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Réciprocités trinitaires : vers une perception périchorétique de la troisième personne divine

Sandra Bureau

Dans un article de 1964, le P. Urs von Balthasar parlait de l’Esprit-Saint comme de « l’Inconnu au-delà du Verbe [1] ». Dans ce texte, il situait la connaissance du Verbe dans une double transcendance, une transcendance à l’origine qui référait indubitablement le Verbe au Père, et une transcendance à l’accomplissement qui référait le Verbe à l’Esprit. La première (la transcendance à l’origine) s’énonce d’emblée en ces termes : « le Verbe éternel exprime le Père », la seconde (à l’achèvement) est proprement l’objet de l’article et de la pneumatologie qu’il veut développer. Si cette dernière recoupe le rôle économique [2] habituellement entendu de l’Esprit (« l’Esprit-Saint, le Paraclet, vous enseignera tout [3] »), et donc la définition du filioque, elle le dépasse cependant. « Transcendance » veut dire ici que la figure du Christ est chaque fois débordée par une lumière plus vaste qui lui vient soit du Père, soit de l’Esprit.

Cette double transcendance n’entend pas, en effet, refléter purement et simplement la succession des personnes divines dans la taxis [4] trinitaire, c’est-à-dire le fait que le Verbe est la deuxième personne divine, renvoyant en tant que telle, en amont, à la première, le Père, et, en aval, à la troisième, l’Esprit. Si le Verbe fait appel à l’Esprit pour être après lui la révélation de Dieu, c’est parce que sa propre réponse au Père est déjà comme inclue, « scellée », dans la personne même de l’Esprit. L’Esprit, parfaite réciprocité d’amour entre le Père et le Fils, ne peut se poser dans le déploiement de l’amour divin dans le monde – c’est-à-dire dans la Révélation – que comme l’expression de la parfaite réponse d’amour du Fils à son Père. Mais c’est alors que l’Esprit n’est pas seulement caractérisé par le Fils, il le caractérise en retour. Et c’est bien pourquoi la révélation du Père par le Fils, qui inclut cette ouverture première, cette origine du Fils dans le Père, a partie liée avec une pneumatologie renouvelée dans laquelle l’Esprit est cet « Inconnu », celui qui ne se fait pas connaître, mais qui fait connaître ; et, plus encore, cet « Inconnu au-delà du Verbe ».

Urs von Balthasar, comme nous allons le voir, a repris de façon plus spécifique la question de la place de l’Esprit-Saint dans l’économie, et donc de la caractérisation du Fils par l’Esprit, dans La Dramatique divine, dans ce qu’il a appelé l’ « inversion trinitaire [5] ». Cependant cette première mise en perspective peut déjà aider à comprendre ce que des théologiens contemporains, comme le P. Jean-Miguel Garrigues dans son récent ouvrage sur Le Saint-Esprit sceau de la Trinité [6], ou plus encore le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, dans sa Clarification [7] sur le filioque, entendent par « correctif économique au filioque ». La riche réciprocité qui existe entre le Fils et l’Esprit dans l’économie, et dont le Nouveau Testament se fait incontestablement l’écho, ne saurait, en effet, être sans incidence sur notre compréhension des processions trinitaires et donc, de facto, des personnes divines. Ainsi, sans qu’il soit question d’affirmer que le Fils est « Fils de l’Esprit », l’Esprit dit néanmoins quelque chose du Fils. Et, ce faisant, il dit quelque chose de lui-même. C’est à cette connaissance renouvelée des personnes divines, que nous qualifierons de « périchorétique », et plus particulièrement à celle appliquée à l’Esprit-Saint, que veut introduire cet article.

« L’inversion trinitaire », puissance d’un correctif économique apporté au filioque

Pour Urs von Balthasar, l’Écriture montre, notamment en saint Luc (1, 35), que, si le Fils donne l’Esprit, il est aussi celui qui le reçoit : « l’Esprit-Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre… » Les mots du Symbole de Nicée-Constantinople : Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine, sont là pour attester ce lien ; ils renvoient aux passages scripturaires relatifs à l’onction : « l’Esprit du Seigneur YHWH est sur moi, car YHWH m’a oint » (Is 61, 1), « Dieu l’a oint d’Esprit-Saint et de puissance » (Ac 10, 38). Il n’est donc pas possible, comme l’affirmait une certaine théologie classique, que le rapport du Fils incarné à l’Esprit réponde de la seule taxinomie qui fait succéder l’Esprit au Fils, comme celui-ci succède au Père. Une projection de l’ordre intratrinitaire dans l’économie ne peut suffire à rendre compte de la riche réciprocité qui existe entre le Fils et l’Esprit. Bien plus, pour Urs von Balthasar, il faut affirmer que, dès le commencement de l’Incarnation, l’Esprit occupe une position médiatrice, « économique », entre le Père et le Fils. Cette position n’apparaît que plus clairement au Baptême, lors de la manifestation officielle de la mission du Fils : l’Esprit-Saint descend sur lui et y demeure : « J’ai vu l’Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui. » (Jn 1, 32) L’Esprit se présente avant tout comme étant au-dessus du Fils, il est celui qui lui présente tout au long de son ministère public sa mission, il est celui qui rend possible son obéissance au Père. Pour Urs von Balthasar, il y a « inversion ». Mais cette inversion ne se joue pas tant au plan de la taxis trinitaire que dans le rôle que l’Esprit assume vis-à-vis du Fils. Cependant, sans une présentation systématique de l’inversion, il paraît difficile de répondre aux questions fondamentales immédiatement soulevées par ce propos : comment cela précisément est-il compatible avec l’ordre immuable des hypostases au sein de la Trinité immanente, qui, rappelons-le, est : Père-Fils-Saint-Esprit ? Et comment cela n’induit-il pas une rupture entre la Trinité immanente et la Trinité économique ?

