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Memoria passionis, un souvenir provoquant dans une société pluraliste (Jean-Baptiste Metz)

coll. Cogitatio fidei, Paris, Cerf, 2009, 244 pp.
Jean Lédion

Cette étude est en quelque sorte la conséquence de l’obsession des suites de la seconde guerre mondiale qui persiste chez certains théologiens allemands, contemporains de Benoît XVI : comment parler de Dieu dans un pays rendu responsable de telles horreurs ? Pour simplifier à l’extrême, comment tenir un discours sur Dieu (une théo-logie) après Auschwitz ?

Le lecteur français peut se trouver mal à l’aise devant cette entreprise parce que, d’une part il n’est pas allemand, et, d’autre part, il appartient à une génération postérieure. De plus, l’histoire lui rappelle que les génocides ne datent pas d’hier et que les précédents, s’ils ont été plus limités, ne l’ont été que faute de moyens techniques moins avancés. Cela dit, il faut respecter cette démarche intellectuelle, même si elle n’est pas toujours opportune. Ainsi, en glanant à travers les pages de ce livre, on pourra, bien sûr, trouver des réflexions importantes. La plus importante concerne la notion de mémoire : « La Synagogue, enseignante de Dieu : elle nous enseigne l’esprit du souvenir, l’esprit du souvenir capable de Dieu, elle opère le rapprochement entre souvenir et salut. […] L’athéisme, l’impiété sont aussi une forme d’oubli qui ne permet plus de penser encore l’homme. […] Pourquoi nos Lumières européennes et à travers elles toute la civilisation scientifique qui leur est liée succombent-elles au danger de tenir pour un vrai progrès l’amnésie toujours grandissante, la perte de plus en plus poussée de notre mémoire ? » (pp. 65-66) Cette notion de mémoire, et plus exactement de « mémorial » au sens biblique du terme, est le fil directeur qui doit guider le lecteur tout au long du parcours de ce livre.

Le second thème important abordé dans cette étude est celui du temps et du thème apocalyptique. L’auteur peut écrire : « En nous présentant ses descriptions apocalyptiques, la religion entend donc troubler la vision moderne de l’homme en y résistant, ne fût-ce qu’un instant. Cette résistance s’applique à l’image que cette vision propose, en commençant par en éliminer tout ce que son arrière-plan comporte d’obscur : le deuil, la souffrance, la faute et la mort. L’apocalypse se dresse contre cette idée d’un homme dépouillé de tout mystère […]. En nous présentant ses descriptions apocalyptiques, la religion entend donc finalement troubler aussi, ne fût-ce que par un éclair, la compréhension moderne du temps et de l’histoire. » (p. 140)

Ces quelques extraits montrent que ce livre, souvent dérangeant, voire agaçant, pose quand même de vraies questions : celle de l’édulcoration du discours théologique lorsqu’il a une visée apologétique, ou celle de l’escamotage d’une vraie difficulté par la création d’un nouveau concept par lequel on pense l’avoir résolue…

Jean Lédion, marié, trois enfants. Diplôme d’ingénieur, docteur d’État ès Sciences Physiques. Enseignant dans une école d’ingénieurs à Paris.

Réalisation : spyrit.net