Rechercher

Sommaires et éditoriaux

Résurrection

RESURRECTION 1 (Avril 1956) : LA RESURRECTION

96 pages

Liminaire

Ceux qui lancent cette revue ne prétendent pas avoir personnellement quelque chose à dire dans le domaine qu’ils ont choisis pour elle. Il leur semble que la littérature actuelle, celle des essais et des périodiques, est suffisamment pourvue de ce qu’un laïc peut attendre et élaborer comme réponse chrétienne aux problèmes de ce temps, comme réflexion religieuse en termes d’aujourd’hui. Ils ne veulent rien y ajouter.

Ils ont seulement constaté en eux-mêmes et en beaucoup de chrétiens de leur génération une grande faim de connaissances religieuses proprement dites.

L’action catholique leur a réclamé de faire passer l’Evangile dans toute leur vie. Ils s’efforcent sincèrement de mener leurs activités familiale, professionnelle et même politique par la force victorieuse du RESSUSCITE en qui tout doit être récapitulé. Mais ils ont souvent l’impression que le contact avec Lui est mal établi au départ, dans une incertitude qui les expose à ne pas être des instruments très authentiques.

Leur vie spirituelle s’est pourtant abreuvée aux sources rénovées de la Bible et de la Liturgie, mais, un peu perdus dans les richesses mêmes qui leur étaient offertes, ils ont cherché un point de cristallisation de leur pensée religieuse qui leur permît à l’heure des décisions difficiles de faire peser toute l’espérance de la RESURRECTION sur le sacrifice demandé.

Pour y parvenir ils ont essayé d’arracher à leur vie surmenée les quelques instants indispensables pour pénétrer intellectuellement les mystères et particulièrement celui de la RESURRECTION dont dépendent la puissance et le succès de leur vie chrétienne toute entière. Mais bien qu’on se soit mis en frais pour eux depuis quelques temps dans les milieux théologiques, d’où sont sortis tant de volumes en excellent français et même plusieurs revues de lecture agréable, ils n’ont as été complètement satisfaits. Plusieurs de ces publications sont encore trop savantes pour eux ; d’autres se sont volontairement restreintes à un domaine limité. Il faudrait en lire beaucoup et fournir un effort de synthèse qui ne peut prendre place au soir d’une journée déjà trop chargée.

Alors, persuadés qu’ils avaient droit à cette nourriture qui descend du ciel par l’intermédiaire des livres inspirés et est distribuée par l’Eglise à la fois constante en ses enseignements et capable de se faire entendre de toutes les générations, ils se sont adressés, comme ils l’auraient fait devant une difficulté de leur domaine professionnel, aux compétences, c’est-à-dire aux théologiens.

Ils ont osé leur demander de parler d’une façon bien vivante ; ils les ont prié de ne pas s’imaginer les besoins des laïcs et de ne as leur fournir une pensée tellement adaptée qu’elle ne les mettrait pas en contact avec le jaillissement même de la Révélation. Ils leur ont proposé de travailler avec eux ; ils ont promis de leur avouer sans détours s’ils étaient atteints par l’enseignement dispensé.

C’était beaucoup de prétentions ! Ils ont eu la joie d’être entendus et de n’essuyer aucun refus. Exégètes, patrologues, liturgistes, moralistes, directeurs et rédacteurs des plus grandes revues religieuses dominicaines et jésuites promirent leur concours. Et, joyeux d’une telle libéralité, ils n’ont pas voulu en garder pour eux seuls le bénéfice. Une revue s’ébaucha sous le nom du mystère qui avait résidé aux recherches : RESURRECTION. Depuis, on leur a dit qu’elle intéresserai aussi, peut-être, des prêtres ou des séminaristes soucieux de traduire leur théologie dans la langue de tout le monde, et même quelques religieuses désireuses de soutenir leur prière ou leurs actions pour un dialogue religieux avec un monde qu’elles n’ont quitté que pour mieux le servir.

A lire ce premier numéro on s’apercevra qu’il y a loin des projets aux réalisations. C’est un effort et un commencement. Si ses lecteurs ne lui ménagent ni critiques ni suggestions, le second, grâce à eux, sera meilleur.

RESURRECTION

SOMMAIRE

Liminaire

Pages 1 à 2

Henri CAZELLES, p.s.s.

C’est mort qu’Il triomphe

Pages 3 à 14

Jean ROGUES

La voie royale

Pages 15 à 25

André BRIEN

La conversion du cœur, I

Pages 26 à 36

Jean DANIELOU, s.j.

Le mystère de la vie et de la mort

Pages 37 à 42

Louis BOUYER, de l’Oratoire

Humanisme et christianisme au XVI° siècle

Pages 43 à 54

CHRONIQUES

Dr F. BESANCON et Michel COLONI

L’accouchement sans douleur

Pages 55 à 61

R. PICHARD, o.p.

Du bon usage d’une technique

Pages 62 à 65

Marcelle HEBRARD

Conversion et mentalités contemporaines

Pages 66 à 79

P. IDIART

Perspectives et limites de la sociologie religieuse

Pages 80 à 84

Catherine MICHEL

Le cinéma : Ordet

Pages 85 à 87

DOSSIERS

I. Plan de travail

Pages 88 à 93

II. Livres à lire

Pages 93 à 96

RESURRECTION 2 (Juillet 1956) : LE SAINT-ESPRIT

96 pages

L’impossible unité

Le monde est cassé et nous avons la nostalgie de l’unité détruite, la hantise de la reconstruire.

Un simple regard sur la mappemonde, la lecture du journal, l’écoute de la radio nous persuadent que le progrès scientifique n’a en rien amélioré l’entente internationale : la paix du monde est de plus en plus fragile, et son destin angoisse chacun d’entre nous.

Dans le milieu professionnel comme dans le milieu familial, la même douloureuse expérience se renouvelle. A cela près que, nous y trouvant plus directement en contact avec le réel, nous mesurons davantage la résistance qu’il oppose à notre vœu et à notre effort : amitié ou amour sont plus souvent rêvés que réalisés. Quels que soient les noms dont on les baptise, passions ou complexes, les obstacles que notre vie affective oppose à toute forme de compréhension mutuelle sont un fait d’expérience courante.

Jusqu’au cœur de notre personnalité ce phénomène de dispersion dégradante est ressenti, nous éprouvons une immense difficulté à intégrer harmonieusement, à unifier toutes les tendances qui composent notre moi, et nous faisons sans fin l’expérience d’un saint Paul : " Ce que je veux, je ne le fais pas ; ce que je ne veux pas, je le fais. "

Le chrétien qui expérimente sa propre impuissance à résoudre cette difficulté, cette énigme, se tourne vers la Révélation. Il en attend à la fois une lumière qui l’éclaire sur les raisons de cette impasse, et le moyen concret d’en sortir. Ce n’est pas par des moyens de coercition humains que nous arriverons à reconstituer l’unité disparue : ni guerre, ni police, ni camp de concentration ne peuvent y parvenir. Ce n’est pas une mystique humaine qui le pourra davantage : il n’en est pas qui ait rassemblé durablement les hommes, ni qui ait réussi à unifier définitivement leur vie spirituelle. Il faut que Dieu, par un coup de force, fasse brèche dans le mur auquel nous sommes acculés.

Le premier enseignement que la Bible peut lui donner nous est présenté par M. Feuillet : toute l’histoire du Salut se développe comme une dialectique de la dispersion et de l’unité. La première est conséquence de la révolte orgueilleuse de l’homme contre Dieu. Le salut sera précisément œuvre de réunion, de rassemblement, d’unification. Paradoxe de l’action de Dieu : cette entreprise suppose initialement un choix exclusif, mais par lui c’est l’unité de l’univers tout entier qui se réalise progressivement. Seul Dieu peut unir les hommes, mais pour cela son amour leur demande d’abord une rupture.

C’est Dieu qui est l’auteur de l’unité. Le chrétien découvre dans la contemplation du mystère de la Trinité la raison profonde de cette décision, en même temps que celui qui en est l’artisan, l’Esprit Saint. Ce que nous tendons à réduire à une morale de l’altruisme ou de la philanthropie est en réalité conséquence de l’être même de Dieu. Le chrétien, hanté par le souci de refaire l’unité, veut prolonger dans la création un ordre et une cohésion intérieure au Créateur. C’est le sens de l’article de M. Coloni.

Mais cet Esprit, qui scelle l’unité divine, est encore celui qui achève celle de chaque homme. Dieu seul est suffisamment au cœur de nous-mêmes pour que son action, loin d’éliminer notre liberté, l’exalte et lui donne d’intégrer toutes nos facultés dans l’élan et l’engagement de notre liberté : M. Brien, relisant saint Paul, nous en donne l’explication ;

Ces interventions de l’Esprit à l’œuvre dans le monde ne se développent pas seulement dans l’intimité de la conscience individuelle mais par la médiation d’une société visible, l’Eglise de Jésus-Christ. La lenteur des progrès de cette dernière fait parfois douter qu’elle soit toujours habitée par l’Esprit, de même que la précarité des résultats de notre évolution religieuse personnelle peut faire douter qu’elle atteigne à son terme : l’union à Dieu. L’étude d’histoire de l’Eglise menée par M. Teissier peut nous convaincre que la pédagogie divine est lente, l’action de l’Esprit accepte des délais. Que le Royaume n’avance pas plus vite ne doit nullement mettre en cause notre foi ni notre confiance dans l’issue finale de la lutte menée par l’Esprit pour le rassemblement de toute l’humanité en Dieu.

Résurrection

SOMMAIRE

Editorial : l’impossible unité

Pages 1 à 2

André FEUILLET, p.s.s.

De Babel à la Pentecôte

Pages 3 à 16

Michel COLONI

L’Esprit unificateur

Pages 17 à 24

André BRIEN

Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté

Pages 25 à 33

Henri TEISSIER

Les délais de l’Esprit

Pages 34 à 42

Pierre IDIART

Le sacrement du Temporel

Pages 43 à 59

CHRONIQUES

Pierre CHIBON

Réflexions sur le Père Teilhard de Chardin

Pages 61 à 66

Louis BOUYER, de l’Oratoire

La Bible de Jérusalem

Pages 67 à 69

Antoine TRAVERS

Une nouvelle Encyclopédie

Pages70 à 72

Elie PASCAL

L’Eglise et la morale de situation

Pages 73 à 75

Yves de GENTIL-BAICHIS

Le cinéma : Continent perdu

Pages 76 à 78

DOSSIERS

I. Théologie du problème colonial

Pages 79 à 88

II. Livres à lire

Pages 89 à 94

RESURRECTION 3 (Octobre 1956) : LA CONNAISSANCE RELIGIEUSE

96 pages

Une religion pour intellectuels

Une revue qui s’affiche doctrinale et qui se propose d’aider des laïcs à faire de la théologie paraît à certains une incongruité : la théologie est affaire de clercs, ne mélangeons pas les genres ; au demeurant, la sainteté à laquelle tout baptisé se doit d’aspirer ne peut être confisquée par les intellectuels, elle est sans lien avec cette activité cérébrale dont il est si facile de tirer vanité.

Résurrection s’inscrit en faux contre cette double affirmation et prétend qu’il est souverainement important de donner accès à une théologie débarrassée pour la circonstance de tout un appareil technique nécessaire pour la recherche, regrettable quand il constitue un écran entre le baptisé et la Parole de Dieu.

Aux premiers siècles de l’Eglise, on appelait souvent le baptême une illumination : le christianisme apparaissait moins comme un style ed vie ou comme un ensemble de rites que comme une connaissance qui transformait celui qui y accédait. La liturgie quadragésimale garde parmi nous le souvenir de cette initiation qui était essentiellement une instruction. La catéchèse consistait à raconter une histoire dont la connaissance faisait le monde nouveau aux yeux de qui la reconnaissait vraie. Et le disciple du Christ pouvait manifester sa conversion aux regards de son entourage en prenant le manteau - nous dirions l’uniforme - du philosophe.

Qu’un tel intellectualisme nous gêne, ce peut être la faute des spécialistes des connaissances religieuses qui en parlent de telle sorte que la vie semble s’en être totalement retirée ; ce peut également être dû à notre tendance à réduire le religieux à une expérience toute intime. L’extériorité, le nécessaire extrincécisme d’un message reçu d’un autre pour que sans doute nous le transmettions à d’autres nous paraît faire violence à la spontanéité de nos aspirations vers Dieu. Nous préférons définir notre religion comme une " vie " qui, se transmettant par une mystérieuse contagion, ne brutalise pas notre très précieuse liberté. On ne sait lus pourquoi on croit, on ne sait plus à quoi on croit et l’on se contente de goûter l’expérience de sa propre ferveur, plus soucieux de sauvegarder son conditionnement sociologique que de l’alimenter par des découvertes intellectuelles.

Bien sûr les conditions subjectives d’accueil de cette révélation ne sont pas indifférentes et A. Brien, poursuivant son étude de la conversion du cœur dans le Nouveau Testament, nous montre que l’acuité de notre intelligence en dépend. Mais cette transformation de nous-mêmes, requise pour comprendre et accueillir la Parole de Dieu, est elle-même produite par l’initiative divine qu’il nous est seulement demandé de reconnaître pour qu’elle déploie en nous toute son efficacité. J. Laplace, à partir de la première épître de Saint Jean, nous le rappelle, mettant ainsi en relief combien la spontanéité de notre élan vers Dieu n’est jamais qu’une réponse.

Or cette prévenance du Dieu qui nous transforme passe par notre intelligence. Y. Delagne nous l’explique en nous présentant l’itinéraire spirituel élaboré par l’un des plus grands compagnons spirituels de saint Bernard. N’est-ce pas d’ailleurs par une telle sollicitation que Dieu respecte davantage le mystère de l’engagement libre, personnel, d’une créature à son égard ?

Il faut donc inventorier les voies que Dieu emprunte pour venir à notre rencontre et c’est l’intérêt de l’article de M. Saudreau qui nous explique la raison d’être du raisonnement théologique, perpétuel retour aux sources, si étonnant pour un esprit moderne habitué à une pensée qui se développe à partir d’elle-même.

Quelques indications pratiques suivent, visant à faciliter l’apprentissage de cette quête de Dieu à partir de sa Révélation qui est malheureusement devenue le privilège d’un trop petit nombre. C’est parce que c’est là notre conviction profonde que Résurrection a entrepris une vulgarisation théologique qu’il juge la tâche la lus urgente alors que les catholiques sont en si petit nombre : les méthodes qui furent celles de l’Eglise primitive et qui convertirent et transformèrent une première fois le monde peuvent, semble-t-il, être reprises avec profit.

Résurrection

SOMMAIRE

Editorial : une religion pour intellectuels

Pages 1 à 2

André BRIEN

La conversion, condition nécessaire de toute connaissance religieuse

Pages 3 à 13

Jean LAPLACE, s.j.

C’est Dieu qui vient à nous

Pages 14 à 23

Y. DELAGNE

Quand théologie et sainteté se donnent la main

Pages 24 à 31

Michel SAUDREAU

Les traces de Dieu

Pages 32 à 40

Michel COLONI

Une méthode de travail

Pages 41 à 45

CHRONIQUES

J. Bernard PAILLONCY, p.s.s.

L’enseignement religieux des enfants

Pages 46 à 53

Elie PASCAL

Traduire la Parole de Dieu

Pages 54 à 56

M. FULLOT

L’Egypte donne l’exemple

Pages 57 à 59

Jean de FABREGUES

Saint-Sébastien 1956

Pages 60 à 61

Catherine MICHEL

Le Cinéma : Nuit et Brouillard

Pages 62 à 63

Correspondance

Pages 64 à 66

DOSSIERS

I. L’enseignement libre

Pages 67 à 88

II. Livres à lire

Pages 89 à 96

RESURRECTION 4 (Janvier 1957) : LA MESSE

128 pages

La Messe et la Bible

Au soir du Jeudi saint l’histoire religieuse de l’humanité s’enrichit d’un rite radicalement nouveau. Désormais, on ne eut plus comprendre ce qu’est un sacrifice sans se référer à l’offrande exemplaire que le Fils de Dieu a fait de lui-même à la Cène et au Calvaire. Désormais, Dieu est présent aux hommes d’une nouvelle manière : sa proximité dans l’Eucharistie est d’un réalisme que toute la Tradition catholique atteste. Il fallait que des mots existent, non pour élucider ces mystères, mais pour donner aux apôtres de pouvoir en apprendre l’existence, d’en entrevoir la profondeur.

Dieu avait préparé ces mots tout au long de l’Ancien Testament : d’en suivre la lente élaboration permet d’enrichir notre compréhension de l’événement du Cénacle, c’est refaire pour notre propre compte l’apprentissage que deux millénaires durant, le Peuple élu poursuivit sous la conduite du Saint-Esprit. L’article d’Henri Cazelles nous découvre comment, à travers une expérience historique dont nous pouvons retrouver les mécanismes, des gestes et des mots humains se sont chargés sous l’action de Dieu d’une plénitude de signification, qui leur permettraient, employés par le Seigneur Jésus-Christ, de traduire le mystère. Nous pourrons alors relire le récit de l’institution de l’Eucharistie et mieux en discerner la profonde richesse ; derrière les mots tant de fois lus et médités, nous ressaisirons l’inépuisable apport de la Révélation.

SOMMAIRE

Editorial : la Messe et la Bible

Page 1

Henri CAZELLES, p.s.s.

Ce qui prépara la Cène

Pages 3 à 10

Michel COLONI

En marge du Nouveau Testament

Pages 11 à 20

Guy de BROGLIE, s.j.

La Messe est un sacrifice

Pages 21 à 32

Maxime CHARLES

L’Eucharistie rédemptrice

Pages 33 à 56

Jean DANIELOU, s.j.

Présence réelle

Pages 57 à 64

Jean ROGUES

Pour un culte en esprit et en vérité

Pages 65 à 77

J. JUNGMANN, s.j.

La Messe, héritage des siècles

Pages 78 à 84

A-M ROGUET, o.p.

La Messe évolue

Pages 85 à 92

CHRONIQUES

Marie FARGUES

A quel âge emmener les enfants à la messe

Pages 93 à 98

Robert FULLOT

Prière du laïc, prière du prêtre

Pages 99 à 102

Philippe BEAUSSANT

Messe et musique

Pages 103 à 105

Michel TANOINE

Votre missel

Pages 106 à 109

DOSSIERS

I. Pour travailler personnellement

pages 110 à 111

II. Textes

pages 112 à 120

III. Livres à lire

pages 121 à 124

IV. Disques

pages 125 à 126

RESURRECTION 5 (Juin 1957) : LE SENTIMENT RELIGIEUX

64 pages

Faut-il tuer le sentiment religieux ?

On ne peut esquiver la question : quelle est la valeur du sentiment dans le domaine religieux ? Comment un homme qui, par la foi, a fait remise de toute son existence à Dieu ne chercherait-il as à éprouver sa présence jusque dans sa sensibilité et retrouver ce contact immédiat, cette évidence dont notre être est assoiffé ? Pour beaucoup c’est sa répercussion au niveau de notre affectivité qui mesure l’authenticité de notre rencontre avec Dieu. Et ils iront jusqu’à refuser de croire à son existence si l’effet qu’ils en attendaient ne se produit pas, s’ils ne ressentent rien alors qu’ils orientent leur pensée vers Lui. Jean Daujat étudie le cas d’un de leurs porte-parole les plus lucides, Georges Duhamel, et montre comment ce préjugé, cette idée à priori de la foi, contraire à la pensée de l’Eglise, est ruineuse pour toute l’expérience spirituelle qu’elle limite singulièrement à des dimensions strictement humaines. Nos rapports avec Dieu ne sauraient être réduits aux variations de notre sensibilité.

Mais, pour autant, il ne faudrait pas évacuer de la démarche religieuse toute part de l’affectivité. C’est le témoignage des plus grands des chrétiens qui nous y invite, celui par exemple d’un Père de Foucauld dont l’évolution spirituelle serait incompréhensible si l’on ne tenait pas compte de cet amour très simple qui allait jusqu’à se porter aux lieux où avait vécu son bien-aimé Maître et Seigneur, à la façon dont l’amant revient toujours au cadre dans lequel son amour s’est développé. Les textes rassemblés et présentés par Michel Duhamel en fournissent la preuve.

Prenant parti dans les discussions dont les chansons du R. P. Duval font actuellement l’objet, Pierre Mouchel justifie cette attitude de familiarité avec le Christ que le style de ses chansons rend plus provocante mais qui est substantiellement la même que celle que vivait l’ermite de Tamanrasset. Il s’agit là d’une attitude qui est scandale pour l’intelligence humaine et dont la clé n’est donnée qu’à ceux qui acceptent l’étonnante Bonne Nouvelle, Dieu nous aime. Elle est celle de tous les auteurs inspirés et il n’y a rien de paradoxal à la proposer à l’homme du XX° siècle.

Robert Fullot montre le rapport qui unit cet amour de Dieu qui pourrait équivalemment se dénommer amitié, affection respectueuse mais tendre, et les liens fraternels qui doivent s’établir entre le chrétien et tous ceux qui l’entourent. Un ordre existe entre eux et les recherches spirituelles modernes risquent de le bouleverser, déplaçant le centre de gravité de l’existence chrétienne et le réduisant à l’humain. Plus que jamais il importe donc d’être lucide et de garder conscience claire de ce qui est le premier de nos amours.

L’article de J.-M. Le Blond nous situe dans une autre atmosphère, en apparence moins proche des problèmes spirituels quotidiens. Analysant avec une très grande clarté l’affirmation de la création, il nous en montre la plénitude de signification et comment elle peut conduire à la reconnaissance de l’existence de Dieu par la raison. Cette démarche de l’intelligence que l’Eglise déclare possible, valable nous apparaît souvent difficile ; décrite ici en termes modernes, elle se découvre à nous beaucoup plus riche spirituellement que nous n’étions accoutumés à la considérer et fondant notre quête de Dieu sur une assise plus robuste qu’une émotion passagère ou une inquiétude et un besoin de réconfort.

La préparation d’un important numéro qui exposera ce qu’on entend par théologie des laïques, apostolat et fonction propre des laïques dans l’Eglise, nous empêche de joindre à ces articles l’ensemble des chroniques et dossiers habituels : nous nous en excusons auprès de nos lecteurs. La place que ce problème occupe actuellement dans le catholicisme occidental méritait cette préférence et nous espérons que l’on ne nous en tiendra s rigueur.

Résurrection

SOMMAIRE

Editorial : Faut-il tuer le sentiment religieux ?

Pages 1 à 2

Jean DAUJAT

Georges Duhamel devant notre foi

Pages 3 à 12

Michel DUHAMEL

La Palestine et le Père de Foucauld

Pages 13 à 26

Pierre MOUCHEL

Aller à Dieu en chansons ?

Pages 27 à 36

Robert FULLOT

L’amitié de Dieu d’abord

Pages 37 à 42

Jean-Marie LE BLOND, s.j.

Philosophie de la création et métaphysique de la générosité

Pages 43 à 55

DOSSIERS

Livres à lire

Pages 56 à 62

Un an après…

Pages 63 à 64

RESURRECTION 6-7 (3ème et 4ème trimestres 1957) : L’APOSTOLAT DES LAÏQUES

190 pages

Savoir de quoi l’on parle

Depuis dix ans, la signification du mot " laïque " est en train d’évoluer. Longtemps le laïque - par abus il est vrai - désignait l’anticlérical qui entendait limiter l’influence de l’Eglise à la sacristie, et encore après en avoir dressé l’inventaire. Dans la presse, le mot recommence à désigner selon la plus stricte étymologie le chrétien, le membre de l’Eglise, du Peuple de Dieu. Bien sûr, les laïques (ancien sens) demandent toujours l’abrogation de la Loi Barrangé mais ce sont encore des laïques (sens nouveau) dont on nous apprend qu’ils cherchent leur place dans l’Eglise, qu’ils discutent avec la Hiérarchie, qu’ils se réuniront à Rome pour penser leur apostolat en octobre prochain. Parfois les laïques (ancien sens) reprochent aux laïques (sens nouveau) de promouvoir un prosélytisme indiscret, un apostolat (tout étonné de se voir accolé l’épithète " laïque " aux consonances équivoques). A l’intérieur même des milieux catholiques on s’est demandé depuis quelques années si ce laïque devait nécessairement être apôtre, en quoi consistait son apostolat, s’il se distinguait de celui d’un prêtre, s’il était bien son activité spécifique. Et la discussion s’est faite générale sans qu’on y voie pour autant plus clair.

L’étudier méritait cet important numéro. Il réunit pour la première fois l’ensemble des informations qu’il faut posséder pour comprendre et les discussions et les prises de position actuelles. Résurrection souhaite moins ajouter une synthèse nouvelle à toutes celles qui ont vu le jour à ce propos que de poser le problème clairement en indiquant quels en sont les tenants et les aboutissants, persuadé que l’union des esprits si divisés en ce domaine viendra tout naturellement quand on mettra la même chose sous les mêmes mots.

Mais pour ce faire il faut connaître leur histoire, savoir ce que l’apostolat des laïques a été au cours des siècles, comment les papes en ont parlé et comment les théologiens ont réfléchi sur lui. Il faut aussi savoir quelles réalités concrètes se cachent derrière ces mots de 1957, et cela, nous ne pouvions le demander qu’aux mouvements eux-mêmes qui par la volonté de l’Eglise déploient cet apostolat. Il fallait encore interroger les militants de base qui, loin des états-majors, en ont une vision moins satisfaisante pour l’esprit mais sans doute plus réelle. Et il était nécessaire d’entendre des personnalités à qui leurs multiples contacts ont permis de se faire une idée plus vaste de cette réalité difficile à étreindre. Alors, mais alors seulement, on a essayé de préciser le sens de cette expression.

Résurrection serait heureux s’il apportait un peu de lumière à une recherche qui s’égale aux plus grands débats qu’a connus l’Eglise.

Résurrection

SOMMAIRE

Editorial : Savoir de quoi l’on parle

Pages 1 à 2

André MENNESSON

Le laïcat a 2000 ans

Pages 3 à 17

Michel COLONI

Interférences

Pages 38 à 51

Elie PASCAL

Portrait-charge

Pages 52 à 55

Pierre DESAGES

Trente ans après

Pages 56 à 59

Robert FULLOT

Premiers docteurs de l’Action Catholique

Pages 60 à 67

Pierre MALLET

Sous l’impulsion de Pie XII

Pages 109 à 114

Pierre MOUCHEL

Crises dans l’Action Catholique des Jeunes : 1955, 56, 57

Pages 115 à 132

Robert FULLOT

A la recherche d’un statut du laïque

Pages 133 à 137

Catherine MICHEL

Voies interdites

Pages 143 à 155

Maxime CHARLES

Points de repère

Pages 181 à 192

CHRONIQUES

Jean-Jacques LAISKY

Enquête auprès des mouvements d’Action Catholique

Pages 68 à 99

Interview de Joseph FOLLIET et réponse théologique du R. P. DANIELOU

Pages 156 à 164

Stéphane CARA

Enquête auprès des militants

Pages 165 à 180

DOSSIERS

De Pie IX à Pie XI

Pages 18 à 37

Pie XII et l’apostolat des laïques (textes choisis par Etienne HAMEL)

Pages 100 à 108

L’épiscopat français a parlé (textes choisis par Nicolas NOEL)

Pages 138 à 142

RESURRECTION 8 (1er trimestre 1958) : LA CONVERSION

96 pages

Retour à Dieu

Nous sommes à un âge théologique. Plus qu’à la Belle Epoque nous mesurons par rapport à Dieu nos problèmes et nos angoisses. Que ce soit pour le refuser, que ce soit pour lui consacrer notre destinée, le monde d’aujourd’hui prend parti à son sujet. C’est cette problématique que nous étudions initialement. Chez les littérateurs, qui ne parviennent pas tous, comme les héros de Françoise Sagan, à l’oublier ! Chez les philosophes, qui, s’étant toujours interrogés à son sujet, poussent la question à son degré le plus aigu ! L’inventaire mené par Charles Moeller et Pierre Colin révèle cette préoccupation actuelle dans les ouvrages que nous rencontrons sur les rayons des libraires ou dans nos bibliothèques. Les dénonciations elles-mêmes de l’idée de Dieu n’arrivent as à en faire l’économie ; Robert Fullot le démontre dans le cas privilégié du marxisme, qui, parti pour ruiner la religion, finit par s’ériger lui-même en nouvelle religion. Au contraire, dans un dialogue avec la psychanalyse, l’abbé Oraison montre comment une technique moderne pose elle-même la question religieuse et Jean-Pierre de Menasce, notant le même phénomène à propos de toutes les morales, en arrive, devant leur échec, à ne maintenir la validité que de la seule qui réussit la performance d’intégrer ce que toutes les autres ont dissocié. Ne serait-ce pas le vrai ?

De cette hantise de Dieu, paradoxalement conjointe à la conscience aiguë de nos difficultés à le rejoindre, le christianisme donne une explication que Michel Coloni retrace à grands traits. L’homme, fait pour Dieu, porte sa trace, mais ne pourrait, dans le péché, revenir à son Créateur si ce dernier ne prenait soin d’éduquer ce singulier pouvoir qu’il lui a communiqué de s’engager librement à son égard. Etienne Hamel décrit l’itinéraire de ce retournement de tout l’être vers Celui qui est sa source, tel que la Bible nous l’a montré en action, phénomène complexe où interviennent toutes les composantes de la personnalité mais davantage encore où s’exprime la collaboration de deux libertés, celle de Dieu et celle de l’homme, dans une unité qui est pourtant ce que l’homme eut revendiquer de plus personnel.

Dieu a fait l’homme pour Lui, de telle sorte que, selon le mot de saint Augustin, " son cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il l’ait retrouvé ". il est bon que des témoignages illustrent cette démarche de l’homme revenant à Dieu, et en manifestent le contenu psychologique concret. Jean Sur, ayant interrogé des chrétiens et rapportant leur expérience, distingue les étapes de ce retournement qui, accompli avec une grande brutalité une première fois, réclame cependant d’être incessamment renouvelé pour que la personnalité, à tous les niveaux, consente à ce mouvement auquel seule sa fine pointe a initialement adhéré. André Mennesson, relisant les témoignages célèbres de conversions récentes, y discerne l’influence des divers facteurs qui sont nécessairement en jeu dans le mécanisme de la conversion. Dieu nous prend tout entiers et il est impressionnant que les convertis eux-mêmes en donnent le témoignage quand ils essayent de décrire l’itinéraire qui les a ramenés au Dieu vivant.

Résurrection

SOMMAIRE

Editorial : Retour à Dieu

Pages 1 à 2

Charles MOELLER

Le sens de Dieu dans la littérature moderne

Pages 3 à 19

Pierre COLIN

Conversion du philosophe, conversion du chrétien

Pages21 à 30

Robert FULLOT

Le marxiste, pèlerin de l’absolu

Pages 31 à 38

Robert CAZES

Interview de Monsieur l’abbé ORAISON : Foi et psychanalyse

Pages39 à 43

Jean-Pierre de MENASCE

Morales et religions

Pages 45 à 50

Michel COLONI

L’aliénation libératrice

Pages 51 à 56

Etienne HAMEL

Initiative divine, réponse humaine

Pages 57 à 67

CHRONIQUES

Jean SUR

Il faut toujours recommencer

Pages 69 à 74

André MENNESSON

Motifs de conversion

Pages 75 à 94

DOSSIER

M. C.

Livres à lire

Pages 95 à 96

RESURRECTION 9 (2ème trimestre 1958) : LE TRAVAIL

96 pages

Résurrection dans son premier numéro, choisissait la théologie. Etait-ce pour la satisfaction de posséder quelque connaissance secrète, capable d’assurer à un cercle d’initiés l’avantage de ceux qui savent sur ceux qui cherchent ? Cette théologie, était-ce un refuge ou un code ?

" J’ai toujours pensé que le monde moderne péchait contre l’esprit de jeunesse et que ce crime le ferait mourir ", écrivait Bernanos. Nous avons, laïques ignorants, préféré pour un temps les gros livres un peu rébarbatifs aux envolées jolies des manches et des enthousiasmes. Nous ne savons rien encore. Nous apercevons pourtant que nous savons beaucoup. L’esprit de jeunesse, au nom duquel tant de grosses bêtises s’accomplissent, nous l’avons trouvé dans nos bouquins épais…

alors, disons-nous, c’est dans la logique de notre théologie de devenir missionnaire. Nous avons entrepris une œuvre d’enseignement : nous la poursuivrons dans des numéros essentiellement théologiques. Nous sentons qu’il nous faut nous déployer, lancer à ce temps un appel véhément, lui communiquer cette certitude que la Vérité vient d’en haut et non d’en bas. Le monde moderne, de temps en temps, lance un beau ballon dont la peau bientôt se ratatine, et qui crève tristement… La jeunesse du monde se fane vite.

Nous sommes incapables, nous sommes inutiles, nous sommes lamentables. Toutes les objections qu’on nous fera sont là réunies et nous plaidons coupables.

Mais si nous n’avons rien à dire - ah non ! vraiment rien, et surtout as notre petite synthèse avec quelques majuscules rassurantes, un gargouillis indigné dans la voix et une bonasserie écoeurante et définitive, définitivement écoeurante - nous avons vu, nous avons cru, nous sommes sûrs que Dieu se servira de nous.

Qu’est-ce que prophétiser en 1958 ? Inventer un nouveau messianisme temporel, dans un style de pathos lacrymogène ? Nous ne sommes pas de ces prophètes ! Etudier l’enseignement de l’Eglise, la vérité vivante du dogme et de la morale - et en souffrant de se savoir si laids - crier quand même que là est l’authentique jeunesse ? Nous aimerions ce prophétisme-là !

Tous ceux que nous avons entraînés jusque là, car notre navire était sûr, nous les invitons aujourd’hui à une traversée lus périlleuse.

Cette tentative est difficile. Qu’on corrige nos erreurs, qu’on nous aide, qu’on nous reprenne. Mais aussi, qu’on nous soutienne et qu’on nous fasse connaître.

SOMMAIRE

Editorial : Résurrection…

Page 1

Jean DANIELOU

Racheter le temps

Pages 5 à 10

Le temps de l’homme, le temps d’une vie humaine, n’est pas une durée que le chrétien méprise. Bien au contraire, c’est à lui de " racheter le temps ", le chargeant ainsi d’une signification que la sagesse humaine ne peut qu’entrevoir.

Pierre MOUCHEL

Le travail… veau d’or des intellectuels

Pages 11 à 17

On a tant parlé de la sainteté du travail ! Le présenter comme une idole n’est-il pas un paradoxe quand tant de chrétiens en font une vertu théologale ? Mais l’intellectuel se laisse prendre au piège de ses propres créations.

Jean TAUFFLIEB

Est-ce la culture qui nous rend humains ?

Pages 19 à 22

" Culture " est un de ces mots magiques dont la signification est imprécise et le prestige considérable. Qu’est-ce donc que se cultiver ? Pourquoi se cultiver ? Suffit-il de tout savoir pour tout comprendre ?

Jean SUR

Au temps de la paresse ?

Pages 23 à 31

Après la fièvre de 1945, vivons-nous aujourd’hui une époque de mollesse ? Bien des enthousiasmes sont tombés, bien des illusions déçues. L’espérance chrétienne n’est pas l’espoir humain. N’avons-nous pas confondu les ordres ?

DOSSIER DE THEOLOGIE

Maxime CHARLES

Le Travail

Pages 33 à 46

CHRONIQUE

Michel COLONI

Un cuisinier mystique : frère Laurent de la Résurrection

Pages 47 à 50

Bernard HUBERT

Richard de Saint-Victor

Pages 51 à 52

Pierre GENY

Petit memento sur Création et Evolution

Pages 53 à 58

ACTUALITES RELIGIEUSES

Elise CARRE

L’affaire de Prato

Pages 59 à 67

Mgr Fulton SCHEEN

" Touches noires et touches blanches "

page 68

les raisons profondes de la crise libanaise

Interview recueillie par Etienne HAMEL

Pages 69 à 73

La France manque de prêtres

Page 74

Jacques-Henri TERCY

La mission de la JAC

Pages 75 à 79

Mission de Rome

Pages 80 à 81

REVUE DES LIVRES

M.C.

Théologie du Judéo-Christianisme (Jean DANIELOU)

Pages 83 et 84

C.M.

Le Trône de la Sagesse (Louis BOUYER)

Pages 85 et 86

A.C.

Notes sur la théologie du Péché (Henri RONDET)

Pages 87 à 88

D.B.

Problèmes d’aujourd’hui, réponses chrétiennes (Jean DAUJAT)

Pages 89 à 90

J.B.

La collection " Ecrits des Saints "

Pages 91 à 92

CINEMA

Jason

Sur deux films… " Mon Oncle " et " Le Désert de Pigalle "

Pages 93 à 95

RESURRECTION 10 (1er trimestre 1959) : LA MORT ET LA RESURRECTION

96 pages

Liminaire

La Résurrection est un mystère particulièrement d’actualité. Beaucoup de chrétiens, par peur du manichéisme, c’est-à-dire de l’hostilité ou de l’indifférence à l’égard d’un monde considéré comme mauvais en son fond, mettent aujourd’hui l’accent sur la nécessité de s’y engager, de s’incarner ou, plus théologiquement, d’assumer tout le créé. Mais il leur arrive parfois d’être eux-mêmes séduits par le monde et de justifier leur attitude en distinguant trop concrètement deux domaines dont l’un serait celui des relations avec Dieu et l’autre de l’insertion dans le monde, ou bien de considérer que par son Incarnation, le Verbe a donné valeur à toute activité humaine sans qu’il soit besoin d’aucune opération personnelle pour les référer à Dieu. Or, cette nécessaire assomption du monde par le chrétien est fort bien assurée et sans aucun danger par la Résurrection. Celle-ci suppose évidemment une mort, c’est-à-dire le sacrifice de tout ce qui s’accompagne de l’oubli ou du refus de Dieu, mais elle est la restauration de toutes choses en l’union retrouvée avec Dieu.

Il est vrai qu’à partir d’un accord sur ce nouveau régime de relations entre Dieu, l’homme et le monde, on peut de nouveau mettre l’accent de façon différente : les uns sur la nécessité de l’union à Dieu par le sacrifice du créé, et les autres sur la nécessité de prolonger cette union retrouvée dans la création toute entière. Mais ce n’est plus alors que question de pédagogie, et chacun la règlera en s’interrogeant pour savoir quelle est la tentation majeure de sa propre vie ou de son milieu chrétien : s’évader vers un Dieu sans relation avec le monde ou, au contraire, s’enivrer de ce monde jusqu’à l’oubli de Dieu.