Une telle inversion ne peut se penser que dans le cadre d’une christologie historique qui reconnaît deux moments et deux « conditions » dans la qualité de Fils de Dieu. Le status exinanitionis, d’une part, où se produit l’inversion, auquel correspond l’abaissement kénotique du Fils qui va jusqu’à se dépouiller des prérogatives divines, et qui, par son obéissance, se soumet radicalement au Père : « Jésus rempli d’Esprit-Saint […] fut conduit par l’Esprit à travers le désert » (Lc 4, 1), « c’est par l’Esprit de Dieu que je chasse les démons » (Mt 12, 28), « obéissant jusqu’à la mort » (Ph 2, 8). Et, d’autre part, le status exaltationis, où prend place son exaltation glorieuse, qui débute par l’expiration sur la croix (« inclinant la tête il remit l’Esprit », Jn 19, 30), se poursuit par sa Résurrection (« établi Fils de Dieu avec puissance selon l’Esprit de sainteté », Rm 1, 4) et sa vie de gloire (« le Seigneur c’est l’Esprit », 2 Co 3, 17). Avant la mort de Jésus, l’Esprit n’est pas libre pour d’autres, il est tout entier occupé à présenter au Fils la volonté du Père : « il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié » (Jn 7, 39). Cependant cette christologie des deux status reste par elle-même insuffisante pour pouvoir poser l’inversion. En effet, affirmer que, dans le premier status, l’Esprit a un rôle intermédiaire entre le Père et le Fils, en tant qu’il est celui qui montre à Jésus la volonté du Père et en tant qu’il l’oriente dans sa mission, demande nécessairement de penser une pneumatologie qui autorise cette « inversion sotériologique », c’est-à-dire qui rende non contradictoires la forme économique (inversée) et la forme immanente (directe).

Urs von Balthasar est donc conduit à superposer à ce premier cadre un second, pour aboutir à une pneumatologie bipolaire. Sans cette élaboration conceptuelle, dont il faut bien reconnaître à notre auteur l’originalité, l’inversion ne parviendrait pas à acquérir la stature que réclame son insertion dans la Dramatique divine. L’Esprit donc possède deux aspects, l’un subjectif, par lequel il est l’Esprit commun du Père et du Fils, leur « nous », et l’autre objectif, par lequel il est cette troisième personne subsistante et autonome, qui se distingue des deux autres. Selon ce dernier aspect, l’Esprit se place, dans l’économie, au-dessus du Fils, en tant qu’il présente au Fils la volonté du Père. C’est sa « figure économique [8] ». Si le premier aspect est également présent dans l’économie, en tant que Jésus possède l’Esprit, qu’il est en lui, cet aspect s’efface dans le status exinanitionis, ce qui permet l’inversion, alors que, dans le status exaltationis, qui marque la fin de l’inversion, cet aspect subjectif reprend tous ses droits, le Fils dans son humanité est rempli de l’Esprit, il le spire [9] avec le Père et le donne à l’Église. Nous pouvons alors entendre ces mots d’Urs von Balthasar : « Pour autant que Jésus est le fruit de l’Esprit qui a pris la Vierge sous son ombre, il a sans doute cet Esprit en lui ; mais pour autant que l’Esprit est "expressément" ("corporellement") descendu sur lui, il l’a au-dessus de lui [10]. » Dans le status exinanitionis, en effet, le fait que Jésus ait l’Esprit en lui ne s’oppose pas au fait qu’il soit au-dessus de lui.

