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Petite catéchèse sur Marie. (André Boulet (sm.) et Elisabeth Voinier)

Ed. Téqui, Paris, 2006, 250 p.
Jacques-Hubert Sautel

Les éditions Téqui présentent la deuxième édition du manuel de théologie mariale du Père A. Boulet, marianiste (1ère éd. : Saint-Paul, 1993). Il s’est associé ici à une journaliste qui appartient à une fraternité de son ordre, Elisabeth Voinier, et c’est à cette collaboration qu’on doit en particulier les encadrés qui, de chapitre en chapitre, illustrent l’exposé : résumés doctrinaux (comme « Les définitions dogmatiques », p. 27), extraits patristiques ou magistériels, développements contemporains (comme « Notre-Dame de Guadalupe, la femme vêtue de soleil », p. 144-145).

Le corps de l’ouvrage, qu’introduit une présentation élogieuse de Mgr Henri Brincard, évêque du Puy-en-Velay, a une structure proprement théologique, articulée autour des quatre définitions dogmatiques concer-nant la Vierge Marie auxquelles nous avons seulement fait allusion : l’Immaculée Conception (Pie IX, 1854 : ch. 3), la Virginité perpétuelle (concile de Latran, 649 : ch. 4), la Maternité divine (concile d’Ephèse, 431 : ch. 5), l’Assomption (Pie XII, 1950 : ch. 7). Il convient d’ajouter à la Maternité divine la Maternité ecclésiale de Marie : elle ne fut pas solennellement proclamée comme les deux dogmes du XIXème et XXème siècle, mais publiquement affirmée par Paul VI dans la séance du 15 nov. 1964 du concile Vatican II, où elle constitue l’aboutissement du chapitre 8 de la Constitution Lumen Gentium (ch. 6 de notre livre, voir notamment p. 121-123).

Le début de l’ouvrage comporte des explications méthodologiques et historiques (ch. 1 et 2), la fin des développements sur le culte rendu à la Vierge Marie dans l’Église catholique (ch. 8 à 10), puis quelques textes essentiels du magistère, de Vatican II au Catéchisme de l’Église catholique.

Il faut souligner avec force le caractère original d’une telle démarche, qui donne la place première et principale à la réflexion théologique sur la Vierge Marie, avant les considérations spirituelles : en prenant ainsi au sérieux la place de Marie dans la réflexion de la foi chrétienne et la recherche de Dieu en Jésus, on donne toutes ses lettres de noblesse au culte marial et on se trouve mieux placé pour y distinguer l’essentiel de l’acces-soire, et en promouvoir les aspects les plus authentiques.

Pour notre part, nous voudrions exposer brièvement le triple bénéfice que nous avons retiré de cette lecture. Sur le plan théologique, c’est une présen-tation équilibrée de la contribution des deux sexes à la rédemption de l’humanité voulue par Dieu. Si en effet, on ne peut nier que, pour les chrétiens, Dieu s’est incarné en un représentant masculin de l’humanité, la réalité évangélique nous rappelle que cette Incarnation ne s’est pas faite sans qu’y soit associée la partie féminine de l’humanité, et cela d’abord de la façon la plus haute qui puisse se faire en humanité, par le consentement libre qu’une femme y a donné. Il n’y aurait pas plus de rédemption sans le Fiat de Marie à l’archange Gabriel que sans le oui de Jésus à Gethsémani. Une seule petite restriction accompagnera cet éloge sans feinte : le lecteur qui cherche à approfondir ou veut utiliser l’ouvrage dans un but apologétique, regrettera l’absence de références à une bonne partie des textes cités, parmi ceux qui sont antérieurs à Vatican II.

Cela n’empêche pas le second bénéfice qu’on peut tirer de cette lecture, sur le plan spirituel cette fois : nous comprenons en effet que cette présentation théologique équilibrée ne doit pas rester une vue théorique et abstraite. La Vierge Marie est une personne humaine concrète, et en vertu de sa mission assumée avec pleine liberté et plein amour, elle a droit à notre reconnaissance, notre affection, notre dévotion.

Enfin, dans le domaine anthropologique, il nous semble qu’une présentation aussi claire des fondements théologiques de la dévotion à Marie apporte une réponse profondément catholique à l’écartèlement et à l’abrutissement que notre monde contemporain fait subir à notre vie quotidienne, en exaltant le pouvoir tyrannique des sens, en exacerbant le désir de profiter du présent sans aucune limite, en instaurant une course universelle à la performance. En effet, dans la lignée de Jean-Paul II et de ses catéchèses sur le corps, l’Église nous enseigne un chemin de bonheur : par la complé-mentarité authentique de l’homme et de la femme dans la vie sociale, elle énonce la possibilité d’un respect mutuel et d’une amitié partagée, qui sont de fait plus universels et tout aussi féconds que la simple union de l’acte sexuel à laquelle tout nous invite ou nous entraîne autour de nous (ou en nous). De la sorte, à l’école de la Vierge Marie, chacun de nous peut apprendre, à travers le caractère limité de son être propre et personnel, et l’aspiration à la communion avec l’autre, le chemin de l’infini dont Jésus-Christ offre la porte et la route. A sa façon, ce petit livre nous rappelle qu’à la désespérance de nos sociétés, la voix de l’Église donne une réponse qui sonne juste.

Jacques-Hubert Sautel, Né en 1954, oblat séculier de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Travaille au CNRS sur les manuscrits grecs (Institut de Recherche et d’Histoire des Textes).

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