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Les Origines du christianisme

P. Henri de l’Eprevier

Les émissions télévisées consacrées aux origines du christianisme [1] ont laissé souvent les chrétiens désemparés. Il faut bien le reconnaître : on n’épargne pas grand chose à l’Église dans la volonté de remettre en cause ses fondements. De leur côté, beaucoup de chrétiens acceptent peut-être trop facilement d’avaliser certaines positions, persuadés que, au fond, l’essentiel de leur foi est ailleurs, dans l’appropriation qu’ils font par eux-mêmes de l’évangile. Malgré les faiblesses et même la malhonnêteté de leur argumentation d’un point de vue scientifique, ces émissions peuvent être l’occasion d’une réflexion sur l’intérêt que représente l’étude des origines de l’Église. Ce numéro veut saisir l’occasion pour montrer l’enjeu d’une telle étude.

Un enjeu qui n’est pas simplement apologétique (« ce que nous disons est avéré historiquement »), mais qui tient à la nature même de la foi de l’Église. En étudiant les origines de l’Église, nous touchons non seulement les fondements, mais aussi le contenu même de notre foi. La foi n’est pas simplement une adhésion à la révélation, elle a un contenu objectif qui est intrinsèquement historique : l’incarnation du Verbe « à la plénitude des temps », s’insérant dans l’histoire singulière d’Israël. A la suite des apôtres et des évangélistes, l’Église s’est appliquée à accueillir, à reconnaître et à transmettre avec grand soin ces « événements qui se sont accomplis » au milieu d’elle (cf. Lc 1,1). La lutte qu’elle a dû mener dans les premiers siècles contre les hérésies ne s’explique que par cet attachement à recevoir intact le dépôt de la révélation.

Ceci explique que l’Église encourage l’utilisation des méthodes que lui offrent les sciences historiques pour connaître ses origines, comme elle l’a fait, après les hésitations que nous connaissons, pour l’étude des Écritures. Ces méthodes ne nous entraînent pas malgré nous sur un terrain dangereux sur lequel nous aurions à nous justifier, mais bien au contraire, elles sont une chance pour aider à redécouvrir avec rigueur la nature profonde de l’Église.

Il faut cependant que ces méthodes soient utilisées dans leurs propres limites. Car ce dont vit l’Église (le corpus de la Révélation, les rites et les institutions) n’est pas une simple matière historique accessible à la science. Le travail critique de l’historien, bien que nécessaire, aboutit à des conclusions d’historiens, il ne donne pas la foi. Il maintient le cadre objectif que nous avons évoqué plus haut, mais ne dit rien – ou du moins pas l’essentiel – de la vie interne de l’Église. L’erreur est de penser que la vérité des Écritures se situe dans les circonstances historiques qui sont à l’origine de leur rédaction. Or elle ne se situe pas simplement en amont, mais aussi et surtout en aval, dans la fécondité que les Écritures ont eues quand elles ont été lues et interprétées dans la foi. De même que les Écritures ne livrent leur sens que si elles sont lues dans l’Esprit qui les a fait rédiger, de même les événements fondateurs de l’Église ne nous sont accessibles que si nous donnons une place à ce que l’Église dit d’elle-même.

Puisse ce numéro nous stimuler dans notre étude, et notre étude nous faire grandir dans la connaissance et l’amour de l’Église.

P. Henri de l’Eprevier, aumônier des Universités Paris VI-VII à Jussieu. Aumônier général du mouvement « Résurrection ».

[1] Emissions sur Arte de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, du 3 au 17 avril 2004.

Réalisation : spyrit.net