En ces lignes préliminaires, on trouvera plutôt l’enchaînement des problèmes que l’on peut soulever à propos de ce mystère capital qu’une synthèse que seules rendront possible la lecture attentive des articles de tout le numéro et, pour beaucoup, les longues méditations de la route du prochain pèlerinage de Chartres.

Les faits

L’homme s’interroge sur sa propre souffrance et ce oint en laquelle elle culmine : la mort. Il ne voit pas en cette dernière seulement le terme trop avancé d’une vie brève, mais la certitude qu’il n’achèvera pas sa tâche et qu’il n’atteindra pas les buts qu’il s’était assignés. Il la rencontre chaque jour en sa propre vie comme une sorte de dissolution déjà commencée en chaque occasion manquée, en chaque constatation de ses propres limites, en chaque maladie. Une double visée, l’une philosophique (M. Colin), une autre littéraire (J.-F. Lemarc) conduisent ici cette réflexion, non sans orienter déjà vers les solutions.

L’homme a d’ailleurs essayé de répondre par lui-même à cette angoissante question, et Léon Noël rappelle l’importance des mythes de mort et de Résurrection dans l’histoire des religions. Mais, avec Simone de Beauvoir, dont le P. Hamel présente ici le roman, Tous les hommes sont mortels, il comprend que le prolongement indéfini de la vie, telle qu’il la connaît, ne saurait le satisfaire. La Bible, avant de donner une solution, offre une explication : c’est le péché, rupture avec Dieu, qui est à l’origine de la mort. Elie Pascal rappelle ici l’expression éloquente de cette vérité.

En face de ce bilan négatif éclate la bonne nouvelle : il est une homme qui est ressuscité des morts et qui a vaincu définitivement la mort. Il n’a pas prolongé la vie ordinaire mais il l’a transformée et, par ce fait même, il est capable de donner totale satisfaction à ceux qui veulent être autrement, mieux et toujours.

Mais, est-ce vrai ? Certes, l’adhésion efficace à cet Homme-Dieu est celle d’une personne qui accueille une autre personne agissant profondément en elle par la grâce, elle réclame la participation de tout l’être ; elle est un acte de foi mais elle doit aussi résister victorieusement au contrôle de la raison. Le P. Mallet évoque la source de cette étonnante affirmation dans la prédication apostolique ; le P. Coloni la soumet à une critique exigeante.

Dialectique de la Résurrection

L’homme aime la vie ; il hait la mort. Dieu est tout à fait d’accord : Il aime la vie humaine puisqu’Il l’a créée, Il hait la mort puisque, par un privilège singulier, Il en avait exempté cette créature destinée à l’union avec Lui. Dieu n’a pas failli à son dessein, c’est l’homme qui, en refusant cette union, qui est jonction de sa volonté avec celle de Dieu, s’est livré à la mort. Dieu dans son amour ne l’a pas abandonné. Considérant l’incapacité de l’homme à revenir à Lui, et ne pouvant le rétablir dans l’union avec Lui sans un mouvement de sa liberté, Il a envoyé son Fils. Dans son humanité, Jésus-Christ a subi les conséquences du péché, mais Il a compris les raisons de cette nécessaire consécution, Il l’a accepté et a ainsi rétabli l’accord de la volonté humaine avec la volonté de Dieu. Par le fait même, Dieu a pu déployer en cette humanité, de façon totale et définitive, les richesses de sa puissance et de son amour. Le Christ a retrouvé la vie, et une vie douée d’une plénitude physiologique et psychologique absolument nouvelle comme le montrent les apparitions. Dans cet état, Il a pouvoir sur tout le créé et peut restaurer tous les autres hommes qu’Il s’agrège en un corps dont Il est la tête. Mais ceux-ci ne profitent pas de sa résurrection d’une façon passive, à la manière de choses qui seraient transformées. C’est en cédant à la sollicitation externe et interne de Dieu pour joindre à la tour leur volonté à la sienne, c’est en consentant comme le Christ aux arrachements douloureux et nécessaires jusqu’à la mort incluse, qu’ils participent à sa Résurrection.

Cette dialectique, le P. Bouyer l’a décrite minutieusement dans " Le Mystère Pascal " et l’a affrontée aux problèmes de ce temps dans " Humain ou Chrétien ? ". dans ce numéro, le P. Daniélou a bien voulu en reprendre les principales perspectives, toutes orientées par St Paul et les Pères grecs. Le P. Dalmais la montre chantée et priée dans les liturgies orientales.

Etapes de la résurrection de l’homme

La lente réalisation du vouloir divin, ses moments successifs, étonnent toujours. De fait, si on considère les choses du côté de Dieu, et c’est ce que fait parfois l’Ecriture en des formules tranchantes qui laissent croire que tout est fait, on ne comprend aucun retard ; mais si on regarde du côté de l’homme et si on se souvient que Dieu veut l’attirer à Lui et lui donner ses véritables dimensions sans le bousculer, en acceptant son rythme de créature et en tournant délicatement ses refus, on comprend qu’il y ait une histoire du salut.

Dans la vie de chaque homme, deux temps essentiels la marquent. Le Baptême dans lequel il ressuscite, comme saint Paul et les Pères grecs ne cessent de le rappeler, et le jour de la Parousie où il ressuscitera, comme le montre le P. Hayek, qui étend d’ailleurs sa réflexion à l’entre-deux historique de ces deux moments essentiels. Pour chaque homme pris individuellement, celui-ci correspond à son passage sur la terre. R. Fullot se demande en quoi la situation de cet homme nouveau mais non encore pleinement ressuscité est originale. On pourrait y ajouter des réflexion sur la situation du chrétien entre sa mort charnelle et sa résurrection, en sondant la tradition de l’Eglise dans le rituel de l’extrême-onction, du viatique, des funérailles, et aussi dans le pontifical des cimetières, comme d’ailleurs dans l’antique vénération des Saints.

Tout, dans cette histoire, est mouvement et combat de la chair et de l’esprit, c’est-à-dire puissance de Dieu à l’action dans l’homme qui hésite à mourir complètement pour ressusciter totalement.

On peut formuler trois sortes de conclusions :

1° Il n’y a pas dans la résurrection de problème théologique particulier au corps. Celui-ci a participé au péché mais il a été pour le Christ un instrument de rédemption ; il est restaurable à travers les mortifications librement consenties durant la vie mortelle ; il reçoit immédiatement les sacrements du Christ dont l’un (le mariage) sanctifie une de ses opérations spécifiques ; il est destiné à une nouvelle existence de nature mystérieuse et qui sauvegarde son identité.

2° L’action du chrétien dans le monde, celui de la nature comme celui de la société humaine ne saurait être qualifiée en elle-même. Elle dépend essentiellement de l’état religieux du chrétien. Le monde n’est mauvais que lorsque l’homme qui agit sur lui croit qu’il peut être pour lui une fin et que dans cette action il oublie Dieu ; mais le monde ne prend valeur que lorsqu’un chrétien uni à Dieu le pense, l’organise selon le plan et en référence à Dieu. C’est ainsi que lui aussi participe à la résurrection et se soumet à la Seigneurie du Christ. (Cf le P. Bouyer " Humain ou Chrétien ? " et le P. Daniélou " Sainteté et Action Temporelle ".)

3° Le Christ est ressuscité. Tout peut être sauvé. Il ne faut rien rejeter comme essentiellement mauvais, mais il ne faut rien vouloir de façon séparée de Dieu. L’extension de la résurrection du Christ aux hommes dépend de la connaissance qu’ils en ont, du consentement qu’ils y apportent, de l’orientation de leur volonté dans le sens de celle du Christ. Cela comporte d’accepter les moyens que le Christ a employés. Il est permis de craindre la mort parce qu’elle est douloureuse, puisque le Christ l’a crainte, mais il faut aussi la vouloir et même l’aimer puisqu’elle est le seul moyen pour joindre Dieu malgré le péché et ses conséquences.

Le chrétien qui sait toutes ces choses tire de sa foi un dynamisme accru dans tous les domaines dont aucun ne saurait échapper par la médiation de son amour à la puissance de la Résurrection. Il possède aussi une grande joie, puisqu’il sait d’avance que la victoire est acquise. Il contemple cette dernière comme en sa source dans le Christ ressuscité ; mais il la voit avec une complaisance fraternelle dans son premier effet définitif : la Vierge Marie élevée jusqu’à l’intimité divine dans la totalité de sa réalité humaine.

Maxime CHARLES

SOMMAIRE

Maxime CHARLES

Liminaire

Pages 1 à 7

Pierre COLIN

Qu’est-ce que mourir ?

Pages 8 à 16

Jean-François LEMARC

Bernanos affronté à la mort

Pages 17 à 21

Léon NOEL

Mythes de résurrection

Pages 22 à 24

Etienne HAMEL

Vie nouvelle ou vie sans fin ?

Pages 25 à 29

Elie PASCAL

La mort dans la Bible

Pages 30 à 41

Pierre MALLET

Historicité de la Résurrection

Pages 42 à 46

Michel COLONI

Les témoins de la Résurrection sont-ils valables ?

Pages 47 à 50

Jean DANIELOU, s.j.

Spiritualité de ressuscités

Pages 51 à 54

H.-I. DALMAIS, o.p.

La Résurrection dans les liturgies orientales

Pages 55 à 59

Michel HAYEK

La seconde Parousie

Pages 60 à 75

Robert FULLOT

Ce qui est déjà ressuscité

Pages 76 à 92

Livres à lire

Pages 93 à 95

RESURRECTION 11 (4ème trimestre 1959) : LA GRACE

80 pages

Editorial

Par un penchant spontané, l’homme a souvent tendance à " réifier " les choses religieuses. Il a un tel contentement à regarder dans une pharmacie les beaux rayons remplis avec ordre de flacons bien rangés et portant l’étiquette du produit contenu. Mais la pharmacie n’épuise pas la religion. Le dynamisme d’une vie spirituelle authentique disparaît lorsque des choses ont été substituées à des personnes vivantes. La religion demeure essentiellement relation de personnes.

La grâce, ce n’est pas quelque chose, c’est quelqu’un. Il n’y a rien entre Dieu et l’homme, aucun " tertium quid " interposé entre eux et que Dieu enverrait en le détachant de lui, et que l’homme aurait à recevoir ou refuser suivant l’opinion qu’il s’en fait.

La grâce, c’est Dieu en tant qu’il se révèle tourné vers l’homme, penché vers l’homme avec sollicitude, plein de miséricorde fidèle et de pardon généreux, c’est Dieu promettant un don mystérieux que les prophètes précisent progressivement, que le Christ révèle et mérite à la fois pendant les jours de sa venue visible, diffuse à partir de la Pentecôte dans l’Eglise : la présence vivifiante de son propre Esprit venant habiter le coeur des hommes pour les configurer au Christ et les ramener dans son mouvement vers le Père source de tout.

La grâce, c’est l’homme en tant qu’il est vraiment transformé par le don que Dieu lui fait de son propre Esprit, de telle sorte qu’ils devienne agréable aux yeux de Dieu, par sa ressemblance progressive au Fils bien-aimé qui a tout l’amour du Père. Ces transformations, l’Eglise a tenu justement à les analyser, à en préciser la portée. Elle a parlé de justification, de vertus, de dons du Saint-Esprit. Plus techniquement encore elle distingue grâce incréée (le don que Dieu fait de sa propre vie) et grâce créée (les rejaillissements en l’homme de ce don) ; grâce habituelle et grâce actuelle. Distinctions utiles pour voir clair et réaliser les différents aspects du lien nouveau que Dieu a voulu établir avec l’homme et des effets qu’il suscite. Mais il ne faut jamais oublier qu’il s’agit toujours de l’interpénétration de deux personnes, de la rencontre de Dieu qui veut généreusement nous envahir et de l’homme qui accepte ou refuse cette dépendance nouvelle où Dieu veut l’établir de plus en plus pour son bien.

" Abraham, c’est moi " (p. 5) veut montrer que les attitudes des hommes de l’Ancien Testament vis-à-vis de Dieu sont des attitudes permanentes de l’homme et que nous retrouvons dans les ouvertures et dérobades de nos pères, par rapport à Dieu qui les appelle.

" Dieu parle lui-même de la grâce " (p. 13) est une présentation des principaux textes de la Bible où se révèle ce mystère d’une présence transformante, dont nous venons de parler. Cet article est suivi de quelques définitions du magistère (p. 46) où l’Eglise a manifesté sa conscience du mystère de la grâce.

Un article sur Jésus comme modèle et source de notre transformation (p. 53) a voulu montrer sa part essentielle dans le mystère de la grâce et son action par rapport à celle de l’Esprit-Saint.

Au Père de Broglie a été demandée l’étude sur l’inhabitation des personnes divines et à Michel de la Palud celle qui tente d’éclairer les rapports de la grâce de la liberté.

Nos lecteurs retrouvent là la méthode théologique qu’ils connaissent bien : accueil des données de la Révélation, puis réflexion sur ces données pour éclairer les problèmes qu’elle ne peut manquer de poser à l’intelligence, réflexion qui ne veut pas amener à se dispenser de croire, mais provoquer à plus et mieux croire.

SOMMAIRE

Editorial

Pages 3 à 4

Jacques de LA MORANDIERE

Abraham, c’est moi !

Pages 5 à 12

Etienne HAMEL

Quand Dieu parle de la Grâce

Pages 13 à 45

Michel NAVARRE

Quand l’Eglise parle de la Grâce

Pages 46 à 52

Stéphane CARRA

Jésus, modèle et source de perfection humaine

Pages 53 à 56

Guy de BROGLIE, s.j.

Nous sommes le Temple de Dieu

Pages 57 à 62

Michel de LA PALUD

Liberté et Grâce sont-elles compatibles ?

Pages 63 à 77

Bernard HUBERT

Thomas BECKET

Pages 78 à 80

RESURRECTION 12 (4ème trimestre 1959) : LA PRIERE

(Le dialogue avec Dieu est-il possible ?)

80 pages

Éditorial

Le dialogue avec la divinité a été, à travers l’histoire des hommes, un de leurs grands problèmes. Les religions y ont apporté leurs réponses différentes. Le monde moderne, avec ses exigences et ses peurs d’être dupe, avec son rythme et l’épuisement qu’il entraîne fait retentir contradictoirement des accusations et des plaidoyers quand il juge de la prière.

Ses griefs se parent d’arguments scientifiques. La prière ne serait que l’expression chez l’homme condamné à une solitude qui lui pèse, de son besoin d’avoir contact avec un autre capable de faire attention à lui. Parce que mon " moi " ne se constitue que dans un dialogue avec un " toi ", la prière serait une tentation pour obtenir une sorte de contact avec un partenaire illusoire dont les faibles ne peuvent se passer, incapables d’assumer la tristesse de leur solitude et de leurs limites. À cela, on peut répondre que les attaques contre une caricature n’affectent pas la réalité elle-même, que la prière est différente des déviations qui portent son nom, et que ce besoin d’une communion avec un autre qui me dépasse et me comble, bien loin de susciter cet autre que je fais exister parce que je le désire, est le signe de sa réalité et que je ne le désire que parce qu’il existe.

Mais si certains rejettent l’expérience de la prière, par peur de n’étreindre qu’eux-mêmes, beaucoup sentent confusément son intérêt de plus en plus vital. L’agitation, la dispersion de la vie citadine rendent désirables le recueillement, le silence intérieur où la personne peut se retrouver, se " recueillir ", prendre conscience de sa marche, vaincre le tourbillon qui entraîne et dépersonnalise.

À vrai dire, le chrétien, s’il est sensible au courant d’idées qui traversent le monde où il est plongé, et qui l’affectent lui-même, partiellement, tire de plus loin qu’eux ses jugements sur la prière. Les sévérités sur des déviations, toujours latentes mais jamais invincibles, ne font que souligner des dangers, sans affecter la vraie prière qui est réponse à un appel, bien plus que cri de l’homme vers un vide qu’il veut meubler. L’estime du recueillement et du silence manifeste les dimensions spirituelles de l’homme, mais a besoin de se préciser pour être plus qu’une hygiène mentale.

Dieu seul parle bien de Dieu. C’est lui qui peut nous apprendre ce qu’est la prière qui s’adresse à lui. Elle est moins un effort pour l’atteindre que l’accueil de sa présence nous soulevant vers Lui (article du P. Levaud, p. 3) ; elle est moins recherche de mon achèvement, que regard émerveillé vers Lui, quand il a révélé sa splendeur (article de M. Navarre, p. 8) ; les saints hommes de l’Ancien Testament et leurs cris inspirés (article de J. de la Morandière, p. 11) ; Jésus surtout avec son exemple privilégié (article de G. Maréchal, p. 20) montrent la prière qui plaît à Dieu. L’Eglise à leur suite, à travers vingt siècles d’expérience, découvre sous le souffle de l’Esprit-Saint, les modes variés et les étapes d’une prière qui veut prolonger celle que l’Ecriture a définie (article de M. Rouche, p. 26, et de F. Lefort, p. 40). Prière qui concerne tout chrétien, sans que ses formes supérieures soient réservées à une caste de professionnels privilégiés (article de J. Dusud, p. 44), et que des méthodes facilitent, car la grâce n’est pas exclusive d’une certaine technique et qu’elle suscite (article de H. Lestissac, p. 48). Une étude exégétique sur le Notre Père (article de R. Cazes, p. 57), montre que les mots ont plus de richesse que la routine ne le fait apercevoir. Un témoignage de laïc termine cet ensemble par une note personnelle intéressante.

Le dossier théologique sur le couple répond un problème très actuel du monde contemporain et veut montrer que l’homme de prière ne se perd pas dans une contemplation qui n’apporterait pas de lumières aux questions toujours délicates que pose la vie quotidienne.

SOMMAIRE

Editorial

Pages 1 à 2

Pierre LEVAUD

La prière saisie de Dieu ou saisie par Dieu

Pages 3 à 7

Michel NAVARRE

A qui s’adresse la prière ?

Pages 8 à 10

Jacques de LA MORANDIERE

La prière dans l’Ancien Testament

Pages 11 à 19

Gabriel MARECHAL

Jésus, le religieux de Dieu

Pages 20 à 25

Michel ROUCHE

Il y a plusieurs spiritualités

Pages 26 à 35

Quelques beaux textes sur la prière

Pages 36 à 39

François LEFORT

La prière de l’Eglise est plus large que la mienne

Pages 40 à 43

Jean DUSUD

La mystique, ce n’est pas pour moi !

Pages 44 à 47

Henri LESTISSAC

Techniques de la prière

Pages 48 à 56

Robert CAZES

Le Pater

Pages 57 à 64

XXX

Action ou contemplation ?

Pages 65 à 69

Maxime CHARLES

Dossier théologique : le Couple

Pages 70 à 78

Courte bibliographie sur la prière

Pages 79 à 80

RESURRECTION 13 (1er trimestre 1960) : LE PRETRE ET NOUS

96 pages

Editorial

Le prêtre et nous

Le prêtre est certes un sujet d’actualité. Roman, théâtre, cinéma depuis dix ans y reviennent sans cesse. L’expérience des prêtres-ouvriers l’a introduit dans la presse la plus profane et par le fait même dans toutes les conversations. Les catholiques, qui prennent une part plus active à la vie de l’Eglise, essayent, non sans mal, de se situer par rapport à lui. Parallèlement, le petit nombre de prêtres en face des besoins accrus pose une question pressante.

Qu’est-ce donc que le prêtre ? Quelle est sa place dans le dessein de Dieu ? Quelle est l’attitude chrétienne en face de lui ? Problèmes inéluctables d’une extrême urgence !

Dieu, dans ses rapports avec les hommes, a choisis de passer par d’autres hommes : des médiateurs. Dans l’Ancien Testament, des hommes de Dieu : patriarches, législateurs, juges, rois, prophètes, prêtres, sages sont suscités par la sollicitude divine. Limités et parfois infidèles, l’Esprit de Dieu néanmoins est sur eux, et par eux la vie religieuse du peuple s’affirme.

Mais c’est vers et en Jésus que cette action culmine. En lui elle ouvre une plénitude qui comble en les dépassant tous les efforts antécédents. Il est vraiment le médiateur à un titre unique. Dans l’incarnation Son humanité a été totalement assumée par la personne divine. L’onction de la divinité, pour rester dans le style des anciens hommes de Dieu, l’a pénétré si parfaitement qu’il a mérité de porter de façon exclusive le nom de Christ, c’est-à-dire d’Oint. Dans tous les moments de sa vie, mais essentiellement à l’heure extrême de sa Passion, il offre à Dieu le sacrifice de louange, jonction totale de la liberté créée et de la volonté du Créateur, même à travers la souffrance, conséquence du péché. A l’égard des hommes, il est la Parole parfaite, expression des appels du Père et la source à partir de laquelle ils reçoivent l’Esprit de Dieu dont il est surabondamment rempli. C’est donc par Lui, en Lui et avec Lui que toute relation s’opère éternellement entre Dieu et les hommes.

Son action médiatrice réclamant une présence permanente sur la terre, à travers le temps et l’espace, il y demeure sous la forme sociale d’un corps (son corps mystique) composé de tous ceux qui ont été touchés, retournés, vivifiés par lui au baptême. Par participation au Christ, ils font monter de la terre, à travers leurs multiples activités orientées par la prière, l’accord que Dieu en attend. De sa part, ils sont signes et font signe aux hommes. Sa grâce dilatée en eux les atteints immédiatement.

Parmi eux le Christ a choisi quelques-uns pour qu’ils soient à l’égard de leurs frères, ce que l’ensemble est à l’égard du monde. Au-delà du baptême qui fait profiter tous les fidèles de la médiation du Christ, ces prêtres participent à la réalité médiatrice de Jésus-Christ. En cet état, ils offrent son sacrifice par la célébration eucharistique qui devient ainsi par surcroît le sacrifice des hommes. Ils influent sur les fidèles et ceux qui doivent le devenir, par une parole et par une action divinement assistées, spécialement efficaces dans les sacrements où le Christ passe inéluctablement. Par leur vie, qui Lui est uniquement consacrée, ils signifient aux hommes la nécessité et la possibilité de l’union à Dieu.

Quelle est la raison de cette loi de la médiation ? peut-être est-elle une réponse au délicat problème des rapports de Dieu avec la liberté humaine. La lumière et la puissance divine veulent atteindre l’homme sans l’anéantir, sans le bousculer, sans même le froisser. A travers une humanité intermédiaire, celle du Christ, celle des prêtres, celle de l’Eglise tout entière, elles le touchent de façon plus discrète et plus adaptée. De plus, elles réclament de lui une attitude plus objective ; devant l’altérité, c’est-à-dire la présence concrète du médiateur, l’homme perçoit la réalité du partenaire divin qui, pour répondre merveilleusement à ses propres besoins, n’en est pas pour autant la projection fallacieuse. Seulement, le risque est grand. Hors la réussite extraordinaire de l’unique médiateur Jésus-Christ, les hommes et le peuple de Dieu transmettent mal le signe que Dieu fait aux hommes. Ceux-ci seront toujours tentés d’excuser leur refus sur l’imperfection des moyens de transmission. Mais cette difficulté est elle-même génératrice d’un contact où l’homme a plus sûrement sa place. La grâce qui s’avance par le médiateur le rend capable de discerner à travers les déficiences de la transmission l’intention de Celui qui l’appelle et qui consent, dans son immense amour, à cette humiliation pour mieux le rencontrer.

Prêtres proprement dit ou tous ensemble médiateurs entre Dieu et les hommes, quelle responsabilité ! Comment l’assumer si on ne se situe pas sur un plan de pure, quoique humaine instrumentalité ? D’abord se laisser manier par Dieu. Lui seul sait où il veut aller et par où il veut passer. Sans une grande disponibilité, fruit d’une union exceptionnelle avec Dieu, le médiateur, loin de faciliter la jonction, y fait obstacle. Mais cette union n’est possible que suivant le chemin inauguré par le Christ, celui de la croix. C’est le seul qui conduise entre la liberté pécheresse et Dieu. Le médiateur, néanmoins, dans l’optique de l’Incarnation, doit agir positivement, utiliser les moyens d’influence, construire des communautés spirituelles, s’efforcer d’obtenir un résultat, mais il doit accepter que cet effort soit tout traversé des ruptures qu’y opposent les volontés qui se dressent et les nécessaires subordinations. On n’agit pas à coup sûr sur autrui ; on n’est jamais médiateur seul et l’on est soi-même soumis à d’autres médiateurs. C’est par ces brèches douloureuses d’une activité trop satisfaite d’elle-même, que passe Dieu. Elles sont une occasion de mesurer son extraordinaire condescendance qui désire se servir des hommes alors qu’Il est tout-puissant. Il faut bien que les intermédiaires se rendent compte qu’ils ne sont pas les maîtres. Et puis, il ne faut pas tricher : ne pas amenuiser le but à atteindre, ne pas en détruire le sens ou en rechercher surtout les apparences ; avant tout avancer dans l’union à Dieu, motif et moyen de tout sacerdoce, voir et servir Dieu dans les autres uniquement. Car il n’y a pas d’autre récompense à attendre, mais elle est merveilleuse, que la réalisation de la parole de Jésus à ses apôtres : je ne vous appellerai plus mes serviteurs, mais mes amis.

Le sacerdoce collégial de ceux qui ne sont pas prêtres tire toute sa réalité du sacerdoce des prêtres. Qu’ils l’exercent dans des activités qui, pour être confiées d’abord aux prêtres, n’en sont pas moins pour tous la forme première du sacerdoce, ou qu’ils le prolongent en un domaine plus profane où l’Eglise guide et dirige sans imposer toutes les attitudes concrètes, ils le vivront dans la mesure où ils vénéreront le sacerdoce des prêtres à travers lequel ils s’apparentent à celui de Jésus-Christ. Ils sauront apprécier leur situation, victimes ajoutées à celle de la croix, reconnaître leur très spéciale union au Verbe Incarné, et l’assistance supérieure qu’ils reçoivent de l’Esprit. Ils leur demanderont d’être prêtres, seulement prêtres. Ils leur offriront joyeusement une collaboration hiérarchique dans les choses religieuses. Sans complexe, ils admireront l’œuvre de Dieu en eux et souhaiteront passionnément que ceux qui sont aptes, surtout parmi les plus hautes valeurs humaines, aient assez de générosité pour se laisser entraîner par l’appel exclusif de Dieu.

Maxime CHARLES

SOMMAIRE

Maxime CHARLES

Editorial

Page 1 à 5

Michel de LA PALUD - Michel TANOINE

Le médiateur

Page 6 à 16

Stéphane BEL

L’homme de Dieu dans la Bible

Pages 17 à 32

Michel ROUCHE

Le prêtre chez les pères de l’Eglise

Pages 33 à 40

Maxime CHARLES

Spiritualité sacerdotale d’après Bérulle et Bourgoing

Pages 41 à 47

Marcel MARTIN

Vocation

Pages 48 à 55

Gabriel MARECHAL

Le sacerdoce des laïcs

Pages 56 à 66

Paul BREVENT

Présent et séparé

Pages 67 à 71

André BORDEAUX

Le prêtre qui n’existe pas

Pages 72 à 77

Pierre et Geneviève BOISARD

Pierre, Geneviève et le prêtre

Pages 78 à 85

XXX

Messe de Notre-Seigneur Jésus-Christ, prêtre suprême et éternel

Pages 86 à 88

BIBLIOGRAPHIE

Pages 89 à 91

Maxime CHARLES

Notule sur l’idée de sacrement

Pages 92 à 93

RESURRECTION 14 (3ème trimestre 1960) : LE CŒUR DU CHRIST

112 pages

C’est peut-être parce que les animateurs de cette Revue ont été transportés sur la colline de Montmartre, où une basilique appelle les chrétiens vers le Cœur du Christ, que leur attention s’est fixée avec insistance sur ce culte singulier que seuls parmi les chrétiens les catholiques connaissent, qui a eu depuis deux ou trois siècles un grand rayonnement et auquel, malgré papes et fêtes liturgiques, les générations actuelles ne s’adonnent guère.

Ils ne s’en étaient pourtant jamais personnellement désintéressés. Ils y devinaient de grandes richesses issues de la parole de Dieu et de l’expérience des mystiques. Ils y voyaient l’œuvre progressive mais très cohérente du Saint-Esprit dans son Eglise.

Ils y découvrent, maintenant plus encore, la réponse à plusieurs problèmes de l’heure : celui de la piété en un monde trépidant, celui d’une charité vraiment théologale en une société de philanthropes, celui des relations personnelles avec Dieu en un climat de pensée trop enfermé dans les sciences et les techniques.

Puisse ce simple essai, fruit de quelques instants arrachés à des prêtres et des laïcs trop occupés et nullement spécialistes, témoigner de l’actualité de ce culte du Cœur du Christ et de la grâce qu’il réserve à ceux qui veulent, au-delà des mots et des premières impressions, pénétrer davantage le mystère de Jésus.

SOMMAIRE

Editorial

Pages 1 à 2

Marcel MARTIN

Actualité du Sacré-Cœur

Pages 3 à 8

Michel de LA PALUD

De l’absurde au mystère de l’amour

Pages 9 à 30

Maxime CHARLES

Cœur de Jésus : âme du Christ

Pages 31 à 39

XXX

Haurietis Aquas in Gaudio (Extraits)

Pages 40 à 41

Gabriel MARECHAL

L’Eau et le Sang du Côté

Pages 42 à 46

Michel ROUCHE

Perspectives historiques

Pages 47 à 53

Guy de BROGLIE

Valeur des révélations privées

Pages 54 à 59

XXX

HAURIETIS Aquas in Gaudio (Extraits)

Pages 60 à 61

Louis COURNIER

Formes du culte au Cœur du Christ

Pages 62 à 74

Pierre LEVAUD

Consécration et réparation

Pages 75 à 80

Max HEMER

Le règne social du Sacré-Cœur

Pages 81 à 96

André BORDEAUX

Paroles sur l’Amour

Pages 97 à 102

Claude VINCENT

Le Sacré-Cœur et l’Art

Pages 103 à 107

BIBLIOGRAPHIE

Pages 108 à 109

Répondez-nous !

Pages 110

RESURRECTION 15 (3ème trimestre 1960) : DIEU

152 pages

Dieu

Ce mot évoque l’ensemble des réalités religieuses, et en un sens, c’est assez juste. Pourtant, un certain nombre de problèmes concernent seulement ce qui est affirmé de l’être absolu et personnel. Ils doivent être considérés en eux-mêmes. A l’heure, en effet, où avec le Christ, on entre dans l’intimité trinitaire, où on découvre le dessein de salut et où on constate la présence de Dieu dans le monde d’aujourd’hui, il faut savoir tout de même un peu et sans erreur ce qu’Il est, ou au moins ce que l’on a le droit de mettre sous le nom qui le désigne. L’intelligence et la valeur du christianisme en dépendent, la prière aussi qui réclame une convenable notion de Celui avec lequel elle est dialogue.

On trouve ici une étude en quelque sorte historique des réflexions que l’homme a faites sur Dieu au cours des siècles. Elle offre les bases d’une connaissance cohérente et certaine parce que beaucoup d’entre elles ont été formulées ou inspirées à des degrés divers par Dieu lui-même : Ecriture Sainte, Pères et Docteurs, Définitions de l’Eglise.

Il reste à voir comment elles répondent aux questions que l’on se ose aujourd’hui à propos de Dieu. La théologie, en effet, n’est pas un jeu de l’esprit ou un exercice de fidélité, mais une lumière pour la vie la plus concrète.

Afin de favoriser ce travail, cinq plans sont proposés à la fin de ce numéro. Ils correspondent à des cours donnés à la basilique de Montmartre et à des cercles d’étude théologique entre laïcs, ceux des équipes Résurrection et Saint-Jean ; mais tous les lecteurs peuvent s’en servir pour vérifier l’actualité des perspectives chrétiennes sur le mystère de Dieu.

Résurrection

SOMMAIRE

Editorial : Dieu

Pages 1 à 2

Jacques NOGARRAT

Le Dieu des religions non bibliques

Pages 3 à 15

Gabriel MARECHAL

Le Dieu des philosophes grecs

Pages 16 à 25

Michel de LA PALUD

Le Dieu de l’Ancien Testament

Pages 26 à 46

Maurice PIERREFITTE

Le Dieu du Nouveau Testament

Pages 47 à 67

Jean DANIELOU, s.j.

Dieu chez St Grégoire de Nysse

Pages 68 à 79

Rémy GILQUIN

Le Dieu de la pensée médiévale

Pages 80 à 88

Michel TANOINE

Positions protestantes

Pages 89 à 100

Gabriel MARECHAL

Le Dieu des philosophes modernes

Pages 101 à 112

Gérard BOIS-RABOT

Le Dieu de Camus, Sartre et Malraux

Pages 113 à 122

B. BADACZ

Une preuve de l’existence de Dieu pour les scientifiques

Pages 123 à 132

André BORDEAUX

Magie et mystère de la parole humaine

Pages 133 à 139

PLANS DE REFLEXION

Pages 141 à 148

BIBLIOGRAPHIE

Pages 149 à 150

RESURRECTION 16 (4ème trimestre 1960) : LE MYSTERE DE LA SAINTE TRINITE

160 pages

La Trinité

S’il est un mystère invoqué sans cesse par la liturgie officielle de l’Eglise comme par la piété la plus populaire, c’est bien celui qui s’énonce par les mots les plus employés de la prière chrétienne : Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ! Paradoxalement, c’est aussi celui qui paraît le plus hors d’atteinte de l’intelligence humaine et, par le fait, celui auquel les chrétiens se réfèrent le moins. Selon la définition tronquée du catéchisme : c’est vraiment une vérité qu’il faut croire bien qu’on ne puisse pas la comprendre.

Sans prétendre le moins du monde faire complètement comprendre la Trinité, Résurrection veut, en ce premier trimestre 1961, permettre à ses lecteurs d’en comprendre quelque chose. Si Dieu a un peu livré aux hommes le secret de sa vie intime, ce n’est pas seulement pour éprouver leur intelligence par l’obéissance de la foi ; c’est aussi par cette confidence les inviter à resserrer leur union avec Lui.

La méthode employée ici est celle même que Dieu a suivie pour cette révélation. Elle n’a pas été faite directement ni de façon didactique. Dieu, au cours des siècles et même en la personne de Jésus-Christ, n’a laissé deviner son mystère intérieur que par des mots, des aveux, des attitudes dont l’Ancien et le Nouveau Testament, dominés pourtant par l’histoire du salut de l’homme, nous apportent l’écho. L’effort déraisonnable des rationalistes des premiers siècles pour soumettre la réalité suprême aux limites de l’esprit humain a néanmoins permis au Saint-Esprit d’inspirer à l’Eglise un vocabulaire précis qui fixe l’énoncé dogmatique selon la rectitude de la révélation. L’effort d’assimilation des chrétiens les plus éminents des siècles passés offre aussi un secours puissant aux chrétiens d’aujourd’hui. Certains, sur le plan intellectuel, qui est indispensable pour un contact vrai avec Dieu, ont lancé des comparaisons dont aucune n’est complètement satisfaisante, mais qui permettent à l’intelligence à la fois de s’ouvrir au mystère et d’expérimenter sa réalité irréductible. D’autres, sur le plan spirituel, se sont, au-delà des ombres, laissés saisir par le vertige de la vie même de Dieu, témoignant ainsi de son existence et de sa transcendance.

Le christianisme d’aujourd’hui ne doit pas abandonner l’exploitation du mystère essentiel. Lui seul, dans sa lumière inaccessible, permet de comprendre que la solution de tout problème est dans la relation. Les personnes créées ne se réalisent que dans leur communication avec d’autres personnes ; mais celle-ci est impossible sans la communication avec une Personne divine. Et si les hommes peuvent espérer cette dernière, c’est parce qu’il leur a été révélé qu’à l’intérieur de Dieu il y a déjà une communauté de Personnes dont les communications extérieures ne sont que l’extension.

En manifestant son amour aux hommes, Dieu leur a fait apercevoir qu’Il était Amour au-dedans de Lui-même. C’est donc en percevant quelque chose de cet amour interne que les hommes peuvent répondre convenablement à l’amour témoigné, avec conscience et liberté.

Mgr CHARLES

SOMMAIRE

Editorial : La Trinité

Pages 1 à 2

Pierre LEVAUD

La Trinité dans l’Ancien Testament

Pages 3 à 12

Gérard BOIS-RABOT

La révélation de la Sainte Trinité dans le Nouveau Testament

Pages 13 à 31

Michel de LA PALUD

Danger et nécessité des images

Pages 32 à 42

Pierre LEVAUD

Enseignement de l’Eglise

Pages 43 à 56

Michel TANOINE

La liturgie, prière trinitaire

Pages 57 à 62

Gabriel MARECHAL

Le dynamisme trinitaire chez les Pères grecs

Pages 63 à 67

Paul BREVENT

La pensée augustinienne

Pages 68 à 84

Anselme de SAULDRE

Richard de SAINT-VICTOR

Pages 85 à 93

Rémy GILQUIN

Saint Thomas d’Aquin

Pages 94 à 103

Louis de LA MANCELLIERE

Ruysbroeck l’admirable

Pages 104 à 111

Louis de LA MANCELLIERE

Saint Jean de la Croix

Pages 112 à 115

Jean-Marie ALIX

Sœur Elisabeth de la Trinité

Pages 116 à 130

B. BADACZ

Relations sociales ou dessein de salut ?

Pages 131 à 142

Michel ROUCHE

L’iconographie de la Trinité

Pages 143 à 147

André BORDEAUX

Dans la nuit

Pages 148 à 152

PLANS DE REFLEXION

Pages 153 à 155

BIBLIOGRAPHIE

Pages 156 à 158

RESURRECTION 17 (2ème trimestre 1961) : LA FOI

180 pages

La Foi

Ce n’est pas un thème facile, ni pour la réflexion, ni pour la prière. Il n’en est pourtant pas de plus nécessaire dans l’état de minorité où se trouvent au milieu du monde les Chrétiens d’aujourd’hui.

On s’étonnera sans doute de trouver dans l’Ecriture surtout les démarches que Dieu a faites pour provoquer une réponse de la part de l’homme. Les Pères de l’Eglise, de même, sont surtout attentifs à l’action divine dans l’homme. C’est une façon de voir qui garde toute sa valeur pour ne pas oublier que la foi n’est pas une invention de l’esprit humain, mais un accueil et une reconnaissance de Quelqu’un qui se manifeste.

Depuis qu’à l’intérieur même de la civilisation chrétienne d’Occident les bases de la foi ont été remises en question, bien que celle-ci réclame une docilité de tout l’être à la grâce, sa justification rationnelle et donc le rôle qu’y joue l’intelligence, demande une étude particulière qui ne la laisse en aucune façon être soupçonnée de sentimentalité.

