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Les répons de l’Office divin

(Paul Daydou, Cerf, 2001)
Jean Lédion
Trop souvent les catholiques manifestent une ignorance sans borne pour ce qui concerne la liturgie. Le sentiment que rien n’est fixé en ce domaine et que les modes se succèdent sans laisser de trace ne facilite pas l’acquisition d’une formation à la prière liturgique. Un des trésors de l’office divin, ce sont ses répons. Dans la liturgie latine, certains sont de vrais chefs-d’œuvre, pas seulement au plan musical, mais par leur richesse doctrinale. Un effort a été fait en français pour doter l’office d’un patrimoine qui puisse à terme rivaliser avec son grand modèle. C’est cet effort que développe l’ouvrage ici présenté.

Cette recension n’est pas faite pour signaler au lecteur une nouveauté de librairie. Il s’agit en l’occurrence d’une étude publiée il y a bientôt dix ans, mais, comme elle concerne l’office divin (thème de ce numéro de Résurrection) elle n’a rien perdu de son actualité. En effet, le sous-titre donné à l’ouvrage : « Un trésor fascinant inexploité » montre bien l’enthousiasme de l’auteur pour ces petites pièces de l’office.

Rappelons que le répons est, en général, un texte court (ou très court, c’est le « répons bref ») qui est destiné à être chanté à l’issue d’une lecture de l’Écriture ou d’une leçon tirée d’un texte d’un Père de l’Église. Ce qu’il est important de souligner, c’est le fait qu’il doit normalement être chanté, parce que le chant est là, non pas pour améliorer l’esthétique de la célébration, mais pour favoriser la mémorisation et l’intériorisation de ce qui est chanté. Pour le répons, il faut ajouter le fait que le texte qu’on chante a, bien entendu, sa consistance propre, mais qu’il a été choisi avec le dessein essentiel de renvoyer au contenu ce qui vient d’être lu. En général, le texte du répons est, soit tiré de l’Écriture, soit une composition ecclésiastique. Bien sûr, ce texte est normalement prévu pour faire écho à ce qui a été proclamé, de telle manière que le participant à l’office puisse aller au-delà du sens littéral des mots entendus, afin d’entrer plus facilement dans le sens spirituel.

Après ces quelques remarques liminaires, il convient d’examiner les apports de ce livre. L’auteur, dans son introduction, rappelle que l’office, comme toute liturgie, est d’abord écoute. Ce qui caractérise la prière du peuple de Dieu, depuis l’ancien Israël jusqu’à l’Église d’aujourd’hui, c’est le fait qu’elle est réponse à l’appel de Dieu vers l’homme pécheur ; et appel destiné à le sauver. La réponse de l’homme arrive alors en second lieu, et elle n’atteint sa perfection que dans la prière du Christ. Ainsi, l’Église en prière, comme aimera à le répéter saint Augustin, c’est le Christ Tête qui prie avec les membres. C’est pourquoi la célébration collective de l’office est toujours préférable, lorsque c’est possible, à la récitation silencieuse individuelle. Et ce qui est vrai pour les lectures l’est encore plus pour les répons. En effet, un texte court, même s’il est tiré de la Sainte Écriture, peut paraître extrêmement plat en lui-même, sorti de son contexte. A titre d’exemple prenons le discourt inaugural du pontificat de Jean-Paul II qui commence par « N’ayez pas peur ». Qui, sur le champ, même en étant bon chrétien, a fait le rapprochement avec la première parole, mise dans la bouche d’un ange, qui soit rapportée après la résurrection du Christ (Mt 28,5 ou Mc 16, 4) ?

Ainsi, dans l’office nous ne remarquons pas forcément le caractère inspiré des textes des répons même lorsqu’ils sont tirés de l’Écriture. Et que dire de ceux qui sont de composition ecclésiastique ! D’où la difficulté du lecteur ordinaire de partager l’enthousiasme de l’auteur qui a, lui, l’avantage d’une solide formation biblique. En revanche, il pourra trouver dans ce livre un classement, avec toutes les références souhaitées, de l’ensemble des répons utilisés dans la liturgie des heures, selon les temps liturgiques et selon les thèmes traités ; c’est ce qui rend la lecture continue du livre quelque peu fastidieuse. Il faut donc l’utiliser surtout à la manière d’un dictionnaire.

Mais en définitive, que doit-on retirer de ce livre ? Sans doute que dans l’office rien n’est inutile ou même superflu, même le répons bref. A titre d’exemple, si nous considérons le répons très connu, utilisé pour l’office des complies : « Entre tes mains, Seigneur, je remets mon esprit », il est très facile d’en montrer la richesse spirituelle. En une première lecture, très littérale, il peut exprimer simplement l’attitude spirituelle de celui qui termine sa journée et va aller dormir. En faisant jouer sa mémoire il se souviendra aussi qu’il s’agit aussi d’une parole évangélique, rapportée par saint Luc, du Christ mourant sur la croix (Lc 23,46). Mais cette parole est également une citation du psaume 31 (Ps 31,6) qui, mise par l’évangéliste sur la bouche de Jésus, lui donne son sens plénier. Ainsi, ces quelques mots, qui pourraient paraître d’une pieuse banalité si l’on s’en tenait au strict sens littéral, prennent une résonance toute autre lorsqu’ils sont mis en relation avec toute l’histoire du salut, Ancien et Nouveau Testaments compris. Mais ce n’est pas tout, car ce répons suit les psaumes qui viennent d’être chantés, psaumes qui expriment, eux aussi, la même confiance de celui qui va s’abandonner au sommeil, comme le dernier verset du psaume 4 : « En paix, je me couche, aussitôt je m’endors : toi seul, Seigneur, tu m’établis en sûreté » (Ps 4,9 traduction de la Bible de Jérusalem). Ce simple exemple peut donc servir à montrer que la thèse de l’auteur, selon laquelle les répons sont un trésor fascinant inexploité, est sans doute justifiée. Mais il faut encore le redire : le répons n’est rien en lui-même, s’il n’est pas considéré avec l’ensemble de l’office dans lequel il est inséré. Le danger, pour le répons, comme toujours en matière de liturgie, c’est la recherche de l’esthétique, du « beau chant », au détriment du sens des paroles qui sont proférées pour être « entendues » par celui qui prie : « écoute Israël le Seigneur ton Dieu… » (Cf. Dt 6,1). Voilà ce qui doit guider le lecteur de ce livre, et surtout celui qui prie.

Jean Lédion, marié, trois enfants. Diplôme d’ingénieur, docteur d’État ès Sciences Physiques. Enseignant dans une école d’ingénieurs à Paris.

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