Rechercher

Paul, apôtre de l’unité. (Benoît XVI)

Médiaspaul, Paris, 2008.
A. Perot

Dès sa préface, Benoît XVI inscrit ses réflexions sur l’apôtre saint Paul dans un contexte pastoral : celui de l’année Saint-Paul et de son annonce au cours de la fête solennelle de Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Le livre rassemble trois textes du pape, très différents de nature et de circonstances, mais ayant commun de traiter de l’apôtre saint Paul et de l’unité. Le pape nous y présente Paul comme un apôtre par vocation, ayant fait l’objet d’un appel, d’une élection divine. Ce n’est pas d’abord quelqu’un disposant de qualités extraordinaires mais quelqu’un dont le dévouement au Christ est total. Il y a là une leçon à tirer pour l’Église : un appel à être soi-même apôtre et même martyr.

Le premier chapitre du livre est une catéchèse qui va droit au cœur de la mission de l’apôtre : sa conversion, son dévouement total au Christ puis son martyre, le pape décrivant ainsi ce qu’il appelle une « trajectoire asymptotique ». Que s’est-il passé en effet sinon la rencontre d’un homme avec le Christ ? C’est ce qui ressort de sa biographie et, parcourant celle-ci, le pape met l’accent sur le christocentrisme de Paul en posant une question essentielle : comment donc se fait la rencontre d’un homme avec le Christ ? Selon l’apôtre, tout repose sur la foi, non sur les œuvres (Ga 2, 16 ; Rm 3, 24). Avant sa conversion il vivait par lui-même, mais après il vit du Christ, avec le Christ. L’identification du Christ avec nous introduit à la dimension mystique de la vie chrétienne, affirme Benoît XVI. Celle-ci comporte à la fois une attitude d’humilité, car le chrétien reçoit tout de la grâce, et une attitude de confiance et de joie. Énonçant cette double attitude, le pape dévoile le fond de sa pensée à propos de saint Paul mais aussi quant à la façon pour nous de vivre chrétiennement.

Pour qu’une telle dimension mystique devienne effective, il faut la présence de l’Esprit dont l’influence touche non seulement l’agir du chrétien mais son être. Le chrétien est avant même d’agir riche d’une intériorité qui porte du fruit grâce aux sacrements – baptême et confirmation – qui l’ont marqué. Cette intériorité l’introduit dans une relation de fils à l’égard de Dieu. Et l’Esprit dont il est question chez saint Paul n’est plus seulement l’Esprit de Dieu, ni le Saint-Esprit considéré abstraitement, mais c’est l’Esprit donné au chrétien par le Seigneur ressuscité qui s’est fait lui-même « Esprit qui donne la vie ». Pas de prière, selon Paul, sans la présence de l’Esprit en nous qui produit et attise notre charité. À partir de là, le pape démontre l’unité des grands thèmes pauliniens, notamment à propos de la vie en Église et l’Église comme corps du Christ. Toute unité procède de cette union étroite, mystique, avec Jésus. La vie de l’apôtre et son premier contact avec la communauté des croyants fournissent l’occasion pour le Pape d’illustrer une grande vérité : on passe toujours par l’Église pour arriver au Christ, y compris saint Paul qui emprunta pour cela le chemin paradoxal de la persécution.

Le second chapitre est tiré d’un grand discours sur l’unité de l’Église tenu devant le tombeau de l’apôtre le jour de la Saint-Pierre-et-Saint-Paul. À partir de saint Paul, l’apôtre qui rassemble, et dont la mémoire ravive la nécessité toujours actuelle de la mission d’évangélisation, le pape affirme la catholicité de l’Église, c’est-à-dire son caractère universel. La question sous-jacente relative à l’œcuménisme est franchement abordée : est rappelée l’urgence de rassembler les chrétiens, et ce sans jamais perdre de vue la dimension verticale du rapport à Dieu qui seul peut le garantir. Telle est du reste la direction qu’a donnée le pape à son pontificat, et la présence d’une délégation orthodoxe à laquelle s’adresse le Saint-Père durant cette homélie renforce la portée œcuménique de ces propos.

Le troisième texte est une réflexion théologique qui a pour thème l’unité à travers la question de l’Alliance. La question est d’abord traitée sémantiquement : la foi chrétienne est parfois appelée nouvelle Alliance, parfois Nouveau Testament ; quel terme la définit le mieux ? Le mot testament implique une relation asymétrique – le pape prend l’image d’un potentat oriental vis-à-vis de ses sujets. Le mot alliance implique au contraire un contrat, une égalité de terme, qui en soi n’est pas compatible avec la représentation biblique du Dieu transcendent. Cette approche philologique, posant la question de la conciliation de ces deux termes, ouvre à un approfondissement théologique visant à démontrer l’unicité de l’Alliance, ancienne et nouvelle, de Dieu avec les hommes. Le pape met en évidence qu’il n’y a pas, chez saint Paul, qui se révèle une fois encore d’une précieuse contribution pour ces thèmes, de rupture radicale entre l’ancienne et la nouvelle Alliance, bien qu’une certaine lecture du chapitre 3 de la seconde épître aux Corinthiens puisse le laisser penser. Il y a en effet pour Paul plusieurs Alliances dans la tradition juive, dont la promesse faite à Abraham, à portée éternelle, et la loi mosaïque, dont la portée est certes plus provisoire du fait de l’infidélité des hommes. Ainsi le pape démontre-il, à travers cette double nature de l’Alliance, que l’avènement de Jésus n’est pas en soi une rupture mais une interprétation de la Loi juive visant à faire jaillir l’esprit, qui était déjà bien présent derrière l’accomplissement rituel de la lettre. Il reprend en guise d’approfondissement les différents libellés néo-testamentaires de la prière eucharistique, qui en fonction des traditions mettent l’accent sur le renouvellement de l’Alliance, annoncé par les prophètes, ou sur son éternelle continuité.

Des trois textes rassemblés par l’ouvrage émerge la conviction que Paul, que nous célébrons cette année, est bien l’apôtre de l’unité, unité du chrétien avec le Christ, unité de l’Église et unité de la promesse faite par Dieu à son peuple. Ce thème tient au cœur de Benoît XVI dans sa charge d’héritier de l’apôtre saint Pierre, dont il ne manque pas de souligner l’affinité avec celui que la tradition considère comme le co-fondateur de l’Église de Rome.

Réalisation : spyrit.net