Les scientifiques, en particulier, qu’ils la dénigrent ou qu’ils l’adoptent, proclameront facilement que la vérité du christianisme ne saurait se démontrer, tandis que la psychologie moderne aurait tendance à l’expliquer par les traumatismes de la vie intérieure.

De toute façon, et bien que l’acte de foi soit un mouvement continu, son étude devra se situer sur deux plans, celui de l’accession à la foi ou celui de la vie de la foi, au niveau desquels l’intelligence ne se comporte pas au moins consciemment de la même façon. Cette diversité se fera sentir dans tous les cas où, par suite d’un refroidissement ou d’un affrontement de la foi, se reposera la question de sa correspondance avec le réel.

Dans l’effort tenté ici pour cerner la foi, aucune place n’a été faite à l’apologétique, c’est-à-dire à un déroulement d’arguments susceptibles d’assurer la foi. Ou bien ceux-ci, en effet, s’attachent à réfuter toutes les objections qu’on peut lui faire, et alors ils requièrent une compétence universelle : histoire, critique littéraire, psychologie, sciences expérimentales, philosophie, etc. Ou bien ils confrontent la pensée humaine en constante évolution avec la connaissance de la révélation, mais pour cette acquisition " Résurrection " est loin d’avoir encore donné tous les éléments.

Il reste donc à chaque lecteur ayant un peu mieux pris conscience de la complexité, mais aussi de la rigueur de l’acte de foi tel que l’Eglise le conçoit, de confronter de nouveau ses problèmes personnels les plus profonds avec la Révélation chrétienne pour que la convenance suprême et universelle de celle-ci à ceux-ci lui devienne plus évidente. Par le fait même il s’assurera une inspiration plus totale et plus rayonnante de toute la vie par la foi de son baptême.

Résurrection

SOMMAIRE

Editorial : la Foi

Pages 1 à 2

Jacques VILLEMIN et Michel de LA PALUD

Nos ancêtres dans la foi

Pages 3 à 18

Marcel MARTIN

La réponse à la Bonne Nouvelle

Pages 19 à 31

Robert CAZES

Saint-Paul : adhésion totale

Pages 32 à 41

Michel TANOINE

Pères Grecs : la gnose ou connaissance de foi

Pages 42 à 53

Jean-Paul MIQUEL

La tradition ecclésiale

Pages 54 à 64

Pierre LEVAUD

Saint Augustin : croyance et connaissance

Pages 65 à 71

B. BADACZ

Saint Augustin : l’argument du miracle

Pages 72 à 82

Rémy GILQUIN

Foi et sacrements dans la doctrine de Saint Augustin

Pages 83 à 88

Rémy GILQUIN

La grâce de la foi selon le Concile d’Orange

Pages 89 à 94

Louis de LA MANCELLIERE

Justification luthérienne par la foi

Pages 95 à 106

Joseph DELANOE

Au Concile du Vatican

Pages 107 à 116

Jean PERRIN

Conversion

Pages 117 à 134

Maxime CHARLES et Georges KOWALSKI

Réflexions sur l’acte de foi

Pages 135 à 143

Gabriel MARECHAL

Pascal, Newman, Blondel

Pages 144 à 154

Michel ROUCHE

" Dolce vita " ou l’impossible foi humaine

pages 155 à 165

LA FOI ET NOUS

Pages 167 à 174

RESURRECTION 18 (3ème trimestre 1961) : LE MAL ET LA SOUFFRANCE

148 pages

Sommaire :

Mgr CHARLES

Questions et essais de réponses

Pages 1 à 7

Les éléments de solution que la Révélation apporte au terrible problème de la souffrance sont proposés par " Résurrection " dans l’ordre chronologique de leur divulgation. Néanmoins, pour satisfaire à une instante actualité, il a paru bon de les faire précéder de quelques questions. Les réponses que s’est efforcé d’y donner suggéreront peut-être aussi un ordre de réflexion utile en ce domaine.

1° Pourquoi poser le problème seulement au niveau de l’homme ? Pourquoi essayer d’y engager sa responsabilité et de le résoudre par l’unique histoire de ses relations avec Dieu ? Si la souffrance ne se manifeste que dans les êtres animés, elle ne correspond pas moins à une loi universelle des êtres, tous imparfaits et en transformation, puisque leur subsistance leur développement dépendent de la destruction des uns au profit des autres et que leur évolution même comporte toujours la liquidation des équilibres antérieurs…

La souffrance n’est pas seulement la conscience d’une douleur dont, par ailleurs, le rôle positif est incontestable. C’est le scandale d’un esprit qui perçoit une insupportable opposition entre son bien qu’il connaît et qu’il veut et un accident qui l’empêche. Elle suppose une certaine notion de la finalité en général et du destin de l’homme en particulier qui sont de l’ordre métaphysique, ainsi que le prouvent toutes lamentations humaines sur la souffrance.

Lire : " La Science et le Mal ", par Georges KOWALSKI, p. 127.

2° Si Dieu est le créateur tout-puissant de ce qui existe, comment ne pas le tenir pour responsable de la souffrance ? Même si la créature l’a offensé, convient-il à sa bonté qu’il se soit vengé de si terrible façon ?

Dieu ne veut pas la souffrance ; elle lui fait horreur comme un sabotage de son oeuvre. Le péché (mal moral) en est la cause, non pas en ce sens que Dieu le sanctionne d’une punition choisie arbitrairement, mais en ce sens qu’elle en est la conséquence intrinsèque. Dieu seul sait et veut le bien de sa créature. S’écarter de cette sagesse et s’opposer à cette volonté c’est, immanquablement et en vertu du principe de non contradiction, engendrer le désordre est donc la souffrance.

Lire : " Dieu est juste ", par Guillaume FORESTIER, p. 31.

" Saint-Augustin, Docteur du problème du mal ", par Jean PERRIN, p. 74.

" Saint-Bernard : la disharmonie vaincue par l’amour ", par Rémy GILQUIN, p. 100.

3° Comment l’homme peut-il être l’auteur d’un mal qui le dépasse tellement ? Comment sa liberté peut-elle mettre en échec de façon si grave la puissance infinie de Dieu ?

Dieu a donné à l’homme la liberté, c’est-à-dire qui lui a délégué quelque chose de sa puissance et l’a élevé au-dessus de la situation de créature pour le faire partenaire de son amour. Conférée à un être qui reste néanmoins créé et donc dépourvu de la perfection divine, cette liberté peut s’égarer loin de la volonté divine dans un refus d’amour. Cet accident en quoi consiste le péché coupe l’homme de Dieu, ébranle son pouvoir sur les déterminismes qui lui étaient soumis, les détourne de leur fin et bouscule leur agencement harmonieux.

Lire : " St Augustin, Docteur du problème du mal ", par Jean PERRIN, p. 74.

" St Bernard : la disharmonie vaincue par l’amour ", par Rémy GILQUIN, p. 100.

4° Il ne semble pas que les souffrances correspondent en chaque homme à ses péchés. Méchants à qui tout réussit, bons éprouvés, enfants torturés par la maladie et surtout cette terrible injustice du péché originel qui fait supporter à tous les hommes la punition d’une faute qu’un seul a commise…

Les relations entre Dieu et l’homme ne sont pas un dialogue isolé. C’est par l’ensemble des hommes parmi lesquels il est inséré dans le temps et l’espace que chacun est en communication avec Dieu, de telle façon que l’attitude plus ou moins ouverte des uns aide ou gêne les autres. Le péché déclenche donc des solidarités négatives entre les hommes et par eux dans le monde entier, d’où naissent des souffrance sans nombre dans le plus grand désordre.

Le péché originel - dont l’étude ne sera pas faite ici - n’est que la première de ces solidarités négatives. Ce n’est ni une faute ni ne punition partagée, mais la situation provisoire dans laquelle sont placés les hommes faits pour Dieu est séparé de Dieu.

Lire : " Dieu est juste ", par Guillaume FORESTIER, p. 31.

" La concupiscence au XVIe siècle ", par Louis de LA MANCELLIERE, p. 115.

5° Dieu sait tout et peut tout. Pourquoi, prévoyant les maux qui sortiraient du mauvais usage de la liberté, a-t-il créé l’homme libre ?

C’est là le fond du problème ! Dieu a couru le risque de donner la liberté à une créature limitée donc faillible. Mystère de son dessin créateur D On comprend un peu pourquoi, voulant amener d’autres êtres que lui à l’existence, il a voulu aussi les faire rentrer dans le circuit de son amour par une créature intelligente et libre à laquelle il accorderait le privilège de son amitié. Mais pourquoi a-t-il voulu sortir de sa plénitude où rien ne lui manquait et s’embarquer pour cette dangereuse aventure de la création ? Des réponses ont été données, plus philosophiques que théologiques, semble-t-il. Si Dieu, en effet, a révélé les modalités de son dessein créateur, il n’en a pas divulgué la motivation profonde. Comment le pourrait-il sans introduire l’homme, avant l’heure de l’union totale avec lui, dans les profondeurs de cette vie divine dont le mystère d’amour généreux est à peine deviné ici-bas.

Ce qui est certain, au contraire, c’est que la création, ayant été voulue par Dieu, est bonne. Le risque valait la peine d’être couru puisqu’il l’a couru. Tout ce que l’homme sait par ailleurs de Dieu le prouve. Il devra attendre néanmoins la fin de l’entreprise pour en faire le bilan et constater expérimentalement quelle manifestation de la puissance et de la bonté divine elle fut.

Lire : " Dieu est juste " (surtout Genèse, Job, Sagesse), par Guillaume FORESTIER, p. 31.

" St Bernard : la disharmonie vaincue par l’amour ", par Rémy GILQUIN, p. 100.

6° Au lieu de spéculer, ne ferait-on pas mieux de travailler au progrès humain, dans l’espoir qu’une meilleure connaissance de l’homme, de ses relations avec les autres, et des autres réalités concrètes, finisse par diminuer et peut-être par éliminer toute souffrance de ce monde ?

L’homme d’aujourd’hui, certes, a porté remède à quelques maux particuliers. Néanmoins la bataille est confuse et rien ne laisse prévoir la victoire. Une maladie est éliminée, mais une autre arrive, une injustice sociale est atténuée, mais de grandes épreuves mondiales menacent. Tout se passe comme si chaque déploiement de forces humaines était empoisonné dans sa source et saisi par une intelligence malfaisante désireuse de contrecarrer le déroulement d’un plan bien agencé. C’est qu’il existe en effet une créature de grande classe, mais révoltée, l’Adversaire ou le Démon, qui exerce une influence maléfique sur l’homme à travers toutes ses activités parce qu’il agit sur sa conscience même. Le combat se poursuit au plus profond de l’homme non sans sa participation, mais avec des conséquences qui le dépassent.

Lire : " Jésus-Christ, vainqueur du mal ", par Ch. GUYON, p. 50.

7° Si l’héroïsme du Christ au milieu de ses souffrances est un exemple encourageant, si sa participation aux souffrances des hommes leur apporte une consolation fraternelle, si sa passion symbolise bien la condition humaine face à l’adversité et manifeste même une certaine pitié divine, qu’apporte-t-elle comme solution à la fois satisfaisante pour l’esprit et pratique pour la vie au problème de la souffrance ?

C’est par la Rédemption que Dieu a blessé à mort le péché et par conséquent a déclenché le processus de restauration de l’homme qui doit aboutir à la suppression de toute souffrance.

Aucun bien ne pouvant exister en dehors de la volonté divine, le Christ subit les conséquences de l’acte par lequel l’homme s’est opposé à elle, mais par son libre consentement il proclame l’excellence de cette loi et l’innocence de Dieu.

La réalisation du dessin de Dieu est ainsi assurée, puisque dans le Christ il obtient la réponse d’amour pour laquelle il a créé la liberté humaine.

La solidarité dans laquelle il a établi l’homme joue son rôle négatif dans la passion du Christ qui souffre à cause de leurs péchés, mais son efficience est restaurée de façon positive puisque le Christ devient la tête d’un corps dont les chrétiens sont les membres.

C’est le triomphe de la puissance, de la bonté, de l’amour de Dieu dont le déroulement se fait au rythme chaotique des libertés humaines que Dieu veut entraîner, mais dont l’issue n’est pas douteuse.

Lire : " Jésus-Christ, vainqueur du mal ", par Ch. GUYON, p. 50.

" St Augustin, Docteur du problème du mal ", par Jean PERRIN, p. 74.

" St Bernard : la disharmonie vaincue par l’amour ", par Rémy GILQUIN, p. 100.

8° devant la souffrance quelle est l’attitude du Chrétien : cultiver la résignation ou faire face ?

la souffrance émeut le Chrétien, elle ne le terrasse pas.

Elle ne l’angoisse pas puisqu’il en sait l’origine et en attend la fin avec confiance.

Il n’en exagère pas l’importance parce qu’il sait qu’elle n’est pas le mal absolu mais seulement sa conséquence et parfois son remède.

Il l’attaque en sa source, le péché, par la force issue de Jésus-Christ.

Il la combat dans sa conséquence, la peine des hommes, selon le commandement du Seigneur et par sa charité.

En la supportant librement il goûte l’allégresse de participer à l’oeuvre rédemptrice du Christ.

Dans cet exercice il possède quelque chose de cette union à Dieu dont la plus infime expérience soulage toute misère.

Il jouit, comme un avant-goût de la résurrection, des guérisons partielles que la rédemption opère des ici-bas.

Il sait que son vouloir-être profond correspond à la volonté de Dieu.

Lire : " Jésus-Christ, vainqueur du mal ", par Ch. GUYON, p. 50.

" Martyrs et Ascètes ", par Michel TANOINE, p. 62.

" St Augustin, Docteur du problème du mal ", par Jean PERRIN, p. 74.

" St Bernard : la disharmonie vaincue par l’amour ", par Rémy GILQUIN, p. 100.

La souffrance est une question que l’homme pose à Dieu. Son intelligence courte, ignorante des mécanismes subtils qui meuvent le monde, braquée sur des expériences individuelles et temporelles, inadéquate au mystère des vouloir divins, s’irrite de ne pas en recevoir la réponse souhaitée.

C’est qu’au contraire, la souffrance est plutôt une question posée à l’homme par Dieu : " Comment te trouves-tu de te refuser à ma volonté ? En ton expérience douloureuse ne découvres-tu pas que je suis ton seul bien et la source de tous les biens ? " Si le péché n’engendrait pas la souffrance, il n’y aurait aucune chance pour l’homme de revenir à Dieu.

De toute façon, la souffrance est la question essentielle qui domine les relations de l’homme avec Dieu. Selon la façon dont on y répond elle éloigne de Dieu ou elle ramène à Dieu. Puisse le Saint-Esprit à travers les pages de " Résurrection " faire son oeuvre de lumière, d’amour et de paix !

SOMMAIRE

Mgr CHARLES

Questions et essais de réponses

Pages 1 à 7

Jean PERRIN

Philosophies d’hier

Pages 8 à 12

Henri FAIVRE

Protestations

Pages 13 à 19

Gabriel MARECHAL

Philosophes d’aujourd’hui

Pages 20 à 30

Guillaume FORESTIER

Dieu est juste !

Pages 31 à 49

Ch. GUYON

Jésus-Christ, vainqueur du mal

Pages 50 à 61

Michel TANOINE

Martyrs et Ascètes

Pages 62 à 73

Jean PERRIN

Saint-Augustin, docteur du problème du mal

Pages 74 à 99

Rémy GILQUIN

Saint-Bernard : La disharmonie vaincue par l’amour

Pages 100 à 114

Louis de LA MANCELLIERE

La concupiscence au XVIe siècle

Pages 115 à 126

Georges WIERUSZ KOWALSKI

La science et le mal

Pages 127 à 137

André BORDEAUX

La poésie du mal et le désert de l’amour

Pages 138 à 143

Jean-Marie ALIX

Bibliographie récente

Pages 144 à 146

RESURRECTION 19 (4ème trimestre 1961) : LE CHRETIEN ET L’ARGENT

172 pages

le but de ce cahier est très limité. Il ne s’agit pas d’esquisser, même de loin, une économie chrétienne ou un résumé de la doctrine sociale de l’Eglise.

On voudrait seulement répondre par un retour aux sources aux problèmes du chrétien engagé bon gré mal gré dans la poursuite et l’utilisation des biens de la terre et qui s’inquiète des terribles malédictions du Seigneur aux riches.

SOMMAIRE

Editorial

Page 1

F. PAUMIER et Robert CAZES

Problèmes de pères de famille

Pages 3 à 8

SAINT-COLAS

Aux temps antiques autour de la Méditerranée

Pages 9 à 21

Guillaume FORESTIER

Du riche favori de Dieu aux pauvres de Dieu

Pages 22 à 36

T. AUMECK

Pour que l’argent devienne un sacrement !

Pages 37 à 53

Ch. GUYON

L’usage de l’argent selon les Pères

Pages 54 à 68

Rémy GILQUIN

La querelle de la pauvreté

Pages 69 à 84

J. PERRIN

A la lumière de Saint Thomas

Pages 85 à 103

Louis LE DUNOIS

L’actionnaire est-il un usurier ?

Pages 104 à 120

B. LAMOT

Critique marxiste

Pages 121 à 134

Gabriel MARECHAL

A travers les Encycliques

Pages 135 à 141

Henri FAIVRE

Subsistance du Clergé

Pages 142 à 148

A. DETOEUF

Tartuffe à Elmire

Pages 149 à 150

André BORDEAUX

Pour l’amour de l’art et de la pauvreté

Pages 151 à 158

REFLEXIONS ET MEDITATIONS

Pages 159 à 166

Cours théologiques de Montmartre

Pages 167 à 168

Cours par correspondance de formation missionnaire du Cercle Saint Jean-Baptiste

Page 169

RESURRECTION 20 (4ème trimestre 1961) : DIEU AVEC NOUS

160 pages

Dieu avec nous

On s’est efforcé de décrire l’avancée de Dieu parmi les hommes ; on en a souligné le moment essentiel, celui de l’Incarnation ; on s’est attardé à mieux connaître l’humanité de Jésus qui est la manifestation de Dieu dans le créé ; on a encore une fois silhouetté les modes de présence et d’action de Dieu à partir du Christ ; on s’est arrêté à la présence eucharistique qui, en attendant le retour de Jésus, permet de le garder " à portée de la main ". Histoire et dépouillement des documents sans doute, mais qui se voudraient meilleure connaissance de Jésus-Christ et des moyens de l’atteindre.

SOMMAIRE

Editorial : Dieu avec nous

Page 1

T. AUMECK

Celui qu’on attendait

Pages 3 à 22

Marcel MARTIN

Qui es-tu Seigneur ?

Pages 23 à 42

B. BADACZ et Michel de LA PALUD

L’Evangéliste de l’Emmanuel (Dieu avec nous)

Pages 43 à 50

M. TANOINE et Georges WIERUSZ KOWALSKI

Fidélité au mystère

Pages 51 à 63

Olivier DIECHE

L’âme du Christ

Pages 64 à 84

Maxime CHARLES

Etat et mystères de Jésus-Christ (d’après Bérulle)

Pages 85 à 87

Ch. GUYON

Présence liturgique

Page 88 à 102

Louis LE DUNOIS

Défense de la présence réelle

Pages 103 à 120

Georges WIERUSZ KOWALSKI

Présences divines

Pages 121 à 129

André BORDEAUX

Présence

Pages 130 à 131

REFLEXIONSET MEDITATIONS

Pages 132 à 145

Georges WIERUSZ KOWALSKI

Notes bibliographiques

Pages 146 à 148

Les livres

Pages 149 à 151

Les revues

Page 152

Cours théologiques de Montmartre

Pages 153 à 155

Anniversaire

Page 156

RESURRECTION 21 (1er trimestre 1962) : LE SACRIFICE DU CHRIST

216 pages

Editorial

La rédemption, c’est tout à la fois la croix et la résurrection. Cette livraison n’étudie que la première, laissant la seconde à la prochaine livraison. Procédé pédagogique et nécessité de l’édition, qui ne touchent en rien à l’unité profonde du sacrifice du Christ.

SOMMAIRE

Editorial

Page 1

Le sacrifice du Christ

Pages 2 à 12

C. MILTIN

Sacrifices païens

Pages 13 à 31

T. AUMECK et Michel TANOINE

Les rites n’ont pas suffi (Ancien Testament)

Pages 32 à 51

Olivier DIECHE et Georges WIERUSZ KOWALSKI

Le salut par le sang du Christ (Nouveau Testament)

Pages 52 à 81

Georges WIERUSZ KOWALSKI

La victoire du Christ (Pères grecs)

Pages 82 à 109

Paul BREVENT

La croix, véritable sacrifice (Saint Augustin)

Pages 110 à 116

D. de GEXAIN

Pour l’honneur de Dieu (Saint Anselme)

Pages 117 à 124

Ch. GUYON

Le sacrifice de la croix et de la messe (Saint Thomas)

Pages 125 à 134

Louis LE DUNOIS

Défense de la messe

Pages 135 à 153

Philippe NOCE

Hostie et sacrifice (Ecole française)

Pages 154 à 163

G. NOUCHY

La dispute de la Sainte Messe

Pages 164 à 188

André BORDEAUX

Ad vitam per mortem cum vita

Pages 189 à 199

Henri FAIVRE

Refus du sacrifice

Pages 200 à 205

Bibliographie

Pages 206 à 207

F. V.

Les livres

Pages 208 à 211

Cours théologiques de Montmartre

Pages 212 à 213

RESURRECTION 22 (2ème trimestre 1962) : LA RESURRECTION EN MARCHE

80 pages

Editorial

Problèmes du temps, de l’au-delà, de la valeur de l’effort humain, problèmes inéluctables posés à la conscience humaine, auxquels seule donne une solution la résurrection achevée de Jésus-Christ, la résurrection en marche des Chrétiens.

SOMMAIRE

Georges WIERUSZ KOWALSKI

Le jour du Seigneur

Pages 3 à 11

Michel de LA PALUD

Les apparitions du Ressuscité

Pages 12 à 17

J. CAMPORA

Le Seigneur reviendra

Pages 18 à 31

Ch. GUYON

Le temps de l’espérance

Pages 32 à 41

B. BADACZ

Dialogue entre Blondel et Teilhard de Chardin

Pages 42 à 54

Mgr CHARLES

Travail humain, travail chrétien

Pages 55 à 65

REFLEXIONS ET MEDITATIONS

Pages 66 à 69

LES LIVRES

Pages 70 à 75

RESURRECTION 23 (4ème trimestre 1962) : L’EGLISE

144 pages

SOMMAIRE

L’Eglise

Pages 1 à 18

Michel MOMBERT

Le Royaume de Dieu

Pages 19 à 34

B. BADACZ

L’Eglise des Epîtres

Pages 35 à 43

Georges WIERUSZ KOWALSKI

Successeurs des Apôtres

Pages 44 à 53

Michel de LA PALUD

Je crois au Saint-Esprit dans la Sainte Eglise Catholique

Pages 54 à 67

François FLEISCHMANN

L’Eglise est une réussite

Pages 68 à 73

B. BERCHEZ-GAGUE

Hors de l’Eglise, point de salut

Pages 74 à 79

Georges WIERUSZ KOWALSKI

L’Obéissance

Pages 80 à 90

Gabriel MARECHAL

L’Avenir

Pages 91 à 96

C. MILTIN

Pour aimer l’Eglise

Pages 97 à 105

Max HEMER

Concile à la Une !

Pages 106 à 112

B. LAMOT

Le Concile va-t-il changer la Religion ?

Pages 113 à 122

Paul BREVENT

Réflexions d’un père de famille sur la paroisse

Pages 123 à 129

André BORDEAUX

Apocalypse 62

Pages 130 à 135

Georges WIERUSZ KOWALSKI

Les Livres

Pages 136 à 139

Cours Théologiques de Montmartre

Page 140

Cours par correspondance de formation missionnaire du Cercle Saint Jean-Baptiste

Page 144

RESURRECTION 24 (1er trimestre 1963) : LES SACREMENTS ET NOUS

112 pages

SOMMAIRE

O. DIECHE

Nouveau Testament - La rencontre sacramentelle avec Dieu

Pages 3 à 14

C. GUYON

Qu’en disaient les Pères ?

Page 15

L’action divine rendue visible

Pages 16 à 29

Pour bien recevoir les sacrements

pages 30 à 45

C. MILTIN

XVIe-XXe siècles - au terme de l’initiation chrétienne

La communion fréquente

Pages 46 à 64

Georges WIERUSZ KOWALSKI

Les cas limites

Pages 65 à 72

Michel de LA PALUD

Pour mieux se confesser

Pages 73 à 79

LES SACREMENTS ET NOUS

Rencontre avec Jésus-Christ

Pages 80 à 83

Parole et mystère

Pages 84 à 88

Grâce et engagement

Pages 89 à 92

Rythme christologique et rythme humain

Pages 93 à 96

Le Sacrement de la réconciliation

Pages 97 à 99

La Communion fréquente

Pages 100 à 103

Livres reçus

Pages 104 à 105

Cours théologiques de Montmartre

Page 106

RESURRECTION 25 (2er trimestre 1963) : L’AMOUR ET LE MARIAGE

130 pages

Liminaire

" Dieu créa l’homme à son image, homme et femme il les créa. " Il ne faut donc pas s’étonner que cette dualité soit à la base de toutes les relations humaines et intéresse au plus haut degré toute recherche d’épanouissement et de bonheur. Un sujet aussi central se devait d’être abordé par " Résurrection ".

Les obstacles à vaincre cependant ne sont pas minces. Faire un état de la question à partir de la littérature existante apparaît comme pratiquement impossible : rien que pendant la préparation de ce numéro deux ou trois livres sur le sujet ont vu le jour ! Que dire alors des réactions et des exigences diverses des lecteurs devant ce thème de l’amour humain ? Certains souhaiteront un éclairage très concret au niveau des difficultés quotidiennes, d’autres au contraire éprouveront une certaine anxiété face à des affirmations qui risquent de condamner la conduite d’un grand nombre. D’autres enfin protesteront au nom de la particularité du sujet ou de son caractère très personnel.

Fallait-il courir le risque de cette entreprise ? " Résurrection " à penser que l’enjeu en valait la peine. L’amour humain est finalement le grand problème. Chacun d’entre nous et chacun de ceux qui nous entourent doit s’être situé par rapport à lui. Toute vocation est une vocation à l’amour et elle ne peut être reconnue qu’à la lumière de la Révélation divine. On n’a pas le droit de mettre celle-ci sous le boisseau, en particulier quand on a des responsabilités apostoliques. Une autre raison encore incite à situer exactement l’amour humain. La connaissance plus approfondie des relations de l’homme et de la femme dans un amour conjugal apporte une lumière particulière à la connaissance de nos rapports avec Dieu. " Ce mystère est grand, je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Eglise ", dit Saint-Paul.

Pour contribuer pour sa part et à sa place à projeter la lumière du Christ sur le couple Chrétien, " Résurrection " a choisi une formule qui est un compromis, maladroit comme tous les compromis. Le numéro commence par un dépouillement du dossier proprement théologique de la question. Ancien et Nouveau Testament, écrit des Pères et des papes permettent de saisir à travers leurs constantes la révélation divine sur le mariage. À travers ses pages on reconnaîtra aussi des prises de position de l’Eglise concrétisant dans un temps donné une exigence plus abstraite de Dieu. Par exemple au IIIe siècle elle demandera à ses fidèles de respecter pendant trois jours la continence conjugale avant de communier. Au XXe siècle elle autorisera la méthode Ogino. Chaque fois ce sera comme une pédagogie de cette exigence de la maîtrise des corps dans le mariage, permettant aux époux de mieux communier à l’amour crucifié du Christ. À la suite de ce dossier le lecteur trouvera des notes pratiques. Celles-ci n’ont d’autre ambition que de présenter à titre d’exemple ce qu’un théologien ayant quelque expérience pastorale peut conseiller dans un cas précis. Ce sont donc des réflexions libres à ne suivre que dans la mesure où elles rejoignent les grandes lignes du dessein de Dieu. Leur avantage sera de susciter une réflexion engagée permettant à chacun d’intégrer dans sa vie la Parole de Dieu.

Remarquons pour conclure que la réponse aux exigences divines découvertes à la lecture de ce numéro n’est possible qu’à la lumière de la foi, dans l’ouverture à la grâce divine, par la prière et les sacrements. Cela signifie qu’on ne doit condamner personne parce qu’il ne vit pas de ces exigences. À tout péché miséricorde ! Cela signifie aussi on n’a pas le droit parce qu’on se sent faible de diminuer l’exigence. Comme dit le concile de Trente répercuté par l’enseignement pontifical unanime, il faut qu’alors chacun fasse ce qu’il peut et demande à Dieu de l’aider à faire ce qui lui paraît impossible. Le Christ de qui nous demande d’être parfaits comme le Père céleste est parfait rend toute vie véritablement chrétienne absolument impossible aux seules forces humaines. Mais parce que l’exigence divine est une exigence d’amour, il ne faut jamais s’arrêter en route ou désespérer, mais dans un effort toujours renouvelé faire confiance à celui qui a dit :

" Ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu. "

Résurrection

SOMMAIRE

Liminaire

Pages 1 à 3

B. BADACZ

Homme et femme il les créa

Pages 4 à 16

J-C COLAS

L’amour est sans compromis

Pages 17 à 24

M. HEMER

Il y a là un grand mystère

Pages 25 à 37

Georges WIERUSZ KOWALSKI

La rédemption du couple

Pages 38 à 55

B. BERCHEZ-GAGUE

Défense et illustration du mariage

Pages 56 à 68

Michel de LA PALUD

Virginité

LES SEPT AGES DE L’AMOUR

Pages 74 à 86

R. R.

PERE ET MERE HONORERAS

Pages 87 à 90

POUR UN CEREMONIAL DU XXe SIECLE

Pages 91 à 97

R. R.

COU¨PLES SEPARES

Pages 98 à 100

R. R.

CELIBATAIRES

Pages 101 à 102

PERSPECTIVES D’ENSEMBLE

Pages 103 à 119

BIBLIOGRAPHIE

Pages 120 à 121

LES LIVRES

Pages 122 à 126

RESURRECTION 26 (1er trimestre 1968) : PRESENCE DU CHRIST

48 pages

Editorial

Le nom d’une revue, voilà son destin : Résurrection ne pouvait pas disparaître et nous assistons à sa résurrection.

Une équipe d’étudiants reprend sa publication, après plusieurs années d’interruption. Avant tout, il faut savoir gré aux responsables-propriétaires de la revue de leur avoir fait cette confiance : il n’est pas sans risque de confier à des étudiants ce qui fut, auparavant rédigé par des théologiens.

Pourquoi cette reconnaissance ? Dans le courant de rénovation que vit l’Eglise contemporaine, il appartient à ceux qui se veulent une vocation de chrétiens et un devoir d’intellectuels de tenir leur place - tout en restant à leur place. Nous voulons donner à notre foi une formulation claire : nous interrogeant sur cette foi, nous ne visons aucunement la remise en question de son fondement, puisque " l’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. " (Romains, VIII, 16). Mais nous savons bien que, comme toute génération - pour un temps - montante, nous avons à l’exprimer un peu moins inadéquatement dans un langage particulier. Si une revue de théologie vise à expliquer la foi, Résurrection n’en est pas une ; mais si, dans une revue de théologie, on cherche à s’expliquer avec sa foi, par excellence Résurrection est une revue théologique.

Pour qui cette renaissance ? Bien sûr, nous espérons intéresser le monde qui est le nôtre, celui des étudiants ; bien sûr, nous espérons retrouver les anciens lecteurs de Résurrection première manière ; mais nous avons une autre ambition : d’une certaine manière, nous répondons à la question si commune : " Que pensent les jeunes dans l’Eglise ? " ; en ce sens, nous aurons quelque intérêt pour tous ceux qui, entrés dans la carrière, se préoccupent de savoir ce que pensent ceux qui n’ont qu’à apprendre à penser. Que les langages changent indique seulement la convergence autour d’une même réalité.

Ce numéro a pour thème : " Le Christ, présent ". Il voudrait indiquer plusieurs modes de la présence du Christ aux hommes. C’est dans l’Eglise, d’abord, que se révèle le Christ, et il faut montrer comment ce corps social devient un Corps Mystique : " Le Christ et l’Esprit à l’oeuvre dans l’Eglise ". Simultanément, le même Esprit éveille en moi le désir et " l’Attente du Christ ". Ces deux manifestations d’un seul Esprit concentrent l’attention et l’Histoire autour du Christ, événement par excellence, dont nous discernons la " Multiple présence ". Cette présence du Christ rayonne dans le temps (ainsi le montre " L’aventure du Sinaï ") et dans l’espace (comme en témoigne la question des " Chrétiens et la politique : le cas des Etats-Unis "), pour s’incarner jusque dans l’art où il apparaît comme " Le beau Christ ".

L’équipe qui reprend la rédaction de Résurrection attend donc, outre du temps pour se constituer solidement, de multiples réactions de ses lecteurs ; ainsi pourrons-nous peut être formuler ce qui nous fut révélé.

Résurrection

SOMMAIRE

Editorial

Pages 3 à 4

Pierre CHOLLET

Le Christ et l’Esprit à l’œuvre dans l’Eglise

Pages 5 à 11

Jean-Luc MARION

Attente du Christ

Pages 13 à 19

Rémi BRAGUE

Multiple présence du Christ

Pages 21 à 26

Michel GITTON

L’aventure du Sinaï

Pages 27 à 34

Jean DUCHESNE

Les Chrétiens et la politique : le cas des Etats-Unis

Pages 35 à 42

Marie-Hélène CARON

Le beau Christ

Pages 43 à 47

RESURRECTION 27 (3ème trimestre 1968) : LA REVELATION

84 pages

Editorial

Après avoir voulu cerner certains modes de la " Présence du Christ ", il convenait de considérer ce que révèle cette présence ; la Révélation apparaît comme un fait, mais qui recèle un enseignement et qui acquiert la multiplicité de sens d’un système ; comment approcher sans le défigurer ce don qui comble et dépasse ? Enoncer certaines précautions, souligner quelques fondements irréductibles, tel fut le propos de Résurrection.

L’avènement du Dieu transcendant dans notre humanité pose une difficulté philosophique : comment la Révélation peut-elle franchir les simples limites de la raison ? Ensuite seulement, il devient possible de constater l’événement : " Dieu a parlé ". Pour devenir une rencontre, cet événement doit être accueilli par l’homme : pour éviter la fondamentale errance de Bultmann analysant " le concept de la Révélation dans le Nouveau Testament ", il faut se frayer une voie du mythe à l’événement, pour comprendre enfin que " Dieu se révèle dans la foi ". Ce n’est qu’alors que l’on peut parler de " l’art et la Révélation ".

À cet ensemble s’ajoute ce qui inaugure une chronique de spiritualité ; à chaque livraison, sera abordé un point de spiritualité traité en étroit rapport avec une tradition précise : ici, le problème de la vie spirituelle du Saint Esprit se trouve rapproché de " la théologie mystique du Saint-Esprit " au XVIIe siècle. Un propos théologique ne vaut qu’en s’ouvrant sur la prière.

Enfin, en présentant un témoignage d’actualité, nous souhaiterions ouvrir une tribune des lecteurs : il est impossible de prétendre répondre au désir d’un public extrêmement varié sans accorder un large droit de réponse. C’est en sachant l’avis de nos lecteurs que nous pourrons poursuivre la tâche entreprise.

Résurrection

SOMMAIRE

Editorial

Pages 3 à 4

Claude PEROT

La possibilité de la Révélation

Pages 5 à 16

R.P. Georges W. KOWALSKI

Dieu a parlé

Pages 17 à 28

Jean-Luc MARION

Remarques sur le concept de Révélation chez R. Bultmann

Pages 29 à 42

Michel GITTON

Mythe et événement dans le Nouveau Testament

Pages 43 à 52

Dominique BRIERE

Dieu se révèle dans la foi

Pages 53 à 60

Marie-Hélène CARON

Art et révélation

Pages 61 à 65

Jean-Robert ARMOGATHE

La théologie mystique de l’Esprit Saint

Pages 66 à 79

Jean DUCHESNE

Saint Martin Luther King ?

Pages 80 à 83

RESURRECTION 28 (4ème trimestre 1968) : L’ESPRIT SAINT

148 pages

Editorial

Tout en demeurant la revue de théologie qui n’est pas d’actualité, qu’elle tient à être " Résurrection " part cette fois-ci d’un problème, qui comme tout problème d’actualité ne se pose qu’en se posant mal. Parler de suite de l’encyclique " Humanae Vitae " conduit à de graves méprises : il convient de saisir en quoi elle est l’instruction que donne, par l’Eglise, le Christ ; l’actualité, qui pose les questions de l’obéissance et de la conscience morale, ne peut avoir un sens que si on la sait dépasser, pour considérer l’ensemble qui soutient ces affleurements : la révélation et l’action de l’Esprit Saint en l’Eglise et en chacun de nous. Le long détour que nous proposons permet seul de poser l’actualité comme théologique ; nous voudrions proposer à nos lecteurs, en chaque occasion, ce détour qui situe les questions pressantes dans le champ proprement théologique qui, seul, permet de parler sans bavarder.

Partant de la dernière encyclique, nous envisageons d’abord la question de l’obéissance, la plus évidente, qui elle-même ne trouve son sens que dépassée en la question de la conscience morale, qui ne vaut qu’éclairée par la loi divine : d’où les deux premiers articles, repris des cours de théologie de Mgr Charles du R.P. G.W. Kowalski. Le champ de la théologie de l’Esprit ne peut ensuite être abordé qu’en montrant l’itinéraire de la présence parmi nous de l’Esprit ; comment ils se manifeste dans une mentalité précise, en se distinguant des conditionnements sociologiques qu’il utilise pourtant : sagesse hébraïque et sagesse égyptienne ; l’Incarnation a manifesté l’Esprit dans le Christ, mais aussi en la personne de la Vierge, car " sur elle l’Esprit vint " ; c’est alors seulement qu’il peut être possible de reprendre une synthèse trinitaire, celle de Saint Augustin par exemple, pour en dégager une connaissance de l’Esprit, quitte à voir comment cette connaissance méconnaît à son tour l’Incarnation ; situer l’Esprit par rapport à l’Incarnation, c’est envisager immédiatement le rapport de ce même Esprit et de l’histoire : il convient de ne pas tout mêler en identifiant trop vite l’action de l’un le déroulement de l’autre ; de même il convient de distinguer comment l’Esprit se manifeste en chacun d’entre nous, à l’image de sa présence en la Vierge Marie, ce qui renvoie à la question des dons de l’Esprit Saint ; autre forme enfin de la présence de l’Esprit, à la fois personnelle et communautaire, l’inspiration, en rapport avec l’Inspiration. Tel est le détour, à propos de l’Esprit-Saint mis en question par la dernière encyclique.

