bonheur, spirituel et sensible, touchant toutes les dimensions de l’être. Il confia un beau jour sa compassion pour l’un de ses amis prêtres, qui vivait depuis longtemps dans une certaine sécheresse spirituelle : il raconta, sans fausse modestie, comment il offrit au Seigneur, l’espace d’une messe, la douceur de son cœur à cœur avec lui afin que son ami puisse à son tour y goûter. Et son plus grand bonheur, à l’issue d’une célébration où en effet, il n’avait guère ressenti la proximité de l’amour du Seigneur, ne fut-il pas de voir cet ami rayonnant et heureux, son visage reflétant la présence de l’amour divin qu’il goûtait enfin de manière sensible...

Le Cœur du Christ

Mais dès qu’il était question du cœur, c’était vers celui de l’Homme-Dieu qu’il se tournait. Cœur qui n’est point celui d’une imagerie vieillotte et parfois d’un goût contestable ; mais bien plutôt le cœur au sens biblique, comprenant toute la personne, corps, intelligence, sensibilité, affectivité. Réflexion d’ailleurs très concrète, partant de la dimension organique, physiologique du Cœur du Christ transpercé, tel que saint Jean l’évoque avec réalisme. A partir de cette représentation première, il s’agit d’admirer l’amour infini dont le Christ nous a aimés, jusqu’à donner sa propre vie. Et par là, nous sommes invités à contempler la vie intérieure de l’homme Jésus, à nous placer dans ses propres dispositions, à calquer nos sentiments sur les siens. Non point par imitation d’un lointain personnage du passé, mais par participation à ce qu’on appelle les « états » du Christ, qui ne sont pas autre chose que la permanence de ses pensées et de ses dispositions depuis sa vie terrestre jusqu’à maintenant.

Ils constituent le tréfonds de sa personnalité humaine ; ils n’ont pas eu, comme ceux des autres hommes, une durée transitoire. Assumés par le Fils de Dieu, personne divine, ils ont une durée perpétuelle. [16]

Par là même, le Christ ne peut plus être l’expression de notre subjectivité ; il ne peut se réduire à la projection de nos propres sentiments. Mieux encore, la dévotion au Cœur du Christ, c’est-à-dire cette contemplation aimante de ses gestes et de ses sentiments tels qu’ils nous sont décrits dans l’Écriture, garantit l’authenticité de l’adoration eucharistique. Sans ce regard porté sur la personne de Jésus, cette adoration risquerait de devenir idolâtrique, le saint Corps étant regardé comme une chose et non plus comme présence réelle.

Attention donc à ne pas rabaisser l’Eucharistie au rang d’un objet ; ce serait une idolâtrie. Dans aucun cas, ni le prêtre, ni l’adorateur ne sont maîtres de l’hostie consacrée. De même, le sens de cette présence réelle empêche le culte du Cœur de s’évanouir dans le rêve d’une humanité inventée et trop semblable à celle de celui qui prie. [17]

La prière chrétienne

Ainsi, la prière du chrétien n’est pas tournée vers lui-même ; elle est contemplation désintéressée des faits et gestes du Christ. On est loin du sentimentalisme d’une certaine religiosité contemporaine, tournée vers les problèmes de chacun plutôt que vers la splendeur du Fils de Dieu. Le Christ n’est pas un symbole, mais une personne concrète, d’où cette attention tournée vers Lui et non par vers nous. La prière a donc besoin, elle aussi, d’une certaine objectivité, que l’Église nous apporte dans sa liturgie. La place éminente, dans l’entourage du P. Charles, de l’office des heures, pouvait paraître, à une certaine époque, surprenante, voire contraignante et impersonnelle, et le nouveau venu pouvait trouver quelques difficultés à s’adapter à ce type d’exercice, quand ailleurs ne lui étaient proposés que des groupes de prière où la spontanéité était la règle. Or, dans cet aspect communautaire, Mgr Charles souligne curieusement que la liturgie garantit un espace de liberté, au-delà des formes imposées :

