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Marie-Joseph Lagrange, une biographie critique

B. Montagnes, Paris, Cerf, 2004.
Matthieu Cassin

Benoît Montagnes, dont la bibliographie en fin de volume recense quarante-deux travaux autour du père Lagrange et de l’École biblique de Jérusalem, présente ici une synthèse de ses différentes approches : c’est une biographie très documentée de cette très belle figure dominicaine que fut le père Marie-Joseph Lagrange, fondateur, en 1890, de l’École biblique de Jérusalem, et en 1892, de la Revue biblique. Nous ne retracerons pas ici les différentes étapes mises en lumière par B. Montagnes ; qu’il suffise simple-ment de rappeler la place que tenta d’occuper le père Lagrange, en pleine découverte de la « question biblique », lors de la crise du modernisme. En effet, il s’efforça de trouver, au sein de l’Église catholique, une place pour l’exégèse critique et scientifique qui soit conforme au donné de la foi. Une telle démarche lui valut bien des oppositions et des censures, en particulier chez certains jésuites et dans quelques milieux de la curie romaine, mais son œuvre s’est peu à peu imposée, en particulier à partir du pontificat de Pie XI. Il faut surtout relever la grande humilité et l’obéissance dans lesquelles il a mené son œuvre d’exégète, ne s’élevant jamais contre les censures, même imméritées et faussées par les querelles de personnes.

L’ouvrage de B. Montagnes retrace le fil de la vie, des travaux et des épreuves du père Lagrange, d’une manière fort précise, mais qui se heurte à deux écueils principaux, la discontinuité et la répétition. En effet, le plan adopté, qui isole, pour une meilleure compréhension, chacun des aspects d’une même période – en particulier le chapitre X, qui rassemble, après plusieurs chapitres chronologiques, différentes oppositions avec certains représentants d’autres ordres religieux présents à Jérusalem – conduit parfois à séparer des faits de leur contexte général, pour les replacer dans la série chrono-logique qui leur est propre.

Un autre très grand mérite de l’ouvrage est de présenter et d’utiliser de très nombreux documents inédits ou difficilement accessibles, correspondances, rapports internes à l’ordre des Prêcheurs, etc. Cela donne une grande vie au récit, permettant un accès privilégié aux dispositions d’esprit des différents acteurs. Cependant, leur usage souffre de fréquentes répétitions, en particulier entre le dernier chapitre, « Le profil humain et spirituel », et le reste de l’ouvrage, mais aussi entre les chapitres du corps du livre. Les commentaires mêmes sont parfois repris à la lettre d’un chapitre à l’autre.

Enfin, l’appareil de notes est souvent riche d’informations biographiques sur les différents personnages évoqués, en particulier sur les religieux des divers ordres. Toutefois, certains acteurs d’importance, comme Loisy, ne bénéficient pas de telles notes ; aussi le lecteur peu averti des problèmes principaux de la période et de ses figures majeures devra garder près de lui un bon ouvrage de référence pour compléter ça et là les renseignements fournis par l’auteur.

Malgré ces imperfections, l’ouvrage propose une très attachante étude de la personne et de l’œuvre du père Lagrange, figure exemplaire de la recherche fidèle de la vérité dans l’Église, toujours soucieux de gagner les âmes et de les arracher aux lumières trompeuses que projetait la critique positiviste sur le texte sacré. Il offre en outre une vivante évocation de l’atmosphère de l’époque et de la carrière du savant dominicain, à Rome, en France et à Jérusalem, permettant ainsi de redécouvrir le point de départ de grandes entreprises bibliques et exégétiques encore à l’œuvre aujourd’hui : à celles que nous avons citées, il faut ajouter encore la collection des Études bibliques.

Matthieu Cassin, Né en 1980, élève de l’Ecole Normale Supérieure.
http://matthieu.cassin.org

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