Une revue, par définition, ne se lit pas du début à la fin ; pour permettre de trouver de suite ce qui correspond aux désirs de chacun, nous diviserons les articles en trois catégories ; premièrement, les articles de doctrine chrétienne (marquée d’un *), qui constituent le fond que le sujet exige de tous ; nous ferons en sorte qu’ils soient facilement abordables, pour autant que le permet le thème ; dans le cas où une étude de plus particulière est nécessaire, aussi bien sur un point de théologie précis que pour une recherche inaugurale, nous la présenterons, sans penser pour autant qu’elle intéressera tous ; (elle sera notée par trois ***) ; entre ces deux extrêmes, on trouvera, correspondant à l’effort de prière indispensable à toute réflexion théologique, qui seul peut d’ailleurs donner quelque chose à dire, des approches de tel ou tel point de spiritualité, en rapport avec le sujet traité bien sûr (reconnaissables à deux **).

Nous remercions par ailleurs les lecteurs qui ont bien voulu nous faire part de leurs avis et de leurs critiques ; lesquelles nous sont aussi utiles que les marques de satisfaction ; nous ne saurions trop demander à nos lecteurs de nous donner un écho de leurs réactions : nous y répondons, nous en tiendrons le plus grand compte. Signalons aussi que l’équipe de rédaction, essentiellement composée d’étudiants en lettres, souhaiterait vivement pouvoir accueillir la collaboration de scientifiques, afin de rendre le ton et les tendances de l’ensemble moins unilatéraux. En sorte que nous puissions travailler là où le besoin se fait sentir.

Résurrection

Nous venons, la rédaction de ce numéro étant pour ainsi dire terminée, d’avoir communication de deux poèmes inédits de Patrice de la Tour du Pin, à paraître dans le recueil " l’Auberge de l’agonie ", ainsi que de l’autorisation de les publier ici.

Il serait aussi superflu de prétendre les présenter que superflu de vouloir exprimer des remerciements ; soulignons cependant que c’est à la poésie qu’appartient de métamorphoser le piétinement de la réflexion en l’élan de la prière, notre seule raison d’être ; ainsi P. de la Tour du Pin porte-t-il à son achèvement, en l’ignorant magnifiquement, notre pauvre effort ; que pour cela, il soit remercié.

SOMMAIRE

Editorial

Pages 3 à 5

Autour d’"Humanae Vitae

Jean DUCHESNE (d’après un cours du R. P. KOWALSKI)

* L’obéissance à l’Eglise

Pages 7 à 22

Jean DUCHESNE (d’après un cours de Mgr M. CHARLES)

* Conscience morale et loi divine

Pages 23 à 41

Michel GITTON

* La Sagesse divine

Pages 42 à 55

Dominique BRIERE

* Et l’Esprit Saint sur elle vint

Pages 56 à 65

Jean -Luc MARION

*** La saisie trinitaire de l’Esprit selon Saint Augustin

Pages 66 à 94

Rémi BRAGUE

*** Dans l’Esprit Saint

Pages 95 à 110

J. ROBERT

** Marie et l’Esprit

Pages 111 à 117

Jean-Robert ARMOGATHE

** Des dons de l’Esprit Saint

Pages 118 à 124

Marie-Hélène CARON

** L’esprit et le Poète

Pages 125 à 135

QUERCATUS répond aux lecteurs de Résurrection

Pages 136 à 141

Réponse à " Saint Martin Luther King ? "

Pages 142 à 144

Patrice de LA TOUR DU PIN

Deux poèmes

Pages 145 à 147

RESURRECTION 29 (2ème trimestre 1969) : LE BONHEUR ET LA BEATITUDE

128 pages

Editorial

Si nous croyions en esprit en vérité, nous saurions ce que signifie le mot de béatitude. Aussi, modestement, avons-nous voulu nous expliquer avec ce terme.

Il ne faut remercier ici le père Daniélou qui a bien voulu présenter ce thème et nous guider ainsi. Nous tenons à manifester notre reconnaissance au Père H. Urs von Balthasar qui a accepté qu’une revue d’étudiants traduise et publie un texte de lui, et reçoive ainsi la caution d’un tel théologien. Nous considérons cet encouragement comme une nouvelle obligation à nous tenir au travail entrepris depuis maintenant quatre numéros.

Nous voudrions insister auprès de nos lecteurs sur ce fait : une revue de théologie qui prend le risque de ne pas se plonger dans l’actualité ne subsiste que par des abonnements ; nous espérons les voir se multiplier. De plus nous redisons quelle importance nous attachons aux avis de nos lecteurs : sans leurs réactions, aucun travail pertinent n’est concevable. En particulier nous voudrions savoir les difficultés qu’ils rencontrent à la lecture des différents styles d’articles.

Nous ne demandons qu’à être utiles et nous remercions ceux qui, déjà, nous permettent de l’être.

Résurrection

SOMMAIRE

Editorial

Page 3

Jean DANIELOU, s. j.

La béatitude

Pages 5 à 6

Marie-Christine D’HOURST et Yves PICARD

* Du bonheur à la béatitude

pages 7 à 25

Marie-Hélène CARON

* Les béatitudes évangéliques

Pages 26 à 39

Jean-Robert ARMOGATHE

** Les béatitudes dans la prière

Pages 40 à 57

Jean-Luc MARION

*** Distance et béatitude

Pages 58 à 80

Jean DUCHESNE (d’après un cours de Mgr CHARLES)

* La béatitude dans l’amour humain

Pages 81 à 101

M-O KETTERER (d’après un cours du R. P. G. -W. KOWALSKI)

* Le sens théologique de la "morale naturelle"

Pages 102 à 108

Dominique NAVARRE et le Cercle de recherche sur la théologie morale

* Dossier théologique : Le corps selon la Bible

Pages 109 à 113

Recensions

Rémi BRAGUE, Michel GITTON, Pierre BOURRIOT

Hans Urs von BALTHASAR (texte), Rémi BRAGUE, Pascal BOYELDIEU (présentation et traduction)

La théologie et le monde

Pages 120 à 126

Bibliographie de BALTHASAR en français

Pages 127

RESURRECTION 30 (3ème trimestre 1969) : L’HOMME-DIEU

128 pages

La mort de l’Homme-Dieu

Il ne s’agit pas de la mort de Jésus au Vendredi Saint à Jérusalem, celle que nous annonçons au monde après chaque consécration eucharistique comme le salut, mais, pour employer le langage de certains, de la perversion ou de la disparition d’une juste conception du Christ dans l’esprit de beaucoup de nos contemporains. L’animateur des émissions d’une radio périphérique organisant la messe de Noël me disait il y a un an : " Il ne s’agit pas de fêter la naissance de l’enfant de Bethléem qui n’intéresse personne, mais de célébrer l’enfant d’aujourd’hui qui est le vrai Christ. " Je m’étonnais alors. Je ne m’étonne plus d’après avoir lu Alfred Fabre-Luce [1], cet honnête homme au sens du XVIIe siècle, qui de son côté a beaucoup lu les " théologiens " d’aujourd’hui et, précisément parce qu’il n’est pas spécialiste (on s’en aperçoit à quelques bévues), témoigne dans un style élégant de l’idée que se font aujourd’hui de Jésus-Christ certains qui continuent à se croire chrétiens. Pour lui en effet, le Christ n’a pas fait de miracles, son histoire a été déformée à des fins de propagande, il n’est pas Dieu. Il a sans doute existé, mais nous ne le connaissons qu’à travers la foi de ses disciples. Mais nous l’identifions heureusement avec notre aspiration à la permanence et la liberté, à notre besoin de synthèse, à notre révolte. Il est aussi le remède à notre solitude et à notre sens de la culpabilité.

LES THEOLOGIENS DE LA MORT DE DIEU

Alfred Fabre-Luce cite beaucoup les penseurs germano-américains et parfois anglais que l’on appelle, d’un mot plus journalistique qu’exact, les théologiens (certains sont ou ont été professeurs de théologie protestante !) de la mort de Dieu. Considérant leur influence de plus en plus étendue dans les milieux les moins compétents dont j’ai un grand souci, je me suis donc résolu à les fréquenter de nouveau : Tillitch (le plus intéressant), Bonhoeffer (le premier connu), Vahanian, Robinson (le moins sérieux), Hamilton, Von Buren et Altizer (les plus radicaux). Leur système est plus ou moins vaste, mais ils font tous une place importante à l’interprétation du Christ. Voici le résultat d’une enquête assez rapide, mais honnête, du moins je le crois. On pourra lui opposer que j’amalgame des théories prises chez des auteurs différents ; mais je ne prétends pas à une analyse historique, seulement à l’étude des influences qui jouent sur la mentalité moderne, et certes elles jouent toutes ensemble, et sans que leurs aspects valables et nuancés, qu’une étude exhaustive devrait signaler, enlève quoi que ce soit à leur nocivité.

Ce qui frappe d’abord, c’est leur inquiétude " pastorale ", comme l’on dit. L’évangile ne fait plus choc, constate Vahanian. En d’autres termes, le Christ n’intéresse plus les hommes d’aujourd’hui. Ceux-ci vivent tout à fait en dehors du christianisme et il n’y a aucune chance que cela change si le Christ ne leur est pas présenté autrement. Voilà un souci sympathique, mais dangereux : on part de faits plus ou moins biens observés et on ne se fixe aucun autre but que de réussir. Quel Christ ne risque-t-on pas d’inventer !

Tous acceptent les assertions de Bultmann comme des vérités démontrées. Il est impossible de connaître le Christ historique. L’étude des évangiles qui y prétendait a fait faillite. On ne connaît que la foi de ses disciples qui par définition n’a pu que déformer la réalité et ne correspondait qu’à des états d’âme tout subjectifs.

Les affirmations de la théologie traditionnelle (celle des Pères est un peu connue d’eux, celle du Moyen Âge presque pas) sont entachées de nullité parce que influencées par la philosophie grecque beaucoup trop soucieuse des réalités permanentes et d’objectivité. C’est dommage parce que plusieurs problèmes qu’ils découvrent avec une certaine naïveté (comme celui du mal) ont été fort exactement est profondément posés, sinon résolus, par cette théologie. Parler, comme Tillich et Van Buren, de contradictions et d’impasses dans une pensée qui ne se veut qu’approche correcte du mystère est un peu injuste.

D’ailleurs, comme il faut bien philosopher tout de même, à la place de la philosophie élémentaire qui est sans doute la mieux appropriée à la révélation, on s’adresse aux grands courants de la philosophie moderne, celui de Hegel et celui de l’existentialisme allemand. On en retient très justement (car il faut dire une fois pour toutes que beaucoup de ce qui est affirmé est intéressant, mais que ce qui est nié l’est sans raison) le symbole, qui est à la fois signe et participation à l’être. On en retient moins heureusement un sens excessif de l’évolution est une notion de la liberté pure, sans compter une méfiance extrême à l’égard du langage qui, puisqu’il ne traduit pas tout, ne traduit rien.

Le résultat de la rencontre de cette philosophie avec le christianisme est de faire du Christ un être qui n’est ni un homme, ni Dieu, mais qui est quelque chose d’humain qui remplace Dieu. Il est cet éternel humano-divin, expression de la conscience ontologique, absolu indistinctement objectif est subjectif qui s’est manifesté et saisit tout homme (Tillich). Il n’a pas d’autre existence que celle de l’humanité. Il n’est pas un Verbe préexistant, il n’est pas un Dieu qui marche sur la terre. Mais d’autre part il s’identifie à Dieu, car il n’y a pas de réalité divine en dehors de lui.

Bien entendu, les insertions de sa vie dans le temps et l’espace n’ont aucun intérêt (Altizer). Ce qui compte, ce n’est pas l’événement du passé en Palestine, mais le Christ d’aujourd’hui, celui pour certains de la conscience individuelle, et surtout du monde d’aujourd’hui avide de promotion, de liberté et de fraternité.

Car ce Christ est toujours et même uniquement le promoteur d’une morale à la fois évolutive et d’amour. Il est celui qui est pour les autres (Bonhoeffer, Robinson). Cette morale refuse le fixisme des lois, car l’amour est créateur selon les situations. Elle met au premier rang de ses orientations, et parfois même s’en tient là, l’engagement temporel, social et politique au profit du monde (Hamilton).

INFLUENCE SUR LES CATHOLIQUES

On aimerait applaudir à certaines de ces affirmations. Il est tellement vrai que la théologie traditionnelle n’épuise pas le mystère du Christ et que toutes les philosophies en ce qu’elles ont de positif peuvent contribuer à l’explorer. La recherche théologique est toujours nécessaire et beaucoup de problèmes concernant le Christ et encore mal discernés recevront un jour leur solution. Le Christ n’est pas seulement un pur objet d’étude, c’est une personne qui se révèle en saisissant celui qui le considère au plus profond de lui-même en ce qu’il a d’aspiration à l’absolu, à l’éternel. Le Christ agit aujourd’hui en tout homme, dans l’Eglise et dans le monde. La charité est toujours le moteur et la plénitude de la loi ou de la morale. Elle s’étend jusqu’aux besoins sociaux et politiques de l’homme.

Mais pourquoi faut-il que, peut-être sous l’influence de ces théologiens, ou, plus simplement, sous l’effet d’une crise du christianisme minoritaire en un monde en mutation qui a trouvé en ces théologiens ses premiers analystes, trop de Chrétiens, voire de Catholiques, tranchent et rejettent tout ce qui n’est pas conforme à ces vues trop hâtivement systématisées et souvent agressivement négatives ? L’accent mis sur l’engagement temporel a rejeté dans l’ombre le dialogue avec un Christ dont la réalité éternelle, historique et sacramentelle n’est pas totalement absorbée par sa présence au monde. L’attention portée aux hommes susceptibles de rencontrer le Christ ne dispense pas de le connaître dans le déroulement de son histoire terrestre, dont les événements sont beaucoup plus assurés qu’on ne le dit. La créativité de la foi contemporaine ne peut faire fi de la recherche inspirée des siècles qui, à cause d’elle, ne nous séparent pas du Christ, mais nous unissent à lui. Le passé n’est pas tout, mais le présent et l’avenir ne sont rien sans lui. Certes notre Dieu n’est pas un Dieu lointain et sans attention pour vos vicissitudes humaines, mais il est Dieu éternel et transcendant, ce qui rend plus étonnant encore que son Fils se soit fait homme et ait mis ainsi la divinité à portée de notre main, de notre intelligence, de notre coeur. Le monde se transforme, mais nous savons aussi que le Christ se rencontre toujours dans l’Eglise qui est son corps.

Mais il se trouve aussi des chrétiens, étudiants en philosophie, lettres et histoire, très ouverts certes à la pensée d’aujourd’hui, qui réagissent assez originalement quand il s’agit de ses affirmations sur le Christ. En cette revue " Résurrection " dont ils ont la responsabilité, voici qu’ils donnent l’écho de leurs réactions positives et négatives, de leurs recherches exégétiques, patristiques et spirituelles, de leurs expériences personnelles aussi. Leur travail, sans prétendre à un enseignement qualifié de théologie, peut intéresser et aider ceux qui veulent consacrer un peu de leur temps et de leur réflexion au mystère de l’Homme-Dieu.

LE SEIGNEUR JESUS LUI-MEME

Pour éclairer cette quête, voici deux perspectives de plus.

L’histoire et la divinité du Christ posent des problèmes. Faut-il les supprimer ? Ce que l’on a déjà découvert est insuffisant. Faut-il le brader ? Le Christ a perdu quelque chose de sa séduction sur beaucoup de nos contemporains. Convient-il de lui en redonner une qui ne correspondrait ni à leurs besoins profonds, ni à sa réalité ? C’est ce que font ceux qui suppriment le Christ et le remplacent par ses effets dans les consciences et dans le monde. La tentation certes est grande. Elle correspond au cheminement de celui qui cherche. Il ne peut reconnaître Jésus comme son sauveur que dans la mesure où il a expérimenté à quel point il convient à ses aspirations et agit profondément sur l’histoire. Mais s’il est légitime de faciliter cette rencontre, il ne faut pas subtiliser le Christ lui-même, qui a une réalité propre, à laquelle la connaissance de ses effets ne faisait qu’introduire.

Or c’est cet réalité propre qui est essentielle. Car tout le monde d’accord là-dessus, le christianisme, c’est l’amour… l’amour entre les hommes certes, mais il n’a pas le monopole de cet amour. Sa véritable originalité est de le promouvoir comme la conséquence de celui que le Christ leur porte et de celui que les chrétiens portent au Christ. Or cet amour du Christ est relation de personnes. Il réclame l’altérité objective de l’être aimé, en d’autres termes que l’autre existe indépendamment de celui qui l’aime, avec tout ce que cela comporte de connaissance, d’effort d’adaptation, de disponibilité et même de transformation personnelle. En contrepartie de cette altérité, l’amour réclame une certaine connaturalité, la possibilité d’entrer en contact, de comprendre quelque chose de l’être aimé. Comment peut-on imaginer un ensemble de relations de ce type avec un Jésus mal dégagé de soi-même ou identifié à un mouvement en avant du monde, avec un Jésus sans paroles et sans gestes concrets et circonscrits dans le temps et l’espace, avec un Jésus dont on n’attendrait plus le retour, et qu’on ne saurait pas où trouver ? Des problèmes, il y en aura toujours en amour, il faudra chercher le Christ sans se lasser, à travers l’Ecriture, les réflexions des saints et des penseurs chrétiens, l’enseignement de l’Eglise, l’expérience d’une prière issue de ces données objectives, l’apercevoir au loin, peiner de l’intelligence de la volonté pour s’approcher de lui, percevoir ses initiatives et ses avances, se laisser saisir par lui enfin, et dans cette saisie comprendre non pas tout, mais tout ce qui peut être compris, et à partir de cette connaissance, avancer encore en son mystère.

Et cet réalité déjà si difficile à percevoir en l’être aimé quand il est une simple créature le sera davantage quand il s’agit du Christ, dont toute l’humanité dans sa perfection laisse deviner quelque chose de sa divinité. Mais en revanche, le coeur humain, qui a des exigences infinies de par sa nature, créée en vue de cette vocation à la divinité, sera comblé par cet homme qui est Dieu. Il n’y a pas d’autre seigneurie que celle de l’amour qui, à partir de la double source de la divinité de l’humanité dans l’unique personne du Christ, suscite toujours l’amour des hommes et par cet amour agit sur le monde par la totalité de son étendue comme de son histoire.

Maxime CHARLES

SOMMAIRE

Mgr Maxime CHARLES

La mort de l’Homme-Dieu

Pages 3 à 9

Jean DUCHESNE

Introduction au mystère du Christ

Pages 10 à 28

Michel COSTANTINI

Celse et Cioran contre l’Incarnation

Pages 29 à 37

Rémi BRAGUE

Les Evangiles de l’enfance : mythe ou histoire ?

Pages 38 à 45

Michel GITTON

"Cet homme était vraiment le Fils de Dieu"

Pages 46 à 67

Jean-Luc MARION

Penser juste ou trahir le mystère

Pages 68 à 93

Jean CONGOURDEAU

Sauveur des hommes, ou sauveur du monde ?

Pages 94 à 101

Jacques BENOIST

Bérulle

Pages 102 à 125

Cours théologique de Montmartre : Jésus-Christ aujourd’hui

Pages 126 à 128

RESURRECTION 31 (4ème trimestre 1969) : LA PRIERE

116 pages

ENVOI

On parle beaucoup aujourd’hui de renouveau dans l’Eglise. Mais bien des gens, de quelque bord qu’ils soient, paraissent y oublier qu’il n’y a jamais eu dans l’Eglise de renouveau digne de ce nom qui ne soit d’abord un renouveau spirituel, C’est ce que le Pape Paul VI, récemment, rappelait avec force, et il n’est peut être pas d’enseignement, de prédication, qui soit plus nécessaire aujourd’hui.

Chose curieuse, les ecclésiastiques auxquels on dit cela, la plupart du temps, s’efforcent de vous faire taire, comme si on proférait une incongruité particulièrement mal venue. Dans les milieux cléricaux en général, et dans beaucoup de ces milieux de " militants " laïcs, supposés " adultes ", mais qui se bornent si souvent à refléter l’image d’eux mêmes que les clercs leur ont imposée, on vous rétorque : " si l’Eglise veut survivre, il lui faut ne parler à l’homme d’aujourd’hui que de ce qui l’intéresse : qu’est ce que la prière, la vie intérieure, l’ascèse ou la mystique peuvent bien lui faire ? Ce sont là des expressions qui n’ont même plus de sens pour lui... " Autrement dit pour " évangéliser " le monde actuel, il faudrait renoncer à lui parler de la vie avec Dieu, de la vie de Dieu en nous... Cette persuasion des clercs actuels est étrange. Certes, le monde actuel est, ou semble, particulièrement vide de Dieu, de vie en Dieu. Mais, loin que " l’homme d’aujourd’hui " attende donc de l’Eglise et de ses représentants qu’ils ne lui parlent plus de ces choses-là, il semble que c’est tout le contraire qui est vrai. Les enquêtes sociologiques, non préfabriquées, sur ce que le tout venant pense de l’Eglise et des prêtres, quand, bien entendu, ce ne sont pas les prêtres dont nous parlons et leurs suiveurs qui les produisent , révèlent régulièrement : 1°) que la majorité de nos concitoyens continuent à croire en Dieu, et même à considérer le Christ comme celui qui, par excellence, nous le révèle, mais 2°) n’ont plus qu’une confiance limitée dans l’Eglise, et surtout dans ses prêtres et autres " militants " plus ou moins officiels, parce qu’ils constatent que ceux-ci sont prêts à s’occuper de tout ce qui ne les regarde pas, à quoi ils ne connaissent rien ou pas grand-chose, mais restent bouche cousue sur Dieu ou le Christ.

Le résultat est frappant : qu’un laïc non-conformiste écrive un livre qui s’intitule Dieu existe, et c’est aussitôt un best-seller. Mais les augures, loin de se réjouir d’un tel succès, se lamentent sur son " inactualité " : pensez donc ! un livre catholique, ça ! - alors qu’il n’y est pas question du mariage des curés et des bonnes sœurs, ni même de la pilule ! Mais alors, qu’est-ce que c’est que cette " actualité " dont les hommes actuels vomissent la définition cléricale ? Qu’est-ce que cet " homme d’aujourd’hui " dont la description a été si bien fignolée dans les sacristies rénovées qu’il est impossible de le trouver en dehors d’elles ?

Si les gens d’Eglise de notre temps persistent à refuser à l’homme d’aujourd’hui, - tel qu’il et non tel que (d’après eux seuls !) il devrait être, Dieu, la vie avec Dieu, la vie de Dieu en nous, la conséquence sera inéluctable : l’homme, pas plus d’aujourd’hui que d’aucun autre temps, ne pouvant trouver Dieu plus longtemps dans l’Eglise, ira le chercher ailleurs. C’est assez typique que les Beatles, quand ils éprouvent le besoin le plus profond de tout homme : prier, faire silence en soi-même devant Dieu pour tâcher de changer et d’améliorer sa vie ne pensent pas un seul instant recourir à un prêtre ou à un chrétien à la page, mais se laissent attirer par le premier mage venu d’un Orient plus ou moins sérieux...

Une Eglise où l’on ne prie plus, hélas, et particulièrement un clergé qui rejette comme une " besogne cultuelle " sa responsabilité spéciale à l’égard de la prière, publique et individuelle, ne peuvent évidemment rendre à l’homme moderne cette dimension de l’humanité que les circonstances ont comme raplatie chez lui, sans que le besoin en devienne moins vif pour cela, tout au contraire ! Faute de prêtres, trop avides de paraître " comme tout le monde " pour s’occuper encore de la tâche première qui devrait être la leur, il se trouvera, Dieu merci, des laïcs pour s’en occuper à leur défaut. Puissent leurs efforts contribuer à rendre aux " rois fainéants " le sens de leurs responsabilités. Si cet espoir était trahi, il ne resterait plus qu’à souhaiter de voir une fois de plus des " maires du palais " assurer la relève d’une caste décidément dégénérée et déchue.

Louis BOUYER, de l’Oratoire.

SOMMAIRE

Louis BOUYER

Envoi

Pages 3 à 5

Bertrand GAMELIN

La peur de prier

Pages 6 à 13

Jean DUCHESNE

La Bible : Dieu nous apprend à lui parler

Pages 14 à 29

Rémi BRAGUE

La prière du Christ

Pages 30 à 44

Paul BRAEM

Le "Notre Père"

Pages 45 à 59

R. B. NEGRE

"Mettez-vous à genoux…"

Pages 60 à 66

Michel COSTANTINI

Prières païenne et chrétienne

Pages 67 à 79

Jean TRISTAN

Les voies de l’Orient et de l’Occident

Pages 80 à 83

Jean-Luc MARION

La splendeur de la contemplation eucharistique

Pages 84 à 88

Marie-Hélène CARON

Témoignage

Pages 89 à 93

Guy GAUCHER

La prière d’une vie : Thérèse Martin

Pages 94 à 103

Jean-Marie VERMANDER

Un retour au paganisme

Pages 104 à 108

Rudolf STAUB, Jean-Robert ARMOGATHE, Jean DUCHESNE, Michel GITTON

Recensions

Pages 109 à 114

RESURRECTION 32 (1er trimestre 1970) : IL EST VRAIMENT RESSUSCITE

120 pages

Il est vraiment Ressuscité

Ecrire ces lignes d’introduction me revient à trois titres.

De tous les collaborateurs de cette revue, je suis le plus en situation de connaître (grâce aux confidences directes et à la lecture de bulletins et magazines plus ou moins religieux) les problèmes que la Résurrection pose à beaucoup de chrétiens troublés et d’incroyants en recherche.

J’ai la chance aussi de suivre les réactions des auteurs, de jeunes intellectuels fort au fait de la pensée actuelle et non dépourvus d’une véritable expérience spirituelle.

J’ai l’espoir enfin de transmettre aux questions des premiers les réponses des seconds grâce à une intelligence moyenne qui me permet de me faire comprendre du plus grand nombre et qui m’assure aussi contre tout vertige de pensée et contre tout esprit de système susceptibles d’entraîner hors de la fidélité à la Révélation.

QUESTIONS

Depuis quelque temps ont été largement diffusées un certain nombre de contrefaçons de la Résurrection, auxquelles leur pauvreté et leur superficialité n’enlèvent pas toute nocivité. Pour les uns, la Résurrection, c’est le printemps. Eh oui ! Oh, je sais bien que la fête de Pâques, commémoraison hébraïque de la sortie d’Egypte et commémoraison chrétienne de la réapparition du Christ a assumé une fête naturiste de la végétation revenue et qu’il n’est pas défendu de savourer et de souligner la convenance de la nature en fête avec l’événement commémoré. Mais tout de même, après vingt siècles de christianisme, ne plus voir dans la Résurrection que l’amandier en fleurs, c’est peu !

Ce n’est pas beaucoup non plus d’y voir seulement le beau symbole du triomphe de l’idée chrétienne de fraternité sur les forces d’injustice et encore moins le mythe du progrès inéluctable de l’humanité en route vers un mieux être. Comment ose t on confondre la foi avec cette confiance optimiste en la réussite terrestre ?

Il ne reste plus alors qu’à substituer à la certitude que Jésus Christ est vivant aujourd’hui d’une vie propre, la proclamation de sa survie dans la pensée de ceux qui s’inspirent de lui, quelque chose dans le genre de la survie de Marx dans les marxistes.

Ces supercheries ne sauraient retenir longtemps l’attention. Mais elles sont si répandues aujourd’hui qu’elles mettent en péril la possibilité de relations personnelles avec un Christ existant et celle d’un avenir réel en dehors de la vie terrestre, éléments essentiels de la foi chrétienne.

Les rapports de la Résurrection et de la foi tels qu’ils sont souvent exprimés demandent un examen plus sérieux. La critique de l’exégète allemand Bultmann, si dépassée qu’elle soit aujourd’hui pour les compétents, a porté. Elle commence même à se répandre dans l’opinion catholique la moins avertie. On ne peut pas rejoindre le fait de la Résurrection, mais seulement la foi des premiers chrétiens. On explique alors celle ci de bien des façons. Une théorie en chasse une autre depuis plus de trente ans, sans que ce travail de Sisyphe décourage le moins du monde les amateurs. Le résultat est qu’il n’est pas question pour certains d’appuyer la foi sur l’événement, mais au contraire de rendre compte de l’événement par la foi. On croit à la Résurrection sans donner à celle ci une réalité concrète et on se contente de trouver dans les récits de Pâques de quoi illustrer cette foi.

Mais c’est l’état du Christ ressuscité, avant ou depuis l’Ascension, qui fait l’objet des plus sévères critiques. Sous les mots ironiques de résurrection biologique ou de réanimation de cadavre, on refuse toute attention à la condition réelle de Jésus lui même. Certes le mouvement humano-divin lancé par l’événement de Pâques déborde la simple curiosité concernant son auteur ; certes la nature du corps glorieux reste mystérieuse ; mais toute spéculation sur le mystère pascal ne doit elle pas, pour rester fidèle au Nouveau Testament, commencer par affirmer l’existence actuelle de celui qui était mort et qui de nouveau est vivant ?

REPONSES

La présente livraison comporte, comme chaque fois, l’article d’un maître, aujourd’hui le P. André Feuillet. Elle comporte aussi le compte-rendu d’un dialogue avec un non catholique, M. Olivier Clément, le penseur orthodoxe bien connu ; mais elle est surtout l’oeuvre d’étudiants en fin d’études de lettres, de philosophie, d’histoire et de droit, qui s’adonnent en même temps à la recherche théologique. Ils ne prétendent pas résoudre définitivement toutes les questions ; mais leur propos est documenté et mené rigoureusement. Il est un témoignage de pensée et aussi de spiritualité. Parfois sans doute, leur érudition est un peu trop voyante. On aurait tort de s’arrêter à tant de grec, de latin, d’allemand et de références. Ce sont là habitudes d’un milieu et peut être procédés nécessaires pour y être pris au sérieux. Passer par dessus, consentir un effort donnera la joie d’une foi fondée et approfondie, affrontée audacieusement à la pensée d’aujourd’hui.

Les trois premiers articles s’efforcent de cerner le problème de l’origine de la foi en la Résurrection. Antoine Cavigneaux décrit le contexte idéologique dans lequel la mort et la résurrection du Christ ont été annoncées. Il est important de le connaître pour comprendre les allusions scripturaires, situer les mots dans la mentalité de l’époque, apercevoir aussi l’originalité de la singulière nouvelle.

Le Père André Feuillet, spécialiste du Nouveau Testament, sonde et approfondit le sens des textes concernant la Résurrection, sans s’interdire d’ailleurs d’en évoquer les implications philosophiques et spirituelles. Il est impossible d’aller plus avant dans cette étude sans le lire.

Michel Gitton soupèse la valeur des récits pascals. Il le fait à la manière de la critique historique profane. On ne peut se demander plus honnêtement si l’on sait vraiment ce qui s’est passé.

Jean Luc Marion prend à bras le corps les relations mutuelles de la Résurrection comme fait, du Ressuscité comme personne agissante et du croyant. Il ne sacrifie ni l’objectivité, ni l’interaction du mystère et de la conscience chrétienne. Au fond c’est une théologie spéculative, érudite, difficile, mais indispensable, de la foi. Ce serait dommage de ne pas en venir à bout, au besoin en négligeant les références et les allusions trop savantes, tant elle est au centre de la réflexion de ce numéro.

Le fait assuré, l’événement reconnu, quatre articles en montrent les conséquences. Celui de Jacques Benoist esquisse une étude des modes d’existence du Christ Ressuscité selon les étapes de sa gloire, non sans en souligner les conséquences pour ses disciples et en faciliter l’approche spirituelle.

M. Olivier Clément considère la transformation des structures humaines par la Résurrection à un niveau où le catholicisme ne s’aventure pas. A travers ses propos, on aperçoit une pensée très personnelle, mais aussi l’écho de la réflexion et de la prière orthodoxe.

Denis Castaing montrera la présence et l’action du Ressuscité en la société ecclésiale, tandis que Patrice Soler en signale l’existence jusque dans les sociétés temporelles lorsqu’elles sont animées par des Chrétiens.

PISTES ET COMPLEMENTS

En face de tant de richesses, le lecteur considérera peut être avec bienveillance quelques affirmations simples qui rendront son exploration plus facile.

Oui ou non, le Christ est il ressuscité au sens le plus obvie que tout le monde comprend et qui est, à n’en pas douter, celui que les apôtres et les évangélistes ont mis en ces mots ?

Si c’est non, la résurrection aujourd’hui n’est plus qu’un symbole porteur de valeurs, une histoire comme on en raconte sans y croire, destinée à traduire une certaine conception de la vie, ce qu’on appelait autrefois une gnose. On ne voit pas très bien son intérêt en ce siècle de raisonnements rigoureux et de certitudes scientifiques. D’autres mythes qui misent sur le progrès de l’homme sont autrement efficaces ! A moins que cette référence chrétienne n’ait pas d’autre but que de " piper " les chrétiens et de les faire glisser à la faveur d’évocations inchangées dans une philosophie de la vie entièrement nouvelle.

Si c’est oui, il ne faut pas tricher avec l’événement, car c’est par rapport à lui que le Chrétien doit se situer. Y toucher, même par mode d’hypothèse, c’est attaquer la révélation de plein fouet. Si le Christ n’est pas ressuscité, ma foi est vaine (cf. saint Paul 1 Corinthiens 15, 14).

On n’a pas le droit d’introduire, avec des mines pieuses, la foi là où il s’agit de la fonder raisonnablement. Sans doute, dès le premier instant où quelqu’un se pose le problème de la Résurrection, la grâce de Dieu l’assiste pour que son intelligence fonctionne correctement et à plein régime. Les développements ultérieurs dépendent beaucoup de l’accueil fait à cette influence par celui qui cherche. Mais la foi, qui est adhésion à une réalité, n’existe pas encore et ne doit donc pas être invoquée. Elle n’est jamais d’ailleurs un coup de pouce irrationnel qui suppléerait à la démarche intellectuelle.

Il vaut mieux distinguer les étapes, au moins logiques, de celui qui s’interroge devant la Résurrection.

1. Le fait lui même doit être approché comme tout autre événement de l’histoire. Les disciples affirment avoir vu, entendu, touché le Christ de nouveau vivant après sa mort. Leur témoignage (et en histoire il n’y a pas d’autre source de certitudes que les témoignages) doit être discuté selon les méthodes ordinaires de la critique historique. Si de cet examen la Résurrection sort victorieuse, on n’aura plus le droit de la mettre en doute à ce niveau.

2. L’événement rapporté étant extraordinaire bouscule l’ensemble des habitudes mentales. Le problème alors devient celui de la possibilité de choses de ce genre. Si l’on s’inspire d’une philosophie close qui n’admet que les faits explicables par la science, qui rejette Dieu et qui lui interdit toute intervention dans l’histoire des hommes, on concluera, malgré la critique historique favorable, que la résurrection n’a pas pu avoir lieu. On s’efforcera coûte que coûte de trouver une explication à la naissance d’une telle croyance, même si on n’y parvient pas de façon satisfaisante. Au contraire, si on a l’esprit ouvert, on ne rejettera pas a priori l’hypothèse d’un événement unique qui serait, avec l’Incarnation, le point d’impact de l’action personnelle de Dieu dans la condition humaine.

3. Il est évident que cette ouverture de l’esprit, parfaitement raisonnable pourtant, ne s’opère que sous l’effet d’une relation avec ce Dieu intervenant, et dans le cas précis, d’un accueil favorable à la Résurrection en laquelle on devine la réponse à certaines aspirations. Cette attitude est bien déjà de l’ordre de la foi, tandis que celle ci n’intervient pas, au moins d’une façon consciente et raisonnée, aux deux précédents niveaux.

Le statut du Christ glorieux demeure un mystère. La Révélation en a dit juste ce qui était nécessaire pour donner un sens à la Résurrection, non pour satisfaire la curiosité. Il faut néanmoins affirmer, et c’est ce qu’on oublie souvent, que la Résurrection n’est pas une désincarnation du Fils de Dieu. Le Christ s’est engagé définitivement dans la condition humaine. Il est donc aujourd’hui tout ce qu’il était sur la terre : il mange, il boit, on peut le voir, le toucher. Mais il a entraîné son humanité dans un monde que nous ignorons et dont les manières d’être, qui ne sont pas moins concrètes que les nôtres, vont au delà des nôtres. De toute façon, elles sont plus pénétrées de la présence divine, et c’est sans doute le sens du mot corps spirituel, pas moins corps, mais plus divinisé. Ceci explique que le contact avec le Christ ressuscité demande aux témoins non seulement l’usage de leurs sens, mais parfois aussi certaines dispositions religieuses.

Le contenu de ce que les Chrétiens appellent la vie future est tout entier dans la réalité ressuscitée du Christ. Il ne s’agit pas tellement de réflexions sur l’immortalité de l’âme que de la certitude que l’homme tout entier, malgré la dissolution du tombeau et par un processus mystérieux de communication de la résurrection de Jésus, vivra de nouveau en gardant son identité avec ce qu’il fût sur la terre, mais dans des conditions de vie qui appartiennent à cet autre monde que Dieu a voulu dans son pouvoir créateur sans limite et dont on ne peut avoir ici bas d’autre aperçu que ceux acquis par la réflexion sur les apparitions du Christ ressuscité.

La Résurrection n’est certes pas seulement un événement de l’histoire, elle est une force en action aujourd’hui. Il ne faut pas pour autant, afin d’éluder les difficultés, escamoter I’origine de cette force : l’événement de Pâques et le Christ vivant aujourd’hui. L’opération Rédemption a consisté à rétablir les relations entre les hommes et Dieu.

Le lieu de la rencontre, c’est le Fils de Dieu incarné et devenu définitivement homme. La transformation du Chrétien n’est pas celle de sa structure psychique ou somatique, mais celle de sa vie morale et spirituelle. Elle dépend de l’existence actuelle d’un pôle d’amour : le Christ. On n’aime que quelqu’un et quelqu’un de vivant. L’Eucharistie, ce merveilleux moyen de contact avec Dieu, tire toute sa possibilité de ce fait quelle est la présence d’un Ressuscité réel et en même temps doué d’un mode d’être en partie différent de celui de ce monde.

