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Le repos dominical, une nécessité absolue

P. Michel Viot
Nous remercions vivement le P. Viot, de nous avoir permis de reproduire cet article, paru dans les colonnes de La Renaissance du Loir-et-Cher, en février 2007, alors que le débat sur l’extension du travail du dimanche, qui a abouti à la loi de 2009, était en plein bouillonnement. Nous souhaitons aussi remercier M. Le May, directeur du journal.

Depuis plusieurs années, de plus en plus de magasins et de grandes surfaces sont ouverts le dimanche. Et ce, par dérogation, car une loi datant de 1906 faisait du dimanche un jour chômé. Les hommes politiques alors au pouvoir n’aimaient pourtant pas beaucoup l’Église…, c’est le moins que l’on puisse dire ! Mais un certain bon sens l’avait emporté, ralliant des syndicalistes, des socialistes… non radicaux et ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui des catholiques sociaux.

Aujourd’hui, des élus UMP se préparent à augmenter le nombre des dérogations concernant le repos du dimanche (projet de loi du Sénat en juillet 2006). Le dimanche perdra ainsi rapidement son caractère de jour chômé, au nom de la liberté de travailler plus, pour gagner plus. Je comprends cette dernière raison…, mais pas pour le dimanche. On le verra vite, cela nuit à la vie familiale, aux associations de toutes sortes, ainsi qu’à la pratique religieuse chrétienne : je le dis solennellement. Et cette discrimination négative à propos de la foi chrétienne aura des conséquences dans d’autres domaines, comme vont le montrer les lignes qui suivent.

Le grand pape Jean-Paul II avait en effet pressenti que les menaces sur le dimanche iraient en s’aggravant. Le 5 juillet 1998, il publiait une lettre apostolique, Dies Domini (Le jour du Seigneur), sur la sanctification du dimanche. Je ne veux pas, par cette référence, ne m’adresser qu’aux seuls catholiques, mais à tous les chrétiens, ainsi qu’à celles et ceux qui portent quelque intérêt à ce qu’écrit le Pape, et qui tiennent le dimanche pour un jour particulier, voire sacré. Je ne peux développer ici tous les arguments du Saint Père, voilà pourquoi je conseille vivement la lecture de ce texte par Internet ou en se procurant le document.

Je relèverai donc seulement quelques exemples. Le dimanche est présenté comme se trouvant au cœur même de la foi chrétienne, avec, quelques lignes plus loin :

Le temps donné au Christ n’est jamais un temps perdu, mais plutôt un temps gagné pour l’humanité profonde de nos relations et de notre vie. (§ 7)

On notera au passage, que le strict cadre de la vie religieuse est dépassé, ce qui explique mon introduction. Le texte évoque ensuite, à propos du récit de la création de la Genèse, la question du shabbat, ancêtre du dimanche, « repos de Dieu », auquel nos frères juifs pratiquants ont raison de tenir. Et la lettre apostolique précise :

En réalité, toute la vie de l’homme et tout le temps de l’homme doivent être vécus comme louange et action de grâce envers le Créateur. Mais la relation de l’homme avec Dieu a également besoin de temps de prière explicite, où le rapport devient un dialogue intense, qui engage tous les aspects de la personne. Le « jour du Seigneur » est, par excellence, le jour de cette relation dans laquelle l’homme élève à Dieu son chant, en se faisant la voix de toute la création. (…) Le jour du Seigneur (…) est là pour rappeler que le cosmos et l’histoire appartiennent à Dieu, et que l’homme ne peut se consacrer à son œuvre de collaborateur du Créateur dans le monde sans prendre constamment conscience de cette vérité. (§ 15)

Comment ne pas mettre en rapport les dangers qui menacent actuellement notre temps avec l’oubli par l’homme de son rôle de collaborateur de Dieu ? L’homme s’est en effet cru tout permis au nom de la science et de la productivité. De maître de la terre par délégation divine, il en est devenu le tyran. Ainsi l’actuelle prise de conscience écologique est-elle fondée sur la peur, alors que le respect du jour du Seigneur en aurait été une cause logique et plus efficace. Elle aurait alors découlé de l’action de grâces, ce qui aurait été plus productif et aurait fait agir plus tôt.

