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Mai 68

Pierre-Henri Beugras

Mai 68 fut-il une « Pentecôte indéfrichée », « L’an zéro d’on ne sait quoi » comme voulait le croire Maurice Clavel ?

Comme chrétien on peut définir le monde comme le lieu où l’homme veut se débrouiller seul. Un monde de lutte d’égos, de conflits et de vaines conquêtes. Ce monde, 68 semblait le contester, vouloir le faire disparaître pour qu’enfin il réponde aux aspirations profondes de l’homme : l’amour et la paix. Le « peace and love » pointait derrière les arguties marxistes-léninistes, maoïstes et trotskistes.

Les institutions, Église, État, partis, familles étaient spectatrices et désorientées. Récupérations et manœuvres plus ou moins habiles ont clos une parenthèse, et pourtant quelque chose a changé. Les grands récits et la philosophie de l’histoire toujours plus ou moins chrétiennes ont été contestés et déligitimés.

François Châtelet disait dans Une histoire de la raison : « saint Augustin parlait de la fin des temps, Hegel de la fin de l’histoire, Marx de la fin du Capital ». Tous croyaient à un sens transcendantal, incarné par le Christ, l’Esprit absolu ou le prolétariat. Ces transcendances valaient la peine d’accepter la discipline, le devoir et ultimement le sacrifice. Elles détournaient des appétits immédiats et de l’argent, elles engendraient des saints et des héros.

Paradoxalement, 68 semble avoir engendré des consommateurs à satisfaire et une restructuration, semble-t-il victorieuse, d’un capitalisme apte à tout digérer surtout ce qui lui semble le plus opposé.

Ce numéro va tenter de projeter un nouvel éclairage sur cet événement paradoxal et ses conséquences qui ne le sont pas moins.

En premier lieu, nous donnerons la parole à José Bové et Jean-Luc Marion qui explorent ce que cachaient, selon eux, les évènements de Mai 68. Après avoir observé le triomphe de la postmodernité, c’est sous l’angle de la musique et des témoignages que nous poursuivrons le parcours pour terminer sur la théologie des mouvements contestataires. Puisse ce regard nous permettre de discerner les enjeux de l’Evangélisation des sociétés humaines désorientées qui cherchent, le sachant ou non, le maître invisible de l’histoire.

Pierre-Henri Beugras, né en 1961, chef d’établissement dans l’enseignement catholique, professeur de philosophie. Membre de la communauté apostolique Aïn Karem.

Réalisation : spyrit.net