Cette double perspective permet à Urs von Balthasar de penser l’inversion trinitaire. Alors que, dans le status exinanitionis, le Saint-Esprit dans son aspect objectif communique au Fils la volonté du Père, pour qu’il puisse y répondre par son obéissance – ce qui est proprement l’inversion trinitaire –, dans le status exaltationis, où cette inversion est supprimée, on retrouve la forme immanente, le Fils dans son humanité co-spirant l’Esprit avec le Père. Dans le status exinanitionis, l’Esprit-Saint semble ne plus procéder que du Père seul, la puissance co-spirative du Fils étant, dans cet état, comme suspendue.

Urs von Balthasar a bien vu ici qu’on ne pouvait pas seulement défendre cette doctrine en affirmant qu’elle ne s’opposait pas à l’ordre des hypostases admis en Dieu, il fallait l’articuler avec la Trinité immanente. C’est pourquoi il est entré plus avant dans la conceptualisation du filioque, où s’expriment les positions relatives du Fils et de l’Esprit au sein de la Trinité. La spiration éternelle de l’Esprit par le Père et le Fils comporte en fait deux « moments », qui se traduisent ensuite, économiquement, de façon différente. Mais, pour l’instant, distinguons : dans un premier moment, comme le Fils reçoit éternellement du Père tout son être divin, il reçoit du Père la capacité de (co)-spirer l’Esprit ; dans un deuxième moment, le Fils exerce avec le Père cette capacité, et il spire avec lui l’Esprit. Nous aurons compris que Balthasar attribue le premier moment au premier statut et le deuxième au second statut, l’aspect de co-spiration active étant dominant dans le statut glorieux, l’aspect réceptif (passif) étant quant à lui laissé dans l’ombre ; inversement, l’aspect réceptif est dominant dans le statut kénotique, l’aspect de co-spiration active étant cette fois-ci laissé dans l’ombre. Parallèlement, on pourra relier au statut kénotique le fait que l’Esprit procède du Père comme de son unique principe (a Patre solo), et au statut glorieux le fait qu’il procède également du Fils (Filioque). D’ailleurs Urs von Balthasar va plus loin, puisque, pour lui, non seulement dans son état glorieux le Fils spire à nouveau l’Esprit avec le Père, mais il le spire dans son humanité : là « est donnée à celui (le Fils) qui est désormais exalté la puissance manifeste d’exhaler l’Esprit aussi dans son humanité [11] ».

Urs von Balthasar tire donc de la richesse infinie des rapports intratrinitaires la possibilité de l’inversion, sans que cela ne change quoi que ce soit à l’ordre intra-divin. Précisons que nous retrouvons là, avec la mise en évidence des « moments » relatifs au « développement » ou au jaillissement trinitaire en lui-même, un trait dominant de sa doctrine de la Trinité [12]. Car rien ne se produit dans le monde, et a fortiori dans les relations qui unissent dans l’économie le Fils et l’Esprit, qui ne trouve en Dieu sa condition de possibilité.

Outre la souplesse qu’il faudrait introduire dans cette schématisation pour rester fidèle à l’esprit d’Urs von Balthasar, en rappelant que l’Esprit est tout à la fois dans et au-dessus du Fils (la prédominance d’un aspect étant dictée par les besoins de l’économie, plus encore que par le statut christologique), et la prudence qu’il faudrait mettre relativement à la projection des moments intratrinitaires dans l’économie, moments qui ne doivent pas s’apparenter à une potentialité divine se réalisant dialectiquement dans l’histoire, un retour sur l’Esprit, troisième personne divine, s’impose. Et plus particulièrement sur la place « intermédiaire » qu’il occupe. Urs von Balthasar annonçait, pour poser sa thèse de l’inversion : « dès le commencement de l’Incarnation, l’Esprit garde une figure médiatrice économique correspondante entre le Père et le Fils [13] ». Garder ne signifie pas ici simplement que l’Esprit aurait conservé cette figure médiatrice tout au long de l’économie, il signifie que l’Esprit avait déjà une figure « médiatrice » au sein de la Trinité immanente (comme en attestent les deux schémas qu’Urs von Balthasar nous livre [14]). En effet, il est l’Esprit subjectivement commun du Père et du Fils qui, en tant que tel, atteste la parfaite correspondance entre le Père et le Fils. Il est ce « nous », ce « lien devenu personne ». Cependant ce « nous », s’il est la spiration commune du Père et du Fils (Esprit pris subjectivement), n’en est pas moins une troisième personne distincte des deux autres (Esprit pris objectivement). Il est le témoin objectif de cet accord mutuel. Et il y aurait donc un danger à ne voir l’Esprit que comme occupant une place intermédiaire entre le Père et le Fils, c’est-à-dire à ne voir l’Esprit que comme garantissant l’unité dans la différence entre le Père et le Fils, au détriment de l’unité d’essence. Si l’Esprit est entre le Père et le Fils, c’est précisément parce qu’il est leur unité. L’union du Père et du Fils est la condition de la spiration de l’Esprit. Précisons alors, non à l’encontre de Balthasar mais bien avec lui, que, au sein de la Trinité immanente, l’Esprit est tout autant l’Esprit « objectif » que l’Esprit « subjectif ». Et si, dans l’économie, l’aspect subjectif pouvait à un certain moment s’effacer derrière l’aspect objectif, ce n’est pas le cas dans la Trinité immanente. Plus encore, au plan trinitaire, il n’y a plus lieu de faire intervenir la diastase [15], en vertu de laquelle la distinction économique était possible n’a plus cours : l’Esprit pris subjectivement est identiquement l’Esprit pris objectivement. Ainsi celui qui, dans l’économie, apparaissait comme un Tiers objectivant n’est-il cette troisième hypostase autonome et subsistante qu’en vertu de son double aspect. Cette schématisation, et avec elle l’inversion trinitaire, présente en outre l’avantage de caractériser l’Esprit à la fois par la réciprocité du Père et du Fils et par l’émanation depuis le Père à travers le Fils, autrement dit, sans entrer encore dans des considérations thomistes, elle nous permet de penser l’Esprit non seulement en tant qu’il procède du Père et du Fils et qu’il est caractérisé par eux (spiration passive), mais aussi en tant qu’il scelle leur parfaite réciprocité et donc les caractérise (spiration active, ou commune).