Ensuite vient un grand chapitre qui ne peut être résumé, chaque mot comptant, puisqu’il s’agit du lien entre le dimanche et la fête de la Résurrection du Seigneur, centre même de la foi des chrétiens. Après avoir développé toutes les conséquences de ce lien, le Saint Père conclut :

On comprend alors pourquoi, même dans le contexte des difficultés de notre temps, l’identité de ce jour doit être sauvegardée et surtout profondément vécue (…) ; il est la célébration de la présence vivante du Ressuscité au milieu des siens (…), modèle des autres célébrations eucharistiques. (§ 30, 31, 34)

Viennent alors deux conclusions logiques. L’une émane du nouveau code de droit canon : « Le dimanche et les autres jours de fête de précepte, les fidèles sont tenus par l’obligation de participer à la Messe » (canon 1247). L’autre, tirée de la lettre de Jean-Paul II, indique clairement ce que les catholiques doivent faire dans un débat électoral où le dimanche est menacé :

C’est pourquoi il est naturel que les chrétiens veillent à ce que la législation civile [1] tienne compte de leur devoir de sanctifier le dimanche, même dans les conditions particulières de notre époque. Il y a en tout cas pour eux un devoir de conscience d’organiser le repos dominical de manière telle qu’il leur soit possible de participer à l’Eucharistie, en s’abstenant des travaux et des affaires incompatibles avec la sanctification du jour du Seigneur, avec la joie qui lui est propre et avec le repos du corps et de l’esprit qui est nécessaire. Étant donné que, pour ne pas se perdre dans le vide ou devenir une source d’ennui, le repos doit apporter lui-même un enrichissement spirituel, une plus grande liberté, la possibilité d’une contemplation et d’une communion fraternelle, les fidèles choisiront, parmi les moyens de se cultiver et les divertissements offerts par la société [2], ceux qui s’accordent le mieux avec une vie conforme aux préceptes de l’Évangile. Dans cette perspective, le repos des dimanches et des jours de fête revêt une dimension « prophétique », puisqu’il affirme non seulement le primat absolu de Dieu, mais aussi le primat et la dignité de la personne qui l’emporte sur les exigences de la vie sociale et économique, en quelque sorte par anticipation des « cieux nouveaux » et de la « terre nouvelle », où la libération de l’esclavage des besoins sera définitive et totale. Bref, le jour du Seigneur devient aussi, de la manière la plus authentique, le jour de l’homme. (§ 67-68)

Deux précisions, toutes personnelles, pour conclure. Je ne crois pas à la réalité du « volontariat », basé seulement sur l’argent. La puissance de ce dernier sur les employés, comme sur les entreprises, aura vite raison des résistances. Ceux qui refuseront de travailler le dimanche risqueront, dans bien des cas, de perdre leur place. Enfin, ceci est une question, comment peut-on à la fois vouloir que nos frères musulmans puissent pratiquer « dignement » leur foi en aidant à construire des mosquées (et je dis pourquoi pas ?), et prendre des dispositions législatives qui auront immanquablement pour effet de gêner, voire d’empêcher l’exercice de la foi chrétienne ? Jouer une religion contre une autre n’est pas conforme aux principes de laïcité de notre République, sur lesquels — c’est un constat — tout le monde semblait d’accord en 2005, lors de la commémoration de la loi de 1905.

P. Michel Viot, P. Michel Viot, né en 1944, ancien pasteur et Inspecteur ecclésiastique de la Communauté luthérienne de Paris, actuellement curé de la paroisse Saint-Pierre de Cabochon (diocèse de Blois).

[1] Dans le cas contraire, ceux qui sont responsables de la législation civile pourraient paraître en contradiction avec l’Évangile et le respect de la personne par le refus du repos dominical. (note du P. Viot)

[2] Ce qui, à mon sens, démontre que tout ne peut être fermé le dimanche. Certaines dérogations sont, bien évidemment, légitimes, dans les transports et certains commerces, tous domaines qui pourraient servir aux rassemblements religieux, familiaux, culturels, etc. Le tout est une question de mesure. Actuellement, nous arrivons à une limite à ne pas dépasser. (ibid.)

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