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Les miracles de Lourdes : la rigueur scientifique au service de la vérité

Catherine Bergot , Jean-Charles Soria

Grande fut ma surprise quand, en août 2015, je reçus une lettre co-signée par le Professeur Marie-Christine Mouren et S. Exc. Mgr Nicolas Brouwet, Évêque de Tarbes-Lourdes, pour me demander de devenir un membre permanent de la Commission Médicale Internationale de Lourdes (CMIL pour les initiés).

Membre de la Commission médicale

A ce moment-là, mes centres d’intérêt me faisaient plutôt graviter autour de l’organisation des grands congrès internationaux de la cancérologie, de la Direction du Site Intégré de Recherche en Cancérologie de l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, ou de l’animation d’un département clinique expansion avec près de 140 soignants. En effet, je suis Professeur de Cancérologie à l’Université Paris-Sud (Faculté de Médecine de Kremlin-Bicêtre) depuis 2006, spécialiste médical de la cancérologie depuis 1999, et chef d’un département comprenant trois services cliniques depuis 2013. Mon activité médico-scientifique est intense avec près de 500 publications internationales, un Prix de l’Académie de Médecine en 2009, un prix de l’Académie de Sciences en 2014, ou encore mon rôle de Rédacteur en Chef de la principale revue européenne en cancérologie (Annals of Oncology). En bref, je suis un exemple classique de ce que certains appelleraient l’élite médico-scientifique de la cancérologie internationale.

Catholique convaincu et pratiquant, père de 4 enfants et marié depuis 20 ans avec mon épouse pédiatre, il m’a fallu quelque temps pour comprendre le comment et le pourquoi de cette invitation à servir le CMIL et par conséquent l’Église.

Le comment est lié à un de mes patients, M. B., 50 ans, que je soignais depuis 5 ans pour un cancer du poumon métastatique, et dont la survie surprenante aux yeux de la science, était liée pour lui à sa dévotion à la Vierge Marie et à sa participation bénévole à des activités du Sanctuaire de Lourdes. C’est lui qui m’a demandé un jour d’envoyer son histoire médicale au Dr Alessandro de Franciscis, Président du Bureau des Constatations Médicales de Lourdes et Secrétaire de la Commission Internationale Médicale de Lourdes (CMIL). C’est ainsi que le Dr de Franciscis, ancien député italien, et sans doute premier médecin non français de Lourdes, m’a identifié et invité, après accord des membres du CMIL et de ses 2 co-Présidents (Pr Mouren et Mgr Brouwet), à rejoindre le CMIL en 2015.

La procédure mise en place

Le pourquoi est bien plus pertinent et passionnant. Le sanctuaire de Lourdes, de tous les sanctuaires mariaux, est celui qui a la vocation la plus explicite à accueillir des malades et dont la notoriété mondiale sur cette dimension précise est indiscutable. C’est pourquoi, avec un flux de plusieurs millions de visiteurs annuels et de très nombreuses manifestations spontanées de guérison/amélioration, le sanctuaire et l’Église ont été amenés à définir des procédures précises pour évaluer les constatations médicales remarquables et, in fine, aboutir à d’éventuelles reconnaissances de miracles.

Sur quelques 7000 dossiers de guérison déposés à Lourdes depuis les Apparitions, seuls 69 cas ont été à ce jour reconnus miraculeux par l’Église. La procédure aboutissant à un tel tri est en fait d’une rigueur médico-scientifique et ecclésiale tout à fait remarquable.

Les constatations médicales rapportées par des pèlerins ou leur entourage sont évaluées par le Bureau des Constations Médicales de Lourdes, établi en 1883. Ce dernier réunit aujourd’hui, autour du Dr de Franciscis, un ensemble d’experts régionaux ainsi que tous les soignants (médecins, infirmières, kinésithérapeutes, psychologues, etc.) présents au sanctuaire le jour de la réunion. Seuls les cas les plus pertinents d’un point de vue médical sont ensuite remontés auprès du CMIL

Le travail du CMIL

Le CMIL, créé en 1954, se réunit une fois par an sur convocation par Mgr Brouwet et son co-Président le Professeur Marie-Christine Mouren, pédopsychiatre et membre correspondante de l’Académie nationale de médecine française. Les membres du CMIL sont des médecins de renommée souvent internationale, avec une majorité de Professeurs provenant de nombreuses universités forts prestigieuses, aussi bien européennes qu’américaines.

