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Questions ouvertes

Christophe Bourgeois

Le Christ lui-même a porté nos souffrances et nous a donné le salut par ses souffrances et sa passion : cette réalité, source de nombreuses controverses pendant les premiers siècles de l’Église, est au cœur du mystère pascal et de notre foi. On peut même aller jusqu’à dire qu’« Un de la Trinité a souffert » : voilà une donnée claire du magistère [1]. La souffrance humaine a été assumée dans le Verbe pour nous sauver. Mais la recherche théologique du vingtième siècle pose une question beaucoup plus radicale : puisque le Verbe assume pleinement cette souffrance, ne doit-on pas aller jusqu’à dire que Dieu souffre par amour pour sa Créature ? Cette souffrance portée par le Christ ne pourrait-elle pas devenir l’expression d’une souffrance plus mystérieuse, la souffrance du Père ?

I - Les racines d’une interrogation

La question ne manque pas de choquer à première vue : l’expérience humaine de la souffrance est d’abord celle d’une faiblesse, signe de notre humanité blessée. Pourquoi placer ce manque en Dieu, Lui qui vient nous en arracher ? D’autres objecteront qu’il s’agit simplement de prendre au sérieux son amour pour nous, son désir de construire une véritable relation avec l’homme – donc d’être affecté par la liberté de la créature. Acceptons de suspendre un instant nos jugements hâtifs et de comprendre les racines et la cohérence d’un tel questionnement, soucieux d’abord de préserver la transcendance de la vie divine.

En contemplant le Christ incarné

Jésus est profondément bouleversé et affecté par le devenir de l’homme. Il a pitié des foules sans pasteur (Mt 9,36) ; lorsque Marie pleure sur Lazare, il « frémit en son esprit et se trouble » (Jn 11, 33) : sa compassion lui permet, au sens le plus étymologique, de souffrir avec les hommes, témoignage des racines les plus profondes de sa mission, Lui qui est envoyé pour partager la condition humaine et ses blessures. Or, la personne du Christ est une et sa souffrance d’homme doit pouvoir nous dire quelque chose de son être divin et nous révéler quelque chose du Père ; ne dit-il pas « qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14, 9) ? Si la souffrance qu’il éprouve dans son existence humaine est radicalement étrangère à Dieu, en quoi peut-on dire que Dieu est vraiment venu partager la condition de l’homme, en quoi peut-on dire que c’est bien le Verbe, en tant que tel, qui s’est fait chair  ? On risquerait de créer une étrange division à l’intérieur de la personne du Fils [2].

Dans cette volonté de découvrir ce que l’agir humain du Christ nous révèle de Dieu, certains théologiens ont voulu repenser le rapport qui existe entre Dieu et l’histoire du salut, autrement dit entre la vie divine prise en elle-même et l’économie. En effet, on distingue traditionnellement la « Trinité immanente » (la vie trinitaire dans son mouvement autonome) et la « Trinité économique » (telle qu’elle se révèle dans l’histoire de la chute et du relèvement de l’homme : la Création, l’Incarnation, la Rédemption). On voit en fait que les théologiens de la souffrance de Dieu soit remettent en question cette division [3] – qui leur paraît aboutir à une séparation qui rend Dieu indifférent à la créature à laquelle il a voulu se lier – soit tentent de la repenser en des termes nouveaux. Cette spéculation entraîne inévitablement une interrogation sur le rapport de Dieu au temps, qui fonde cette distinction traditionnelle : Dieu est éternel, il ne saurait être immergé dans le flux des événements, attendant une réponse de l’homme dont il serait dépendant ; si l’on distingue la vie trinitaire elle-même et son action dans l’histoire, c’est précisément pour éviter cette aporie. Cette distance peut cependant paraître problématique si Dieu nous demeure étranger et inaccessible, simple spectateur de notre histoire.

En contemplant la perfection divine

D’une manière complémentaire, la souffrance cherche parfois à exprimer le paradoxe de la perfection divine. Puisque Dieu veut nouer avec les hommes une relation parfaite, la liberté et l’amour de Dieu ne sont pas factices : aimer librement et gratuitement, c’est aussi vouloir être aimé et souffrir de l’absence d’amour. Dieu, par sa création, ne s’est-il pas placé dans un rapport de dépendance par rapport à sa créature ? Prendre au sérieux cette relation d’altérité, c’est renoncer à une déité abstraite et séparée. La conception traditionnelle selon laquelle Dieu n’est pas affecté par le comportement de sa créature, paraît pour beaucoup de penseurs contemporains une résurgence d’une vision philosophique grecque de la divinité, vue comme un être autonome et indépendant, parfaitement clos sur sa béatitude et finalement coupé de toute relation à l’autre. Cette vision risque de diminuer la grandeur de Dieu, capable dans son amour gratuit d’intégrer l’autre et le différent (ainsi que ses manques et ses blessures), tout en préservant sa transcendance.

