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Marie-Madeleine : de la pécheresse repentie à l’épouse de Jésus

Régis Burnet, Cerf, « Lire la Bible », Paris, 2004,137 p.
Matthieu Cassin

L’ouvrage de R. Burnet se place dans une longue série concernant la Madeleine, ou plutôt les Maries, celles des Évangiles et celles que l’on a imaginées à partir des premières. Bien qu’il s’en défende à plusieurs reprises, il semble bien que l’occasion de l’ouvrage, sinon sa raison, soit la place donnée à Marie-Madeleine dans le best-seller de Dan Brown, Da Vinci Code. C’est là saisir une occasion favorable de présenter à un assez large public les recherches critiques sur Marie-Madeleine.

En effet, l’auteur nous présente une histoire de la réception, c’est-à-dire de l’élaboration de cette figure, depuis sa construction à partir de trois femmes des Évangiles (Marie de Magdala, guérie de sept démons ; Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare ; la pécheresse pardonnée, qui oint de parfum les pieds de Jésus). C’est à Grégoire le Grand, dans deux homélies de l’an 591, que R. Burnet, adoptant ainsi la position généralement admise, attribue la constitution définitive du personnage de Marie-Madeleine à partir des trois femmes des Évangiles.

Le second chapitre évoque deux visages de la Madeleine, son statut de témoin privilégié de la Résurrection, dans l’Évangile de Jean, et celui, plus trouble, d’amante de Jésus initiée par lui aux mystères, dans la ligne des écrits gnostiques. Dans l’un et l’autre cas, l’auteur part des témoignages anciens et rapproche de ces témoignages les reprises qu’on en a fait, en particulier dans les cercles de la théologie féministe.

Le troisième chapitre retrace l’évolution de cette figure au Moyen-Âge et à l’époque moderne : il met en lumière les différentes utilisations du personnage par les mouvements et les courants spirituels et théologiques, en montrant clairement comment chacun l’adaptait à ses aspirations. Le quatrième chapitre se penche sur les lieux liés à la Madeleine, en particulier Vézelay et la Sainte-Baume, et sur la question du culte des reliques, puis sur les diverses interprétations qui s’éloignent nettement du contexte ecclésial et dévotionnel, dans l’art, mais aussi et surtout dans l’ésotérisme et les sectes diverses.

L’ouvrage, s’il ne prétend pas offrir une lecture neuve de l’histoire de Marie-Madeleine, ou plutôt de la réception de cette figure, présente une utile synthèse, d’une lecture aisée, et appuyée sur les nombreuses études consacrées à la question, comme l’indiquent les notes – malheureusement rejetées en fin de volume – qui sont le plus souvent de nature bibliographiques. Régis Burnet montre de manière assez convaincante comment la figure de Marie-Madeleine a souvent servi à cristalliser les aspirations et fantasmes d’une époque. En outre, le lecteur curieux trouvera là toutes les indications nécessaires pour poursuivre ses recherches selon ses intérêts privilégiés, et pour s’éclairer sur les nombreuses réutilisations modernes de cette figure, sans avoir à subir les longs et ennuyeux ouvrages que l’auteur analyse, reçus sans regard critique par beaucoup de nos contemporains.

Matthieu Cassin, Né en 1980, élève de l’Ecole Normale Supérieure.
http://matthieu.cassin.org

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