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Les années Pierres Vivantes, retour sur un débat interrompu (Isabelle Morel)

collection Théologie à l’Université, n°33, Paris, DDB, 2015, 290 pp.
P. Michel Gitton

Ce livre nous fait pénétrer dans les débats complexes qui ont entouré l’élaboration de la « nouvelle catéchèse » mise en place dans les années de l’après-Concile, mais surtout dans la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt. Nous sommes aujourd’hui parvenus à l’heure d’un bilan - malheureusement assez lourd - sur ces années où l’on croyait encore avoir trouvé la clef qui avait manqué aux anciens catéchismes, - jugés trop doctrinaux, trop abstraits -, et pouvoir ainsi rejoindre les jeunes des seventies.

Avec le livre d’Isabelle Morel, on assiste en direct aux débats qui ont entouré la douloureuse gestation de Pierres vivantes, dans sa première (1981), puis sa seconde édition (1985). Rappelons qu’il ne s’agissait pas là d’un catéchisme proprement dit, mais d’un recueil de textes bibliques destiné à accompagner la formation et de permettre aux élèves du primaire de disposer des grands textes de l’Ecriture pour accompagner les fameux « parcours » catéchétiques.

Les intentions de ceux qui ont promu ce qui paraissait à l’époque un « renouveau » de la catéchèse, et qui l’ont fait prévaloir auprès de l’épiscopat, sont hors de tout soupçon, leur désir était même de revenir à une certaine objectivité de la foi, après les ravages d’une pédagogie axée exclusivement sur la « vie ». Il s’agissait pour eux de mettre à la disposition des jeunes les meilleurs moyens pour s’approprier le trésor de la foi. On utilisait les outils de la pédagogie dite active, qui à l’époque déjà encourageait l’élève à rechercher dans des dossiers qui lui étaient fournis les éléments qu’il allait disposer lui-même à son gré.

Mais ce qui, avec le recul, paraît la faiblesse congénitale de l’ensemble est la confiance sans limites faite aux supposés acquis de la critique biblique. Le plan même (qu’on devra corriger dans la 2e édition à la demande de Rome) partait non de la création, mais de l’Exode, au nom de l’idée, qui à l’époque faisait florès, que la première conviction des textes bibliques n’était pas l’organisation du monde par Dieu, mais la libération d’Egypte, bref que l’histoire était première et que l’on ne partait pas d’une définition de Dieu mais d’un événement de salut. La même critique biblique a largement évolué depuis, l’historicité de l’Exode est bien malmenée aujourd’hui et il ne se trouverait plus beaucoup d’exégètes pour soutenir que ce qui est premier est la traversée de la Mer Rouge. Suspendre toute la logique de la foi à un fil aussi ténu semble bien imprudent. De surcroît, que pouvaient en comprendre les destinataires, c.à.d. les enfants, sinon que tout cela était une invention des hommes au gré des circonstances ?

Le coup de barre donné par Rome, qui a souhaité l’élaboration d’un « exposé organique de la foi » d’abord au plan national, puis pour toute l’Église catholique, s’est révélé après coup salutaire.

P. Michel Gitton, ordonné prêtre en 1974, membre de la communauté apostolique Aïn Karem.

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