La dialectique hégélienne joue ici un rôle décisif : selon Hegel, pour ne pas dégrader l’idée de Dieu, il ne faut pas que « manquent le sérieux, la douleur, la patience et le travail en creux du négatif » [4]. D’une certaine manière, Dieu, pour être réellement l’absolu, doit être capable d’intégrer en son sein la mort, la finitude et la souffrance pour les surmonter comme divin vivant ; sinon, une part de réalité lui échappe, et l’être qui se révèle alors n’est plus qu’une « solitude inerte » [5]. Conduit à l’extrême, ce raisonnement aboutit à placer la souffrance au cœur de l’essence divine [6]. Plus profondément, pour Rahner, nettement inspiré par Hegel, la création de l’homme « à l’image » signifie que Dieu assume dans son acte créateur quelque chose en lui-même de l’autre, du différent qu’il a créé.

L’homme et l’absurdité de sa souffrance

Un tel questionnement s’explique aussi par une nouvelle perception de la souffrance : pour schématiser, face à une culture antique où l’expérience de la souffrance renvoie à la faiblesse et à la dépendance, la culture contemporaine tend parfois à faire de la souffrance une expression profonde de la dignité humaine. Il existe dans la pitié tragique, dans le drame de l’amour blessé, et même dans les souffrances qui se sont déchaînées au vingtième siècle contre l’homme, une dignité de l’homme souffrant, valorisation qui coïncide peut-être symboliquement et inconsciemment avec une interprétation particulière du martyr, non pas résistance miraculeuse à la souffrance, non pas abnégation, mais témoignage radical par la souffrance. D’une critique de la dénégation systématique des passions à l’âge classique (au nom d’une vertu héroïque qui paraît n’être qu’un stoïcisme désincarné) à une vision plus récente de la souffrance comme accès à une existence et à une histoire (donc à une identité) se manifeste la volonté de prendre en compte la dignité à l’œuvre dans chacune des contingences et des blessures de l’existence. Un flottement de vocabulaire entoure certainement ces investissements symboliques. La souffrance peut exprimer notre sensibilité et notre capacité à être tourné vers autrui : un homme qui ne souffre pas est souvent cruel ; saint Augustin l’écrit déjà : « n’éprouver en effet aucune douleur, tant que nous sommes en ce séjour de misère, cela s’obtient, comme l’a pensé et dit un écrivain de ce siècle, très chèrement, au prix de la cruauté de l’âme et de l’insensibilité du corps » [7]. Mais la souffrance est également une carence, un manque qui s’impose à nous de l’extérieur, qui nous prive de l’être et du bonheur, qui nous frappe, nous aveugle - et dont la violence peut nous laisser sans force [8].

Mais si cette dernière est pur manque, Dieu peut-il me rejoindre dans ma propre souffrance ? Comment la connaît-il s’il n’en fait pas l’expérience en tant que Dieu ? La spéculation théologique sur les deux natures du Christ, sur notre temporalité marquée par le mal et sur l’éternité divine est inséparable d’une angoisse existentielle très vive, qu’on ne peut occulter : s’il n’est pas possible de penser une relation vraie entre Dieu et la souffrance humaine, alors cette dernière n’est plus, même dans une vie chrétienne, que le temps intolérable où Dieu s’absente de nous, pour nous laisser sans consolation, temps où le salut ne passerait pas, où la tragédie triompherait de tout, où nous serions confrontés au néant et à l’absurde.

II -Les cadres de la réflexion

On le voit, la diversité, voire l’extrême complexité des enjeux oblige à une certaine circonspection, d’autant que la réflexion part de l’expérience humaine et de son langage pour mieux comprendre la transcendance divine. Il n’est pas inutile de rappeler quelques jalons avant d’entreprendre un tel parcours.

La théologie biblique

La transcendance affirmée par l’Ancien Testament exclut clairement Dieu du devenir :

Depuis longtemps tu as fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains ; eux périssent, toi tu restes, tous comme un vêtement ils s’usent, comme un habit qu’on change, tu les changes ; mais toi, le même, sans fin sont tes années [9].