Le mot Résurrection ne suggère pas seulement la vie, mais une vie issue de la mort. Et là, il y aurait beaucoup à dire. La présente livraison ne soulève pas la question. Contentons nous seulement de quelques pistes de recherches.

Pourquoi le dessein de Dieu est il traversé après la création de toutes ces crises et reprises : le péché, l’Incarnation, la mort, la Résurrection, le retour du Christ ?

Est il légitime d’imaginer une révolution de l’humanité progressive et sans à coups, à partir d’une création qui trouverait sa plénitude dans l’Incarnation et non dans une Résurrection après mort ?

La vie de ressuscité offerte au Chrétien, dont la réalité est positive de toute manière, doit elle forcément passer par le consentement à la souffrance et à la mort ?

Est il pédagogique et juste de proposer les aspects négatifs inéluctables du salut sans souligner en même temps la réussite actuelle de la résurrection ?

En quoi le chrétien est il déjà ressuscité ? En quoi doit il encore mourir pour ressusciter davantage ?

Mort et Ressuscité ! Est ce du verbalisme facile d’évoquer au noeud de la dialectique l’amour entre Dieu et l’homme ?

ANECDOTES

Il n’y a pas très longtemps, dans une réunion de ces chrétiens qui remettent tout en question comme à plaisir, plusieurs s’étaient mis d’accord pour reconnaître : " Au fond on ne sait pas très bien ce que c’est que la foi. Qui croit ? Qui ne croit pas ? Impossible de le savoir. " Quelqu’un se leva et dit : " Croyez vous que Jésus Christ est ressuscité, oui ou non ? D’après votre réponse, vous saurez si vous avez la foi ! "

On raconte, de façon plus rassurante, qu’en un village d’U.R.S.S., au soir d’une journée de travail, les paysans avaient été réunis pour une séance d’endoctrinement athée. Le conférencier avait été brillant, mais la fatigue ou la crainte avait empêché l’auditoire de manifester d’aucune façon son sentiment. L’animateur le provoqua, le mit en demeure de dire quelque chose, n’importe quoi. Un vieil homme enfin se leva et, soit simplicité, habitude acquise aux vigiles d’autrefois, ou pourquoi pas ? désir de dire son âme, il s’écria, selon la formule de la Pâque russe : " le Christ est ressuscité ! " L’assistance tout entière, aidée sans doute par ses anciens réflexes liturgiques, se leva alors et répondit

" Il est vraiment ressuscité "

J’espère que ce sera aussi la conclusion du lecteur de cette revue.

Mgr CHARLES

SOMMAIRE

Mgr CHARLES

"Il est vraiment ressuscité"

Pages 3 à 11

Antoine CAVIGNEAUX

Mort et Résurrection avant Jésus-Christ

Pages 12 à 24

André FEUILLET p. s. s.

Perspectives sur la Résurrection de Jésus

Pages 25 à 38

Michel GITTON

La Résurrection devant la critique historique

Pages 39 à 53

Jean-Luc MARION

Ce mystère qui juge celui qui le juge

Pages 54 à 78

Jaques BENOIST

Les étapes de la Gloire

Pages 79 à 89

Denis CASTAING

Une Eglise pascale

Pages 90 à 96

Patrice SOLER

Impact politique de la Résurrection

Pages 97 à 111

Olivier CLEMENT (dialogue avec Marie-Hélène CARON)

Pensées d’un orthodoxe sur le Christ glorieux

Pages 112 à 116

Note du secrétaire de rédaction

Page 117

RESURRECTION 33 (3ème trimestre 1970) : TOI SEUL EST SAINT

112 pages

Toi seul es saint

TOUS SAINTS !

La sainteté est pour beaucoup un fait étrange, qui ne les concerne guère, sinon sous l’aspect d’un recours possible vers les saints intercesseurs. Ce qu’on dit de ceux ci, de leurs performances, de pénitence, de leur familiarité avec Dieu, de leurs miracles, les situe dans un monde à part, celui du vitrail et des cierges. Comme disent les chrétiens pour s’excuser d’une vie médiocre : " Nous ne sommes pas des saints ".

Or c’est tout le contraire que proclame saint Paul dans l’Épître aux Éphésiens :

Dieu ne nous a t il pas choisis en Notre Seigneur Jésus Christ, dès avant la fondation du monde, pour que la charité nous rendît saints et irréprochables à ses yeux ? (1, 4).

Saint Pierre dit aussi dans sa 1ère Épître :

De même que celui qui vous a appelés est saint, montrez vous saints vous aussi dans toute votre conduite, car il est écrit : " Soyez saints parce que je suis saint " (1, 15).

L’écho de ces paroles retentit en plein XXe siècle grâce à Vatican II :

Tous ceux qui croient au Christ, quel que soient leur condition et leur état de vie, sont appelés par Dieu, chacun selon sa route, à une sainteté dont la perfection est celle même du Père (Lumen Gentium, 11).

La difficulté est que l’on confond la sainteté avec un degré exceptionnel de vertu ou une accumulation de vertus qui ont un aspect décourageant. Les procès de canonisation y sont pour quelque chose avec leur enquête sur l’héroïcité des vertus. Les saints que l’Eglise veut donner en exemple doivent être des signes visibles, parlants, étonnants de la sainteté véritable qui demeure toujours plus ou moins cachée. Ce rôle social de la sainteté officielle ne doit pas donner le change. Certes tous les chrétiens ne sont pas appelés à jouer dans l’histoire le rôle des saints canonisés, mais tous ont vocation à la sainteté, qui est le but poursuivi par Dieu dans sa restauration de l’homme.

Avant même d’analyser les intentions divines, les chrétiens devant la sainteté qu’on leur propose s’arrêtent, séduits et inquiets. Séduits parce qu’ils désirent plus ou moins obscurément la beauté morale et l’amitié divine. Qui n’a pas un jour ou l’autre rêvé de ressembler à son saint favori ? Inquiets aussi parce que l’effort demandé parait disproportionné avec les forces humaines en général et avec la connaissance que chacun a de sa propre misère. La plupart ne retiennent que l’élément moral de la sainteté, c’est pourquoi ils renoncent rapidement à toute ambition de ce genre, frustrant ainsi Dieu en son dessein sur eux.

LA MORALE CONTESTÉE

Comment nier les liens entre la sainteté et la moralité ? Certains l’ont tenté sur le plan des idées. Les Quiétistes ont affirmé l’indépendance de l’union à Dieu par rapport aux réalisations morales. Les inventeurs de morale laïque ont essayé de la fonder de diverses façons, mais toujours en dehors des références religieuses. A partir de l’expérience et sans haute spéculation, une certaine sagesse humaine s’est efforcée d’équilibrer la vie, sinon de lui donner un sens. Aristote et tous ceux qui l’ont suivi, spécialement les philosophes de la nature humaine et du droit naturel, ont construit un système moral sur la finalité : est bien ce qui correspond au but perçu dans la nature des choses. Le Judaïsme n’a pas rejeté la sagesse, mais l’a assimilée. Les théologiens catholiques en ont fait autant avec la finalité, dans laquelle ils se sont plus à reconnaître le plan de Dieu. Grâce à elle, ils ont donné de nouvelles extensions à la morale chrétienne lorsque se posaient des problèmes qui n’avaient pas été résolus par la Révélation. Cela ne va pas aujourd’hui sans faire de difficulté, car sous l’effet d’une certaine conception de l’histoire, l’existence même d’une sagesse permanente et celle d’une nature humaine immuable sont remises en question. Plusieurs philosophes modernes s’attaquent de même façon à l’idée de finalité.

Pourtant toute morale qui s’exprime de façon rationnelle a Dieu pour fondement. Il est le Bien plénier. En lui l’Être et le Bien se confondent. En dehors de lui, il a fait la création et a déclaré qu’elle était bonne. Au sommet il a placé l’homme, auquel il a donné quelque chose de sa liberté. Au delà de toute action déterminante, il communique à son intelligence ses intentions, sages par définition. Celles ci retentissent dans la conscience. C’est en ce sens que Dieu est l’auteur de la loi morale, le seul qui lui donne sa permanence et son caractère intransigeant d’une certaine façon inébranlable. Ainsi argumentent à peu près toutes les morales spiritualistes. Plusieurs religions et spécialement le judéo christianisme y ont ajouté une promulgation de la sagesse divine par intermédiaires : Moïse, prophètes, sages inspirés, et surtout Jésus Christ. Celle ci était nécessaire en raison des fautes qui avaient obscurci la conscience de l’homme.

Aujourd’hui cette manière de voir se heurte à la répugnance que beaucoup ont à l’égard de toute autorité, fût elle divine. Ils n’admettent pas que leur comportement puisse dépendre d’un être extrinsèque à eux mêmes, même si celui ci peut assurer leur propre bien, mieux qu’ils ne peuvent le faire eux mêmes. Certains, sans tellement discuter, s’en remettent à l’élan spontané de la vie en eux, même si cette vie est anarchique. C’est ce qui explique la révolte antimoraliste actuelle et l’attrait diminué pour la sainteté parmi les chrétiens.

LA SAINTETÉ CHRÉTIENNE

Cette révolte ne devrait pas atteindre la sainteté chrétienne, car si celle ci comporte des exigences et réclame des résultats moraux, elle est bien autre chose. Les chrétiens croient que Dieu a créé les hommes en vue d’un contact avec Lui. Il ne s’est pas proposé d’autre but, en donnant l’existence à des êtres qui ne sont pas lui, que de leur permettre de participer à sa vie interne qui est amour. Le saint, c’est celui que Dieu rend capable d’aimer et qui de fait aime. Toutes les attitudes morales qui lui sont demandées procèdent de cet amour. De plus, les vicissitudes introduites par le péché dans la réalisation du propos divin ont provoqué un processus de restauration, qu’on appelle le dessein de salut. Dieu reprend contact avec l’homme par l’Incarnation, la Rédemption, la Résurrection, la Parousie (c’est à dire l’achèvement de l’homme au retour du Christ). Ce dessein manifeste, de façon plus éclatante encore que la création, l’amour interne de Dieu et son amour des hommes. Il réclame de l’homme et suscite en lui des attitudes que l’on peut dire morales si on veut, mais qui sont des réponses d’amour et dont les exigences concrètes sont rendues possibles par une introduction sacramentelle dans la sainteté de Dieu lui-même.

Dans ces conditions, on aperçoit la nécessité pour le Chrétien de bien concevoir la sainteté comme un ensemble de relations avec Dieu. Or il n’y a pas de relations si on ne réalise pas d’abord que le partenaire a une existence indépendante de soi-même. Certes on ne sait pas tout de l’autre, surtout quand il est Dieu. Mais c’est ce qu’on sait de sa transcendance qui rend bouleversante l’invitation qu’il fait d’entrer dans sa vie. Seule la reconnaissance de sa réalité objective permet des relations personnelles. C’est pour la rendre possible que Dieu s’est rendu concrètement perceptible en Jésus-Christ, a envoyé son Esprit travailler l’homme au plus profond de lui-même, n’a pas répugné à passer par la matérialité des sacrements.

LA SAINTETÉ DE DIEU

Préalablement à tout effort vers la sainteté, le Chrétien doit donc contempler celle de Dieu et, s’il veut devenir saint, s’écrier : Toi seul es saint.

C’est pour aider cette contemplation que :

Corinne Nicolas Marion dit l’histoire de la révélation de la sainteté divine dans l’Ancien Testament : le Saint d’Israël,

Jacques Benoist en décrit l’approche et la réalisation, sources de toutes les autres : Jésus, Saint de Dieu,

Rémi Brague en sonde le mouvement trinitaire : le Dieu trois fois saint,

Bertrand Gamelin, au contraire, scrute la communication que Dieu fait de lui même et prélude ainsi à l’étude de la sainteté des chrétiens : l’homme devient Dieu.

On lira aussi avec intérêt une note sur le problème du mal qui aujourd’hui fait objection à la sainteté de Dieu.

Jérémie disait :

Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire (20, 7).

Ces pages voudraient, malgré leurs maladresses et parfois leur obscurité, laisser passer cette action séductrice de Dieu. Que sa sainteté paraisse belle et attirante et que le lecteur la désire ! Car en vérité il ne s’agit pas ici tellement d’obligation que d’amour et de joie.

Maxime Charles

SOMMAIRE

Maxime CHARLES

Toi seul est saint

Pages 3 à 7

Corinne NICOLAS - MARION

Le Saint d’Israël

Pages 8 à 38

Jacques BENOIST

Jésus, Saint de Dieu

Pages 39 à 57

Rémi BRAGUE

Le Dieu trois fois saint

Pages 58 à 71

Bertrand GAMELIN

L’homme devient Dieu

Pages 72 à 83

Jean-Luc MARION, Jean DUCHESNE, Michel GITTON, G. K.

Courrier théologique (réponses aux questions du Centre Saint-Jean, des équipes Rencontre, des Missionnaires de Montmartre)

Pages 84 à 104

Jean DUCHESNE, Jean-Marie VERMANDER

Chronique bibliographique

Pages 105 à 111

RESURRECTION 34 (4ème trimestre 1970) : NOUS SOMMES TOUS DES SAINTS

96 pages

Un trésor bien caché

Le P. Paul TOINET s’est fait connaître surtout par ses travaux d’anthropologie philosophique ; mais ceux qui ont fréquenté la Part Dieu savent quel précieux conseiller spirituel ils ont aussi trouvé en lui. Il se consacre actuellement à réunir les conditions qui permettront à la pensée théologique la plus vivante et en même temps la plus enracinée dans la tradition de s’exprimer ; une " revue internationale des théologiens " doit venir prochainement couronner ces efforts.

Le Royaume des Cieux est semblable à, un trésor caché dans un champ. L’homme qui l’a trouvé le recache, puis, clans sa joie, s’en va vendre tout ce qu’il a et achète ce champ (Matthieu 13, 44).

Si la sainteté celle qui est Dieu, celle qui vient de Dieu à l’homme n’était qu’un " thème " théologique, ce thème serait, comme tant d’autres, facile à développer. Une recension des choses les plus sérieuses déjà dites sur ce sujet, puis une bonne technique d’exposé y suffiraient. Mais la sainteté est, en elle même, d’un autre ordre que celui du discours : elle est d’abord réalité vécue, et vécue dans le secret, dans le secret du mystère divin. Non pas que notre monde n’ait un urgent besoin d’être saisi, bousculé, par la présence agissante de saints très actuels. Il aurait besoin d’une sainteté immense et multiforme, à la mesure de sa grandeur, de ses besoins, de sa détresse. Seulement il est de règle que la sainteté n’apparaisse aux yeux du grand nombre qu’après leur avoir longuement échappé, cachée qu’elle était dans l’obscurité de la Croix. Il faut d’abord que le grain de blé tombé en terre meure de la mort du Crucifié (Jean 12, 24). Ensuite seulement il porte du fruit pour la vie des âmes, en vertu du mystère de la résurrection glorieuse. On ne se scandalisera donc pas de ce qu’une époque comme la nôtre, si avide de spectaculaire et si équipée pour en produire, juge de la valeur des hommes selon des critères fort étrangers à ceux du Royaume. Elle préfère la vedette au saint, et il lui arrive d’imaginer celui ci sous les traits de l’autre, faute de discernement des esprits. La vedette se donne d’autant plus spontanément à voir qu’elle a peu de substance spirituelle et tend à se réduire au personnage. Le saint est voué à demeurer caché avec le Christ en Dieu jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de le manifester (Colossiens 3, 3). Ce n’est pas le désir qui lui manque de rendre évidente aux hommes la présence active de Dieu parmi eux. Le manque est de leur côté. Le divin, par lui même éclatant " aux yeux du coeur qui voient la sagesse ", demeure voilé au regard charnel. Tel est bien le destin de la manifestation du mystère de Dieu en Jésus Christ et dans l’Eglise.

Qu’il est difficile à Dieu de faire percevoir à l’homme sa plus intime vérité divine ! A cet égard le processus biblique d’éducation de la foi est significatif. Comment le peuple choisi entrera t il dans l’expérience du divin ? Il faut que son Dieu s’emploie d’abord à faire démonstration de lui-même, en se signalant comme l’Unique, le Tout Autre : hauts faits de l’Exode, apocalypse du Sinaï. Yahvé confisque par là la " catégorie du sacré ", réalise le vide autour de lui en renvoyant les " dieux " à leur néant. Cela afin d’être reconnu comme le seul Saint. Séparation par absolue transcendance. Mais ce n’est là qu’un aspect de la pédagogie divine, le traitement de choc inaugurant l’entreprise du salut. Il faut que l’homme, jusque là égaré hors de lui même parce qu’étranger au vrai Dieu, soit contraint d’opérer un premier retour au Réel. Mais l’intention de Dieu est, dès ce moment, de préparer l’humanité à accueillir un jour le secret tenu en réserve de toute éternité (Ephésiens 3, 8), à savoir l’amour vivant du Père, du Fils et de il Esprit, l’essence même de la sainteté. Or si divin est ce secret, si disproportionné aux capacités naturelles de l’homme, que celui ci commencera par la méconnaissance absolue de ce qui vient à lui pour son salut. C’est seulement après avoir perpétré contre le Fils le crime de déicide qu’il " réalisera ", dans la stupeur, que c’est bien la sainteté divine qui s’était manifestée à lui, en personne, dans le Serviteur souffrant. Voilà ce qui devait arriver à la Sainteté divine en mission parmi nous, les pécheurs. Il fallait qu’elle fût d’abord rejetée, pour que ceux qui l’ont rejetée découvrent ce qu’ils ignoraient en eux : leur hostilité congénitale à l’égard du vrai Sacré, celui qui s’identifie en Dieu à l’absolu de l’Amour. La perception soudaine en soi de cet abîme ignoré abîme de misère rend alors possible, par le jeu de miséricorde, la perception d’un autre abîme : celui de la sainteté désormais désirable dans la grâce.

Il est logique que ce drame originel de méconnaissance se prolonge en quelque manière dans l’Eglise. D’une part, l’Eglise, en tant qu’elle participe à la sainteté du Christ, ne peut éviter de subir, de la part du Monde, le sort réservé au Christ son Epoux. Et d’autre part mystère plus tragique tant s’en faut que les hommes officiellement d’Eglise soient entièrement acquis à l’idéal de sainteté qu’à l’intérieur même de l’Eglise la plus authentique sainteté pourra commencer par être méconnue de beaucoup, surtout parmi les " sages et les prudents ". Beaucoup de chrétiens, sachant mal de quel esprit ils sont, s’affaireront à tout autre chose qu’à la recherche du trésor caché. La plus grande gloire de Dieu leur semblera passer par d’autres moyens que cette radicale rénovation personnelle que serait pour eux et pour d’autres l’aventure de la sainteté. Ils administrent donc leur avoir humain sans penser que ce n’est pas en lui que consiste le Royaume de Dieu, mais en ce qu’ils achèteraient joyeusement après avoir vendu cet avoir. A condition, bien entendu, d’être informés de l’existence du trésor caché. Mais qui leur en parle ? L’Eglise, assurément, l’Eglise des saints. Mais il arrive que cela leur semble une si vieille chanson ! Ils ne se disent pas que toute nouveauté véritable commencerait avec leur conversion personnelle à Jésus Christ ; et que, du même coup, à travers eux, une vraie nouveauté commencerait pour ce monde, plus vieux que jamais, dont ils éprouvent douloureusement la sclérose.

Les indices ne manquent pas qui donneraient à croire que nos contemporains sont désormais trop livrés à la simple volonté de survivre, trop extravertis, trop obsédés d’efficacité immédiatement mesurable, et finalement trop sceptiques, pour être en état d’accueillir encore dans une joyeuse confiance l’appel évangélique à la sainteté, et pour s’y abandonner. Mais des raisons plus profondes nous convainquent que ce temps pourrait bien être aussi, pour nombre d’entre eux, plus que jamais, celui de la plus grande attirance de Jésus Christ. Notre humanité, a tant vu s’élargir ses horizons, elle s’est sentie sollicitée par tant d’aventures nouvelles, que la tentation l’a assaillie de tenir pour définitivement révolu l’âge où pouvait brûler la flamme de sainteté. Je me souviens de ce propos lu quelque part sous une plume " chrétienne " : qu’après tout, des techniques nouvelles vont peut être nous ouvrir vers l’ " extase ", vers le surréel, des voies plus rapides, moins onéreuses, moins négatives, que celles, trop ascétiques, des mystiques d’autrefois. Pourquoi pas l’ivresse charnelle et la drogue ?... Or voici que toutes nos techniques de dépaysement aboutissent à nous enfoncer dans l’ennui de vivre et dans le vide spirituel. Toutes nos ouvertures finissent par nous ramener à notre prison. Nos lointains s’avèrent pitoyablement casaniers. L’angoisse rôde partout, le sentiment obstiné de la fin d’un monde. Plus que jamais " la vraie vie est absente ".

Alors pourquoi ne pas aller vérifier qu’en Jésus Christ tout commence toujours dans le joyeux élan de l’enfance ? En lui les bornes de l’humain sont franchies, en même temps que l’homme suprêmement valorisé. L’infini du divin nous est offert gratuitement : " Vous tous qui avez soif, venez vers l’eau ; même si vous n’avez pas d’argent, venez " (Isaïe 55, 1). Car " qui boit de cette eau (trop humaine) aura soif à nouveau ; mais qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle " (Jean 4, 13 14).

Les jeunes de ce temps ne sont pas les derniers à se dire que c’est peut être du côté de l’éternel qu’ils auront à chercher la nouveauté véritable, celle qui les libérera de faux systèmes d’existence dont la facticité les écoeure. Mais ils reconnaissent, comme chacun, qu’aux approches de la " solution par la sainteté " la peur les saisit, celle d’une aventure plus risquée, plus éprouvante, que les aventures imaginables par l’homme. La peur, mais aussi l’attirance paisible de la grâce.

C’est une équipe de jeunes chrétiens signe des temps qui, dans ce numéro de Résurrection et dans le suivant, nous invite à comprendre le mystère de la sainteté afin de lui donner prise sur nous, et par nous sur notre monde. En s’appliquant de toute leur intelligence et de tout leur coeur à dire ce qu’eux mêmes ont compris, ils savent, certes, que l’intelligence ne suffit pas, et qu’elle ne dispense pas de vivre. Mais ils ont raison de penser qu’elle éclaire le chemin de la vie. Ils ont raison de témoigner ainsi dans l’Eglise, au milieu de l’assemblée, et au milieu du monde, de l’impérissable nouveauté de Jésus Christ.

P. Toinet

SOMMAIRE

P. Paul TOINET

Un trésor bien caché

Pages 3 à 7

Jean CONGOURDEAU

Des Saints en dehors de l’Eglise

Pages 8 à 12

Jean DUCHESNE

Eglise, Eucharistie, Sainteté

Pages 13 à 31

Marie-Hélène CARON

Aux Saints les choses saintes

Pages 32 à 42

Marie-Noëlle PELABON

Le Saint est un homme libre

Pages 43 à 61

Mgr CHARLES (rédigé par Michel GITTON)

Et maintenant, que faire ?

Pages 62 à 67

Michel GITTON, Rémi BRAGUE

Courrier théologique

Indications de lecture

Pages 68 à 74

Rémi BRAGUE, Jean-Luc MARION, Jean DUCHESNE, Jean-Robert ARMOGATHE, Mgr Maxime CHARLES

Chronique bibliographique

Pages 75 à 85

P. Louis BOUYER, de l’Oratoire

Le Père BOUYER présente son nouveau livre (L’Eglise de Dieu, Corps du Christ et Temple de l’Esprit)

Pages 86 à 88

Jean-Luc MARION

Amour de Dieu, amour des hommes (pour préparer un rassemblement à Pleyel autour du Cardinal DANIELOU)

Pages 89 à 96

RESURRECTION 35 (1er trimestre 1971) : SAINTS AUJOURD’HUI

104 pages

Saints aujourd’hui

Non, il ne s’agit pas, pour céder à la mode, d’exercer sa créativité au point d’inventer un type de sainteté radicalement différent de celle que l’Eglise a produit avec grande abondance en vingt siècles. Les articles de ce numéro veulent seulement répondre à quelques questions qui, elles, sont bien actuelles dans la perspective d’une vision plus riche de la sainteté,

LES SAINTS SONT ILS UNE SOLUTION POUR L’EGLISE D’AUJOURD’HUI ?

Personne ne nie plus que le christianisme soit en crise. Par ceux là mêmes qui s’y réfèrent encore, sa foi, sa morale, ses sacrements sont non seulement mis en question, ce qui ne serait pas forcément un mal, mais soumis à des attaques et à des interprétations qui les vident de leur raison d’être. D’autre part, le nombre des chrétiens croyants et pratiquants comme de ceux qui se consacrent entièrement au Christ dans le sacerdoce ou la vie religieuse baisse à une cadence qui s’accélère tous les jours. Enfin, dans une désinvolture de plus en plus grande à l’égard de l’autorité, des divisions s’accentuent, s’organisent et déchirent l’Eglise. Crise de croissance, mutation ou fléchissement des valeurs chrétiennes, on peut se le demander ; mais il convient plus encore de chercher les moyens d’en sortir.

D’abord, pas d’affolement ! L’Eglise a vu d’autres secousses, quoique sans doute pas de beaucoup plus graves, au cours de sa longue histoire. C’est pourquoi il ne faut pas réclamer des saints comme un remède miracle au sens banal du mot, ni comme des spécialistes doués par eux mêmes pour résoudre les situations désespérées. L’Eglise a reçu du Christ la promesse que les forces de l’enfer ne prévaudraient pas contre elle. Il a dit aussi : " Ne craignez pas, petit troupeau, j’ai vaincu le monde ". C’est le Saint Esprit et lui seul qui agit dans l’Eglise, mais il agit à travers tous les Chrétiens qu’il illumine et fortifie. Or certains sont plus avantagés par lui, de telle façon qu’ils puissent partager avec les autres leur surabondance de puissance salvatrice.

Les saints sont ces envahis du Saint Esprit. Ils le communiquent invisiblement en raison de ce qu’on. appelle, justement, la communion des saints. Cette influence est fondamentale, et c’est en elle qu’il faut mettre avant tout notre espérance pour un renouveau de l’Eglise. Mais les saints agissent aussi de façon visible, et cela n’est pas négligeable. Aujourd’hui plus que jamais, les hommes, même chrétiens, ne se contentent pas de théories pures ; ils réclament un témoignage, pas seulement de vertus humaines, encore que ce puisse être une bonne introduction, mais d’une vie inspirée par l’amour de Dieu.

S’il y a crise de la foi, c’est que nous avons manqué de ces saints qui, en d’autres périodes, en avaient assimilé si profondément les lumières qu’ils en vivaient, et en même temps l’approfondissaient et la promulguaient. Il nous faut de saints docteurs, comme Athanase bien sûr, rude combattant des hérésiarques du IVe siècle, mais aussi comme Hilaire et Augustin en notre Occident, sans oublier ceux de l’Orient : Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Basile.

Si notre morale vacille, ce n’est pas seulement parce que nous avons du mal à y insérer les premiers résultats des sciences humaines, mais parce que nous n’avons pas de Jean Chrysostome, de Thomas d’Aquin ou d’Alphonse de Liguori pour, à la fois, la vivre héroïquement et en donner une nouvelle systématisation.

Si la prière se perd dans une action plus ou moins engagée selon le Christ et de moins en moins contemplative, c’est que nous n’avons pas de Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix, à la fois mystiques et écrivains spirituels.

Qu’on ne s’y trompe pas cependant : à côté de ces témoignages spectaculaires, celui, plus caché mais finalement dévoilé, des saints sans littérature, mais de foi totale, de comportement fidèle et de prière incessante, ne fut pas moins efficace en chaque siècle de l’Eglise. D’un rayonnement peut-être intellectuellement plus limité, il s’étendît de cercle en cercle jusqu’aux extrémités de la terre. Que l’on songe à Vincent de Paul, au Curé dArs, à Thérèse de Lisieux !

Mais pourquoi Dieu nous laisse t il manquer des saints qu’il a prodigués aux siècles précédents ? On se permet ici une hypothèse. Dans les crises anciennes le peuple de Dieu a eu peur et dans une attitude de confiance en Dieu qui, elle, n’était pas altérée, il s’est tourné vers le Seigneur et a fait entendre son cri. Qu’on se souvienne des ardentes prières qui montaient de toute la chrétienté au moment du grand schisme d’Occident ! Peut être les chrétiens d’hier et d’aujourd’hui se sont ils trop endormis dans une fausse sécurité. La stabilité des dogmes, la valeur des commandements et le recours toujours possible aux sacrements, même s’ils n’inspiraient pas vraiment leur vie, ne leur semblaient pas en danger.

La crise, fruit peut être de leur générosité trop limitée, a commencé insidieusement. Ils ne l’ont pas vue venir. Elle a pris toute son ampleur avant qu’ils ne réagissent et suscitent d’au milieu d’eux, par leurs angoisses et leurs prières, les saints qui seuls pouvaient leur trouver une solution. Mais il n’est pas trop tard ; il n’est jamais trop tard dans une Eglise animée de l’Esprit Saint, pour faire monter vers Dieu cette prière inspirée d’une ancienne formule pour les vocations sacerdotales :

Seigneur, donnez nous des Chrétiens,

donnez nous des Chrétiens qui soient saints.

De quel genre de saint l’Eglise a t elle besoin aujourd’hui ?

La question n’est ni oiseuse ni impertinente. Dieu sans doute sait bien ce qu’il a à faire ; mais les saints sont d’autant plus immédiatement efficaces qu’ils sont reconnus comme tels par leurs contemporains. C’est pourquoi, pris parmi les hommes pour le service des hommes, ils ont, suivant les siècles, une coloration différente qui manifeste heureusement l’infinie richesse des dons de Dieu.

Le saint d’aujourd’hui assumera les aspirations des chrétiens d’aujourd’hui : le désir de fraternité universelle (qui, certes peut prétendre à remplacer dangereusement l’amour de Dieu lui. même, mais qui est une heureuse reviviscence du second commandement si essentiel à la morale chrétienne), l’intériorité et l’authenticité de toute attitude religieuse, le goût de la Parole de Dieu. Il partagera même dans une certaine mesure, l’intérêt porté au monde, un certain besoin de changement, l’absence de toute naïveté dans l’interprétation des signes éventuellement donnés par Dieu, la préférence accordée aux petits groupes de chrétiens ; mais il relativisera tout cela, en percevant les limites et en le rapportant toujours au dessein de Dieu. C’est sur le bénéfice de ces remarques qu’il faut attendre spécialement les saints qui naîtront dans les générations montantes.

Mais, instrument de Dieu auprès des hommes, le saint d’aujourd’hui devra, dans une certaine mesure, s’opposer aux hommes d’aujourd’hui, car ceux ci, comme leurs devanciers, ont besoin d’être réveillés par les lumières et les exigences divines. Sans cela, ils se donneront eux mêmes des saints ou si l’on veut, des chrétiens vedettes en lesquels ils se retrouveront avec leurs élans et leurs insuffisances, mais qui n’actualiseront que très mal la présence de Jésus-Christ au monde. On en a eu, depuis quelques dizaines d’années, des exemples parfois sympathiques, mais aussi inquiétants.

C’est pourquoi le saint d’aujourd’hui sera essentiellement celui qui vivra avec l’Autre et de l’Autre. L’Autre, c’est Dieu. On peut l’aimer et être aimé de lui, mais à la condition de ne pas mettre en question son altérité. Certes on le retrouve en tout et en tous ; mais il est réalité distincte au delà de tout ce qu’il a créé. Certes, il est à l’origine de tous les élans de l’homme, mais ne se confond pas avec eux ; il comble ses aspirations, mais il les dépasse. Le saint de toujours est celui qui a perçu cette transcendance de Dieu, non comme une notion philosophique, mais comme quelque chose qui l’a bouleversé. Le saint d’aujourd’hui c’est celui qui de plus a pris conscience que cette découverte n’avait pas été faite par beaucoup de chrétiens et qui en souffre comme d’une offense à Dieu et comme un terrible manque à gagner pour les hommes.

Le saint, c’est celui qui, dans sa recherche de ce Dieu qui lui est si nécessaire et qu’il ne peut ni imaginer, ni concevoir adéquatement, accueille avec joie et sans intellectualisme excessif les initiatives que Dieu a prises pour entrer en contact avec les hommes. Il utilise certes toutes les ressources de l’histoire, de l’exégèse et de la critique pour explorer la Révélation, mais refuse toutes les tentations d’aujourd’hui pour n’y voir qu’une expression de l’homme lui même. Sachant que l’amour n’est possible que moyennant une certaine similitude entre les êtres qui s’aiment, le Dieu fait homme, c’est à dire le Christ Jésus, est l’objet de toute sa tendresse. Celui ci n’est pas pour lui seulement un symbole, la figure d’une humanité en marche, mais Quelqu’un, à la fois circonscrit concrètement dans l’histoire et vivant aujourd’hui en son état de Ressuscité, chef d’un grand corps qui est l’Eglise, mais ne se confondant pas totalement avec elle.

Cette église, avec une lucidité toute moderne, il en voit les déficiences, mais il l’aime comme le seul lieu où concrètement il puisse rencontrer le Christ. Il accepte donc d’être éclairé et dirigé par elle. En dehors d’elle, il aurait trop peur de donner le nom de Jésus à autre chose que lui et donc de perdre toute possibilité d’un dialogue d’amour avec lui. C’est ce qui lui fait aussi utiliser les sacrements institués par le Christ pour objectiver et garantir tous les rapports avec lui dans la matérialité même des signes. Il ne se sépare pas en particulier des saints des six derniers siècles qui ont trouvé dans la contemplation eucharistique le meilleur moyen d’établir avec le Christ un rapport de personne réelle à personne réelle.

Alors profondément inséré dans les problèmes de son temps, le saint d’aujourd’hui ne considère pas le monde comme un absolu. Dieu seul en Jésus Christ, par l’Esprit Saint, dans l’Eglise, est le but de toute vie individuelle comme de l’histoire. Il travaille avec ses frères dans tous les domaines au progrès, mais ne l’écrit pas avec un grand P ; il sert le monde, mais en lui laissant sa minuscule, car beaucoup de choses doivent périr et ne subsistera que l’amour, c’est à dire la relation avec Dieu, et ce qu’il aura pu soulever de réalité créée.

Comment susciter des saints aujourd’hui ?

Les saints s’ignorent, mais ne se sont jamais recrutés que parmi les chrétiens désireux de le devenir, c’est à dire non pas d’acquérir orgueilleusement toutes les vertus, mais de s’ouvrir aussi complètement que possible à l’action divine. Pourquoi au lieu de chercher autour de nous des sauveurs, ne pas nous mettre nous-mêmes sur les rangs de cette sorte de saints ? Il arrivera ce qu’il arrivera ! Nous ne serons pas tous canonisés, mais nous aurons, tous travaillé au rayonnement de l’Eglise et au salut des hommes.

Les moyens ? Là il faut reconnaître qu’ils sont plutôt traditionnels. La prière d’abord, oui, mais terriblement plus abondante que dans la vie des chrétiens ordinaires. Pas de prière, pas de sainteté ! Dieu est poli et n’entre chez nous que les portes ouvertes, or celles ci prennent du temps à tourner sur leurs gonds rouillés. Mais où l’originalité peut s’en donner à coeur joie, c’est dans la forme. Il serait bien nécessaire que les saints d’aujourd’hui inventassent de nouveaux modes de prière, soit en remplaçant les anciens fatigués par l’usage, soit en leur redonnant vigueur par un accent tout nouveau.

Et puis pénitence ! Sous ce mot, c’est toujours la Croix qu’il faut faire entrer dan notre vie pécheresse, c’est toujours une participation à la passion du Christ pour son corps qui est l’Eglise. Mais là aussi les modalités doivent changer, non pas pour multiplier les adoucissements, ni pour rejeter tout geste un peu concret, mais pour rejoindre la vie et ses déficiences d’aujourd’hui. Le simple fait de ne pas biaiser avec les exigences morales exprimées par le Christ et l’Eglise est une ascèse qui devient de plus en plus difficile.

Il y a aussi l’espérance que la sainteté médiocre d’un chacun peut parfaitement susciter dans les autres une sainteté, de " grand format " : la modeste flamme de l’allumette qui embrase le feu.

A ce niveau, le problème de l’ancien et du nouveau est dépassé. Il ne s’agit plus que de docilité à l’Esprit Saint qui veut sauver le monde d’aujourd’hui comme celui d’hier.

Mgr Maxime CHARLES

SOMMAIRE

Mgr CHARLES

Saints aujourd’hui

Pages 3 à 9

Jean DUCHESNE

Le Saint vit l’aujourd’hui de Dieu

Pages 10 à 23

Gilles DANROC

L’originalité permanente

Pages 24 à 35

Charles LARCHER

Faut-il inventer une nouvelle sainteté ?

Pages 36 à 43

Michel COSTANTINI

Que font les saints dans le monde ?

Pages 44 à 63

Jean DANIELOU, Marcel CLEMENT, Maurice CLAVEL

Compte-rendu de l’Assemblée de Pleyel, rédigé par Yves PICARD et Gilles DANROC

Pages 64 à 74

D. C., Patrice NICOLAS, Jean DUCHESNE, Myriam DJAN

Courrier théologique

Pages 75 à 84

Jean-Luc MARION, Jean-Robert ARMOGATHE, Jean DUCHESNE

Chronique bibliographique

Pages 85 à 94

Philippe SENTIS

A propos du livre de Jacques Monod

Pages 95 à 102

RESURRECTION 36 (3ème trimestre 1971) : L’AFFIRMATION DE DIEU

136 pages

RELIGION, MÉTAPHYSIQUE, RÉVÉLATION

Que le christianisme ne soit pas simplement une forme de la religion, de la connaissance naturelle de Dieu, c’est une chose qu’il est important de redire. Mais notre temps a vu paraître une opinion inverse. Le christianisme n’aurait rien à voir avec la religion. Bien plus son essence serait de contester celle ci. On pose d’autre part que notre temps est celui de la fin de la religion. Il y aurait donc comme une remarquable coïncidence du christianisme et de la mentalité moderne. Ils auraient ceci de commun qu’ils seraient source de sécularisme. Le problème serait de savoir alors ce que devient le christianisme dans un monde postreligieux. Il devient l’expression de la suffisance de l’homme à lui même, qui trouve par ailleurs dans la technologie son moyen d’expression.