Elle blesse moins la pudeur parfois rebelle aux confidences... Chacun s’y sent plus libre, parce qu’on ne lui demande pas personnellement de donner une réponse. [18]

Il fait souvent remarquer que 1’Église nous propose là un choix de textes bien supérieur à celui que nous irions spontanément chercher dans nos bibles. En outre, on apprenait bien vite, de Mgr Charles lui-même, l’importance considérable qu’il accordait à l’oraison individuelle, sans laquelle aucune vie chrétienne ne saurait tenir durablement, mais toujours alimentée et fortifiée par l’objectivité de la prière liturgique. Et d’ailleurs, l’adoration eucharistique n’est-elle pas la forme la plus élevée de la prière personnelle ? Loin d’égarer l’esprit dans des divagations mystico-métaphysiques, cette activité spirituelle, enseignée de manière très concrète, et soutenue par des textes bibliques choisis pour nous mettre en présence du Christ Jésus durant sa vie terrestre, nourrissait le cœur de chacun et lui apportait cette capacité de renouvellement, d’imagination, de liberté critique et pourtant charitable, à laquelle, à ce qu’il paraît, on reconnaît les habitués de l’adoration...

Cette contemplation du Cœur du Christ eucharistique n’est pas cependant destinée à se réfugier dans les nuages d’un mysticisme désincarné. Mgr Charles insiste sur les trois pôles de l’adoration : admiration devant la grandeur divine, transformation personnelle et envoi en mission. Certes, la primauté de l’humble amour sur un volontarisme orgueilleux est sans cesse réaffirmée. Cela dit, il faut vivre ce qu’on a goûté dans la prière et appris par l’étude : Il nous faut de saints docteurs [19]. La théologie est ordonnée à la morale, mais celle-ci vacille quand son fondement théologique se perd. Le culte du Cœur du Christ permet d’ouvrir le cœur de l’homme à l’amour d’autrui, il rend la charité « séduisante » ; c’est par l’adoration du Cœur que la théologie permet et exige l’envoi en mission, afin de faire partager aux autres hommes le bonheur d’être avec le Christ.

Le sens du concret

C’est ainsi que, partis des données concrètes sur lesquelles repose toute réflexion chrétienne, nous revenons, par le biais de l’adoration du Cœur du Christ eucharistique, à ces gestes du quotidien auxquels le P. Charles accordait une importance considérable. Dans la prière, c’est la connaissance de la personne concrète de Jésus qui est mise en valeur ; et par la présence réelle, il y a un contact visuel avec le Corps du Christ qui nous rappelle le réalisme de l’Incarnation et la « matérialité » de l’objet de notre foi. Dans ses réflexions sur l’adoration, Mgr Charles souligne le rôle des sens : le voir, désir déjà évoqué dans l’Évangile (« Nous voudrions voir Jésus » Jn 12,21), renouvelé dans l’histoire de l’Église par la joie de contempler l’hostie ; le toucher, si important à la Cène, dans le geste de saint Jean penché sur la poitrine de Jésus. Ce passage par le sensible assure, là encore, un dialogue objectif avec Dieu. D’autre part, la participation du corps dans la liturgie est mise en valeur, notamment par l’importance des « déambulations » : par exemple, les fidèles sont invités à se déplacer pour déposer leur offrande plutôt que d’être sollicités à leur place ; les processions, les ascensions de la butte Montmartre pour la montée des jeunes ou l’entrée en Carême, participent de la même pédagogie ; sans parler de la « prière des pieds » au pèlerinage de Chartres. Au cours de la messe d’adoration qui suivait la montée des jeunes, tous les sens étaient sollicités : la vue, notamment grâce à cette idée de montrer le Précieux Sang à travers un calice en cristal ; l’ouïe, par la qualité de la musique et des chants ; l’odorat, par l’encens dispensé avec générosité. Quant à l’organisation du temps d’adoration, elle est expliquée avec beaucoup de simplicité, de bon sens et de bienveillance pour celui qui connaît les difficultés de ces moments de silence. À Montmartre, on propose, pour soutenir la prière pendant l’heure d’adoration, trois textes, médités chacun durant une vingtaine de minutes, selon une méthodologie précise : mise en situation, lecture du texte, contemplation et admiration de la grandeur divine, prière pour les autres, méditation très lente d’une prière... Sans oublier la conduite à tenir en cas de distractions ou de blocages. Tout cela présenté, non pas comme un livre de recettes ou un enseignement disciplinaire, mais comme de simples conseils pour aider à la contemplation du Corps eucharistique.