Cette immuabilité ne concerne pas seulement l’économie du salut, c’est-à-dire la fidélité du Seigneur à ses promesses, que la Bible exprime ailleurs et d’une autre manière. Le vocabulaire a bien ici une portée métaphysique, puisqu’il touche le cycle de la mort et de la vie, du devenir en tant que tel, attribuant à Dieu une permanence et une identité éternelles (le même) [10].

Cependant, la Bible ne dédaigne pas le paradoxe et affirme parallèlement l’immuabilité (éternelle), la fidélité (historique) et un agir qui suit pas à pas le déroulement de l’histoire humaine et s’exprime de manière changeante : Dieu regrette, pardonne, s’enflamme de colère... Le vocabulaire de l’Ancien Testament suggère un être affecté et bouleversé. Deux passages ont ainsi beaucoup frappé les penseurs modernes :

Jérémie 31, 20  : Éphraïm est-il donc pour moi un fils si cher, un enfant tellement préféré, que chaque fois que j’en parle je veuille encore me souvenir de lui ? C’est pour cela que mes entrailles s’émeuvent (conturbata sunt viscera mea super eum) pour lui, que pour lui déborde ma tendresse, oracle de Yahvé.
Osée 11 : 8Comment t’abandonnerais-je, Éphraïm, te livrerais-je, Israël ? Comment te traiterais-je comme Adam, te rendrais-je semblable à Çéboyim ? Mon cœur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent (conversum est in me cor meum pariter conturbata est paenitudo mea). 9Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère (non convertar), je ne détruirai pas à nouveau Éphraïm, car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint, et je ne viendrai pas avec fureur.

L’exégèse de tels passages est délicate. S’agit-il d’un pur anthropomorphisme, issu d’une formulation humaine (totalement imparfaite) ou, plus subtilement, d’un langage pédagogique par lequel le Seigneur se met à notre portée ? [11] Dans tous les cas, le passage d’Osée affirme en même temps la vulnérabilité divine (exprimée comme un changement en latin conversum est) et le refus de la passibilité (exprimé en latin comme le refus du changement non convertar) ; il exprime d’abord d’une manière inouïe la sensibilité de Dieu à la détresse humaine et permet de rejeter toute image d’un Dieu indifférent. Il reste donc à approcher le mystère de cette « sensibilité ».

Déjouer les pièges du langage

L’analyse des diverses perceptions possibles de la souffrance a déjà suggéré la nécessité de réfléchir au sens littéral et symbolique des mots employés. Dès lors, il faut comprendre pourquoi la théologie des Pères a reconnu Dieu « impassible ». Comme l’explique Balthasar, pathos est un concept à plusieurs sens [12]. Il peut exprimer une contrainte extérieure que la personne subit involontairement, ce qui viendrait évidemment nier la liberté infinie de Dieu. Plus encore, il implique parfois un lien nécessaire au péché et à la corruption qui, suite au péché originel, rend la chair esclave ; d’un point de vue psychologique, les pathê expriment la division intérieure, l’incapacité du choix ; on retrouve ici les thématiques de l’esclavage des passions, de la « phtora » (corruption, chez Athanase) ou de la concupiscence (chez Augustin). Ces blessures de l’être qui tirent l’homme vers le péché, Dieu doit en être parfaitement exempt. En revanche, l’apathie divine n’est pas l’ataraxie stoïcienne, mouvement par lequel l’individu se protège des troubles et affections extérieures qu’il ne maîtrise pas, exerçant avec une parfaite tranquillité son empire sur lui-même. Cela n’appartient pas à Dieu, dont les Pères rappellent la compassion et la miséricorde, dans lesquelles le Verbe a voulu librement (sans nécessité ni contrainte) porter sur lui les passions de l’homme [13]. Cette réflexion ancienne nous montre que la souffrance est ambiguë : elle peut être liée nécessairement au péché et, dans ce cas, l’attribuer à Dieu est absurde ; mais elle peut également n’entretenir aucun lien avec lui, comme dans la personne du Fils, qui a souffert en toute liberté, sans péché personnel.