Il n’est pas besoin de souligner les sophismes et les confusions qui sont à la base de pareilles affirmations. Il y a l’affirmation que la révélation détruit le sacré, alors qu’elle ne détruit que l’idolâtrie. Il y a l’affirmation que la science élimine la religion, alors qu’elle en fait cruellement sentir le besoin. Il est pitoyable que des chrétiens se soient faits les disciples d’idéologies antireligieuses au moment même où nous assistons à la faillite de ces idéologies. Mais enfin tout ceci nous oblige à réfléchir sur ce qu’est la religion pour le christianisme. Par religion nous entendons le fait que, l’homme étant par son être en relation avec Dieu, la reconnaissance de cette relation est constitutive de l’accomplissement, de son être, en sorte que le défaut de cette reconnaissance en fasse un être mutilé et incomplet. Cette reconnaissance est d’abord le fait religieux comme tel ; elle peut devenir réfléchie c’est alors le fait métaphysique, métaphysique pour nous s’identifiant à théodicée.

La tendance à opposer religion et révélation est apparue dès les origines du christianisme dans le gnosticisme. L’essence de ce mouvement était de contester que le Dieu de la religion, connu à travers le monde et la conscience, fût le vrai Dieu et de lui opposer le Dieu de Jésus-Christ. C’est contre ce dualisme que saint Irénée a affirmé la continuité de la création et de la rédemption. L’homme que le Fils de Dieu vient sauver est celui que ce même Fils de Dieu a créé dès l’origine. C’est cet homme que par l’incarnation il vient saisir pour le libérer du mal et pour l’introduire dans la gloire. Ce qui est sauvé est ce qui a été créé. Et ceci implique que la création est foncièrement bonne. C’est par ailleurs l’homme tout entier que la gloire transfigure. L’homme est appelé à la maîtrise de la matière, et cette souveraineté s’accomplit par la transfiguration du corps. Il est appelé à vivre avec des frères et cette charité s’accomplira dan la communion des saints. Il est appelé enfin à connaître et à aimer Dieu ; et cette contemplation s’accomplira dans la vision béatifique.

C’est de ce dernier aspect qu’il s’agit ici. La vision de Dieu à laquelle l’homme parvient par la grâce implique qu’il a été créé capable de connaître et d’aimer Dieu. C’est cette dimension de son être que la grâce purifie et accomplit. Or cette dimension est la religion. Elle est la part la plus précieuse de l’homme. Comment le Christ, qui sauve tout l’homme, ne sauverait il pas cette part, la plus précieuse de lui même ? La religion fait partie de ce qui a été créé. C’est ce que l’Ecriture signifie en disant que l’homme a été fait à l’image de Dieu. C’est la dignité même de son intelligence qu’elle ne soit pas seulement capable de dégager les lois du monde matériel, de pénétrer dans l’intériorité des autres par le témoignage, mais qu’elle soit aussi capable de connaître celui qui l’a faite et duquel elle se reçoit à chaque instant.

Cette connaissance de Dieu fait partie de l’expérience humaine universelle. Elle n’est pas une chose parmi les autres choses. Elle est la profondeur de toutes choses. Elle est ce dont toutes choses éveillent la soif sans la donner pleinement. A travers la passion de la recherche, l’intelligence vise non pas l’intelligibilité de telle ou telle réalité partielle, mais ce qui donne à toute réalité d’être intelligible. A travers la beauté de telle ou telle merveille de la création, c’est la Beauté même dont le désir blesse son coeur. A travers l’exigence de sa conscience, elle perçoit un Bien qu’elle ne peut pas ne pas aimer et qui fonde seul l’obligation par laquelle elle se sait liée.

C’est donc à l’intérieur de lui même que l’homme rencontre ce qui le dépasse. Il prend conscience que, dans la racine même de son être, il est en rapport avec un Autre. La religion sera la reconnaissance joyeuse de cette radicale dépendance. L’homme éprouve qu’il ne dispose ni de son origine, ni de son sens, ni de son terme. L’expression concrète de cette dépendance est la prière. Elle constitue un des grands royaumes de l’expérience humaine. Elle est prière d’adoration devant le poids presque trop lourd de la gloire incréée perçue dans ses reflets créés. Elle est prière d’action de grâces, eucharistie, reconnaissance devant les dons qui descendent du Père des lumières. Elle est demande, conscience d’une radicale indigence et obscure certitude d’un Amour qui saura y répondre.

Mais par ailleurs cette réponse au don de Dieu est le fait d’une volonté libre. La connaissance de Dieu n’est pas d’ordre purement spéculatif. Elle engage l’homme tout entier. Elle n’est pas neutre. Elle comporte une décision. Elle est entraînée avec tout l’homme dans le drame du salut. Il y a des péchés contre Dieu. Il y a la possibilité pour l’homme du refus de Dieu. Sa responsabilité est engagée. Là aussi il est exposé aux suggestions du Malin. La religion demande cette conversion du coeur à laquelle l’homme se refuse parce qu’il a peur de ses exigences. Il cherche tous les divertissements, ceux du travail comme ceux du loisir, pour éviter d’être confronté à Dieu. Surtout, reconnaître Dieu implique pour l’homme de renoncer à sa suffisance, d’accepter de n’être plus à soi, d’entrer dans la vie de l’amour. Son intelligence s’y refusera, dans sa prétention à se faire la mesure de toute chose, et sa volonté, dans son effort pour se constituer son propre projet et se donner sa propre loi.

Le refus de Dieu peut se constituer en idéologie et prendre ainsi un caractère collectif. C’est ce qu’on appelle de façon générale le sécularisme. Dans une situation de ce genre, les esprits se trouvent pris dans un contexte dont Dieu est absent et sont informés par ce contexte. Une sorte d’écran se constitue qui les empêche de percevoir les signes à travers lesquels Dieu ne cesse de parler. On arrive alors à un type de société où c’est l’absence de Dieu qui apparaît comme la réalité normale et la religion comme une survivance étrange. Il peut arriver que cette crise religieuse tienne à ce que les signes à travers lesquels s’exprimaient les religions ne soient plus perçus. Le problème sera alors de rejoindre les expériences nouvelles à partir desquelles la rencontre avec Dieu peut s’opérer. Si la rencontre avec Dieu présente en effet toujours les mêmes caractères fondamentaux, elle peut prendre son point de départ dans des expériences différentes. Et c’est ainsi qu’un décalage peut se créer entre les religions historiques et l’expérience religieuse vivante.

Mais qu’il s’agisse d’un refus individuel ou d’une opacité collective, la privation de la dimension religieuse reste toujours quelque chose de contraire à la nature et constitue une sorte de mutilation. La religion n’est pas une matière à option, une interprétation possible entre d’autres interprétations. Elle est constitutive d’un humanisme complet. L’absence de Dieu aussi bien dans la pensée d’un individu que dans la vie d’une société crée toujours un vide, est un obstacle à l’épanouissement, trahit une indigence. Si étendue qu’elle soit et elle l’est plus apparemment que réellement , elle constitue un scandale, le scandale par excellence, la radicale subversion. Car Dieu est celui qui existe souverainement, qui est la suprême merveille, qui est la source de toute vie. Si être intelligent c’est connaître la réalité, l’oubli de Dieu est un manque d’intelligence. C’est pourquoi, quelles que soient les qualités que puisse par ailleurs présenter un athée, l’athéisme est toujours quelque chose avec quoi il ne peut y avoir de compromission.

Historiquement la rencontre avec Dieu, constitutive de l’homme, s’exprime à travers les diverses religions. Ces religions ne sont pas diverses en tant qu’elles n’auraient pas le même objet. Toutes sont l’expression de la recherche du même Dieu. Mais cette recherche de Dieu s’exprime selon les peuples d’après la diversité des génies religieux. Les religions sont des créations de l’homme. Elles sont même les plus hautes créations de l’homme. C’est à travers elles que le génie des peuples s’est exprimé de la manière la plus haute. Ce qui est vrai des diversités dans l’espace l’est aussi des diversités dans le temps. Chaque grande époque a son type de génie religieux, comme son génie politique ou artistique. Précisément un des problèmes aujourd’hui cet de percevoir quelles sont les formes que prend la recherche de Dieu dans la civilisation industrielle.

Toute religion étant recherche de Dieu comporte sa vérité. Mais cette recherche, étant le fait de l’homme, comporte toujours sa part d’erreur. Il y a donc toujours dans les religions une sorte de mélange. Elles ne sont jamais pures. Ceci est vrai au niveau des croyances. Cherchant l’absolu, l’homme peut le situer là où il n’est pas, dans les réalités créées. C’est ce qu’on appelle l’idolâtrie. Toutes les religions ont leur part d’idolâtrie. Ceci est vrai des religions historiques. Mais notre temps aussi présente ses idolâtries. On peut identifier Dieu avec le sens immanent de l’histoire. On peut le confondre avec la totalité humaine. Il y aura transcendance par rapport à l’individu, mais ce sera une fausse transcendance.

C’est cette idolâtrie que les prophètes de l’Ancien Testament n’ont cessé de dénoncer. C’est elle qu’aujourd’hui encore juifs, musulmans et chrétiens ont toujours à dénoncer. Mais ce que la Bible et l’Evangile dénoncent est l’idolâtrie et non la religion. C’est pourquoi c’est une erreur que font aujourd’hui nombre de théologiens, quand ils voient dans la Bible une critique du sacré et dans les prophètes, les premiers des désacralisateurs. D’où les attaques contre la religion naturelle, contre la connaissance naturelle de Dieu dont témoigne toute une littérature. Il y a là une confusion totale. C’est la sacralisation indue de la nature et du pouvoir que dénonce la Bible, non le caractère sacré que toute réalité revêt en tant qu’elle est créature et signe de Dieu. En détruisant ainsi la religion, c’est la réalité même que la révélation vient sauver que l’on détruit, c’est sa raison d’être qui disparaît.

Ce qui reste vrai, c’est que l’homme religieux comme tout l’homme est marqué par le péché. Certes la tradition chrétienne, de saint Paul au Concile du Vatican, a toujours affirmé que l’intelligence humaine était capable de connaître Dieu et son coeur de l’aimer. Elle n’a jamais dit que, laissée à elle même, l’intelligence humaine pouvait parvenir à connaître Dieu dans la vérité de ce qu’il est. C’est pourquoi c’est dans la lumière de la révélation que la connaissance naturelle de Dieu s’accomplit dans sa propre ligne. Ce qu’on peut appeler philosophie chrétienne est cela. C’est ce que l’homme pouvait connaître de Dieu par son intelligence, mais qu’il ne connaît en fait qu’aidé par la révélation. Ici encore la révélation vient saisir l’homme religieux.

Par ailleurs, il est très important de dire que lorsque l’Evangile est annoncé aux hommes d’une religion et accueilli par eux, non seulement il ne détruit pas cette religion, qui est la forme propre chez ce peuple de la recherche de Dieu, mais il lui permet de s’accomplir dans sa propre ligne. Il la purifie de ses erreurs, il en dégage les vertus. Il n’en serait autrement que si l’Evangile était imposé à ce peuple sous la forme qu’il a prise chez un autre peuple. Un Indien qui devient chrétien n’a pas à devenir chrétien à la manière anglaise, pas plus qu’un grec ancien, en devenant chrétien, n’avait à le devenir à la manière juive.

Non seulement la révélation purifie la religion, mais elle l’accomplit. La religion était une recherche de Dieu. Mais cette recherche, l’homme laissé à lui même ne pouvait en atteindre pleinement l’objet. Il pouvait affirmer l’existence de Dieu, il en restait séparé par l’abîme de la transcendance. Cet abîme Dieu seul pouvait le franchir. C’est là le sens profond de la révélation. Elle est le geste de Dieu venant vers l’homme, pour permettre à l’homme de monter vers Dieu. La religion était recherche de Dieu par l’homme, la révélation est recherche de l’homme par Dieu qui permet ainsi à l’homme de trouver Dieu.

Mais ici encore nous voyons la signification que garde l’homme religieux dans le mystère chrétien. Il est ce que Dieu vient chercher pour lui permettre de s’accomplir au delà même de ses voeux. Si l’homme ne cherche pas Dieu, s’il n’est pas un être religieux, la révélation perd tout son sens. Ou bien elle vient ajouter à l’homme quelque chose qui lui était radicalement étranger. Elle n’est pas alors salut de l’homme. Elle lui substitue une réalité étrangère. Nous retrouvons le gnosticisme dont nous parlions au début. Aussi bien cette transfiguration de la religion par la révélation est elle toujours progressive. Nous ne sommes jamais que des païens en voie de conversion. Ainsi le christianisme assume et ne détruit pas l’homme religieux, mais le transfigure. Il serait autrement inhumain. Or le sens même du mystère de l’Incarnation est que c’est l’homme tout entier que le Fils de Dieu sauve.

La connaissance naturelle de Dieu est dans la religion un fait humain universel. Elle n’est pas réservée à quelques intellectuels. Elle est aussi bien le fait des humbles et des petits. Mais ce donné premier, il est légitime et nécessaire, autant que possible, d’en vérifier les démarches, d’en critiquer les expressions, d’en réfléchir les fondements. La connaissance religieuse, telle que nous l’avons examinée jusqu’à présent, se prolongera en connaissance philosophique. Or cette connaissance philosophique de Dieu a été souvent contestée. Son statut en régime chrétien est à déterminer.

C’est elle dont aujourd’hui particulièrement un certain fidéisme fait bon marché. Il ne voit pas qu’ainsi il risque de laisser le domaine de la pensée rationnelle à de pseudo métaphysiques ou même à l’abandon de la métaphysique. Par ailleurs il renonce par là à montrer que la foi est quelque chose d’intelligent, dont on peut rendre compte, qui résiste à la critique. Il en fait une décision arbitraire, subjective, incommunicable. La grande faiblesse de la culture chrétienne actuelle est l’absence de métaphysique.

Et, comme on ne peut se passer de métaphysique, elle se trouve ainsi livrée à de fausses métaphysiques. Et c’est ainsi qu’on voit l’exégèse ou la morale se dévoyer par carence philosophique.

Ce qui a suscité de notre temps une désaffection à l’égard de la métaphysique telle qu’elle était conçue dans l’enseignement catholique est que cette métaphysique était identifiée à une certaine forme de métaphysique, celle de saint Thomas. Cette métaphysique reste actuellement parfaitement valable. Rien n’est d’ailleurs plus absurde que d’appliquer aux métaphysiques le principe, valable pour les théories scientifiques, selon lequel les nouvelles hypothèses éliminent les anciennes. Péguy avait déjà fait justice de cette vision historisante de la philosophie. Aristote n’a pas rendu Platon périmé, ni Kant saint Thomas. Il n’y a pas de révolutions coperniciennes en métaphysique. Surtout, comme c’est le cas aujourd’hui, quand il y a un nouveau Copernic tous les ans.

Il y a une unité foncière de la métaphysique, quand sa démarche est correcte. L’histoire de la métaphysique n’est pas celle de systèmes parfaitement hétérogènes qui ne seraient chacun que l’expression de la singularité individuelle ou le reflet du contexte social. Il y a une unité de l’objet, il y a une unité de l’esprit, il y a une unité de la démarche. Mais cette commune démarche peut prendre son point de départ dans des donnés différent. En ce sens il n’y a jamais qu’une preuve de l’existence de Dieu, qui consiste à montrer que cette existence est impliquée dans des données par ailleurs indubitables de l’expérience humaine. Mais ces données indubitables ne sont pas nécessairement les mêmes, ou du moins ce ne sont pas les mêmes qui apparaissent comme le meilleur point de départ.

Ainsi la preuve kantienne de l’existence de Dieu à partir de la raison pratique et des implications de la conscience morale est parfaitement valable. Mais je n’ai jamais compris en quoi elle rendait caduque la preuve de saint Thomas par la finalité. La preuve blondélienne de l’existence de Dieu à partir des exigences de l’action et de l’implication de la volonté voulante dans la volonté voulue ne fait aucunement que la preuve augustinienne à partir de l’exercice même de la vie de l’esprit et de sa référence à une vérité qui en est la norme soit pour autant sans valeur. La démarche valable pour tel esprit sera celle qui partira de ce qui pour lui est l’indubitable, le plus évident.

C’est là ce qu’on peut appeler la philosophia perennis, c’est elle qui, reprenant un certain nombre d’affirmations valables de la pensée antique et les perfectionnant à la lumière de la révélation, a suscité dans les premiers siècles de notre ère de grands philosophes juifs, comme Philon, chrétiens comme Grégoire de Nysse et Augustin et, au Moyen Age, musulmans comme Avicenne, chrétiens comme saint Thomas. Il ne faut pas oublier que cette métaphysique occupe quinze siècles d’histoire. Ce qui est vrai, c’est qu’elle doit perpétuellement rejaillir de l’expérience d’une époque, qu’elle doit être perpétuellement conçue et renouvelée, qu’elle ne doit jamais devenir une tradition scolaire coupée de l’expérience vécue, tout en cherchant perpétuellement un stimulant chez ceux qui l’ont développée de façon plus géniale.

Loin que la foi détruise l’intelligence, elle la libère de ses incertitudes, elle lui permet de s’élancer joyeusement et hardiment dans l’exploration de l’être. Cette exploration est déjà à son niveau ce que fait la pensée scientifique. Et celle ci, par son réalisme, donne à la métaphysique de grands exemples. Mais il est pitoyable que la métaphysique, elle, doutant d’elle-même, rampe au niveau d’un positivisme qui l’empêche de s’emparer des espaces pour lesquels elle est faite et d’accomplir la tâche que les scientifiques eux mêmes attendent d’elle. C’est dans le climat de la grâce que l’intelligence peut atteindre son suprême achèvement. La trahison des chrétiens en ce domaine est une trahison à l’égard de l’homme.

Le refus de la métaphysique est un corollaire de l’athéisme. Car la métaphysique implique la reconnaissance d’un donné. La reconnaissance de ce donné implique qu’on ne se le donne pas à soi même. Elle implique donc qu’on le reçoit d’un autre. Elle est donc déjà acceptation de Dieu. C’est pourquoi il y a dans une certaine fureur contre l’ontologie l’expression d’un refus de Dieu. L’athéisme a besoin que le monde soit absurde. Ou qu’il soit une pure matière à quoi l’esprit donnerait seul un sens. Mais non pas dont il aurait à découvrir le sens pour pouvoir d’ailleurs coopérer avec celui qui a donné le sens. Qu’il y ait ainsi une damnation de l’esprit qui choisisse le néant pour n’avoir pas à rendre grâce de l’être, cela est dans la logique du refus.

Mais que des chrétiens dénoncent la métaphysique, qu’ils rejettent toute ontologie, c’est là quelque chose qui n’a pas de sens. C’est un blasphème contre une création dont leur foi les oblige à reconnaître la valeur. C’est une sorte de contradiction interne. C’est cette contradiction qui les établit dans cette sorte de conscience malheureuse où ils ne sont capables que de contester et jamais d’attester. C’est elle qui provoque leur stérilité. Car on ne crée que dans la joyeuse certitude. Petite fille intelligence, petite lumière qui éclaire notre nuit, reflet créé de la lumière incréée, nous te bénissons comme un don de Dieu. Déjà à travers sa création tu nous guides vers Lui avant que par sa grâce tu nous Le fasses contempler dans la plénitude de sa lumière.

Cardinal Jean DANIÉLOU

SOMMAIRE

Cardinal Jean DANIELOU

Religion, Métaphysique, Révélation

Pages 3à 13

Charles LARCHER

Affirmer Dieu : éclaircissement préalable sur le sens d’une théologie naturelle

Pages 14 à 17

J. ROBERT

Note sur la connaissance naturelle de Dieu selon Vatican I

Pages 18 à 20

Esther ZELIK, Martine BLUM

Connaissance naturelle et Révélation

Pages 21 à 29

Jean-Luc MARION

Généalogie de la "mort de Dieu"

Pages 30 à 53

Thierry BERT

Instance psychanalytique et désir de Dieu

Pages 54 à 69

P.-M. HASSE

Le désir au-delà du désir

Pages 70 à 79

Laurent SENTIS, Emmanuel DUMONT, Michel COSTANTINI

Note sur le positivisme logique

Pages 80 à 82

Michel COSTANTINI

Celui que nous nommons le Verbe

Pages 83 à 93

Gilles DANROC

La rencontre rationnelle de Dieu selon saint Thomas d’Aquin

Pages 94 à 108

Martine BOTTINO

Gloire et expression de Dieu selon saint Bonaventure

Pages 109 à 122

Claude BRUAIRE

Qu’est-ce qu’affirmer Dieu ?

Pages 123 à 129

Thèses

Page 130

Dominique LE GRIX, Cécile CREHANGE

Recensions

Pages 131 à 136

RESURRECTION 37 (1er trimestre 1972) : DIEU CREATEUR

100 pages

Dieu caché

Dans la livraison précédente, Résurrection s’est interrogé sur la valeur d’une affirmation de Dieu ; dam le présent numéro, c’est plutôt l’action de Dieu qui est étudiée. Autrement dit, l’attention est portée sur Dieu en tant qu’on essaye de s’en faire une idée ou en tant qu’il sort de lui même. Peu de chose sur ce qu’Il est lui même. Or, il est écrit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton esprit, de toute ton âme et de toutes tes forces (Deut. 6, 5). Comment aimer celui que l’on ne connaît pas ? Pour aimer, il faut considérer l’autre tel qu’en lui même et pas seulement par rapport à soi ou à cause de son oeuvre. L’amour réclame que soit posé en face de soi un pôle de relation dont on pénètre ou dont on s’efforce de pénétrer quelques unes des profondeurs. C’est à une démarche de ce genre que les lignes suivantes invitent. Elles ne prétendent apporter rien d’original, mais seulement donner des exemples de recherche de l’identité de Dieu à travers ce qu’il a été dit de son comportement à l’extérieur de lui même.

Cheminements divers

La réflexion philosophique ne s’est pas contentée de conclure à l’existence de Dieu. A partir d’une question sur le monde dont elle voulait connaître la raison d’être, elle est arrivée jusqu’à concevoir un auteur libre de celui ci. Voilà un premier aspect de Dieu : il est spontanéité. De même, à partir de ses interrogations sur l’homme, elle postule pour expliquer celui ci une cause et une fin qui aient le caractère d’une personne. Dieu est donc affirmé comme un être personnel et libre. C’est déjà quelque chose.

Mais c’est à travers l’histoire du salut, c’est à dire de la réalisation du dessein de Dieu sur l’homme, que celui ci se révèle. Oh ! d’une façon furtive, car nous ne trouvons ni dans l’Ancien Testament, ni dans le Nouveau, de traité ni de définition de Dieu. Celui ci est supposé s’imposer à toute conscience humaine, comme en témoigne la diversité des religions, non seulement comme existant, mais avec un certain nombre de caractéristiques admises confusément par tous les hommes : ce fameux quelque chose ou quelqu’un au dessus de nous professé encore par beaucoup. Seulement, la révélation judéo chrétienne pour parler de Dieu emploie tout un langage symbolique à travers lequel se dessine les traits d’un visage cohérent de Dieu. Le Nouveau Testament va beaucoup plus loin, car il affirme que ce que personne n’avait jamais connu de Dieu est maintenant révélé par Jésus-Christ : Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, lui, l’a fait connaître (Jean 1, 18). Laissons de côté résolument le mystère trinitaire, qui est bien celui de la vie profonde de Dieu, mais qui sera étudié dan la prochaine livraison de Résurrection. Le Christ par sa parole, qui assume l’acquis de l’Ancien Testament, qui assumait lui même en le transformant l’acquis de la pensée commune, laisse transparaître, par sa manière d’être et surtout d’agir, ce que c’est que Dieu d’une façon si plénière qu’elle ne sera jamais dépassée. Qui m’a vu, a vu le Père (Jean 14, 9). Les disciples de Jésus en ont eu parfaitement le sentiment.

Après avoir à maintes reprises et sous maintes formes parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils... resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance (Hébreux 1, 1 3).

Sur ces données, la réflexion chrétienne, qui est assistée d’en haut et qui utilise les schémas philosophiques, travaille et disserte de la nature et de ce qu’elle appelle les attributs de Dieu de façon suffisamment sûre pour que les conciles (Latran IV, Vatican I) en garantissent l’exactitude.

Tout ce qui est dit ainsi est pourtant loin d’être satisfaisant. L’Ecriture est pleine d’anthropomorphismes dont la naïveté est évidente, la théologie emprunte ses mots à une métaphysique qui est d’abord réflexion sur les choses. Au delà même des difficultés à exprimer la connaissance de Dieu, St Grégoire de Nysse et avec lui tous les tenants de la théologie négative ou apophatique ont affirmé son incompréhensibilité. Ils entendent par là non qu’on ne puisse rien percevoir de Dieu, mais qu’on ne peut ni l’étreindre complètement ni épuiser sa réalité. L’intelligence humaine n’est pas à la mesure de Dieu.

Plus l’esprit progresse dans la connaissance du réel, plus il voit que la nature divine est invisible. La vraie connaissance de Dieu consiste à comprendre qu’il transcende toute connaissance, séparé de toute part par son incompréhensibilité comme par une ténèbre.

Jean le mystique qui a pénétré la ténèbre lumineuse dit que personne n’a jamais vu Dieu, définissant par cette négation, que la connaissance divine de l’essence est inaccessible, non seulement aux hommes, mais à toute nature intellectuelle.

C’est une absurdité et une folie mensongère, comme dit le prophète, de penser que la compréhension des réalités insaisissables est possible à quelqu’un.

Cependant, comme l’homme trouve sa vie dans la connaissance de Dieu, il existe une autre voie par laquelle l’invisible et l’incompréhensible peut être vu et saisi. Les modes de cette saisie sont nombreux. En effet, par la sagesse qui se manifeste dans l’univers, nous pouvons voir conjecturalement celui qui a tout fait avec sagesse. En regardant le monde créé, nous pouvons nous faire une idée, non de l’essence, mais de la sagesse de celui qui a fait sagement toute chose. Il en est de même pour la bonté, la puissance, la pureté.

Denys, l’auteur des Noms divins, va plus loin encore en enseignant que Dieu est au delà de toutes les catégories de pensée, parce qu’il possède de façon éminente toutes perfections, même celles qui nous paraissent contradictoires.

C’est ce qu’on s’est efforcé de préciser en parlant de l’analogie de l’être et de l’analogie de la foi. La première consiste à affirmer de Dieu ce que nous affirmons de ses créatures, mais en protestant à la fois qu’il en est différent et au delà, d’une façon suréminente. Les créatures gardent en effet l’empreinte de leur Créateur, mais cette empreinte ne livre Dieu ni totalement, ni parfaitement. La seconde se met à l’écoute de la révélation, mais perçoit que celle ci, pour rejoindre l’homme, fait appel à une expérience et à un vocabulaire humains, ce qui la limite et réclame une perpétuelle correction de visée.

De ces remarques, on serait tenté de conclure que Dieu est très compliqué. Ce serait s’éloigner tout à fait de la vérité, car Dieu est très simple au contraire, et le caractère balbutiant de la connaissance que nous avons de lui provient de notre intelligence, dont la faiblesse est accrue par notre péché (cf. Romains 1, 18 32) et qui est bien obligée de prendre des flashes partiels et successifs de Dieu.

A partir de la création

Dans les religions et les philosophies, Dieu est souvent mal distingué du monde. Et il est curieux de voir qu’aujourd’hui, de nouveau, il y a tendance à donner le nom de Dieu au dynamisme de l’évolution ou de l’histoire comme à l’élan de l’homme vers sa propre réalisation. La révélation judéo chrétienne, au contraire, sous la forme de la polémique anti-idolâtrique, est très nette. Il y a un abîme entre ce que nous connaissons en ce monde et Dieu. L’interdiction de représenter Dieu par des images est l’application rituelle de ce principe. Les prophètes, les psaumes raillent sans cesse ceux qui pensent identifier Dieu à quoi que ce soit de matériel. A l’heure des derniers affrontements entre le judaïsme et le paganisme, les Israélites se feront tuer plutôt que de rendre des hommages divins à des statues. Les Chrétiens, bien que le culte rendu à Jésus paraisse aux Juifs une idolâtrie, prendront le relais et subiront le martyre à leur tour pour cette cause sainte : Dieu est autre, il est radicalement différent de ce qui peut tomber sous les sens.

Le rapport de Dieu et du monde que se sont efforcés d’élucider les religions et les philosophies est tranché dans un sens particulier par la Révélation. Elle proclame la création, abondamment étudiée dans le présent numéro. Les premiers chapitres de la Genèse l’illustrent, les psaumes la chantent, Job la défend, les livres de Sagesse en sondent les motivations intérieures. Saint Paul se fera l’écho de cet enseignement. Cette création de ou ex nihilo, c’est à dire à partir de rien, va au delà d’une explication du monde qui serait seulement arc bouté à un principe d’intelligibilité, elle est affirmation d’une précarité profonde du monde et d’un commencement absolu, don d’une liberté radicale de Dieu. Elle s’exerce d’ailleurs perpétuellement par une attention et une action continue sur le monde, sans lesquelles le monde cesserait d’exister, ainsi que Jésus dans les évangiles l’affirme et le manifeste par ses miracles, et saint Paul le souligne avant saint Augustin. C’est d’ailleurs un des possibles du tétragramme sacré révélé à Moïse : Yahvé, celui qui fait être.

Bien plus, Dieu a un plan sur le monde et sur chaque individu. D’après le Second Isaïe et les Proverbes (8), il en poursuit efficacement la réalisation en dehors de lui-même, mais sans succession chronologique en lui même et sans briser la liberté des êtres auxquels il a donné ce privilège. C’est ce qu’on appelle sa Providence. Elle se déploie aussi bien dans le monde que dans l’histoire. Elle permet d’apercevoir l’Omniscience et la Toute Puissance de Dieu. Le Christ rend hommage à l’une et à l’autre et les exerce toutes les deux.

A travers l’histoire du salut

Les richesses intérieures de Dieu apparaissent plus nettement encore à travers ses interventions parmi les hommes.

Reconnu, sous le nom d’Elohim, ou en abrégé d’El, comme un ensemble plus ou moins foisonnant de forces dans le monde, il est devenu, pour le peuple formé par Moïse, le Dieu des Pères, le Dieu d’Israël : un Dieu qui, en raison de sa préférence pour ce peuple, réclame non seulement d’en être adoré sans partage, mais qui de plus est le seul Dieu, le Dieu unique.

Ses interventions multipliées au profit des hommes révèlent sa présence extraordinairement active. A cause d’elle, Ezéchiel parle du Dieu vivant. Comme Dieu pense, qu’il veut, qu’il agit, qu’il parle surtout, il apparaît de plus en plus comme une personne. Quand saint Jean saluera l’incarnation du Fils de Dieu, il trouvera tout naturellement la formule : il a habité parmi nous, comme on dirait de quelqu’un qui change de domicile.

Et pourtant, ce Dieu est saint. C’est un mot qui connaîtra une évolution singulière. En son origine, il signifie presque dangereux, celui dont on doit s’approcher avec beaucoup de précautions rituelles, mais derrière cette séparation de fait, on aperçoit une certaine notion de transcendance. Et puis, ce sera une certaine attitude morale par laquelle Dieu est à la fois législateur (quelques psaumes s’enivrent de la beauté et de la valeur de ses commandements) et réalisation totale du bien. Les philosophes qui découvriront en lui le fondement de la loi morale ne penseront pas autrement. Il est sage et tous ses desseins et comportements sont parfaits. Il est juste et discerne parfaitement le bien du mal. Le Christ rappellera la sainteté de Dieu, il proposera aux hommes de s’en inspirer, il sera lui même appelé le Saint et laissera voir les moeurs de Dieu à travers sa manière dé vivre.

Mais la révélation la plus profonde et la plus extraordinaire de Dieu, est bien celle de son amour. L’Ancien Testament épuise les comparaisons. Il aime comme un vigneron aime sa vigne, un pasteur son troupeau. Il aime comme un époux, et un père. Ce dernier vocable connaîtra un sort étonnant. Il aime tout ce qui existe, dit la Sagesse, il aime son peuple et chacun de ses membres. Cet amour est exigeant et ne nuit en rien à sa sainteté, c’est pourquoi il est dit un Dieu jaloux ; mais il n’exclut pas la miséricorde, et Isaïe ose nous parler des entrailles (c’est à dire de la sensibilité) de Dieu qui se retournent en faveur du pécheur. C’est elle qui explique sa fidélité ; celle ci est plus que de la suite dans les idées, c’est un rebondissement perpétuel d’une bienveillance qui, au delà des conséquences malheureuses du péché et au besoin en les utilisant, reprend son cours. Lorsqu’il voudra décrire l’incarnation et la rédemption, le Nouveau Testament affirmera que Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique et que pour le salut des hommes il n’a pas épargné son propre Fils. C’est en effet le paroxysme de cet amour. Lorsqu’il est dit que Dieu est Esprit, cela ne signifie sans doute pas son caractère non corporel, mais son mouvement essentiel de Don. Voilà comment saint Jean en arrive à oser définir Dieu et à affirmer Dieu est amour, nous introduisant déjà dans le mystère trinitaire que nous laissons ici hors de notre propos.

Le mystère de Dieu

Une des explications du mot Yahvé est le refus de Dieu de dire ce qu’il est : je suis ce que je suis. Pour mieux dérouter l’intelligence humaine, Dieu proclame par la bouche d’Osée : moi, je ne suis pas un homme, et de fait, il est déconcertant : Dieu de l’orage et de la brise du soir, invisible et livrant son coeur, sans image et anthropocentrique, exigeant et tendre, terrible et fidèle, tout puissant et patient. Lorsque son Fils s’incarnera, le comble sera mis au paradoxe : le Créateur se fera créature.

Aux confins de la pensée religieuse et de la révélation, Dieu apparaît déjà comme le Très Haut, le Dieu des cieux (équivalent de la notion philosophique de Transcendant), et ce mot passe, accolé à celui de père, dans le Nouveau Testament. La Révélation annonce l’éternité de celui qui a créé le temps, mais ne s’y enferme pas. Elle proclame avec Salomon que ni le ciel ni la terre ne peuvent le contenir, ce que la réflexion théologique traduira par infini, immense.

On s’efforcera même de percer le mystère de l’être de Dieu. Bien sûr, on rappellera qu’il ne dépend de rien, qu’il est à lui même sa propre source, ce qu’on appellera son aséité. On interprétera de façon vertigineuse le tétragramme sacré et on lui fera dire je suis celui qui suis, c’est à dire peut être celui en qui l’essence et l’existence se confondent, c’est à dire qui réalise la plénitude de l’être. Au delà on apercevra le mystère de la Personne suprême, de sa liberté, de son amour.

Notre Dieu

Une connaissance de Dieu n’est bonne que dans la mesure où elle s’affranchit des chemins qui y mènent. C’est comme sur le bord d’un abîme où il est impossible de se jeter, mais dont on sent le vertige, que l’on peut affirmer Dieu en lui même. L’homme doit spécialement se méfier de relativiser Dieu au monde et à lui même. Dieu n’est pas seulement le Créateur. Dieu n’est pas seulement celui qui est nécessaire à l’homme. Dieu existe, et tout ce qu’il a fait, il aurait pu ne pas le faire sans diminuer quoi que ce soit en lui. Sa nature profonde est donc au delà de ce que nous pouvons en connaître par son comportement extérieur, mais ce que nous en connaissons par son comportement extérieur est déjà quelque chose. La révélation que son Fils nous en a faite et qui débouche sur le mystère interne de l’amour trinitaire va évidemment au delà.

Néanmoins, il y a une connaissance de Dieu qui, pour n’être pas désintéressée, a aussi sa valeur, car elle permet à Dieu d’agir sur notre intelligence et de lui donner une force surnaturelle : c’est celle par laquelle nous le reconnaissons comme notre bien, le beau capable de nous émerveiller, notre vérité illuminatrice. Nous le devinons alors comme le Bien suprême, la Beauté totale, le Vrai. Ces mots que nous murmurons d’une façon froidement philosophique, les croyants fervents qu’on appelle les mystiques les expérimentent comme les différents aspects de celui qui, au dire de G. Marcel, est le Toi absolu et, dans le vertige auquel ils consentent de tout leur être, ils découvrent quelque chose de plus en Dieu, mais qui ne peut être dit.

Maxime CHARLES

SOMMAIRE

Mgr CHARLES

Dieu caché

Pages 3 à 10

R. P. Paul BEAUCHAMP, s. j.

A partir de Genèse I : Création et Parole

Pages 11 à 17

Françoise DEVILLE

L’alliance comme fondement de l’origine

Pages 18 à 23

Laurent SENTIS

Au commencement

Pages 24 à 28

Roland de SAINT-YVES

Entre Bergson et Monod

Pages 29 à 32

Bertrand GAMELIN

Parce qu’Il aime, Il créa

Pages 33 à 43

Rémi BRAGUE

La création pour quel homme ?

Pages 44 à 55

Marie-Hélène CONGOURDEAU

A l’image de Dieu

Pages 56 à 66

Roland HUREAUX

La providence, lumière et nuit

Pages 67 à 78

Patrice SOLER

Courrier théologique

Pages 79 à 84

Hans Urs von BALTHASAR, texte inédit présenté par Jean-Luc MARION

L’apport chrétien à la métaphysique

Pages 85 à 98

RESURRECTION 38 (2ème trimestre 1972) : DIEU TRINITE

168 pages

Introduction

Comprendre ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, connaître l’Amour du Christ qui surpasse toute connaissance… (Ep. 3, 18-19).

Il y a déjà paradoxe à ce que l’existence d’une chose puisse se dire, à travers un certain nombre de médiations, c est à dire de traductions, donc de trahisons. Mais quand cette chose est Dieu, le paradoxe touche à la folie. Et, de fait, il a fallu pour nous l’apprendre que le Verbe se fasse chair et habite parmi nous. A travers la médiation du monde une Annonce survient, qui est Dieu lui même [2]. Cette irruption du fondement au sein de ce qu’il fonde, instaure un nouveau rapport entre Dieu et le monde, qui est rapport d’intégration, c’est-à-dire de Salut [3]. Seul Dieu pouvait se dire, car seul Dieu pouvait se connaître : en prenant forme humaine, le Verbe de Dieu nous ouvre la possibilité de dire Dieu, et donc, par là même, établit entre Dieu et nous un rapport : celui du Salut. L’Incarnation, mystiquement, ouvre en l’homme la possibilité de la divinisation.