Le travail bénévole du CMIL consiste à évaluer dans la plus grande rigueur médicale et scientifique les cas considérés comme d’intérêt particulier par le Bureau des Constatations Médicales de Lourdes. Lorsqu’un cas est exceptionnel, un ou plusieurs rapporteurs seront nommés par les membres du CMIL pour une analyse approfondie. Cette analyse peut inclure des entretiens avec le patient, la récupération de pièces de son dossier médical, des échanges avec des confrères libéraux ou hospitaliers. Seuls les cas pour lesquels les rapporteurs n’ont pas d’explication médico-scientifique à la guérison, sont ensuite soumis en séance plénière du CMIL au vote de ses membres. Si le vote est positif (pas d’explication médico-scientifique plausible de la guérison au regard des données actuelles de la science), le cas est soumis au jugement ecclésial de l’évêque de Tarbes-Lourdes, aujourd’hui Mgr Nicolas Brouwet. Si ce dernier retient le caractère exceptionnel du cas, alors le dossier de la personne en question est transmis à l’évêque du lieu où habite la personne « guérie ». Ce n’est que si cet évêque-là reconnait également le caractère exceptionnel de la guérison et son impact sur la vie quotidienne de la personne concernée, que le cas sera déclaré miraculeux.

Pas surprenant donc que, malgré des milliers de constations médicales remarquables, seuls 69 cas aient été reconnus comme miraculeux. L’analyse de ces cas montre que plus de 80% des miraculés sont des femmes. Le plus jeune miraculé avait 2 ans. Les pays d’origine des miraculés sont la France (55 miraculés), l’Italie (8), la Belgique (3), l’Allemagne (1), l’Autriche (1) et la Suisse (1). Six des 69 miraculés affirment avoir été guéris par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, alors qu’ils n’étaient pas venus à Lourdes. La majorité des miraculés a été guérie au contact de l’eau de Lourdes (50 miraculés, la plupart aux piscines).

Le dernier miracle attesté

Le dernier miracle ainsi reconnu concerne Madame Danila Castelli. C’est en 2013, que l’évêque de Pavie, Mgr Giovannu Giudici a reconnu ce cas comme miraculeux après l’avis positif émis par le CMIL et Mgr Brouwet en 2011. Madame Castelli était italienne, et elle souffrait d’une forme extrêmement sévère d’hypertension artérielle depuis ses 34 ans. Cette hypertension était très mal contrôlée par les médicaments et avait abouti à des multiples complications touchant divers organes. En 1989, alors que son état était très altéré, elle s’est rendue à Lourdes avec son mari médecin non croyant. Dès son immersion dans les piscines elle a ressenti une disparition quasi-totale de ses symptômes. Jusqu’à sa mort récente en 2016, Danila retournait régulièrement à Lourdes. À chacun de ses retours, le bureau médical de Lourdes a pu constater le caractère définitif et permanent de sa guérison.

Au total, il y a donc un processus d’une rigueur extrême et exemplaire, tant au plan médico-scientifique qu’ecclésial, pour aboutir à la reconnaissance d’un miracle à Lourdes. Mais comme le rappelait le Pape Benoît XVI en 2008, lors de sa visite à Lourdes : la vocation première du sanctuaire de Lourdes est d’être un lieu de rencontre avec Dieu dans la prière, et un lieu de service des frères, notamment par l’accueil des malades, des pauvres et de toutes les personnes qui souffrent [1].

Catherine Bergot, enseignante hospitalo-universitaire à l’Université Paris VII.

Jean-Charles Soria, professeur de médecine et d’oncologie médicale à l’Université Paris-Sud, titulaire d’un doctorat ès sciences en biologie moléculaire (bases fondamentales de l’oncogenèse) en 2001, professeur associé au MD Anderson Cancer Center (Houston, Texas) depuis 2012, membre du Comité de pathologie thoracique à l’Institut Gustave Roussy. Investigateur principal de nombreux essais thérapeuthiques, il est aussi actuellement rédacteur en chef de la revue Annals of Oncology.

[1] Sans aucun doute, il s’accomplit beaucoup plus de « signes » à Lourdes que ne le laisse voir la liste des guérisons officiellement constatées : l’examen rigoureux décrit ci-dessus n’est pas toujours possible et, dans certains cas, on peut penser que Dieu a agi, même si l’amélioration constatée est due pour une part à un traitement médical ; mais celui-ci survenant en lien avec la prière et provoquant un effet inespéré, on peut conclure à un miracle, même si cela n’entre pas dans les critères que l’Église, à juste titre, a mis en place pour éviter toute contestation. (NDLR)

Réalisation : spyrit.net