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(Re)partir de l’Ascension

Résurrection

L’Ascension du Christ et sa « session » auprès du Père font partie des plus anciennes formulations de la foi, elles figurent dans les différents credo de l’Église des premiers siècles, ainsi que dans les prières liturgiques les plus primitives, à commencer par l’anamnèse de la messe romaine.

Le fondement scripturaire en est bien attesté, sous la double forme des récits plus ou moins développés (finales de l’Évangile de Marc et de Luc et chapitre 1 des Actes des Apôtres) et des nombreuses allusions à l’exaltation céleste du Christ.

La réflexion patristique a particulièrement mis en valeur l’Ascension comme établissement du règne cosmique du Christ par l’assujettissement des puissances angéliques, et comme glorification complète de l’humanité assumée dans le Verbe incarné. Reviendrait à une réflexion plus moderne le mérite d’avoir mis en évidence le lien entre le départ visible du Christ et la naissance de l’Église, qui s’instaure dans le régime d’une absence rendant possible une présence (celle de l’Esprit Saint).

L’exceptionnelle richesse du thème de l’Ascension n’empêche pas une relative désaffection constatée aujourd’hui, tant chez les fidèles que chez les théologiens. L’Ascension dérange, peut-être parce qu’elle semble encourager l’évasion vers le ciel et détourner d’une espérance séculière qui serait, paraît-il, le propre du Christianisme. Mais surtout elle en trouble plus d’un parce qu’elle pose un évènement, là où on ne voudrait voir qu’un message transmis. Que le Christ soit vivant, victorieux, près du Père, intercédant pour le monde, pourquoi pas ? Mais, par pitié, qu’on nous délivre d’une prétendue historicité qui supposerait qu’il s’est passé là quelque chose pour le Christ lui-même ! L’Ascension, dans cette perspective, ne ferait pas rentrer Jésus dans aucun nouvel état, elle ne serait qu’une manière de dire ce qui était vrai depuis Pâques, mais que les Apôtres comprirent seulement quand cessèrent les apparitions.

Cette manière de voir dans chaque épisode évangélique un message, par lequel Dieu (ou le Christ) nous dirait ce que nous devons comprendre est malheureusement un défaut bien plus général : Noël nous fait percevoir l’intérêt que Dieu éprouve pour nous et la valeur de la créature humaine, la Croix nous manifeste l’amour de Dieu pour nous allant jusqu’à souffrir à notre place de ce qui nous fait mal, la Résurrection nous convainc que la mort n’est pas le dernier mot et que l’amour est plus fort etc... Tout cela est vrai, bien sûr, mais terriblement insuffisant, le salut n’est plus dans la chair, mais dans la connaissance que nous prenons d’un message divin. Cette Rédemption toute « gnostique » ne s’effectue plus à travers des péripéties concrètes de l’existence humaine de Jésus, c’est pourquoi la réalité des faits n’est plus si essentielle et peut être niée sans conséquences pour la « foi ». Il y a peu, notre ami le P. J.-P. Batut a montré, sur l’exemple de la Transfiguration, combien cette vision trop courte dépouillait les récits évangéliques de leur sève [1].

Nous voudrions le montrer aujourd’hui sur le cas de l’Ascension. Priver la glorification du Christ de son épaisseur historique, c’est méconnaître le réalisme de l’Incarnation, comme nous le montre Isabelle Ledoux-Rak. Le présupposé qui veut que le terme des quarante jours n’introduise aucun changement dans le Christ ressuscité repose sur une vision du temps et de l’éternité que nous croyons possible de contester à partir des textes évangéliques eux-mêmes (article du P. M. Gitton).

Reste à présenter d’autres contributions qui éclairent divers aspects du mystère de l’Ascension. Le « ciel » où Jésus pénètre n’est pas un domaine vide. La réalité du monde angélique, pour n’être pas matérielle, n’en est pas moins nécessaire à une vision équilibrée de la foi (article de P.-V. Desarbres). La liturgie, en faisant une place privilégiée à l’Ascension, permet au Temps pascal de nous proposer une plénitude à la fois dynamique et ouverte (article de J.-H. Sautel).

Résurrection apporte là sa contribution à une question difficile et, il faut le dire, un peu occultée. Peut-on souhaiter mieux qu’une saine critique pour faire avancer la question ?

[1] « La Transfiguration ou la conclusion de l’histoire remise à la liberté humaine », dans Communio 2008/1, pp. 41-57.

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