Aussi bien la Révélation de la Trinité par le Christ est-elle autre chose et d’abord autre chose qu’un développement du concept même de Dieu. La référence continuelle du Christ au Père, qui va jusqu’à inclure littéralement le Père dans le concept de Jésus Christ [4], est la réalisation de l’oblation parfaite. Or, l’oblation parfaite est précisément la condition de la perfection de toute créature, dans la mesure où la divinisation de l’homme requiert nécessairement la reconnaissance de Dieu comme Celui dont il tient tout [5]. Dès lors, la révélation du Verbe Incarné réalise ce que nous n’étions pas même capables de concevoir : l’offrande du Christ au Père est parfaite adhésion du Fils à la volonté du Père : Père, entre tes mains je remets mon esprit. (Lc, 23, 46).

Seul le Verbe de Dieu pouvait apprendre au monde (qui a été fait en Lui et par Lui, Jn, 1, 3 4) que l’état de créature divinisable était identiquement l’état d’offrande totale au Père ; mais également que cette offrande totale était la condition en même temps que l’accomplissement de la venue du Royaume de Dieu. Pleinement homme, Jésus nous montre l’identité, aux yeux de Dieu, de l’abaissement et de la glorification, et en ce sens, sa vie est un modèle. Pleinement Dieu, il porte la nature humaine, elle même perfection et récapitulation de l’univers matériel, à son terme, en restaurant la perfection de sa volonté dans son ordonnance au Père et en ce sens sa vie est un fondement. La condition préalable de toute adoption est la reconnaissance du Père : cette Paternité, seul pouvait nous la faire désirer Celui qui de toute éternité l’avérait, Celui dont l’obéissance parfaite est le modèle de notre obéissance imparfaite, Celui dont la Filiation parfaite est le modèle de notre filiation adoptive : et c’est toute l’Histoire qui se trouve alors recentrée [6], elle devient la volonté des offrandes intégrées dans l’unique, éternelle et parfaite offrande du Fils au Père, Voie, Vérité et Vie de toute Histoire possible, de toute création possible. L’offrande totale de Jésus Christ, Dieu et Homme, en louange au Père, se constitue en sacrifice parfait et total, qui est la réalisation même de la Trinité dans le monde : l’Histoire se verra donc repensée sous la forme de la continuation de cet unique sacrifice, qui lui donne à la fois son principe et sa fin, c’est à dire sa perfection. La récapitulation finale de la création dans le Christ, dont l’Incarnation et la Résurrection constituent les prémisses (I Co., 15, 23), fait fonction de sens de l’histoire, et entre en conséquence à titre de principe dans sa définition conceptuelle, qui, de fait, est l’analogue (l’image), du dessein de Dieu ; lequel, bien entendu, ne saurait être que Dieu même, car si Dieu est principe, tout part de Dieu et tout revient à Dieu, à condition de bien comprendre que le nom propre de notre Dieu est Amour, et que le paradoxe de l’Amour parfait est de donner l’existence [7].

Cette distance que nous prenons d’abord pour la distance ontologique de la créature au Créateur, le Christ nous la montre plus fondamentale, plus essentielle encore : la distance est fondement même de l’Amour, elle est l’unité même de l’Amour : distinction dans l’unité de l’Amour, unité dans la distinction de l’Amour. Ce qui nous force à réinterpréter notre concept d’unité et corrélativement notre concept de personne et notre concept de relation d’Amour. Comment est pensable la diversité des personnes dans l’Unité souveraine de Dieu ? [8] Au sein d’une unité de nature, certes : mais à condition de bien voir qu’il n’est pas question que cette nature soit quelque divinité fondamentale qui rendrait compte de l’unité à un niveau autre que celui de la position des personnes ; bien au contraire, la nature même de Dieu, par son mouvement propre, se développe, et, se développant en perfection, se développe en subsistances. La logique trinitaire temporalisée [9] devient donc : en premier lieu, le Père comme source de toute la Trinité ; en deuxième lieu, le Fils, son image parfaite, pure et totale référence au Père, et subsistant distinct par la perfection même de cette référence ; en troisième lieu, l’Esprit Saint, présence substantiellement une de l’amour du Père dans le Fils et de l’amour du Fils dans le Père. L’approfondissement de la notion de personne trinitaire [10] comme suppôt, sujet dernier d’attribution de la nature numériquement une, est là pour nous rappeler que la Trinité se déploie au sein même de la nature, qu’elle réalise dans sa perfection et dans son unité : car le mystère de la Trinité est que l’amour croît à la mesure de la distance, cette distance en elle même mesurant l’Amour par le don de l’existence, cet Amour lui même ré abolissant la distance dans la reddition de l’amour au principe de l’existence, cette union des deux amours (qui précisément ne sont qu’un amour du Père et du Fils), réalisant la perfection de cet amour dans un troisième terme subsistant, l’Esprit d’Amour. L’union n’est jamais plus forte que dans l’absolue distinction : l’amour n’est jamais si fort que lorsqu’il parcourt l’infinie distance ; signe dans le divin de cette infinie distance incluant la perfection de l’unité, l’Esprit est en nous mêmes la soif de cette distance et de cette unité, de même que son modèle : Personne ne peut dire, Jésus est Seigneur, que sous l’action de l’Esprit Saint (Gal., 5, 2 3) [11].

Ainsi, la reconnaissance du mystère de Dieu ne peut être dicible que si Dieu même se charge de la dire, si le Verbe de Dieu s’incarne, si l’Esprit de Dieu habite en nous. Aussi bien la prière, qui est par excellence l’attitude de laisser dire à Dieu, se trouve être, par delà le plus profond silence, et en lui, la forme suprême d’expression, si l’expression est reconnaissance (à tous les sens de ce terme) et si la reconnaissance est louange [12]. Mais alors il nous faudra non plus appliquer à Dieu nos concepts ceci valant pour toute expression possible, en particulier celle de l’Amour [13] mais bien les recevoir de Lui : si l’Autre devient Cause, entraînant ainsi participation des causés à son Altérité à travers une infinie distance, que peut atteindre l’expression même des créatures qui pensent, face à l’infini Impensable de leur fondement même [14] ? Que l’Impensable s’incarne et nous voilà sauvés : à charge pour nous de connaître, dans la communion même à Dieu incarné, qu Il est notre Principe et notre Terme, que par Lui et en Lui nous prenons sens et existence, que nous ne pourrons jamais rien dire de plus, en somme, que ce qu’Il a lui même dit, que nous ne pourrons jamais aimer plus qu’Il n’a aimé ; que c’est Lui qui nous dit ce que dire veut dire, que c’est Lui qui nous donne ce qu’aimer veut dire ; pour nous dire cela, pour nous donner cela, il n’est qu’un mot : NOTRE PERE...

Thierrv BERT

SOMMAIRE

Thierry BERT

Introduction

Pages 3 à 7

Joseph RATZINGER

Comment Dieu se donne à connaître

Pages 9 à 14

Françoise VINEL

Evangile trinitaire

Pages 15 à 25

Martine BOTTINO, Michel COSTANTINI

Le lieu de l’histoire

Pages 27 à 42

Thierry BERT

De la Trinité à l’Unité

Pages 43 à 67

Marc SCHMITTER

La Personne et la Relation selon saint Thomas d’Aquin

Pages 69 à 82

Martine BLUM

Vouloir ce que Dieu veut

Pages 83 à 88

Jean-Luc MARION

Distance et louange

Pages 89 à 122

Rémi BRAGUE

Métaphysique de la volonté et Théologie de l’amour

Pages 123 à 139

Frère Alain RIOU, o. p.

L’Icône de la Trinité d’Andreï Roublev

Pages 141 à 148

Marie-Hélène CONGOURDEAU (traduction)

Textes des Pères

Pages 149 à 151

Thèses

Page 153

Maxime CHARLES, Thierry BERT

Recensions

Pages 155 à 158

Martine MISRACHI (présentation), Carl PARKS

Un texte de la Jésus-Révolution (U. S. A.)

Pages 159 à 166

RESURRECTION 39 (2ème trimestre 1972) : AU CŒUR DU CHRIST

128 pages

AVERTISSEMENT

Le lecteur ne s’étonnera point de ce que Résurrection, après avoir abordé l’affirmation de Dieu, la Création et la Trinité, présente maintenant un cahier consacré au Coeur du Christ ; et ce pour deux raisons.

Premièrement, parce qu’il appartient en propre au mystère chrétien de ne jamais pouvoir dissocier l’élaboration conceptuelle du kérygme et le silence méditatif de la prière ; bien plus, la tension de l’une avec l’autre caractérise tout discours théologique, et seule la théologie négative rend possible une théologie positive. Si, de fait, jamais nous n’avons distingué des articles " scientifiques " et des articles " spirituels ", c’est qu’aucune science théologique ne vaut qui ne soit d’abord une méditation en esprit ; car c’est le Verbe qui la motive ; mais le Verbe ne nous est donné à connaître qu’incarné, comme ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nous avons touché de nos mains pour ce qui est du Verbe de vie (1 Jn 1, 1). Depuis l’Incarnation, le concept ne saurait se séparer de la prière, parce que seule la prière fait rencontrer le Verbe par notre verbe.

Deuxièmement, parce que cette rencontre du Verbe incarné, pour beaucoup de Chrétiens, depuis des siècles, et particulièrement depuis un siècle, pour les habitués de la Basilique de Montmartre, se réalise dans un face à face sans cesse répété avec le Christ, toujours présent dans cette incarnation continuée que constitue l’Eucharistie ; l’Eglise, Corps du Christ, manifeste, en effet, la présence du Verbe par les sacrements, et principalement par celui du Pain et du Vin ; en cette présence eucharistique, l’Homme Dieu se donne entier à connaître, et jusqu’en l’intime de la vie trinitaire ; la surabondante richesse de cette présence constitue précisément le Coeur du Christ, lieu où reposent les splendeurs du commerce entre l’humanité assumée et la divinité incarnée ; à contempler ce mystère, à y reconnaître la perfection du dessein divin, le Chrétien apprend à dire le Salut. Ce coeur à coeur avec la profondeur trinitaire du Christ eucharistique, c’est précisément ce que permet le culte au Coeur du Christ.

Nous ne traitons donc pas un sujet " spirituel ", au sens où les guillemets indiqueraient qu’il reste marginal, nous reconnaissons, rencontrons et reprenons le soubassement de tous travaux passés ou futurs, nous remontons à la Source d’où " jaillit l’Eau et le Sang ", l’Esprit et le Salut.

Jean Luc MARION

SOMMAIRE

Jean-Luc MARION

Avertissement

Pages 3 et 4

Louis BOUYER, de l’Oratoire

Qu’est-ce-que le Sacré-Cœur ?

Pages 5 et 6

Jean DUCHESNE

Pourquoi le Cœur ?

Pages 7 à 20

Jean-Pierre DESCHEPPER

"Si quelqu’un a soif…" (étude biblique)

Pages 21 à 33

Marie-Hélène NOEL

Saint Jean, Origène et saint Augustin (la tradition patristique)

Pages 35 à 44

Yves de TORCY

Le Cœur et le Corps de l’Homme-Dieu (le Moyen-Age)

Pages 45 à 67

Jean-Robert ARMOGATHE

Du Cœur du Christ au Sacré-Cœur (le XVII° siècle)

Pages 69 à 80

Jean-Baptiste LE ROUGE

Les mésaventures d’une dévotion (le XIX° siècle)

Pages 81 à 91

Mgr CHARLES, recteur de la basilique de Montmartre

Les chances d’un culte

Pages 93 à 99

Jean DUCHESNE

Le Cœur du Christ et l’œcuménisme : Thomas Goodwin

Textes

Pages 101 à 117

Thèses

Page 118

Patrice SOLER

Courrier théologique

Pages 119 à 126

RESURRECTION 40 (4ème trimestre 1972) : LE PECHE : PERIPETIE DU DESSEIN DIVIN

144 pages

Le Péché : Péripétie du dessein divin

Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur jésus Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ.

C’est ainsi qu’Il nous a élus en lui, dès avant la création du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant par avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ.

Tel fut le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien Aimé.

En lui nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce, qu’Il nous a prodiguée... (Ephésiens 1, 3 8).

Ce numéro n’a pour but que de répéter avec humilité et patience cette bénédiction que saint Paul adresse au Père. Le péché dans lequel nous perdons le pouvoir de le prier, il nous en a délivrés par son Fils. Le péché n’apparaît que sous l’angle et du point de vue de la délivrance. D’abord parce que seule la délivrance nous le fait voir. Nous ne voyons le péché, qui est refus de l’Amour, que dans la lumière de la Rédemption où il se déploie pleinement envers nous. C’est la délivrance qui fait apparaître le péché comme tel, alors que de soi, il tente de se cacher. Parler du péché n’est pas satisfaire un goût morbide, mais le placer dans la lumière qui en fait disparaître l’aspect inexorable.

Le Démon est muet.

Nous ne voulons pas facilement entendre parler du péché, nous aimons mieux le rejeter, sur autrui en particulier (comme Adam accusant Eve (Genèse 3, 12 13), comme on " refile " un faux billet, ou sur le grand Autrui, Dieu, qui doit être bien méchant s’il laisse faire tant de misères (misères dont nous sommes, bien entendus, innocents .... ), ou encore sur autrui en général, sur l’enfance malheureuse de l’individu mal éduqué ou de l’humanité restée dans sa préhistoire. Tout ceci sans dire pourquoi le mal subi se retourne, à quelque niveau que ce soit, en mal agi. Au fond, c’est que nous savons très bien ce que c’est que l’unique manière de parler du péché : c’est l’aveu, ou plutôt la confession. Le refus de la confession est une conséquence de la perte de la libre parole devant Dieu, de la faculté de tout lui dire qui étonnait et étonnera toujours les païens, et que le Nouveau Testament nomme parrhésia, " assurance ". Le péché ne parle que dans la confession, sans quoi il ne parle pas. Le Démon est muet (Matthieu 9, 32 ; Marc 9, 17 25). Ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas habile à parler, mais qu’il ne peut pas " se livrer " (ce qui laisse entendre que toute parole authentique est confession). Satan lui même, quand il parle, le fait à partir de la parole de Dieu, retournée, pervertie, comme dans les récits de la tentation d’Eve (Genèse 3, 1) ou du Christ ; le Diable ne peut que confesser Dieu (comme le démon expulsé en Marc 5, 7 et Luc 4, 41). Mais il prétend le faire de son propre fond, il prétend connaître Dieu mieux que Dieu lui même, il s’en fait une idée, au lieu de recevoir du Père la Parole avec obéissance. C’est en quoi il est " menteur " (Jean 8, 44).

Que dire alors du péché ? Que nous ne savons pas ce qu’il est, que l’iniquité est mystère (2 Thessaloniciens 2, 7). Nous ne savons pas ce que c’est que le péché, parce que le péché ne se donne pas à connaître, il ne se donne pas, il n’a rien à donner. La curiosité pour le péché est vaine, car personne ne répond. On peut se livrer à Satan, Satan ne se livre pas. C’est pourquoi nous ne chercherons pas à parler sur le péché. Nous tenterons de louer le Père qui nous a tirés du péché pour nous redonner la parole. La contemplation des " abîmes de Satan " (Apocalypse 2, 24) est nécessairement sans amour, et nous ferait nous absorber dans le désespoir, qui est lui même péché. On ne parle pas à partir du péché, on parle sorti du péché. La confession n’a pas pour but de raconter les péchés, par exemple pour s’en délivrer, pour soulager sa conscience, car Dieu seul sait ce qu’est le péché. Elle confesse Dieu malgré le péché. Le pécheur ne retrouve pas la parole pour parler de soi même, pour que sa parole soit à lui, pour prendre la parole. Nous retrouvons la parole en reprenant notre orientation première et fondamentale vers Dieu, qui s’exprime dans la prière.

Avant le Péché, il y a l’Amour.

L’attitude chrétienne envers le péché est de refaire le chemin qui passe par le baptême, pour que conformés à chaque instant à la mort du Christ (Philippiens 3, 10) nous passions du royaume des ténèbres à celui du Père (Colossiens 1, 13). Mais alors pourquoi faire réflexion sur ce dont nous sommes sortis, pourquoi se retourner en arrière (cf. Luc 9, 62) ? Parce que ce retour, que nous prenons pour une régression, est une conversion, par delà le péché, vers ce qui est bien plus radical que lui, le dessein d’amour du Père qui veut faire de nous ses fils. Le péché n’est pas un dernier mot, car il n’est pas premier. Seul le Christ dans l’Apocalypse (1, 8) peut dire qu’il est le premier et le dernier et c’est en lui, comme le dit encore le texte de l’Epître aux Ephésiens cité au début, que nous avons été élus avant la fondation du monde, c’est à dire bien avant le péché originel. Ce n’est pas un hasard si cette phrase vient d’une " apocalypse ", d’une révélation de " ce que l’oeil n’a pas vu, que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au coeur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aimaient " (1 Corinthiens 2, 9). Plus essentiel que le mystère d’iniquité est le mystère du dessein de filiation du Père, qui nous est révélé en l’Esprit. dans cet esprit de filiation dont parle saint Paul (Romains 8, 35), qui nous fait crier : Père. Le péché n’est plus alors, malgré sa puissance, qu’un accident dans un dessein d’amour qui ne cesse pas. Le fils prodigue n’aurait pu dire : " je me lèverai et j’irai vers mon Père " si celui ci ne l’avait attendu avec tant d’amour et de patience (Luc 15, 12 52).

On voit alors l’importance extrême du récit du péché originel, qui situe le péché comme ce qui a eu un commencement, ce qui n’a pas toujours été. S’il y a un premier péché, le péché n’est pas premier. Le péché n’est pas inséparable de la condition humaine, précisément parce que cette condition n’est pas " nature ", mais dessein de Dieu. Notre vie est cachée en Dieu (Colossiens 3, 3), à l’abri du péché. Le principe (ou le commencement, Genèse 1, 1) dans lequel tout a été créé est le Verbe (Jean 1, 1). Autant le Je suis divin, dans le texte de l’Apocalypse que nous avons cité, est au dessus de nos conceptions de Dieu, autant ce que nous fùmes dans le principe et ce qui vient eschatologiquement vers nous est hors de portée de Satan. C’est pourquoi Satan, d’un même mouvement, nous inspire une image fausse de Dieu, et essaie de nous faire croire que le fond de l’homme est péché. Le passage par la reconnaissance en soi du péché originel est, malgré les apparences (entretenues par celui à qui elles profitent), une libération, un élargissement de notre vue qui prend du recul par rapport à l’immédiat : Il nous fait découvrir le dessein de Dieu sur nous. Pourquoi ? D’abord, le péché n’est pas une faute dont on pourrait rejeter la responsabilité sur autrui : il est personnel. Et il est personnel parce qu’il concerne une personne, Dieu. Ensuite parce que le péché transgresse moins une loi qu’il ne refuse un dessein. Et ce dessein est par lui même libérateur, puisqu’il nous révèle que le fond de l’homme n’est pas péché, mais son ouverture vers Dieu, la possibilité d’avoir accès au Père (Ephésiens 2, 18).

Dieu ne se venge pas.

Nous n’avons donc pas à considérer le péché du seul point de vue de la psychologie, qui analyse par exemple le sentiment de culpabilité. Le péché est péché devant Dieu, à la différence de la faute comme souillure ou de la transgression d’une loi. Se reconnaître pécheur, c’est du même coup reconnaître devant qui on a péché : " Devant toi, toi seul, j’ai péché ; ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait " (Psaume 51, 6). Mais qu’est ce que pécher contre Dieu ? Dieu est il affecté par notre péché, en subit il un détriment, est il lésé par lui ? Le péché ne prend pas Dieu pour victime, même s’il peut le croire à partir de l’idée fausse de Dieu qu’il commence par se forger. C’est entre autres pourquoi Dieu ne se venge pas ;il ne faut pas dire : " C’est le petit Jésus qui t’a puni ", ou se demander " ce que l’on a bien pu faire au bon Dieu. " La souffrance est la conséquence du péché, elle n’en est pas la punition. Satan de même ne s’attaque pas à Dieu, qu’il connaît et devant lequel il tremble (Jacques 2, 19). Le péché refuse l’accès à Dieu, le pécheur refuse de devenir fils par l’obéissance. De même Satan cherche à priver l’homme de la faculté de prier et d’entrer dans l’amitié de Dieu.

La Loi, dans l’ancienne Alliance, est voie d’accès à Dieu. Pour le Deutéronome, qui en est peut être la plus haute méditation dans l’Ancien Testament, la Loi n’est pas l’ordre arbitraire de Dieu, et c’est même ce qui la différencie des lois humaines. Elle est la charte de la Terre promise, donnée avant le passage du Jourdain, la carte du pays de Dieu, la description des moeurs divines auxquelles celui qui veut habiter avec Dieu doit se conformer. Qu’est-ce que le " plan de Dieu " sinon, littéralement, cette carte du pays de notre exode, que le Père nous fait traverser pour passer vers Lui dans une Pâque nouvelle ? Ce n’est là qu’une première approche, mais elle est reprise par le Christ dans les Béatitudes (Matthieu 5, 5). Le péché est de ne plus ressentir Dieu comme celui avec qui il fait bon vivre, refuser son dessein de filiation : " habiter entre frères, tous ensemble " (Psaume 133, 1). Ce dessein est révélé, et nous fournit donc un critère objectif de notre agir. Ce faisant, la conscience n’est plus laissée seule en présence de sa culpabilité, elle peut se soumettre à un discernement qui, en distinguant ses péchés particuliers, les distingue d’elle, l’en libérant (même au niveau psychologique). Le péché cherche à détruire le dessein de Dieu sur l’homme : Le pécheur y joue contre lui même, contre ce qu’il est au plus profond : Fils de Dieu. Le péché joue ce que nous sommes par nature, par la première grâce de notre création, contre ce à quoi nous sommes appelés par la grâce, plus originelle encore, de l’élection. Au lieu d’apporter " grâce pour grâce " (Jean 1, 16), il joue grâce contre grâce.

Le Singe de Dieu

Et il faut bien qu’il le fasse, car Satan n’a rien à nous proposer en échange de la grâce divine. Satan n’a pas de grâce par lequel il pourrait se donner dans la mesure même où il nous appellerait à lui, comme le fait Dieu. Il n’y a pas de grâce de Satan. D’où le caractère très particulier de cette attitude par laquelle nous " croyons " en Satan, d’une foi sans espérance ni charité [15]. Satan ne demande d’ailleurs pas qu’on croie en lui, il ne cherche pas à se faire connaître. Il ne cherche qu’à détourner l’homme de Dieu. La paternité de Satan (jean 8, 44) est mensongère, singerie de celle de Dieu. Dieu est Père en donnant à son Fils, en unissant à son Fils une multitude de frères. Satan ne donne et ne réunit rien, il n’a rien à proposer qui puisse satisfaire, sinon le repli sur notre existence, mais coupée de sa source. Il nous joue contre nous mêmes, n’a rien à nous proposer que nous mêmes, comme s1l était notre créateur, comme s’il pouvait nous donner à nous-mêmes. Mais il nous propose notre nature sans son dynamisme, fermée vers Dieu, privée de la prière. Une nature qui elle aussi, parlerait " de son propre fond ", une nature menteuse.

Le péché nous propose de renoncer au dessein personnel de filiation, de refuser le Père qui appelle chacun de ses Fils par son nom. Le refus d’un dessein personnel nous enferme dans notre nature, privée de son dynamisme. La confession personnelle de Dieu malgré le péché fait sortir la faute de son aspect indifférencié générateur de culpabilité, et en même temps, fait sortir le péché de l’impersonnel où il se réfugie volontiers. Le nom du démon est " légion " (Marc 5, 9 ; Luc 8, 30). La damnation est de se fondre dans le lac indifférencié de boue qu’évoque Bernanos dans Monsieur Ouine. Le péché mène à la mort, car il referme notre nature sur elle même.

La nature repliée sur elle même

Examinons un instant le pourquoi et le comment. Adam, le premier homme et le premier pécheur, n’est pas un individu de l’espèce homme, comme chacun de nous, déterminé par les propriétés de la nature humaine (être un animal rationnel, un bipède déplumé, ou comme l’on voudra). Un individu n’engage que soi et ne peut entraîner sa nature dans la chute ou dans l’élévation. Adam est une personne, capable d’orienter sa propre nature vers Dieu ou de l’en détourner. Avec la Nature, lui est donnée à sa disposition sa nature. Adam devrait engager sa nature dans un rapport personnel avec Dieu qui aurait joué le jeu trinitaire des personnes, dans l’amour, en s’intégrant au Verbe. Adam a choisi d’orienter sa nature vers elle même. Mais celle ci ne peut pas subsister par elle même, elle a besoin de Dieu. Après la chute, l’homme reste créature de Dieu, mais il n’est plus créature pour Dieu. C’est pour restaurer cette ouverture sur Dieu que l’économie du salut a lieu.

Car que se passe t il quand la nature humaine se retourne sur soi seule ? Réfléchie par elle même, elle se répète, se reproduit. L’espèce se divise en individus [16]. La fécondité humaine se règle sur celle d’une espèce biologique parmi d’autres. L’image de Dieu présente à l’homme ne " sert " plus qu’à la reproduction par génération (Genèse 5, 3), non plus au don vers Dieu, en sortant de soi, " extatiquement ". La reproduction par génération, bonne en soi, n’est qu’une caricature par rapport à la fécondité divine, dans la vie trinitaire s’étendant aux créatures dans un libre dessein d’amour et leur permettant à leur tour de se donner dans une paternité qui est l’analogue de la paternité divine [17].

La mort nous enferme dans notre nature au lieu de la brancher sur Dieu. La mort, nous la devons à la nature (Shakespeare, très bien corrigé par Freud) [18], car Adam a enfermé notre nature en elle même. La mort, Adam en devait l’analogue à Dieu : l’homme pouvait " mourir à soi " pour s’ouvrir extatiquement, dans l’obéissance filiale et personnelle à son Père. L’individu doit, maintenant, après la chute, non plus se donner à son Père, mais " se réunir à ses pères ", comme dit la Bible pour parler de la mort (Genèse 49, 29, etc.). Non plus se donner à Dieu, mais se rendre à son espèce. La mort est le tribut payé par l’individu à son espèce (Hegel), en un sacrifice inutile. La mort consacre la puissance (ou l’impuissance) de notre nature, au lieu de nous la faire quitter. L’individu humain reste personne, reste orienté dynamiquement : la puissance de s’orienter, que Dieu voulait nous faire tourner vers lui, subsiste, mais désorientée, au double sens du mot. La personne d’Adam, renouvelée dans le Christ, peut s’accepter elle même, car elle seule peut vouloir l’autre en tant que tel. Nous autres, sans le Christ, ne pourrions que nous vouloir nous mêmes, d’une manière de plus en plus forcenée, mais nous n’aurions plus le choix qu’entre la fusion dans notre espèce ou le néant.

Vers le salut.

C’est le Christ qui nous libère de nous mêmes et nous rend au Père et qui fait de nous ce que nous sommes au fond, ses fils [19]. Il est le Chemin, il est notre Paix. Et il est le seul chemin, même pour ceux qui ne le connaissent pas. La reconnaissance du dessein premier de filiation nous empêche de nous renier nous-mêmes, car se renier serait s’imaginer que notre fond est péché, ce serait faire le jeu du " Tueur des hommes " (Jean 8, 44). Nous ne sommes pas anéantis, mais libérés de notre péché. Ce changement qui libère, et c’est encore une conséquence de l’antériorité de plan de salut sur le péché, n’est pas un changement en Dieu qui pardonnerait. Dieu nous pardonne toujours. Mais c’est nous qui acceptons ou n’acceptons pas d’être libérés, déliés, délivrés du péché, comme Lazare de son linceul. La liberté, pourquoi faire ? Non pas pour purifier son moi de ce qui n’est pas lui, ce qui serait s’affirmer soi même. Non pas rejeter son passé, mais reconnaître ce qui le précédait depuis toujours, plus ancien que nous-mêmes ; nous avons été appelés avant que de nous mettre en route, et la séparation d’avec le péché, parce qu’elle est faite par Dieu, est un départ vers Dieu. Toute la démarche du salut est là : non pas se rêver innocents, mais s’accepter pardonnés, accepter d’avoir été sauvés, alors que nous étions encore pécheurs (Romains 5, 8), par un Autre que nous mêmes, mais plus moi que moi même. Non pas craindre le péché, car il nous tient en esclavage par la peur de la mort (Hébreux 2, 15). La victoire sur le péché est de ne plus le craindre, car la crainte est un refus de l’espérance en un Dieu plus fort que le péché. Le parfait amour bannit la crainte (1 Jean 4, 18), car la charité accomplit l’espérance, en nous faisant nous abandonner au Père, nous remettre entre ses mains, sûr qu’il remettra nos péchés.

La nature privée de son orientation vers Dieu ne tourne plus sa parole (ou sa raison, son essence, son logos) vers lui, elle ne prie plus. Une nature déchue perd sa faculté de prier. Le Christ, Verbe incarné, nous donne de redevenir des personnes par la prière, en transfigurant tout ce que nous faisons en prière

Notre Père,

Que ta volonté soit faite,

Pardonne nous nos offenses...

Rémi BRAGUE

SOMMAIRE

Rémi BRAGUE

Le péché : péripétie du dessein divin

Pages 3 à 10

Jacques LOEW

Perplexités et certitude

Pages 11 à 20

Roland HUREAUX

Le Péché originel

Pages 21 à 35

Philippe BARBARIN

Satan l’homicide

Pages 37 à 48

Françoise VINEL

Péché et culpabilité

Pages 49 à 59

Thierry BERT

Le Péché du monde

Pages 61 à 76

Réponses

Rémi SENTIS

Un ou plusieurs Adam ?

Pages 79 et 80

Michel GITTON

Les mythes du péché originel

Pages 81 à 88

Jean-Robert ARMOGATHE

Mortel et véniel

Pages 89 et 90

Dossier patristique

Pages 93 à 103

Programme des cours théologiques de Montmartre

Pages 105 et 106

Théologie et littérature

Marie-Hélène CONGOURDEAU

Faute et rédemption chez Dostoïevski

Pages 109 à 118

Martine BOTTINO

La lucidité satanique chez Bernanos

Pages 119 à 127

Pierre MANENT, T. P., Corinne NICOLAS-MARION, Fr. B.

Recensions

Pages 131 à 142

RESURRECTION 41 (4ème trimestre 1972) : LE SALUT PAR LA CROIX

144 pages

Au coeur du mystère

Le texte qu’on va lire a été rédigé, à notre demande, par le P. H. Urs von Balthasar. Il a droit à toute notre gratitude, non seulement parce qu’il a bien voulu, au milieu de ses travaux personnels, apporter sa contribution au présent numéro, mais surtout parce que, depuis que Résurrection a repris son travail, ce n’est point de telle ou telle traduction inédite (Résurrection, no 29, " La Théologie et le Monde ", extrait de Reschenschaft ; Résurrection, n° 37 " L’Apport chrétien à la Métaphysique ") dont nous lui sommes redevables, c’est plutôt de l’ensemble de sa pensée, qui, avec d’autres (1), mais à un titre particulier, nous conduit de bout en bout. La présente livraison, outre le texte suivant, comporte les bonnes feuilles de Theologie der drei Tage (2). Cet ensemble n’intervient point par hasard. Quant à la théologie de la Croix, il paraît actuellement impossible de ne pas passer par la pensée de Urs von Balthasar ; que cet aveu tienne lieu de remerciement !

Si l’on veut appliquer le discernement des esprits à la question de savoir qui dans l’Eglise confesse sans le mutiler le mystère de Jésus Christ et qui reste sur le seuil (" Au dire des gens, qui suis je ? Et pour vous, qui suis je ? "), on devra revenir à la source de la christologie de la primitive Eglise, source qui se trouve sans nul doute dans le pour nous pris à la lettre, appliqué à la Croix et sanctionné par la Résurrection. Le Credo de Nicée l’a développé en une formule : qui propter nos homines et propter nostram salutem (" lui qui, pour nous les hommes et pour notre salut... "). Mais Paul n’a pas été le premier à recevoir toute la lumière sur le scandale de la Croix à partir de la pensée de la substitution (le Christ prenant sur la Croix la place des pécheurs). Déjà la plus ancienne réflexion de la communauté de Jérusalem l’avait fait. C’est à partir de l’acte de prendre notre place pour notre salut que l’essence propre de Jésus s’éclaire et qu’elle éclaire à son tour la véritable image du Dieu trinitaire. La Passion de Jésus Christ n’est pas qu’un symbole sur lequel on pourrait déchiffrer la volonté qu’a Dieu de nous réconcilier avec Lui, volonté qui existerait depuis toujours, mais qui ne se serait pas encore pleinement manifestée. Elle est plutôt l’acte même de cette réconciliation : Dieu s’est réconcilié le monde dans le Christ " (2 Corinthiens 5, 19).

Mais la Passion du Christ n’est pas non plus ce serait l’autre extrême un processus magique par lequel les dispositions d’un Dieu de colère, exigeant que justice lui soit rendue, tourneraient à la grâce (comme le tente parfois, par un contresens sur la pensée de saint Anselme, une théorie de la satisfaction poussée à l’extrême). En effet, " Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique " (Jean 3, 16).

Entre ces deux extrêmes apparaît la véritable image du Christ, de même que la véritable image de Dieu, dans l’événement de la Croix. L’image du Christ, si elle doit avoir une efficacité pro nobis, doit nécessairement être celle d’un vrai homme, qui seul peut de l’intérieur prendre sur soi et faire à notre place, dans sa Passion, l’expérience du péché du monde. Il doit aussi être plus qu’un homme, plus qu’une créature, car à l’intérieur du monde, aucun être ne peut occuper sans restriction la place d’un autre être libre ; cela irait à l’encontre de la dignité de la personne responsable de soi même. Nous y reviendrons tout à l’heure. Mais l’image de Dieu, lorsqu’on la contemple à partir de cet événement christologique et sotériologique, prend vie avec une nouveauté inouïe. Non pas comme si Dieu dépendait, d’une manière mythologique ou gnostique, d’événements intérieurs au temps, car c’est bien Lui qui envoie le " Fils de Dieu ", Lui qui le laisse souffrir et mourir dans l’abandon de Dieu, il ne tombe donc pas dans la dépendance des puissances obscures du cosmos ; mais il se montre plutôt comme celui qui est si vivant, si mobile, qu’il peut révéler sa vie dans la mort même, sa communion trinitaire dans l’abandon même, et que ses caractéristiques les plus profondes - la justice et l’amour ne sont ici ni confondues dans l’indifférenciation, ni séparées sans relation, mais que dans une dramatique suprême, elles se révèlent appartenir l’une à l’autre et finalement être identiques.

Maintenant, il est significatif que ce noyau, le plus ancien de la christologie, et à partir duquel toute la dogmatique va se développer, est né sans nul doute en tenant compte des chants du Serviteur de Dieu (dans le livre d’Isaïe), dont les souffrances avaient été comprises comme une expiation par substitution pour " la multitude ", et qu’à leur tour ces chants du Serviteur de Dieu ne sortent pas sans préparation de l’Ancien Testament, mais qu’ils plongent leurs multiples racines dans les prières d’intercession des grandes figures de fondateurs : depuis Abraham qui met en jeu son amitié avec Dieu (Genèse 18, 20 sqq) pour arracher les pécheurs, par solidarité avec eux, à la disparition qui les menace, et Moïse qui, par solidarité avec le peuple idolâtre, demande dans sa prière d’être rayé, à sa place, du " livre de la Vie " (Exode, 32, 32), jusqu’aux prophètes qui, intérieurement et extérieurement, portaient sur leurs épaules le fardeau du peuple pécheur.

Va t on alors interpréter l’événement unique de la Croix à travers une catégorie déjà connue, compréhensible d’une manière ou d’une autre par tout homme, le privant ainsi de son caractère incomparable ? Pour répondre, nous allons devoir retourner la question : comment ce qui est unique et valable pour tous les temps et tous les lieux aurait il pu être compris par les hommes, s’il n’avait déjà existé une espèce de compréhension préalable du sens de la substitution ? Et ce qui dans l’Ancien Testament commença à en être compris reste étrangement fragmentaire, inchoatif : l’enchère proposée par Abraham reste sans effet, celle de Moïse n’est acceptée que partiellement (et seulement dans une interprétation tardive, idéalisante, cf. Deutéronome, 1, 37 ; 3, 23 28 ; 4, 21 sq) ; le sort de Jérémie et d’Ezéchiel n’écarte pas le châtiment ; il reste partout des ébauches d’une mystérieuse substitution (avant tout dans l’élection d’une personne à la place d’une autre et pour elle), mais même dans les chants du Serviteur, tout l’événement reste indéterminé (quant à la personnalité de celui qui agit), elle est chantée dans une atmosphère de rêve, de pressentiment, de prophétie. Tout est dans l’attente du fait réel qui supprimera les limites du particularisme ethnique.

La possibilité de la substitution

On a déjà fait allusion au problème central. Il ressort nettement dans la problématique de l’idée de substitution chez Kant, pour lequel l’aporie " ne peut pas être résolue théoriquement... par l’intuition de la détermination causale de la liberté de l’être humain... car cette question transcende tout le pouvoir de spéculation de notre raison " (La religion dans les limites de la simple raison, III, 1, 7 ; trad. fr. p. 155 sq). Kant a raison en ceci que même la théologie, qui essaie de penser à partir des énoncés du Nouveau Testament, se heurte à une nécessaire impasse ; dans son histoire, elle a été tentée d’en sortir en simplifiant dans un sens ou dans l’autre, ici avec Origène, là avec saint Augustin.

L’énoncé fondamental est que Dieu, en permettant la substitution de tous les pécheurs sur la Croix, a placé l’humanité dans une condition nouvelle : " Si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts. " Dans cette condition, elle est centrée sur l’axe de l’événement qui la déracine hors de son état premier : " Oui, il est mort pour tous, afin que les vivants ne vivent plus pour eux mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux " (2 Corinthiens 5, 14 sq ; cf. Romains 14, 7 sq : " Nul d’entre nous ne vit pour soi même, comme nul ne meurt pour soi même ; si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. "). Ce changement inouï de la condition humaine touche sans doute la liberté personnelle de l’individu, mais sans pourtant l’éliminer. Saint Paul souligne ces deux points : par la substitution du Christ prenant sa place, le pécheur est libéré pour être libre de sa propre liberté (Galates 5, 1). Par là, il reçoit la charge d’une nouvelle responsabilité pour cette liberté (Galates 5, 13). Il reste donc responsable devant Dieu de ses actions et de ses omissions, de son Oui et de son Non (Romains 14, 10 sqq). Le premier moment, le fait que la liberté humaine soit touchée, pourrait friser la magie : comment quelqu’un pourrait il manipuler du dehors ma liberté sans que j’en sois conscient et que je donne ou refuse mon consentement ? Paul semble ne pas craindre un tel a priori, lorsqu’il soutient que " le Christ est mort au temps fixé, pour nous pécheurs, alors que nous étions encore faibles " (et incapables de nous tirer nous mêmes d’affaire) (Romains 5, 6). Le second moment, le fait que la responsabilité de l’homme subsiste, pourrait donner à celui ci, au cas où il refuse la libération par la Croix, une puissance sur Dieu, avec la possibilité d’en rendre vains les plans.