L’autre précision décisive concerne les problèmes posés par notre perception de Dieu à travers l’agir du Christ. Les fondements de la christologie catholique soulignent assez que le Christ nous sauve par sa manière unique d’être homme : il embrasse chaque moment de la vie humaine avec sa liberté profonde pour le transformer mystérieusement [14]. L’existence du Christ et l’essence divine ne sont évidemment jamais dans une relation d’identité puisque Dieu éternel se dit à travers le temps, puisque les dispositions profondes du Verbe se disent à travers un mode humain. Sans cela, le dynamisme de l’union hypostatique chez le Christ ne ferait que déployer une identité entre agir humain et être divin ; la perception chrétienne du salut, fondée sur une distance positive entre l’homme et Dieu, s’effondrerait. L’identité ne crée pas nécessairement la relation : Dieu n’a nul besoin d’être comme moi pour me connaître, m’aimer et me sauver, puisqu’il peut librement se lier à quelqu’un de radicalement différent, sans retirer quoi que ce soit à son être et à sa perfection. La solution au problème n’est donc pas dans une apologétique molle qui, pour rendre Dieu « acceptable » à la sensibilité contemporaine, tenterait de lui donner uniquement une attitude de douce faiblesse et de souffrance timide, lui ôtant toute force et donc tout désir de sauver la créature.

Quelles solutions ?

Au risque de forcer le trait, l’histoire de la théologie permet de distinguer deux attitudes : soit l’on affirme que c’est l’impassibilité divine qui donne au plan de salut sa valeur – c’est la solution « traditionnelle » ; soit l’on cherche – pour prendre au sérieux l’insondable mystère et l’amour fou de Dieu – à dire que Dieu a librement voulu une telle dépendance à l’égard de l’homme qu’il consent à en être affecté. Toute synthèse devrait tenter de satisfaire cette double exigence, consciente pourtant que chacune de ces deux formulations n’est pas exempte d’ambiguïté.

L’immutabilité de Dieu rappelle le caractère inépuisable de la vie divine. Aucun événement de la Création ne peut l’enrichir, pas même le travail du « négatif » si celui-ci implique que Dieu ait besoin de l’effort d’évolution du monde. Cette immutabilité est la condition de sa miséricorde, sollicitude active et rédemptrice et non impuissance. La remettre en question, c’est rendre Dieu impuissant à nous sauver. En revanche, il nous faut comprendre comment la « compassion » de Dieu s’inscrit dans la béatitude éternelle de Dieu elle-même. C’est en tout cas l’hypothèse de recherche que proposait dès 1982 la Commission Théologique Internationale :

La piété chrétienne a toujours écarté l’idée d’une divinité indifférente aux vicissitudes de sa créature. Elle a même incliné à admettre que, comme la compassion est une perfection des plus nobles chez l’homme, il existe de même en Dieu, sans aucune imperfection et à un degré éminent, une telle compassion, c’est-à-dire « le penchant qui fait prendre pitié… non pas un défaut de puissance » (Léon Ier, DS 293) et que cette compassion puisse coexister avec la béatitude éternelle elle-même. Cette miséricorde totale à l’égard des peines et des souffrances humaines, les Pères l’ont appelée « passion de l’amour », cet amour qui, dans la passion de Jésus-Christ, a surmonté les passions et les a rendues parfaites [15].

On constate alors qu’il existe deux niveaux de discours, qui permettent d’affirmer simultanément l’indépendance absolue de l’être divin d’une part, dont la plénitude d’être ne saurait être affectée par la créature, et la disponibilité bouleversante de l’amour de Dieu d’autre part. Cela rejoint également deux manières d’approcher le mystère trinitaire, selon que l’on privilégie le langage des natures ou celui des personnes.

Une théologie cherchant à définir la nature divine – ce qui relève d’un discours ontologique - est forcée d’insister sur l’impassibilité et l’« apathie », alors qu’une théologie sensible au jeu entre les personnes divines, perçue à travers son déploiement dans les mystères de la vie du Christ, insiste naturellement sur la souffrance du Christ et délaisse le langage ontologique pour les analogies de l’amour. Or, il faut réussir, pour dépasser nos représentations souvent trop humaines, à penser le lien entre ces deux discours, sans suggérer que l’un serait plus cohérent ou plus rigoureux que l’autre.

Les théologiens ne manquent donc pas de travail.

Christophe Bourgeois, né en 1975, ancien élève de l’E.N.S., agrégé de Lettres modernes. Thèse sur Théologies poétiques de l’âge baroque, la Muse chrétien (1570-1630), Paris, Champion, 2006. Enseignant en lettres dans un établissement catholique de la région parisienne.

[1] Cf. Concile de Constantinople II (553). Celui-ci définit le principe de la « communication des idiomes », qui désigne l’attribution au Verbe de tout ce que vit et accomplit Jésus en tant qu’homme (et réciproquement).

