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Les jésuites français dans la Grande Guerre

Marie-Claude Flageat, Paris, Cerf, 2008
Isabelle Baron

Après les lois anticléricales de 1901 et 1904 et leur application sans états d’âme par le gouvernement d’Émile Combe, seules cinq congrégations masculines étaient autorisées en France. Les jésuites, souvent conspués au cours de l’histoire n’en étaient « naturellement » pas. Pourtant ce désamour n’empêche pas ces hommes souvent issus de milieux privilégiés de demeurer, du fond de leurs zones frontalières, très attachés à leur patrie, à la France chrétienne.

Quand le clairon sonne en août 1914, aucun d’entre eux n’hésite à rejoindre les armées pour servir. Servir comme simples soldats pour certains, comme gradés, comme aumôniers pour d’autres, servir en tout cas, pour ranimer la foi et aider les hommes à vivre et mourir chrétiennement. C’est cette aventure humaine et spirituelle que rapporte Marie-Claude Flageat dans un livre très minutieusement documenté.

Prenant appui sur les archives de l’ordre, sur les lettres adressées par les membres envoyés sur le front à leurs frères mais aussi à leur famille, cet exposé clair et précis montre l’état d’esprit des jésuites, leurs espoirs, leurs confrontations à une France diverse. S’ils déplorent souvent le manque de formation ou d’esprit religieux, ils ne manquent pas de constater que la proximité constante de la mort comme la promiscuité avec les hommes leur permettaient souvent de toucher mieux les cœurs que dans la paix. Brûlant d’ardeur, les jésuites se sont trouvés parfois confrontés à des hommes indifférents voire hostiles, remplis de préjugés et de défiance. La vie dans les tranchées au coude à coude a offert aux différentes parties en présence l’occasion de se connaître et souvent de s’apprécier, le courage et la hauteur d’âme des jésuites faisant généralement l’admiration de tous.

Très patriotes, les jésuites de France étaient convaincus du bon droit de la France face à l’Allemagne protestante. Ils souhaitaient une victoire complète en fondant beaucoup d’espoir sur l’après-guerre, dans l’attente d’un renouveau profond et durable de la foi et d’une réhabilitation de la Compagnie de Jésus en France. Si la réalité n’a répondu qu’imparfaitement à leurs attentes, leur ordre, véritable famille, s’est trouvé grandement renforcé par ces épreuves vécues par ses membres. Les suivre pas à pas pendant ces quatre années de conflit donne un éclairage passionnant sur l’histoire religieuse en France pendant les premières décennies du XXe siècle.

Réalisation : spyrit.net