Rechercher

Le catholicisme vert. Histoire des relations entre l’Église et la nature au XXe siècle. (Olivier Landron)

Paris, Cerf, coll. Histoire, 2008, 527 p., notes bibliogr., index.
Paul Airiau

La courte introduction pose d’emblée une difficulté, qui traversera tout l’ouvrage : qu’est-ce que la nature ? Faute d’une définition précise (la nature est-elle la Création, le cosmos, le monde rural, les espaces inhabités ou faiblement exploités par l’homme, l’environnement ?), le livre ressemble malheureusement trop à une compilation de fiches. Celles-ci sont cependant organisées en quatre grands thèmes successifs : 1) Nature et réflexion : la théologie, les arts ; 2) Nature et contemplation : la spiritualité ; 3) Nature et animation : la pastorale ; 4) Nature et protection : les questions écologiques de la fin du XXe siècle. Ces thèmes sont rythmés par une série de chapitres, parfois réduits à deux pages (chapitre 7 de la première partie : « La théologie du process et la théologie féministe face à la nature »), parfois étendus à une quarantaine de pages, lesquelles hésitent cependant toujours entre compilation d’informations (chapitre 3 de la deuxième partie : « Les autres mouvements d’animation au cœur de la nature ») et amorce d’une synthèse réflexive (chapitre 2 de la deuxième partie : « Le scoutisme »).

Ces limites méthodologiques étant regrettées, il est cependant possible de tirer de l’ouvrage des points de réflexion. En premier lieu, la « nature », comme notion différente du concept philosophique de nature, ne peut être séparée de l’industrialisation remodelant les sociétés depuis le XIXe siècle. Les mouvements catholiques développant une spiritualité liée à la « nature » (plantes, animaux, forêts, etc.) doivent donc être reliées aux autres mouvements et réflexions s’interrogeant sur la société moderne et sa dominante finalement urbaine. La « nature » ne prend ici sens que par rapport à la ville, comme symbole d’une société productiviste, techniciste, industrielle ; en même temps, elle n’est pas identifiée au monde rural et paysan, quoique la tentation puisse exister, ce que les pages sur Gustave Thibon montrent bien. Ensuite, la « nature » a été l’objet d’une réflexion à finalité spirituelle et pédagogique, spécialement dans le scoutisme catholique. Elle est ainsi intégrée dans un souci de sanctification, en retrouvant la tradition de contemplation du cosmos comme œuvre de Dieu, comme morceau de Création, qui permet d’adorer la perfection divine, mais en renouvelant aussi cette tradition, quand on pose la nature comme « autorité » à laquelle l’enfant se confronte pour se construire – dans une perspective antiprométhéenne typique du catholicisme intransigeant.

Enfin, la « nature » est devenue, depuis une trentaine d’années, l’environnement à protéger et à préserver, ce que, de nouveau, le chapitre sur le scoutisme traduit très bien, et que la troisième partie travaille également. Les limites de la notion de « nature » transparaissent bien, lorsque sont abordés le développement durable ou le commerce équitable, voire les « catholiques zoophiles » (expression du chapitre 11 : « L’Église et la protection de l’animal », qui aurait peut-être pu être évitée). Et l’on découvrira alors que l’Église s’est même souciée de la corrida – le Code de droit canonique de 1917 incluait la corrida parmi les spectacles interdits aux clercs. Les quelques pages qui y sont consacrées ont un intérêt certain, car elles montrent qu’un phénomène social qui peut paraître marginal est en fait un observatoire idéal. C’est ainsi un résumé, aussi fidèle que le scoutisme, du rapport catholique à la « nature », y faisant jouer en sus les relations à l’animal et à une culture populaire fortement ancrée.

Bref, une série de pierres d’attentes ont été posées, et l’on peut souhaiter qu’un bel édifice s’élèvera bientôt.

Paul Airiau, marié, huit enfants, né en 1971. Diplômé de l’IEP de Paris, agrégé et docteur en histoire, enseignant dans un établissement public (ZEP) de l’Académie de Paris.

Réalisation : spyrit.net