La Clarification romaine et sa visée périchorétique

Une telle approche se retrouve dans la Clarification romaine sur le filioque. Mais, pour entrer dans une telle perception (que nous qualifierons de « périchorétique [16] ») des personnes divines, telle que nous la propose la Clarification, il peut être bon d’apporter quelques précisions relativement à la doctrine du filioque, en son principe. Le Concile de Lyon II (1274) affirmait : « le Saint-Esprit procède éternellement du Père et du Fils comme d’un seul principe [17] ». Les Pères du Concile de Florence (1439) préciseront, relativement à cet « unique principe », que c’est du Père qui l’a engendré que le Fils tient d’être principe du Saint-Esprit, car le Père a tout donné au Fils, à l’exception du fait d’être Père [18]. Le Fils donc, dans la mesure où il tient du Père d’être principe de l’Esprit, n’est pas le principe premier de cette procession. Le Catéchisme de l’Église catholique, en mettant plus encore en lumière la monarchie [19] du Père, oblige à penser l’unité spirative du Père et du Fils comme une unité relationnelle : le Saint-Esprit tire son origine du Père en tant que celui-ci est Père du Fils unique [20]. L’unité d’essence, en effet, dans laquelle la pensée est toujours tentée de se réfugier pour dire l’unité divine quelle qu’elle soit, n’engendre pas [21] et donc ne « spire » pas non plus. Le Père et le Fils sont un seul principe spirateur en vertu de la communion qui existe entre eux (cf. Jn 10, 30), ou plus justement, pour suivre la ligne du Catéchisme, en vertu de leur immanence mutuelle, c’est-à-dire en vertu du fait que le Fils est dans le Père et le Père dans le Fils (cf. Jn 1, 18). Maxime le Confesseur parlant des relations trinitaires affirmait que « la relation possède la capacité de montrer l’un dans l’autre ceux dont elle est dite la relation, en ne permettant pas qu’ils soient considérés l’un après l’autre [22] ». C’est précisément ce que Jean Damascène désignait sous le nom de périchorèse : « les hypostases demeurent et trouvent leur fondement les unes dans les autres : car elles sont inséparables et indivisibles les unes des autres par leur périchorèse sans confusion les unes dans les autres [23] ». Sans le Fils, le Père ne serait pas Père, et, réciproquement, sans le Père, le Fils ne saurait être Fils. Le Fils donc, tout en tirant son origine du Père, le caractérise comme Père, tout autant qu’il est caractérisé par lui comme Fils. Et c’est bien dans cette perspective que le Catéchisme de l’Église catholique se situe, lorsqu’il parle de la procession de l’Esprit.

