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Saint Paul… tout simplement. (Paul Bony)

Ed. de l’Atelier, coll. Tout simplement, Paris, 2008, 221 pp.
M. Walckenaer

« Paul a la réputation d’un auteur difficile. On ne voudrait pas démontrer le contraire, mais presque… Pourquoi ne pourrait-il pas nous faire partager le trésor de sa vie : la connaissance de Jésus-Christ ? » (p.7) Cette interrogation est l’axe de cet ouvrage du sulpicien Paul Bony, spécialiste et familier des écrits pauliniens. À notre tour, en cheminant avec l’apôtre des Nations, nous entrons un peu plus dans l’émerveillement de Paul pour la richesse et la profondeur des desseins de son Dieu. La grande connaissance qu’a l’auteur de saint Paul lui permet d’en restituer la pensée de manière claire et approfondie tout à la fois.

La collection « Tout simplement », qui choisit de mettre à la portée de tous la réflexion théologique, tient donc ici une fois encore son pari. Le père Bony opte pour un plan chronologique. En effet, dans la mesure où saint Paul écrit dans une visée apostolique, dans la mesure où il est mené à élaborer une théologie par les difficultés qu’il rencontre dans la transmission de la foi en Christ aux Juifs et aux païens, le fait de remettre ses lettres dans leur contexte, paradoxalement, rend à la pensée de Paul son ampleur, en dégageant les grands enjeux de chacune de ses épîtres. Sont ainsi commentés les apports des sept lettres dont l’attribution à saint Paul ne fait pas de doute (à part la lettre aux Romains, morceau majeur, et les deux lettres aux Corinthiens, on trouve les lettres aux Thessaloniciens et aux Galates, la belle épître aux Philippiens, où Paul dit son désir de communion au Christ, et la courte missive à Philémon, qui n’est ici qu’évoquée).

La théologie paulinienne s’est dessinée en quatre grandes étapes. Durant les premières années suivant sa conversion à Jésus-Christ (34-46), avec ses premiers voyages dans les pays environnants et la rencontre de Pierre à Jérusalem, le nouvel apôtre découvre son rôle particulier de témoin du Christ qui l’a bouleversé sur le chemin de Damas, et commence d’annoncer l’Évangile du Seigneur Jésus-Christ, proclamé par l’Église. Aussi cette première partie s’attache particulièrement à mettre en lumière quel est le Sauveur proclamé par Paul, et ce qu’est l’Église, la communauté des croyants qui vivent dans l’attente de son retour.

La deuxième étape de la prédication paulinienne correspond à ce que Paul Bony appelle « une période fondatrice » (46-51). Paul y parcourt la Grèce, fonde avec ses compagnons des Églises chrétiennes, dans l’actuelle Turquie, et surtout à Philippes, Thessalonique, Corinthe, avant de refaire un voyage à Jérusalem pour une sorte de premier concile avec les apôtres restés à Jérusalem auprès des Juifs. Pourquoi une période « fondatrice » ? Les grandes épîtres aux Corinthiens sont postérieures à ces années, mais ce que Paul y écrit a mûri dans sa rencontre avec ces communautés enthousiastes et fragiles dans leur foi et leur vie évangélique. Le père Bony consacre donc cette deuxième partie à explorer les grands thèmes des deux lettres aux Corinthiens qui cherchent à redresser les erreurs des nouvelles communautés, erreurs souvent induites par une mécompréhension de ce qu’est notre nature humaine. Sont successivement abordées la question de la Résurrection, donc de notre corps, l’unité du Corps qu’est la communauté des croyants (où prend place le fameux texte de 1Co 13 sur les différents dons de l’Esprit), puis la sagesse de la Croix, alors que l’effervescence corinthienne tend à ce se laisser prendre à de beaux discours oublieux de la folle sagesse de Dieu, et enfin, ce qui est lié à la folie de la Croix, le chemin apostolique de configuration au Crucifié, pour lequel Paul parle souvent à la première personne du singulier.

L’épître aux Galates et la grande épître aux Romains manifestent la nécessité qu’a éprouvée Paul ensuite de répondre au problème soulevé par la conversion des païens à Jésus-Christ : comment comprendre le rapport de l’Évangile à la Loi juive, restée un pilier de leur foi pour la plupart des convertis venus du judaïsme ? Il s’agit alors pour l’apôtre d’exposer à frais nouveaux que nous n’avons « pas d’autre gloire que la croix de notre Seigneur Jésus-Christ » (Ga 6, 14), que notre justice ne provient plus de la Loi, mais de la Croix (chapitres 8 et 9). La liberté ainsi reçue n’est pourtant pas licence, mais liberté des enfants de Dieu, engendrés dans l’Esprit saint, incorporés au Christ (chapitre 10). Le chapitre 11 se penche sur la mystique paulinienne, c’est-à-dire la compréhension de la vie chrétienne comme d’une vie, comme le dit la liturgie eucharistique, « par le Christ, avec Lui, en Lui ». Le baptisé est déjà pris dans le mouvement de Résurrection qui habite et déchire notre histoire humaine.

La quatrième partie de ce manuel, si l’on peut dire, reprend l’étude de l’épître aux Romains dans ce qu’elle expose de l’universalité de la foi en Christ, par laquelle l’humanité toute entière se trouve réconciliée : la justice de Dieu justifie le Juif et le Grec, pour qu’ils se laissent l’un comme l’autre conduire par l’Esprit (Rm 1-8), et une espérance est offerte à Israël, qui n’a pas encore reconnu Jésus comme son Messie : « tout Israël sera sauvé » (Rm 11, 26), puisque Dieu est fidèle à ses promesses, et que c’est d’abord à Israël qu’Il a annoncé le salut. « Tous seront objet de sa miséricorde. » (Rm 11, 32)

Il n’est pas sûr que les épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens, avec leurs magnifiques hymnes liturgiques, soient de la main de Paul lui-même. En tous les cas, elles témoignent de la réception de l’annonce faite par Paul de l’Évangile, lui à qui a « été confiée cette grâce-là d’annoncer aux païens l’insondable richesse du Christ, et de mettre en lumière la dispensation du Mystère » (Ep 3, 8-9). Signalons l’explication très claire et pédagogique de l’hymne splendide que l’on lit en Col 1, 15-20.

Il s’agit là d’un ouvrage de travail : il faut le lire Bible en main ! Cartes, extraits des lettres de Paul ou d’autres passages bibliques, encadrés précisant tel ou tel point (« la chair, l’esprit, le corps », « Tête, Corps, Plénitude », par exemple), soutiennent la compréhension de ce qui nous est expliqué. Il faut noter les intéressantes « ouvertures » à la fin de chaque chapitre, qui proposent une courte réflexion libre de l’auteur sur les enjeux principaux dégagés au cours des pages précédentes, notamment quant à la manière de les accueillir aujourd’hui. Nous pouvons simplement regretter que rien ne soit dit de la belle épître aux Hébreux, dont, certes, la paternité est fortement discutée.

Une entrée dans la pensée de Paul qui rendra service à tous ceux qui veulent profiter de cette année saint Paul pour s’initier efficacement aux enjeux théologiques du « dernier des apôtres ».

Réalisation : spyrit.net