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« Q » ou la source des paroles de Jésus. (Nathalie Siffer, Denis Fricker)

coll. Lire la Bible, Paris, Cerf, 2010.
P. Michel Gitton

La source « Q » suscite à nouveau l’intérêt des spécialistes du Nouveau Testament. Au moment même où paraît ce petit ouvrage dû à deux enseignants de Strasbourg, Jean-Marc Babut publie, aux éditions D.D.B. cette fois, un travail incisif intitulé de façon plus provocante Un tout autre christianisme. Rappelons que la source Q est une hypothèse (qui est loin d’être admise par tous), selon laquelle les évangiles de Matthieu et de Luc dépendraient – en plus d’un schéma général attribuable à Marc ou à sa propre source – d’une « source des discours » (appelée « Q » pour Quelle, source en allemand), d’origine inconnue, d’où proviendraient tous les passages qui leur sont communs et qui ne figurent pas dans Marc : on pense notamment aux Béatitudes et au Pater, mais les fragments attribués à Q s’élèvent à plus d’une centaine, allant de quelques lambeaux de phrase à des passages plus développés, et même à quelques récits (à commencer par celui des Tentations), prouvant que la source n’ignore pas ce genre littéraire.

On s’est livré depuis longtemps à l’exercice qui consiste à mettre bout à bout tous les textes présumés « Q », dans l’ordre de Luc, car il est supposé le plus conforme à l’original, et ensuite on a essayé d’en dégager le message et même d’en découvrir le milieu d’origine. C’est un exercice risqué, car on doit tirer des conclusions à partir d’un ensemble dont on est certain de ne pas avoir la totalité et on sait le péril qu’il y a toujours à conclure d’un silence à une absence délibérée. Les hypothèses extrêmes ont eu cours sur le sujet : jusqu’à soutenir qu’il a pu exister en Q une christologie qui ignorerait la Croix et la Résurrection ! Les oscillations entre les conclusions des chercheurs doivent inciter à une prudence redoublée.

Il n’est pas sûr que l’ouvrage de Jean-Marc Babut cité plus haut ne tombe pas dans la tentation trop facile de camper, sur la seule base d’une interprétation de Q, un « autre » christianisme, dont la cohérence ne saute pas aux yeux et dont on se demande pourquoi l’insistance un peu plate sur la nouveauté aurait réussi à mettre le monde en feu. Nos auteurs sont là plus prudents et ne font de l’auteur de Q ni l’adversaire d’une christologie « haute », ni le tenant d’un rejet de la Loi. Il reste sans doute la place de bien des hypothèses, dont il n’est pas sûr qu’on n’ait jamais le moyen de vérifier la pertinence.

P. Michel Gitton, ordonné prêtre en 1974, membre de la communauté apostolique Aïn Karem.

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