Cette approche « périchorétique » de l’Esprit à laquelle nous introduit le Catéchisme n’est toutefois pas des plus évidentes. Car il ne s’agit pas seulement, dans la qualification de l’Esprit, de rendre compte de l’immanence mutuelle du Père et du Fils, ce que nous avons commencé d’appréhender, mais aussi de rendre compte de la manière dont l’Esprit lui-même vient caractériser la relation paterno-filiale. C’est là que la Clarification romaine sur le filioque, s’avère des plus essentielles, elle qui affirme : « de même que le Père est caractérisé comme Père par le Fils qu’il engendre, de même l’Esprit, en tirant du Père son origine, le caractérise de manière trinitaire dans sa relation au Fils et caractérise de manière trinitaire le Fils dans sa relation au Père : dans la plénitude du mystère trinitaire, ils sont Père et Fils dans l’Esprit-Saint. » Ce que le P. Garrigues traduit en disant : « Si donc le Saint-Esprit tire son origine du Père par le Fils, c’est-à-dire du Père dans sa relation au Fils, procédant d’eux comme d’un seul principe paternel, alors lui aussi doit caractériser à son tour cette communion paterno-filiale qui est à son origine, tout autant qu’il est lui-même caractérisé par elle [24]. » Affirmer de l’Esprit qu’il vient caractériser le Père et le Fils dans leur relation trinitaire, c’est, à l’encontre d’une théologie thomiste trop vite entendue, affirmer que les relations d’origine ne suffisent pas à définir les personnes divines. Entendons : la relation du Père au Fils, autrement dit la paternité, et du Fils au Père, autrement dit la filiation, ne suffisent pas à les qualifier pleinement comme Père et comme Fils, bien que cela suffise à distinguer le Père du Fils et à nous faire entrer dans l’intelligence de leurs personnes [25]. Il n’est de Père et de Fils que dans la relation à l’Esprit. Il serait en effet erroné de dire que le Père est « constitué » comme Père dans sa seule relation au Fils, et réciproquement que le Fils est « constitué » comme Fils dans sa seule relation au Père. Cela signifierait que le Père et le Fils peuvent exister sans l’Esprit. Mais il faut aller plus loin et affirmer, en se situant cette fois du côté de l’Esprit, que toute la richesse de sa personne ne saurait être dite à partir de sa seule procession à partir du Père et du Fils, bien que celle-ci suffise à le distinguer des deux autres personnes divines. Autrement dit, la spiration commune, pour reprendre un terme thomiste sur lequel nous reviendrons [26], entre tout autant dans la qualification de l’Esprit que la spiration passive, autrement dit que le Filioque.

Arrêtons-nous alors sur la manière dont l’Esprit vient qualifier la relation du Père au Fils, si tant est que l’économie du salut, qui est le seul lieu de vérification d’une théologie trinitaire, donne quelques éléments de réponse. La Clarification, s’interrogeant elle-même sur le « caractère trinitaire que la personne du Saint-Esprit apporte à la relation même entre la personne du Père et [celle] du Fils », affirme, sans l’ombre d’une hésitation, qu’« il s’agit du rôle original de l’Esprit dans l’économie par rapport à la mission et à l’œuvre du Fils ». Il faut donc entendre que le rapport actif de l’Esprit au Fils dans l’économie, que nous croyons avoir mis en évidence, avec Urs von Balthasar, dans la première partie de cette étude, est révélateur de l’être intratrinitaire de Dieu. Mais, s’il est entendu que le rapport économique observé doit s’entendre d’un véritable correctif à apporter au filioque, encore faut-il lui trouver une expression adéquate au plan intratrinitaire. La Clarification nous ouvre une voie lorsqu’elle énonce : « Ce rôle de l’Esprit au plus intime de l’existence humaine du Fils de Dieu fait homme découle d’un rapport trinitaire éternel par lequel l’Esprit caractérise dans son mystère de Don d’amour la relation entre le Père comme source d’amour et son Fils bien-aimé… » Cette voie est suivie très exactement par Garrigues [27], qui en vient à « surdéterminer » pneumatiquement le Père comme Abba (Ga 4, 6) et le Fils comme Bien-aimé (Col 1, 14). « Abba et Bien-aimé, dit-il, sont les noms du Père et du Fils, en tant qu’ils sont, dans leur communion personnelle, relatifs au Saint-Esprit, en tant que termes de la spiration de l’amour trinitaire [28]. » Dans l’Esprit, le Père est, pour le Fils, Abba, et le Fils est, pour le Père, Bien-aimé. En disant cela, Garrigues met en lumière le fait que l’Esprit marque de son sceau la communion d’amour entre le Père et le Fils. Le Saint-Esprit est « sceau de la Trinité ». Ainsi rend-il compte de la réciprocité trinitaire (ou de l’immanence mutuelle) entre l’Esprit d’une part, et le Père et le Fils d’autre part.