Enfin, par l’appel au cœur, le P. Charles, selon une expression familière, « prêchait d’exemple », de par sa personnalité chaleureuse et joviale, dans ses causeries où se mêlaient l’émotion, l’humour, les souvenirs personnels. Beaucoup de ceux qui l’ont connu peuvent témoigner de ce don de toucher les hommes, par lequel il savait jouer sur de multiples registres pour les attirer vers Dieu, que ce soit par le rire ou les larmes, par la simplicité des gestes du quotidien ou par la solennité des manifestations liturgiques. Il qualifiait lui-même son propre style comme un mélange de comique troupier et de haute mystique, et l’ambiance de certaines réunions estudiantines en aurait peut-être surpris plus d’un par cette conjonction d’une vitalité presque « rabelaisienne » (« après la théologie, l’orgie ! » s’écriait-on à l’approche du repas – ce qui n’empêchait pas le Benedicite d’être des plus recueillis) et d’une ferveur brûlante d’amour pour le Christ dont il nous découvrait les aspects les plus attachants.

C’est ainsi que l’union profonde, intime, intrinsèque, entre la raison et le cœur, telle que Mgr Charles l’a enseignée et pratiquée, permet de comprendre et d’aimer ce qui, au premier abord, pouvait apparaître comme l’expression d’une sensibilité dépassée ou, au contraire, comme le déploiement d’une liturgie un peu trop solennelle. Le culte au Sacré Cœur, même dans ses représentations un peu mièvres, les torches tremblant dans la nuit de décembre, la majesté un peu froide de la basilique de Montmartre et la rigueur de la liturgie romaine ne peuvent plus être vus comme une accumulation d’éléments contradictoires, comme une étrange énumération à la Prévert, mais au contraire comme les multiples facettes d’une merveilleuse mosaïque, comme les différentes harmonies d’une mélodie subtile. Dans cette union profonde de la raison et du cœur, tous ces éléments trouvent leur sens, tous ils peuvent régénérer notre foi en Jésus-Christ, au-delà de leur menues faiblesses, au-delà de nos barrières culturelles ou psychologiques. Cette synthèse toujours vécue dans l’Église sainte, Mgr Charles a su la communiquer à un grand nombre : comme il aimait à le répéter, Il y a deux choses pour lesquelles je me ferais tuer : la Sainte Trinité et le principe de non-contradiction.

Isabelle Ledoux, née en 1957. Ancienne élève de l’École Normale supérieure de jeunes filles. Chercheur en optique au Centre National d’Études des Télécommunications.

[1] Résurrection, n° 3, p. 12.

[2] Résurrection, n° 48, p. 7.

[3] Résurrection, n° 48, Appendice.

[4] Résurrection, n° 13, p. 92-93.

[5] Résurrection, n° 3, p. 2.

[6] Concile Vatican I. Dentzinger, Enchiridion Symbolorum, 35e édition, n° 3041-3043.

[7] Résurrection, n° 3, p. 2.

[8] P. Rousselot, « Les Yeux de la Foi », dans Recherches de Sciences Religieuses, 1910, pp. 241-259 et 444-475.

[9] Résurrection, n° 48, p. 6-7.

[10] P. Rousselot, ibid.

[11] Ibid.

[12] Résurrection, n° 35, p. 7.

[13] Résurrection, n° 30, p. 8.

[14] Résurrection, n° 33. p. 6.

[15] Résurrection, n° 43-44, p. 13.

[16] Résurrection, n° 43-44, p. 12.

[17] Résurrection, n’ 43-44, p. 13.

[18] Résurrection, 3ème-4ème trimestre 1957, p. 184.

[19] Résurrection, n° 35, p. 4.

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