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Louis Bouyer (Jean Duchesne)

Paris, Artège, 2011, 127 pp.
Jean Lédion

Ce petit livre, consacré à l’œuvre de Louis Bouyer, n’est pas une biographie mais, comme le dit l’auteur dans sa conclusion, « plutôt une cartographie de son univers ». En effet, Jean Duchesne, qui a bien connu le P. Bouyer, était sans doute le mieux placé pour évoquer la figure de ce grand théologien du XXe siècle. Il a pris le parti de faire un livre court, facile à lire, dans lequel il évoque, de manière forcément brève, les facettes multiples de la personnalité de L. Bouyer. Cette complexité du personnage, nous montre-t-il, ne doit cependant pas faire oublier la profonde unité du dessein de notre théologien. Son projet est celui d’un homme croyant qui veut unifier sa vie autour de sa foi, de sa spiritualité et de son métier de théologien. On peut dire que Bouyer a fait sien l’idéal de la vie monastique : vivre l’expérience chrétienne dans sa radicalité, aussi bien sur le plan personnel que sur le plan « professionnel ».

Mais comme l’œuvre de Bouyer est considérable, Jean Duchesne nous facilite la tâche en examinant tour à tour divers aspects de sa personnalité.

Dans l’introduction, l’auteur dégage six orientations fondatrices qui lui paraissent marquer l’œuvre et la vie du P. Bouyer : l’Écriture, les Pères de l’Église, la liturgie au cœur de la vie chrétienne, éducation et humanisme, le modèle monastique et, enfin, l’histoire et le présent. Venu du protestantisme, Bouyer en a conservé la place primordiale donnée à la Parole de Dieu, parole qui se cristallise dans l’Écriture sainte puis se commente chez les Pères, s’intériorise dans la vie liturgique pour ensuite se déployer dans l’histoire, se vivre dans la vie présente dont la vie monastique n’est que le modèle le plus radical. Ce sont ces orientations fondatrices qui vont sous-tendre tous ses travaux et qui vont déboucher sur les grandes trilogies sur la « Théologie » et l’« Économie ». Le propos de Jean Duchesne n’est pas de décrire l’itinéraire théologique de L. Bouyer (voir par exemple, sur ce sujet, l’étude de Davide Zordan dont nous avons déjà parlé dans Résurrection, n° 129-130) mais de montrer la richesse de sa pensée en six chapitres consacrés, par exemple, à « l’Église et la Trinité » (ch. IV) ou à « Union et féminité » (ch. V) – ou encore « De la liturgie à la théologie » (ch. II). Le lecteur peu familier de l’œuvre de Bouyer y trouvera de quoi aiguiser son désir de mieux connaître ces grandes synthèses de notre théologien. Le lecteur plus averti sera heureux d’y voir regroupés un certain nombre de thèmes connus mais présentés d’une manière originale.

Pour conclure, il est bon de rappeler que la revue Résurrection doit beaucoup au Père Bouyer, non seulement parce qu’il y a écrit quelques articles, surtout dans les premières années d’existence de la publication, mais parce qu’il a contribué à former et à inspirer de nombreux rédacteurs, même s’ils ne s’y référaient pas directement. On ne peut donc que remercier J. Duchesne, lui aussi ancien rédacteur, d’avoir mis à la portée de tous ce petit livre qui se veut une incitation à lire les livres que nous a laissés L. Bouyer, même s’« il est évident par ailleurs que son œuvre, comme n’importe quelle autre, est datée et répondait aux exigences de la seconde moitié du XXe siècle » (p 112). Bien que s’étant refusé à construire une « synthèse », Bouyer nous a tout de même laissé une œuvre monumentale, œuvre effectivement non fermée, qui doit susciter maintenant, au XXIe siècle, des approfondissements et des prolongements dans des domaines que lui-même n’avait pas eu le loisir d’explorer.

Jean Lédion, marié, trois enfants. Diplôme d’ingénieur, docteur d’État ès Sciences Physiques. Enseignant dans une école d’ingénieurs à Paris.

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