De la réciprocité des personnes à l’essence divine

Au terme, et comme pour tirer les ultimes conséquences de cette approche périchorétique, il revient de s’interroger sur l’Esprit-Saint lui-même. Une des difficultés qui surgit, nous l’avons vu, quand on veut parler de l’Esprit-Saint, est que la spiration passive (filioque), qui traduit proprement une relation d’origine, tend à gommer totalement la seconde relation réelle [29], la spiration commune ou active. Or la spiration commune dit quelque chose de l’Esprit, non pas seulement indirectement à travers l’empreinte laissée par l’Esprit dans la personne du Père et dans la personne du Fils, mais directement en tant qu’il est celui qui scelle cette communion d’amour. Mais reste alors une question : est-il possible de penser l’Esprit en dehors de toute réflexion sur l’essence divine, en dehors de cette essence qui est Amour, comme le disait Balthasar reprenant saint Jean ? La question peut ici paraître paradoxale, puisque précisément il s’agit d’appréhender l’Esprit dans son origine comme dans son être le plus profond à partir de la réciprocité des personnes. Comprenons. Si, dans la spiration, la distinction des personnes du Père et du Fils reste fondamentale, leur communion, dans la mesure où elle est scellée par l’Esprit, ne peut que se rapporter d’une façon ou d’une autre à cette essence, sans quoi la personne de l’Esprit ne serait plus que la somme des attributs communs au Père et au Fils (ni Père, ni Fils, juste Esprit). Or il est évident qu’il est bien plus que cela. C’est pourquoi, étant sauve l’affirmation de la consubstantialité contenue implicitement dans la procession du Père et du Fils, nous pensons qu’il faut qu’au sein même de cette réciprocité entre le Père et le Fils d’où jaillit l’Esprit se dise la nature divine.

L’Esprit, plus que tout autre personne divine, interdit de s’en tenir à de trop hâtives représentations et, ici, de s’en tenir à des questions de réciprocité ou de relation. L’Esprit, en effet, dans son surgissement même, démasque l’inadéquation de nos représentations, pour ne pas dire de nos conceptualisations, de Dieu. De soi, il interdit de penser la relation Père-Fils comme une relation close. Bien plus, comme le dit Balthasar, « l’Esprit-Saint secoue et bouscule toujours à nouveau toutes les prétentions systématiques artificielles humaines au bénéfice de sa propre systématique, inscrutable pour nous [30] ». L’Esprit lui-même interdit donc ici de faire abstraction de toute considération de nature. Le concile de Nicée (325), nous le savons, a répondu de la provocante unité du Fils avec son Père (Jn 10, 30) par l’affirmation de leur consubstantialité ; l’engendrement du Fils étant comme tenu à l’intérieur de la nature divine, et la distance séparant le Fils du Père comme absorbée dans l’unité divine. Si Basile, et avec lui le premier concile de Constantinople (381), se refusent à parler de la consubstantialité de l’Esprit avec les deux autres personnes divines, c’est, selon toute vraisemblance, pour ne pas enfermer l’Esprit dans une considération de nature, pour toucher son être propre d’abord et avant tout dans le jeu des personnes divines, avec lesquelles il reçoit même adoration et même gloire – jeu grâce auquel il permet de voir le Fils comme Fils. Mais une telle réserve n’a plus lieu d’être une fois dégagée la spécificité relationnelle de l’Esprit. C’est d’ailleurs ainsi qu’on peut entendre les mots de saint Thomas d’Aquin lorsqu’il dit : « Si l’on considère la vertu spiratrice, le Saint-Esprit procède du Père et du Fils en tant qu’ils sont un en cette vertu, laquelle signifie d’une certaine manière la nature avec la propriété […] Mais si l’on considère les suppôts de la spiration, le Saint-Esprit procède du Père et du Fils en tant qu’ils font deux : car il en procède comme l’amour mutuel de deux personnes qui s’aiment [31]. » Ce qui signifie que la spiration suppose simultanément l’unité de nature du Père et du Fils, entendue comme puissance spiratrice, et leur distinction personnelle, entendue comme relations réciproques [32]. Précisons alors qu’il ne s’agit pas, en parlant de nature divine, de rendre compte purement et simplement de la consubstantialité de l’Esprit avec les deux autres personnes divines, mais d’associer, comme le fait Thomas, considérations de personnes et considérations de nature, par le biais des propriétés de cette dernière.

