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Le Maître intérieur. (Nathalie Nabert)

Editions Ad Solem, Genève, 2006, 90 p.
Matthieu Cassin

Nathalie Nabert, doyen de la Faculté des Lettres de l’Institut catholique de Paris, propose ici un très beau petit volume, qui est une longue méditation sur la présence divine en l’homme, ou plutôt sur la découverte par l’homme de cette présence. Placé sous l’égide de Charles de Foucauld, le livre s’ouvre sur le désert et le silence ; profondément marqué par ce que l’auteur nomme dénudement, dans la tradition spirituelle du désert, sans doute par l’intermédiaire de la spiritualité cartusienne, dont N. Nabert est spécialiste, l’ouvrage se présente comme un chemin vers Dieu, partant du « sacrement de présence », pour conduire le lecteur en trois étapes, la paix de Dieu, la Parole, la grâce, jusqu’à l’aube incertaine contemplée auprès de Marie de Magdalena.

Admirablement servi par la sensibilité poétique et spirituelle de l’auteur, le chemin se fait tout en discrétion et en retenue. Pas de grands mots, pas de théologie abstraite, mais l’approfondissement en l’âme, en l’homme, de l’attention à la présence divine. Si l’écriture n’était pas si éloignée du genre scolaire, on dirait presque que ce pourrait être un manuel de vie spirituelle à l’école du désert ; mais c’est dire trop, et trop peu. Trop, car il n’y a ici rien du pédant, même du professeur ; les références sont discrètes, le chemin est indiqué sans être asséné. Trop peu, car, si l’on sait prendre le temps de la lecture, de la rumination, toutes les harmoniques de l’attente et de la rencontre de Dieu sont là, il suffit d’écouter avec l’oreille du cœur. Mais il faut avoir l’oreille fine, souvent, reconnaître l’allusion, entendre ce qui n’est qu’esquissé ; le commençant sera tenté de lire trop vite, de ne pas ruminer paisiblement, et y perdra beaucoup.

Admirable petit livre, comme sait en réaliser cette maison suisse, agréable dans la main et pour l’œil, où chaque partie s’ouvre par une gravure, dont le commentaire permet de préciser légèrement ce qui en fera le centre. Ce dialogue répété entre l’image et le texte vient inciter, lui aussi, au repos de la lecture, à la lenteur volontaire, à la contemplation. L’unité des trois chapitres de chacune des parties est discrètement soulignée par la citation placée en exergue de chacun d’eux, puisqu’elles sont empruntées à un même auteur, à André de Crète, à Évagre le Pontique, aux Odes de Salomon, enfin. Ce trio dessine un arrière-plan patristique et monastique, que viennent compléter au fil du texte des emprunts mystiques et cartusiens. Un beau et bon livre, donc, à savourer doucement, à reposer et à reprendre souvent.

Matthieu Cassin, Né en 1980, élève de l’Ecole Normale Supérieure.
http://matthieu.cassin.org

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