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La vie cachée de l’abbé Charles. Les années de formation sacerdotale d’un séminariste de l’entre-deux guerres (1908-1939). (Michel Emmanuel)

éd. Parole et Silence, 2018, 888 pp.
P. Michel Gitton

Le titre légèrement provocateur donné à cet ouvrage recouvre en fait un travail universitaire impeccable dû à notre ami Michel Emmanuel. Il est l’adaptation d’une thèse d’histoire soutenue en 2011, intitulée Devenir prêtre dans l’entre-deux guerres. Les années de formation de Mgr Maxime Charles. Nous avons perdu certains développements que le doctorant consacrait à l’Institut catholique de Paris, sa fondation et son extension, ainsi qu’au Séminaire des Carmes, œuvre de « Monsieur » Verdier, futur archevêque de Paris. Mais, tel qu’il est, le livre que nous donnent aujourd’hui les éditions Parole et Silence, centré sur Maxime Charles de 1908 à 1939, est encore un pavé de 888 pages !

Pour l’avoir lu ligne à ligne, je peux dire qu’on ne s’y ennuie pas. À vrai dire, l’intérêt croît à mesure qu’avance le parcours chronologique de la vie de l’abbé Charles. Si on prend déjà plaisir au charme d’une enfance partagée entre un cadre banlieusard (Bécon-les-Bruyères) et un horizon périgourdin,, qui ont joué tous les deux un rôle dans la personnalité du futur fondateur du Centre Richelieu, si on suit avec étonnement la vocation précoce d’un jeune garçon issu d’une famille qui n’a rien de spécialement fervent (le père est dignitaire de loge maçonnique), ses combats pour garder la foi et imposer son choix, on est heureux de pénétrer dans l’univers du petit séminaire de Conflans : monde clos, où se forme une jeunesse vouée majoritairement au sacerdoce, dans une ambiance de piété éclairée, d’amour des études (surtout littéraires), de goût de l’amitié. C’est là que Maxime rencontra quelques-unes des personnalités qu’il admira le plus et dont il reçut beaucoup : le futur chanoine Osty, qui fut son conseiller spirituel, l’abbé Legendre qui modela son goût d’une belle langue, l’abbé Petit qui l’initia à la philosophie etc…

Mais voilà l’entrée au séminaire des Carmes, séminaire universitaire, lié aux Facultés de philosophie et de théologie de l’Institut catholique de Paris, c’est un moment important pour le « conflanais » qui y découvre beaucoup de choses, mais d’abord Monsieur Verdier qui préside encore aux destinées de l’œuvre qu’il a fondée. C’est un maître, mais c’est aussi un père, dont l’empreinte est durable sur le séminariste dont il repère tout de suite les possibilités : « pourquoi voulez-vous faire des études supérieures de théologie ? », « pour servir l’Église dans le monde populaire ». La réponse plaît tout à fait au futur initiateur des Chantiers du Cardinal qui peuplera la banlieue parisienne d’une quantité d’églises nouvelles et placera par dizaines des jeunes prêtres de talent dans tous les points chauds.

L’aventure intellectuelle de Maxime Charles commence vraiment là, avec un positionnement original qui sera celui de toute sa vie : la place des Pères de l’Église, l’intérêt pour les Victorins, les réserves sur saint Thomas et surtout le néothomisme, l’éblouissement devant Bérulle et l’École française. Pour lui la mission qu’il voit s’ouvrir devant lui devra bénéficier de ces découvertes.

Mais c’est surtout la montée vers le sacerdoce que nous permet de suivre Michel Emmanuel en puisant largement à deux sources précieuses : les notes spirituelles d’une part, le courrier à ses parents d’autre part. Nous y voyons comment l’ardent désir qui le soulève depuis ses jeunes années mûrit, s’approfondit : être prêtre, être dans la mouvance du Christ, être totalement consacré par lui ! Cette montée n’est pas sans crise et sans épreuve, mais elle ne laisse place à aucun retour en arrière. Et ce sont les ordinations successives qui s’égrènent jusqu’au 20 avril 1935 qui le voit toucher au but : « je suis prêtre ! ». Mais il faut lire ces pages brûlantes qui disent tout son amour ardent de celui auquel il se sait lié pour toujours.

Une dernière partie permet de suivre l’abbé Charles comme jeune prêtre, vicaire à Malakoff en banlieue « rouge » dans les quatre années qui précèdent la guerre.

On attend avec impatience la suite.

P. Michel Gitton, ordonné prêtre en 1974, membre de la communauté apostolique Aïn Karem.

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