Nul mieux que Balthasar n’est entré dans cette logique qui associe nature, jaillissement des personnes et immanence mutuelle. Dans une perception dynamique de l’essence divine qui est Amour (Don), il définit, en effet, l’Esprit comme « Excès de l’amour [33] ». L’essence divine est ce qui se donne sans fin [34]. Elle est l’amour dans son jaillissement incessant. Mais si elle est la réalité qui traverse tout [35], elle ne doit jamais être pensée en dehors des Personnes divines, in abstracto [36], sans quoi elle se présenterait toujours comme une quatrième entité, au-delà ou en deçà, des personnes divines. Jamais, dit Balthasar, « il ne faudrait parler de "fécondité de l’essence" de Dieu, abstraction faite des personnes, car […] dans l’être-fécond de Dieu est toujours co-signifié le processus des processions personnelles [37] ». Cela signifie d’une part que chaque personne entretient un lien particulier à l’essence divine et d’autre part que ce mode d’être renvoie aux processions. Au plan intratrinitaire, en effet, l’Amour est identique en chaque personne bien que se réalisant chaque fois de manière différente (selon le « mode d’être », le tropos tês hyparxeôs [38]). Ainsi faut-il dire de l’Esprit qu’il est celui qui « conclut et boucle en lui-même toute l’essence de Dieu comme Amour [39] ». Mais il n’est nullement possible de caractériser l’Esprit dans son rapport propre à l’essence sans être immédiatement renvoyé aux processions intratrinitaires, au rapport que l’Esprit entretient avec les deux autres personnes divines. L’Esprit, en effet, ne peut être l’Excès de l’Amour qu’en se rapportant à la fécondité des deux autres personnes, car cet excès résulte de l’interpénétration d’amour du Père et du Fils. Le Fils, en effet, en recevant du Père tout ce qu’il est, reçoit l’amour de celui-ci, et « il le reçoit en même temps comme un co-aimant, aimant en retour, répondant au tout de l’amour paternel [40] ». Il en résulte, non seulement une admiration et une action de grâce réciproques, mais encore « une interpénétration d’amour absolu, qui apparemment devrait se suffire éternellement à elle-même, mais dont le caractère interne est d’un excès tel que – pour ainsi dire – "imprévisiblement" et précisément en tant qu’excès il produit quelque chose qui, à nouveau, est Un [41] ». L’Esprit jaillit « de la réciprocité comme ce qu’elle ne peut pas saisir elle-même [42] ». Et, s’il fallait se situer sur le plan de la liberté, il faudrait dire qu’il est celui qui ne résulte pas « d’un accord rationnel, mais de cette "surprise" en vertu de laquelle l’amour se révèle être davantage et être plus fécond que prévu [43] ». C’est pourquoi l’Esprit ne peut que jaillir « de la "logique" interne de l’amour désintéressé lui-même [44] ».

La position qu’adopte Urs von Balthasar en reliant le mouvement inhérent à l’amour authentique, c’est-à-dire le mouvement de l’essence divine perçue comme amour, aux relations trinitaires, est osée. Certes, pour lui, il n’y a pas de fécondité de l’essence prise absolument : « Si l’on abstrait de l’hypostase du Père sa paternité, il ne reste plus alors […] qu’un terme général et vide [45]. » L’essence divine comme telle ne peut être considérée comme active dans les processions. Cependant c’est bien le mouvement inhérent à l’amour authentique, c’est-à-dire le mouvement de l’essence divine, que viennent épouser les personnes divines. Si, en effet, la condition pour que le Père donne toute sa substance au Fils est qu’il la possède, il n’en demeure pas moins qu’ « il ne la possède que comme étant donnée » ; autrement dit, « il n’est possible de concevoir qu’il est éternellement le Père que parce que, de toute éternité, il a transmis au Fils tout ce qui lui est propre, y compris sa divinité [46] ». Mais, et ici la question que pose Urs von Balthasar est tout à fait révélatrice de sa pensée, s’ « il en va de même du Père et du Fils en ce qui concerne la procession de l’Esprit-Saint qui, sans cela, ne pourrait être co-éternellement Dieu […], l’essence divine ne devient-elle pas alors quelque chose d’aussi "mouvementé" que l’événement même des processions [47] ? » L’essence, en tant qu’elle est ce se donner, ce jaillissement incessant de l’amour, est porteuse du mouvement hypostatique. Elle n’est pas seulement ce qui traverse tout, elle est « coextensive » aux processions. Mais, pour la saisir dans son lien unique à chaque personne, encore faut-il dire avec Urs von Balthasar, et cela résume bien l’aboutissement de sa pensée [48] : « L’essence divine, si on la regarde de cette manière, ne serait pas seulement coextensive à l’événement des processions éternelles, mais elle serait aussi déterminée par la participation, chaque fois unique et différente, du Père, du Fils et de l’Esprit à cet événement ; en d’autres termes, l’essence divine n’existe jamais que comme "paternelle", "filiale" et "pneumatique". » Ainsi n’est-il, pour désigner l’Esprit, cette hypostase qui surgit de la réciprocité de l’amour, « aucune autre expression adéquate que celle, encore une fois, de l’amour […], objectivité suprême et subjectivité de la gratuité de l’amour trinitaire identique à l’essence de Dieu [49] ».

Si chacun reste libre de faire sienne ou non la pensée de Balthasar, nous pouvons néanmoins conclure en affirmant que seule une perception périchorétique des personnes divines est à même de nous faire approcher du mystère de l’Esprit-Saint. L’Esprit est celui qui jaillit de la réciprocité de l’amour trinitaire, de l’amour du Père pour le Fils et du Fils pour le Père. Et, jaillissant, il scelle de son sceau la réflexivité d’amour de l’un à l’autre. Et c’est bien pourquoi il est celui qui peut nous conduire au cœur de l’amour trinitaire, de cet amour qu’il est lui-même. Voilà pourquoi, dès lors, lui seul peut nous dire quelle est « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… » (Ep 3, 18) de cet amour manifesté en Jésus-Christ. Voilà pourquoi aussi il laisse à jamais ouverte notre compréhension de Dieu.