[2] Karl Rahner formule cette question en des termes plus précis, voir notre dossier de textes. Il s’agit de la question classique de la « communication ascendante des idiomes », voir l’article du frère Emmanuel dans ce même numéro. Selon le Concile d’Éphèse, « le Fils s’approprie les douleurs infligées à sa nature humaine (oïkeïosis) ; si l’on s’efforce de ramener cette proposition (et d’autres semblables qui figurent dans la tradition) à la simple ‘communication des idiomes’, on n’en rend pas suffisamment le sens profond », extrait du document « Théologie, christologie, anthropologie » rédigé par la Commission Théologique Internationale, Documentation Catholique, 16 janvier 1983, n°1844, p.125.

[3] L’axiome de Karl Rahner est ainsi « la Trinité de l’économie est la Trinité immanente et inversement », Schriften zur Theologie, IV, p.115.

[4] Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, Aubier, I, 18, cité par Balthasar, Dramatique divine, t. IV, Le dénouement, Namur, Culture et Vérité, 1993, p.203.

[5] Conclusion de la Phénoménologie de l’Esprit, cité par Balthasar, Ibid., p.205. Les philosophes me pardonneront, je l’espère, cette vulgarisation un peu cavalière, qui se comporte à l’égard des concepts hégéliens comme un éléphant dans un magasin de porcelaines. Il s’agit juste de souligner l’existence d’une dialectique majeure, analysée avec plus de précision par les articles de M. Caron et de D.Jousset. L’idée de « souffrance de Dieu » n’intervient d’ailleurs pas directement dans la pensée hégélienne.

[6] H.U. von Balthasar cite plusieurs auteurs qui revendiquent ce principe, en particulier J. Moltmann. Voir Dramatique divine IV, op.cit. p.206sq.

[7] Cité de Dieu, XIV, IX, 3-4, Bibliothèque Augustinienne, p.391.

[8] On rappellera à cet égard que la souffrance tragique, pour Aristote, ne doit jamais s’exprimer de manière pure et absolue. Si elle était représentée brutalement, le spectateur ne la supporterait pas. La Poétique conseille au dramaturge tragique d’éviter le pathos.

[9] Ps 102, 26-28. Voir également « Avant que les montagnes fussent nées, enfantés la terre et le monde, de toujours à toujours tu es Dieu » (Ps 90, 2) ; « Tout don excellent, toute donation parfaite vient d’en haut et descend du Père des lumières, chez qui n’existe aucun changement, ni l’ombre d’une variation » (Jc 1, 17) ; « Oui, moi, Yahvé, je n’ai pas changé, et vous, vous ne cessez pas d’être les fils de Jacob » (Ml 3, 6), cf. Vulgate : ego enim Dominus et non mutor.

[10] Contre H. Küng, « lorsque l’Écriture parle de l’immuabilité de Dieu, ce n’est pas au sens métaphysique d’une rigide immobilité naturelle du fondement du monde, mais au sens historique d’une fidélité essentielle à soi-même et à ses promesses, fidélité qui garantit à son agir constance et continuité », Incarnation de Dieu, 1973, Paris, Desclée, p.659.

[11] Cf. Origène In Commentaire sur Jer. 18, 6, 39 cf. Commentaire sur Matthieu XVII. Cf. aussi Clément d’Alexandrie, Le Pédagogue, I, VIII, 74, 4, Sources Chrétiennes n°70 : « Et même, l’accès de colère de Dieu – s’il faut appeler vraiment colère les reproches qu’il nous adresse – est un signe de sa bonté pour l’homme : c’est Dieu qui condescend à prendre les sentiments humains à cause de l’homme, pour qui aussi le Logos de Dieu s’est fait homme ». La Commission Théologique Internationale suggère « qu’il n’est peut-être pas loisible d’expliquer toutes ces expressions comme de simples anthropomorphismes », op. cit., p.125.

[12] Dramatique divine, op. cit., IV, p.197sq.

[13] Augustin est témoin de ces difficultés de vocabulaire, puisqu’il signale que le grec apatheïa peut se traduire en latin par insensibilitas, terme ambigu. « Mais si l’apatheïa doit rendre l’âme incapable d’éprouver le moindre sentiment, qui ne jugerait cette stupidité pire que tous les vices ? La béatitude parfaite, on peut le dire avec raison, ne connaîtra donc ni l’aiguillon de la crainte ni aucune tristesse ; mais qui oserait affirmer sans s’écarter totalement de la vérité que l’amour et la joie en seront bannis ? », Cité de Dieu, op. cit., p.392.

[14] Voir Résurrection n°84-85 sur les mystères de la vie de Jésus.

[15] Doc. cit., Documentation Catholique, op. cit., p.126.

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