Sandra Bureau, consacrée de la communauté Aïn Karem, prépare une thèse de théologie sur l’inversion trinitaire chez Hans Urs von Balthasar.

[1] Cf. Hans Urs von Balthasar, « Le Saint-Esprit. L’inconnu au-delà du Verbe », Lumière et Vie 67, 1964, pp. 115-126.

[2] « Économique » : il s’agit de l’ « économie » divine, qui se déploie dans l’histoire du salut, par opposition à la vie « immanente » des personnes divines dans la Trinité.

[3] Jn 14, 26.

[4] Taxis (ou taxinomie) : c’est l’ordre définissant les personnes divines dans leurs processions à partir du Père.

[5] Cf. Hans Urs von Balthasar, La Dramatique divine, II. Les personnes du drame, 2) Les personnes dans le Christ, Namur, Culture et vérité, 1988 (désormais noté DD II-2), pp. 146-153 et pp. 413-415.

[6] Jean-Miguel Garrigues, Le Saint-Esprit sceau de la Trinité, Cerf, Cogitatio Fidei 276, 2011.

[7] Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, Clarification. « Les Traditions grecque et latine concernant la procession du Saint-Esprit » (8 septembre 1995), in Documentation catholique, 2125, 1995, pp. 941-945.

[8] Cf. DD II-2, p. 149 et p. 406.

[9] « Spiration » : désigne la procession du Saint-Esprit à partir du Père (ou du Père et du Fils), comme la génération exprime la procession du Fils.

[10] DD II-2, p. 413.

[11] DD II-2, p. 151.

[12] Cf. Hans Urs von Balthasar, La Dramatique divine, III. L’action, Namur, Culture et vérité, 1990, pp. 295-304 et La Dramatique divine, IV. Le dénouement, Namur, Culture et Vérité, 1993, pp. 69-80.

[13] DD II-2, p. 149 ; nous soulignons.

[14] Cf. DD II-2, p. 153 et p. 415.

[15] « Diastase » : séparation entre les deux aspects, « l’Esprit sur Jésus » et « l’Esprit en Jésus ».

[16] « Périchorèse » : mouvement entre les personnes divines qui les porte l’une vers l’autre et réalise leur unité dans le don mutuel. Le terme sera explicité plus loin.

[17] Dz 850.

[18] Cf. Dz 1301.

[19] « Monarchie » du Père : non pas supériorité du Père sur les deux autres, mais origine paternelle, en qui se résume toute la divinité.

[20] Cf. CEC no 248.

[21] Cf. Concile de Latran IV, Dz 804.

[22] Maxime le confesseur, Commentaire sur le Pater, PG 90, 884C.

[23] Jean Damascène, La Foi orthodoxe, PG 94, 860B.

[24] Jean-Miguel Garrigues, Le Saint-Esprit, sceau de la Trinité, op. cit., p. 21.

[25] Cf. idem, p. 62.

[26] Cf. note 28.

[27] Les nombreuses études de Garrigues sur le filioque ont été d’un poids incontestable sur les travaux du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et plus particulièrement sur cette Clarification.

[28] Jean-Miguel Garrigues, op. cit., p. 52.

[29] Saint Thomas (Somme théologique, Ia pars, q. 28, a. 4) connaît quatre « relations réelles » en Dieu : la paternité, la filiation, la spiration et la procession, les deux dernières se distinguant comme spiration passive et spiration active.

[30] Hans Urs von Balthasar, La Théologique, III. L’Esprit de vérité, op. cit. (désormais noté TL III), p. 245.

[31] Thomas d’Aquin, Somme théologique, Ia, q. 36, a. 4, ad 1.

[32] Cf. Jean-Miguel Garrigues, op. cit., p. 67.

[33] TL III, p. 150.

[34] Cf. Hans Urs von Balthasar, « Le Saint-Esprit. L’inconnu au-delà du Verbe », op. cit., p. 115.

[35] Cf. Hans Urs von Balthasar, La Théologique, II. Vérité de Dieu, Bruxelles, Culture et Vérité, 1995 (désormais noté TL II), p. 149.

[36] Cf. TL III, p. 153.

[37] TL III, p. 153.

[38] Cf. TL III, p. 152.

[39] TL III, p. 153.

[40] TL III, p. 150.

[41] TL III, p. 151 ; c’est l’auteur qui souligne. Nous modifions la traduction.

[42] TL III, p. 150.

[43] TL III, p. 230.

[44] TL III, p. 230.

[45] TL II, p. 142.

[46] TL II, p. 147.

[47] TL II, p. 147 ; nous soulignons.

[48] TL II, p. 148.

[49] TL II, pp. 152-153.

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