Il s’agit à nouveau d’approcher la difficulté du mystère chrétien de libération à partir d’une compréhension humaine préalable qui nous montre en même temps le point d’insertion de l’action salutaire de Dieu qui cependant ne peut être déduite de rien d’humain. L’homme est, d’une manière indépassable, à la fois personne et espèce, et c’est pourquoi sa liberté personnelle et les décisions qu’elle prend ne peuvent pas rester sans rapport avec les libertés et les décisions des autres hommes, sans que soit par là porté atteinte à sa dignité de personne, il doit avoir part au dessein de l’humanité entière. Il est clair que nous ne pouvons pas résoudre ce paradoxe (qui caractérise l’homme de la manière la plus profonde) à la manière philosophique de Platon : des âmes immortelles existant en soi sont plongées par leur chute dans une corporalité physico biologique, qui leur est commune à partir de la base matérielle où toutes sont enracinées, et qui les met en communication l’une avec l’autre. A cette solution simple s’oppose le fait que la communauté des esprits par l’ouverture de chacun à tout l’être est bien plus grande que celle qui réside dans un inconscient collectif ; que donc des êtres qui s’individualisent seulement à partir du sein de la matière sont plus refermés sur eux mêmes et plus solitaires que des esprits monadiques. L’intersection entre " matière " et " esprit ", à laquelle se situe l’homme en tant qu’être personnel et collectif laisse les deux sphères s’ouvrir l’une à l’autre et se compénétrer de telle manière que les " esprits ", dans leur champ organique d’expression, les " corps ", communiquent entre eux, que dans leur enracinement en une matérialité qui leur est, en dernière analyse, commune, ils peuvent aussi bien être affectés et blessés que se communiquer, aussi bien être cible d’amour ou de haine que rayonner eux mêmes cet amour ou cette haine. Cette communication, limitée empiriquement à peu d’individus, mais qui en principe est ouverte à tous les hommes, et relative à eux, fait que le destin de chacun ne peut être totalement indifférent à aucun, que chacun est affecté par chacun d’une manière qui transcende toute expérience possible et qu’en retour il peut affecter les autres par ses propres décisions. A partir de l’intersection dont on vient de parler, chaque être singulier peut être interprété de deux manières vers le haut comme vers le bas : comme personne unique aussi bien que comme individu anonyme parmi des milliards ; là donc où le premier venu peut être remplacé par un second, c’est en même temps une personne unique qui peut se mettre à la place d’une autre personne unique. Ce qui, vu d’en bas, semble un pur interchangement totalement indifférent et insignifiant, apparaît d’en haut comme une substitution hautement significative.

Nous ne pouvons pas élaborer cette trop rapide esquisse d’anthropologie ; elle doit uniquement nous aider à établir la place où peut s’insérer en général le mystère de la substitution du Christ crucifié pour tous les pécheurs. Ajoutons encore que la haine peut certes être effectivement destructrice, mais que, de ce fait même, elle n’est à la base d’aucune communication, qu’elle la nie plutôt, tandis que l’amour au contraire est capable de comprendre un destin qui lui est étranger, de le vivre comme le sien propre, à la limite de s’identifier avec lui, afin que l’on consente à prendre le destin étranger à la place du sien propre (ou comme le sien propre). La littérature du monde entier est remplie de thèmes de ce genre, pas seulement celui du sacrifice d’un individu pour le bien de la communauté (par exemple, celui du roi Codros d’Athènes ou d’Atilius Regulus pendant la guerre punique, ou celui du prince Constant de Calderon, ou de ceux de plus d’une figure chez Euripide), mais aussi celui de la prise en charge par amour du tourment (cf. la ballade de Schiller, La Caution) ou de la mort d’un autre, comme dans la remarquable légende d’Alceste. On y voit nettement le passage de la substitution " magique ", courante dans tant de religions, et qui repose toujours sur un motif égoïste de conservation de soi (Admète ne veut pas mourir et cherche quelqu’un qui serait prêt à mourir à sa place) d’une part, à la substitution " personnelle " d’autre part, qui se réalise librement, par amour (Alceste est prête à mourir pour son époux, et par là chez Euripide Admète est arraché à son égoïsme et se sent mourir en esprit avec la perte de l’aimée).

Ainsi, le sacrifice du Christ a sa base humaine, comme Jean le fait expressément ressortir (" il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ", 15, 13). Mais aucune continuité ne mène de cette base à la hauteur de l’événement de la Croix, seulement un saut. Car alors, il ne s’agit plus de prendre sur soi un individu ou une cité ou un peuple, mais tous, et non pas la totalité des hommes pris dans une misère extérieure, mais des hommes coupables et déchus de leur existence personnelle et sociale. Nous sommes là placés encore une fois devant la question de savoir comment le fait de prendre ainsi sur soi est conciliable avec la liberté donnée à chaque personne par le Dieu créateur.

Substitution et liberté

Il est très difficile de décider si les créatures, qui, par la grâce du Créateur, participent à sa liberté absolue, possèdent par là une liberté absolue ou seulement relative. Cette dernière semble une contradiction en soi ; mais la première paraît faire tort à la souveraineté de Dieu. On pourra dire cependant que Dieu donne à l’homme la faculté d’accomplir un choix négatif à son égard qui pour les hommes apparaît définitif, mais qui n’est pas estimé tel par Dieu. Non certes que le choix de l’homme serait mis en question de l’extérieur, ce qui reviendrait à mépriser la liberté qui lui est offerte mais Dieu, de son propre choix divin, a voulu accompagner l’homme et entrer avec lui dans la plus extrême situation de son choix, négatif. C’est ce qui se produit dans la Passion de Jésus.

On peut distinguer ici deux aspects. L’un se rattache davantage aux événements du Vendredi Saint, l’autre davantage à ceux du Samedi Saint. Au fond de la Passion de Jésus vivant, il y a cela, qu’Il est disposé à boire le " calice " de la colère, c’est-à dire, à laisser s’épuiser sur soi toute la puissance du péché. Il prend sur soi les coups et la haine qu’ils expriment et, pour ainsi dire, les amortit par sa souffrance. L’impuissance de la douleur (et le fait d’être activement disponible pour elle) dépasse toute la puissance des péchés qui le frappent. Leur impatience comme somme de toute l’impatience pécheresse contre Dieu dans l’histoire du monde est finalement dépassée par la patience du Fils de Dieu. Elle saisit le péché de plus profond que lui et l’arrache hors de ses gonds. Ce ne sont certes pas des quantités qui rivalisent ici, mais des qualités. La qualité de l’obéissance aimante du Fils envers le Père (qui ainsi, par le Fils devenu homme, veut dépasser le péché de l’intérieur) ne peut être comparée avec la qualité de la haine qui s’épuise sur lui.

Mais il y a, le Samedi Saint, la descente aux enfers de Jésus mort, c’est à dire (en simplifiant beaucoup) qu’il se solidarise hors du temps avec les hommes perdus loin de Dieu. Pour eux, ce choix, par lequel ils ont préféré leur " moi " au Dieu de l’amour qui s’oublie soi même, est définitif. C’est dans cette situation définitive (de la mort) que descend, mort, le Fils, qui n’agit plus, qui depuis la Croix est dépouillé de toute puissance et de toute initiative propre, comme celui dont on fait ce que l’on veut, comme obéissance humiliée, abaissée jusqu’à la simple matière, totalement indifférente (comme un cadavre), incapable de se solidariser activement, à plus forte raison de " prêcher " aux morts. Il est un mort avec eux. Mais c’est par un amour qui va jusqu’au bout. Et c’est justement par là qu’il trouble l’absolue solitude volontaire du pécheur. Le pécheur,qui veut être " damné " loin de Dieu, retrouve Dieu dans sa solitude, mais Dieu dans l’impuissance absolue de l’Amour, Dieu qui, au delà du temps, se solidarise sans fin avec celui qui se damne. Le mot du psaume " si je me couche dans les enfers, tu y es aussi " (139, 8 b) reçoit par là un sens tout nouveau. La liberté de la créature est respectée, mais Dieu la rejoint à l’extrême de la Passion et la reprend de plus profond qu’elle (inferno profundior) (" plus profond que l’enfer ") disait saint Grégoire le Grand. C’est seulement dans la faiblesse absolue que Dieu veut communiquer à la liberté créée par Lui l’offrande de l’amour qui fait éclater toute prison et qui défait toute crispation sur soi : en se solidarisant de l’intérieur avec ceux qui refusent toute solidarité. Mors et vita duello... (Vie et Mort s’affrontent...)

Hans URS von BALTHASAR.

(Traduction établie par R. Brague et revue par l’auteur.)

(1) Le prochain livre du P. L. Bouyer, quoique terminé, ne nous a malheureusement pas encore été accessible ; sitôt paru, nous en rendrons compte longuement ici.

(2) Nous remercions ici les éditions du Cerf qui nous ont rendu possible cette publication.

SOMMAIRE

Hans Urs von BALTHASAR

Au cœur du mystère

Pages 2 à 9

Rémi BRAGUE

Le Salut par la Croix

Pages 10 à 15

Thierry BERT

Il s’est anéanti lui-même

Pages 16 à 34

Michel GITTON

Incarnation Rédemptrice ?

Pages 35 à 47

Jean-Luc MARION

Les deux volontés du Christ selon saint Maxime le Confesseur

Pages 48 à 66

Jacques BENOIST

L’Agneau immolé

Pages 67 à 78

Jean-Robert ARMOGATHE

Pour Nous et pour notre Salut

Pages 79 à 89

Emmanuel DUMONT, Gabriel NANTERRE, Michel GITTON (d’après les indications du Père BOUYER)

Mise au point

Pages 90 à 95

Denys COUTAGNE

Théologie et littérature

Pages 96 à 113

R. P. FONTAINE, o. p.

Méditations

Pages 114 à 124

Groupes de recherche de Résurrection

Pages 125 à 128

Cours théologiques de Montmartre 1972-1973

Pages 129 et 130

Hans Urs von BALTHASAR

La théologie des trois jours

Pages 131 à 134

Renée BOUVERESSE, Claude RECHAIN, Jacques PERRET

Recensions

Pages 135 à 143

RESURRECTION 42 (2ème trimestre 1973) : LES VOIES DU SALUT

148 pages

Les voies du Salut

" Quel salut ? " Tel est le titre d’un ouvrage célèbre du Père Manaranche. Si l’on doit se réjouir de ce que le thème du salut soit remis au centre de la réflexion chrétienne et sorti du discrédit où sa cohabitation trop exclusive avec l’au delà l’avait maintenue, on s’inquiète à bon droit de voir ce mot devenir l’auberge espagnole, où chacun apporte ce qu’il croit lire des aspirations humaines et finalement l’écho de ses propres rêves.

Le salut chrétien a t il un contenu ? Telle est la question que commencent à se poser certains, même parmi les chrétiens. A force d’avoir voulu lever l’antinomie entre le monde et la révélation chrétienne, apercevoir des continuités, repérer des passerelles, on finit par penser que tout est déjà dans la réalité vécue par les hommes et que la foi chrétienne n’apporte plus qu’un supplément de sens ou de dynamisme. Arrivé à ce point, le christianisme n’a plus grand chose à dire et doit au contraire " se convertir au monde ", " croire en l’homme ", " célébrer la vie " et réparer le péché originel de son dogmatisme par le sacrifice de tout ce qui pourrait encore le séparer et le différencier.

Le parcours qu’a suivi Résurrection cette année est en lui même le démenti de cette attitude. Situer le salut par rapport à ce qui, dans le mystère chrétien, le précède et l’éclaire : le Péché d’Adam, la Rédemption acquise en Jésus Christ, c’est chercher d’emblée son sens au seul endroit où il puisse se trouver : dans le regard que Dieu porte sur le monde et non dans le regard que les hommes fussent ils les derniers en date - portent sur leur propre existence.

Il nous faudra avoir toujours présent à l’esprit les points acquis dans les deux précédents numéros pour éviter de tomber dans une de ces présentations gnostiques (1) dont la théologie moderne offre tant d’exemples, sous les noms de théologie de la libération, de la fête, etc. C’est ainsi que l’étude que nous avons faite du péché nous sera essentielle pour ne jamais voir le salut comme la surélévation de ce qui serait donné incomplètement dans la création, comme le deuxième stade d’un processus, alors que nous devons admirer la continuité d’un dessein d’emblée complet mais rompu par un acte volontaire et ne pouvant être compensé et mené à son terme que par un autre acte volontaire. Elle nous prémunira aussi contre toute tendance à croire que l’homme peut conquérir sa fin d’une façon ou d’une autre. L’impuissance à l’égard du salut étant moins le châtiment du pécheur que la conséquence logique du péché.

Mais il serait encore plus vain de prétendre parler du salut sans se référer à l’événement de la Croix, à cette subtile transmutation de nos échecs et de nos refus dans la réussite pascale. Toute théologie du salut qui s’interdirait par principe ou par calcul de regarder en face le mystère du Calvaire se condamnerait par là à l’insignifiance. Elle ne pourrait qu’inventer un nouveau moyen, un nouvel acte salutaire, faisant nombre avec celui du Christ et le rendant finalement inutile. Croire que tout salut vient de la Croix, que la réponse de l’homme y est déjà donnée en plénitude, c’est accepter que l’initiative de Dieu précède même notre mise en marche, qu’elle seule la rende possible sans pourtant s’y substituer, c’est croire aussi que nous ne sommes pas juges de notre propre développement individuel et collectif - mais que nous devons en contempler la source dans le Ressuscité.

A cette condition nous pourrons parler du salut non comme d’une idéologie dont nous modifierions à volonté le contenu pour en élargir l’impact, mais comme un dépôt dont nous avons à approfondir le sens, afin d’en vivre et d’en faire vivre. Et si ce travail est sérieux, s’il nous engage vraiment, nous n’aurons plus à craindre de ne pas être assez " crédibles ", car ce message ne sera plus le nôtre, mais celui du Seigneur qui vient et qui envahit tout à travers ceux qui le laissent passer.

Le présent cahier de Résurrection n’a pas l’ambition de présenter le salut à partir de son terme : la vision bienheureuse, la " vie éternelle ". Une telle présentation aurait certainement un sens, ne fût ce que pour montrer que cette suprême rencontre, telle que l’annonce l’Ecriture, n’a rien à avoir avec " l’achèvement du monde ", mais qu’elle en est le jugement. Mais, avant de voir se résorber la tension du " déjà " et du " pas encore " qui définit le temps de l’Eglise, il faut sans doute prendre la peine de l’analyser pour elle même : comment, dans les temps qui sont les nôtres, le salut peut il nous être réellement donné sans que nous en avons la possession, comment peut il être " parmi nous " (Luc, 17. 2 1) et néanmoins être " en espérance " (Romains, 8, 24) ? Sommes nous comme des enfants qui attendent leur majorité pour disposer enfin de l’héritage à eux promis et pouvoir se passer de leurs parents quand ils ne cherchent pas, comme l’enfant prodigue, à hâter ce moment ?

Le premier problème à affronter est, malgré les apparences, celui du temps. Si le salut est comme un avenir projeté en avant de notre présent, qui le conteste indéfiniment, l’empêche de se refermer sur sa quiétude, et le pousse en avant, il n’est pas plus faux d’essayer, comme le voudrait la théologie politique (cf. J. B. Metz, Pour une théologie du monde, trad. fr., Cerf, 1971), de devancer ce terme en accélérant l’histoire, ou encore de l’anticiper imaginativement par le moyen de la fête (cf. Harvey Cox, La fête des fous, trad. fr., Seuil, 1971). Dans tous les cas, c’est le même rapport qui intervient entre l’homme et ce prétendu salut : l’ouverture du présent si ouverture il y a n’est que la rage de la possession avivée par l’insuffisance de toute possession, un tel donjuanisme n’a rien a voir avec l’attente aimante de l’épouse, qui seule est la véritable ouverture : ouverture à quelqu’un qui vient.

La venue du salut parmi nous ne doit pas être comprise comme un événement du futur dans la ligne du développement de ce monde et seulement séparé de nous par un intervalle chronologique, car cela signifierait que nous sommes dignes du salut pour le jour X où il arrivera et que notre monde se prolongera ce jour là dans la gloire sans être remis fondamentalement en cause. En fait, chaque instant de l’existence des hommes depuis la Résurrection peut être l’occasion de la venue du Christ, si nous acceptons de nous ouvrir à lui et de laisser remettre en cause par lui notre rapport au monde (car : " elle passe la figure de ce monde "). Dans les discours après la Cène, Jésus ne fait rien d’autre que de préparer ainsi ses disciples non à un avenir, mais à une venue : " je m’en vais et je viens (et non pas : je viendrai) " (Jean, 14, 28) ; c’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’institution de l’eucharistie et du sacerdoce, tout comme l’annonce du Paraclet.

S’ouvrir à la venue du Christ sauveur, cela signifie reconnaître sa présence, non dans les " éléments de ce monde " (Colossiens 2, 20), mais dans les espèces qu’il a choisies, c’est-à dire dans le moyen sacramentel par lequel il nous rejoint avec une proximité bouleversante, sans jamais pouvoir être notre " chose ".

S’ouvrir à la venue du Christ sauveur, cela implique renoncer au monde, sans renoncer à vivre dans ce monde, accepter que notre regard soit changé par sa présence, que nous renoncions pour lui aux fausses grandeurs et à la fausse éternité de ce qui nous entoure et prétend le remplacer.

S’ouvrir à la venue du Christ sauveur, cela entraîne témoigner de lui au sein du monde, consentir à se laisser configurer à lui par l’Esprit, pour n’être pas seulement bénéficiaires de son salut, mais intermédiaires de sa diffusion la valeur de notre participation se mesurant non à la faveur du monde, mais à sa résistance.

Pour ceux qui s’ouvrent ainsi totalement à l’invasion transformante du Seigneur, le terme n’est pas au delà, dans un futur indéfiniment reporté, il est déjà présent au moment même où ils l’accueillent : ainsi pour saint Etienne, dans l’instant de son martyre, les cieux sont ouverts et le Fils de l’Homme siège à la droite du Père (Actes 7. 56) ; ainsi pour certains saints qui ont particulièrement vécu du contact sacramentel, la venue glorieuse du Seigneur s’est offerte à eux au moment même de leur réception du sacrement.

Mais si la distance entre le présent vécu et le Retour glorieux semble ainsi s’abolir dans quelques expériences privilégiées, elle subsiste pour nous tant que nous ne laisserons pas l’Esprit nous disposer à accueillir totalement celui qui " est à la porte " et qui " frappe " (Apocalypse 3, 20), elle est requise pour nous éviter la tentation de croire que le retour du Seigneur serait la récompense placée au terme d’un effort moral, autre attitude aussi dangereuse que la mystique de l’avenir et qui méconnaît tout autant dans le salut son caractère de rencontre libre et de don gratuit. Le Seigneur vient au devant de nos efforts pour l’accueillir, il les attend, mais il ne les suppose pas achevés, lui seul, dans le face à face définitif, pourra élargir la brèche par laquelle il est entré et faire coïncider parfaitement le besoin de lui et la présence qu’il nous offre.

En nous hâtant vers le salut nous avons donc en tête tout autre chose qu’un programme, car cette hâte est déjà en nous l’oeuvre de l’Esprit, les arrhes du salut ; nous savons bien qu’en préparant tout pour recevoir le Fils nous nous rendons tout proches de lui, mais notre hâte doit à son tour se faire " patience ", car ce n’est pas nous qui nous donnons notre Seigneur, nous le recevons et nous ne le recevons pas chacun pour soi, car il est le roi qui vient régner sur sa création et son retour sera le jugement du monde, établissant les cieux nouveaux et la terre nouvelle.

Michel GITTON

(1) Je prends gnostique au sens défini par le Père Le Guillou dans le Mystère du Père, dont on trouvera des extraits dans ce numéro, p. 136.

SOMMAIRE

Michel GITTON

Les voies du Salut

Pages 3 à 7

Michel COSTANTINI

Le Temps de la Patience

Pages 8 à 25

Jean-Marie DUBOIS

Les Sacrements de la Rédemption

Pages 26 à 44

Rémi BRAGUE

L’attente de l’Epoux

Pages 45 à 60

Martine BLUM, Pierre-Marie HASSE

Prendre sa croix

Pages 61 à 72

Jean-Louis BRETEAU

Le Martyre

Pages 73 à 83

Cours théologiques de Montmartre

Pages 84 et 85

Conférence

Jacques ELLUL

Bonheur et Béatitude, (compte-rendu présenté par la communauté des Bénédictines de Montmartre)

Pages 86 à 93

Théologie et littérature

Corinne NICOLAS-MARION

De la gourmandise à l’ardente impatience

Rimbaud à la conquête du divin

Pages 95 à 111

Marie-Christine BLANCHARD

De l’ascèse à l’amour (Sainte Thérèse d’Avila)

Pages 112 à 118

Marie-Jeanne WATHIER

Les philosophes devant la Croix

Pages 119 à 135

Bonnes feuilles

Le mystère du Père, du Père LE GUILLOU

Pages 136 à 139

Jacques BENOIST, Roland HUREAUX, Françoise VINEL

Recensions

Pages 140 à 146

RESURRECTION 43-44 (1er trimestre 1974) : LE CŒUR ET LE CORPS DU CHRIST

110 PAGES

LE COEUR ET LE CORPS du Christ

Les groupes et la revue Résurrection viennent de consacrer une année de prière et de réflexion théologiques à l’économie de notre salut. Celui-ci nous délivre du péché et de la mort (n. 40), dans l’événement pascal, mort et résurrection du Christ (n. 41), et est communiqué à l’Eglise, par la vie sacramentelle, dans l’attente du retour glorieux du Seigneur (n. 42).

On peut donc être surpris de nous voir maintenant publier un cahier sur le Coeur du Christ et l’adoration eucharistique Pourquoi, après la théologie spéculative, faire de la " spiritualité " ? La liaison est pourtant étroite. Ce n’est pas le présent numéro qui constituerait un supplément plus ou moins arbitrairement accolé à trois autres Ce sont au contraire les trois numéros 40 à 42 qui sont inclus entre deux cahiers (39 et 43) de louange au Coeur du Christ et qui sont fondés par eux (1).

Pourquoi ? Tout d’abord parce que ce qui unit les membres des groupe et les rédacteurs de la revue, et ce qui en fait l’originalité, ne sont pas d’abord un certain nombre d’idées communes, mais avant tout une pratique commune, celle de l’adoration eucharistique (2). Nous sommes unis dans une commune vie de prière avant de pouvoir confesser dans la louange, non pas nous mêmes, mai la vérité de Dieu.

LA PARFAITE ACTION DE GRACES

Nous ne croyons pas prier spécialement " bien ", encore moins être les seuls à prier. Autour de nous, beaucoup cherchent la prière, et certains proposent des méthodes. L’adoration eucharistique n’est pas une méthode de prière que nous proposerions. Elle n’est pas fondamentalement une méthode : toute méthode propose une démarche à suivre, une technique pour obtenir certains résultats. Une méthode de prière est une tentative pour entrer en contact avec l’Absolu, le Sacré, que l’on peut aussi appeler la divinité.

Il n’en est pas de même dans le cas de l’adoration eucharistique. L’eucharistie, comme on le sait, est déjà une prière, et une prière d’action de grâces : Le Christ l’institue en prononçant la bénédiction (eucharistein) sur le pain et le vin. L’action de grâce y est à son sommet en même temps que le don. En elle tout est donné déjà. L’eucharistie est la présence même du Christ en son don. L’adoration eucharistique ne fait que se placer dans une prière qui n’est pas la nôtre, mais d’abord celle du Christ qui, Lui, prie parfaitement. Elle nous situe droitement dans cette présence qui ne laisse rien à désirer. Le don, nous n’avons pas à chercher à nous emparer. C’est lui qui nous saisit (cf. Philippiens 3, 13). Nous ne pouvons que nous laisser saisir. Or nous sommes sans cesse tentés de dépasser ce que Dieu nous donne. Nous le cherchons plus loin que l’humilité de sa manifestation, qui culmine dans les espèces eucharistiques sous lesquelles le Christ nous donne son corps. Pour l’atteindre, il nous faut nous retourner nous convertir. Et renoncer à ce que nous voudrions que Dieu soit, pour Le trouver là où il a bien voulu condescendre à se donner. La spiritualité eucharistique ne cherche qu’à nous mettre en présence de ce qui est déjà là. Elle est donc avant tout un culte.

UNE PRESENCE NOUVELLE

Qu’est ce que cette présence, que nous louons comme la présence réelle ? Il ne faut pas se contenter d’y voir un concept philosophique. La présence des choses (le fait qu’elles " soient là ", qu’elles " existent ") est depuis son origine le thème majeur, quoique plus ou moins explicite, de la philosophie. De nos jours, la tradition occidentale de la philosophie trouve sa dernière manifestation dans la transformation et l’organisation techniques du monde. Il s’agit d’assurer le maximum de présence en produisant ( = rendant présent) le mieux possible, le plus possible, au besoin en recherchant la forme absolue de la production ou sa qualité maximale. On recherchera en même temps à mettre en sécurité le mieux possible tout ce qui est produit ou qui sert à produire, à commencer par les producteurs eux mêmes. La présence est alors ce qui permet de prendre et de s’approprier. Va t il en être de même pour la présence de Dieu ? Celle ci nous est livrée dans l’Incarnation, et abandonnée sous les espèces eucharistiques du pain et du vin consacrés. La présence est suprême, d’où le danger suprême de l’appropriation du divin. Et encore plus là où, le Christ s’abaissant en une chose, nous risquons de Le saisir comme une simple chose.

La présence de Jésus sur terre ne Le livre pas à notre désir : la mort et plus radicalement, la résurrection, l’ôtent aux prises de l’homme pêcheur. Mais, c’est pour qu’il puisse être saisi par Lui. De même pour l’Eucharistie : C’est le corps ressuscité et monté aux cieux qui nous est livré pour que nous nous donnions à Lui. L’adoration ne dévore pas du regard ; elle respecte le don. Celui qui s’est abaissé jusqu’au niveau de la chose, est alors saisi tout autrement que comme une chose : dans l’adoration s’ouvre à nous l’espace de la vie intérieure de Jésus. C’est en effet dans l’Eucharistie, dans l’attitude d’offrande et d’action de grâces, que la vie intérieure du Christ, son Coeur est le mieux exprimé,

L’ATTITUDE EUCHARISTIQUE DU CHRIST EST LA CLE DE SA VIE…

C’est ce qu’exprime le seul texte où le Christ parle de son Coeur, texte que nous nous permettons de commenter trop rapidement : " En ce temps là, Jésus prit la parole et dit : Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l’avoir révélé aux petits enfants. Oui, Père, car tel a été ton dessein bienveillant. Tout m’a été remis par mon Père et nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, comme nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler. Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. Chargez vous de mon joug et recevez mon enseignement car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. Mon joug est aisé et mon fardeau léger (Matthieu, 11, 25 - 30).

L’historien a du mal à fixer les circonstances du texte. Nous ne savons pas très bien dans quelles circonstances il a été prononcé. C’est que le Christ ne nous confie pas ses réactions devant un fait précis. Il lui arrive certes de le faire dans le cas de l’événement qui est le but et le foyer de sa vie (cf. Matthieu 26, 38 etc.). Ici, il nous révèle moins une réaction devant un fait précis que ses dispositions permanentes, celles sans lesquelles sa vie n’aurait pu prendre le cours que nous essayons de suivre dans l’Esprit qu’il nous envoie. Ou plutôt, ces dispositions n’affectent pas du dehors une psychologie qui serait autre chose qu’elles (cf. n° 41, p. 48). Comme s’il restait dans le Christ un endroit qui ne serait pas rempli de la volonté du Père.

La douceur et l’humilité du coeur ne sont donc pas des sentiments passagers. Mais si elles sont permanentes, ce n’est pas parce qu’elles reposeraient sur les constantes d’un caractère. Les essais pour dégager le caractère de Jésus tombent rapidement dans le ridicule et le douceâtre (cf. Renan). Rien de plus facile que d’interpréter le " je suis doux et humble de cœur " comme voulant dire " je suis un tendre ", si ce n’est " je suis un sentimental. " (3)

…ET LE CENTRE DE LECONOMIE DU SALUT

La permanence des dispositions du Christ vient de la fidélité du Père à son dessein bienveillant (eudokia) de rédemption, Et c’est bien de ce dessein central que nous parle le texte. C’est lui qui, caché aux puissances du monde et à leur sagesse (cf. 1 Corinthiens 2, 6 10), est révélé aux enfants. Il s’agit pour Dieu de faire des hommes ses fils : Telle est la sagesse de Dieu. La réalisation de ce plan est confiée au Fils qui peut donc parler comme la Sagesse en personne ( comparer le texte cité avec Siracide 51, 23 sq.). Celui ci devra réussir à vivre, en tant qu’homme, la même attitude filiale qu’il connaît dans la Trinité. La douceur et l’humilité du coeur, composantes de l’obéissance, seront prouvées et éprouvées sur la croix. C’est elle que l’on a toujours reconnue dans le " joug " auquel le Christ fait allusion et qui n’est léger que parce qu’accepté. On voit alors l’importance qu’il y a à ne pas séparer les deux adjectifs du contexte qui les situe dans l’économie du salut, et qui en libère le sens des contresens que nous faisons, parce que nous les vivons. On peut alors voir dans la douceur et l’humilité tout autre chose que ce que nous sommes trop portés à y voir : la douceur du coeur est la liaison de l’attitude orientale ou philosophique d’adaptation à l’ordre du monde et de l’obéissance personnelle au Père. Elle commande donc l’ensemble de l’incarnation (4). L’humilité est celle-là même dans laquelle le Christ " s’humilia lui même, rendu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix " (Philippiens 2,8 et cf. n° 41, pp. 16-34.)

L’ensemble de l’économie du salut dépend donc, en un sens, des dispositions du Coeur du Christ, de sa vie intérieure (5). Vie intérieure dont le secret nous est livré dans une formule montrant l’intime réciprocité du Fils et du Père. Le Christ nous ouvre son Coeur et du même coup nous introduit dans la vie trinitaire. Le texte parallèle chez Luc (10,21) parle d’une explosion de joie du Christ sous l’action de l’Esprit Saint. La vie intérieure du Christ est la manière dont est vécue sur le mode humain, la vie divine de la Trinité.

On voit alors que la liaison du culte du Coeur du Christ avec l’adoration eucharistique est non seulement possible, mais appelée par chacun des deux termes mis en rapport, qui renvoient l’un à l’autre. En effet le Coeur du Christ, sa vie intérieure, culmine dans le don qui va jusqu’à offrir son corps en nourriture. Comprendre l’eucharistie, ou plutôt la recevoir droitement, c’est y lire l’amour qui la donne. Ce qui ne peut se faire que par la familiarité de l’adoration (6). Le don s’adresse aux " amis " du Christ, à ceux pour lesquels il donne sa vie, c’est à dire tous les hommes, réconciliés par Lui avec Dieu. C’est dans l’Eglise que le dessein du Père trouve sa première réalisation. Pour y voir, non ce qu’elle ne paraît que trop, mais ce qu’elle est dans le dessein de Dieu, et par suite, pour essayer de corriger son visage en réformant le nôtre, il faut la voir avec le regard du Christ. Notre entrée dans le mystère de l’Eglise exige l’adoration du Christ qui y prépare son retour sous les espèces eucharistiques (7).

Les trois articles dits " Théologie et culture " qui terminent ce cahier ont des buts différents. Le premier cherche à montrer comment, maladroitement peut être, Charles de Foucauld a fait de l’eucharistie une expérience centrale de sa vie spirituelle, Le culte du Coeur est ainsi placé à la source même de la vie missionnaire. Le second tente de lire Proust autrement sans doute que lui même ne se lisait, et ce, en prenant à la lettre certaines de ses formules, qui, malgré lui peut être (mais qui sait, si ce n’est pas Dieu ?) confessent le Père. Le troisième, que nous devons au P. Philippe, O.P. montre que la contemplation eucharistique est source de la méditation théologique la plus rigoureuse.

Nous remercions l’auteur de cet article d’avoir bien voulu oser suivre Saint Thomas dans le domaine le plus central de sa vie spirituelle et intellectuelle.

Cet article qui clôt le numéro, l’ouvre en fait, puisque nous devrions, nous aussi, adorer le Coeur du Christ et confesser la Foi en Lui. Ce que nous ne pouvons pas faire, demandons à Dieu de nous le donner…

Rémi BRAGUE

Le premier numéro consacré au Coeur du Christ (n.° 39), s’est surtout donné, pour tâche de dégager le culte du Coeur de tout le fatras d’incompréhension qui encombre encore trop d’esprits, puis de montrer que ce culte, loin d’être un accident dans l’histoire de la spiritualité, est enraciné profondément dans la tradition .

L’article de Mgr Charles, recteur de la Basilique de Montmartre, Voir le Cœur du Christ dans son Corps, est en partie destiné à expliquer et à justifier cette pratique du point de vue de la théologie.

On reconnaîtra alors sans trop de peine le fantasme masochiste du Christ châtré : Cf. A. Besançon, " Du modèle chrétien de résolution du complexe d’Œdipe ", Contrepoint n° 6, p. 92.

Cf. H. Urs von Bathasar, " Sponsa Verbi ", pp. 368 sq. Et cf. aussi " l’apologie à Diognète ", VII, 7.

C’est le thème central de l’article de Jean Duchesne, " Devenir Hostie ".

C’est ce que montre l’article de Jean-Luc Marion : " Présence et Distance ". Remarques sur l’implication réciproque de la contemplation eucharistique et de la présence réelle.

L’article de Jean-Baptiste Le Rouge, " Le Cœur de l’Eglise ", s’attache à la montrer.

SOMMAIRE

Rémi BRAGUE

Le Cœur et le Corps du Christ

Pages 3 à 7

Mgr CHARLES

Voici le Cœur du Christ dans son Corps

Pages 8 à 16

Jean DUCHESNE

Devenir Hostie

Pages 17 à 29

Jean-Luc MARION

Présence et distance

Pages 31 à 58

Jean-Baptiste LE ROUGE

Le Cœur de l’Eglise

Pages 59 à 65

François de GANDT

Adoration et vie missionnaire (Charles de Foucauld et l’eucharistie)

Pages 66 à 73

Rémi BRAGUE

De l’ "adoration perpétuelle" au "temps retrouvé" (l’eucharistie et le Père chez Marcel Proust)

Pages 73 à 92

P. Marie-Dominique PHILIPPE, o. p.

L’Adoration comme source de théologie (St Thomas et l’adoration eucharistique)

Pages 93 à 105

S. ARATHOON

Recension

Pages 106 à 108

RESURRECTION 45 (sans date) : L’APOSTOLICITE DE L’EGLISE

SOMMAIRE

Rémi BRAGUE

L’apostolicité de l’Eglise

Pages 3 à 17

Françoise BRAGUE

Le saint, figure du Christ pour son époque

D’après les nouvelles de Gertrud von Lefort

Pages 19 à 40

Colette MANHES

Le témoignage des apôtres, norme de la foi

Pages 42 à 57

Rémi BRAGUE et Jean-Marc VIGNOLLES

La structure de l’apostolicité : la médiation immédiate

Pages 59 à 77

Nicolas-Jean SED

La Tradition : mystère de la Tradition et tradition du Mystère

Pages 79 à 95

RESURRECTION 46 (1er trimestre 1975) : LA LETTRE ET L’ESPRIT

128 pages

SOMMAIRE

Rémi BRAGUE

Pour une exégèse apostolique

Pages 5 à 18

Alain GUERANDEL

Inspiration et inerrance des Ecritures

Pages 19 à 31

Gabriel NANTERRE

Fonction et limites de la science dans l’exégèse

Pages 33 à 45

Martine et Pierre-Marie HASSE

Quand la lettre devient esprit

Pages 47 à 62

Jean-Luc MARION

Le Verbe et le texte

Pages 63 à 79

Ysabel de ANDIA

La table de la Parole

Pages 81 à 95

Michel COSTANTINI

Du modèle sémiotique au modèle chrétien du langage

Pages 97 à 117

Documents du Concile Vatican II (Dei Verbum, chapitres I à III)

Pages 119 à 126

RESURRECTION 47 (2ème trimestre 1975) : L’ESPRIT SAINT (I) LE TEMOIN DU FILS

112 pages

SOMMAIRE

Rémi BRAGUE

L’Esprit Saint, témoin du Fils

Pages 3 à 28

Henri HUDE

Il a parlé par les prophètes

Pages 29 à 43

Françoise VINEL

L’hôte intérieur

Pages 45 à 55

Jules LEBLANC

La divinisation du chrétien par l’Esprit

Pages 57 à 63

Gabriel NANTERRE

Morale chrétienne et vie dans l’Esprit

Comme témoignage de l’Esprit

D’après une conférence donnée par le R. P. Guarrigues, o.p., aux Cours Théologiques de Montmartre

Pages 65 à 68

Philippe CORMIER

La parole de l’Eglise en matière éthique

Pages 69 à 109

RESURRECTION 48 (1er trimestre 1976) : JESUS DE L’HISTOIRE ET CHRIST DE LA FOI

80 pages

ÉDITORIAL

Le Christ et l’Histoire ou autrement dit les fondements historiques de la foi : tel est le sujet de ce cahier.

Pour qui a suivi le cycle des sujets traités dans notre revue, la question pouvait sembler résolue depuis longtemps ; elle a d’ailleurs été abordée dans certains numéros (n° 27 : La Révélation, n° 32 : Il est vraiment ressuscité) et elle s’inscrit comme un préalable évident à l’étude des grands thèmes de la doctrine chrétienne.

Il nous a pourtant paru à la fois utile et urgent de la reprendre, parce qu’il est arrivé récemment et il arrive encore que l’historicité, ou à tout le moins la possibilité de connaître Jésus Christ, soit mise en doute. Une des idées les plus communément répandues est la distinction radicale entre le Jésus de l’histoire, objectif mais difficile à cerner, et le Christ de la foi, Christ subjectif que l’on pourrait appréhender par des voies indépendantes des témoignages objectifs.

C’est pourquoi nous avons voulu marquer nettement à travers les différents articles :

qu’il est possible d’appréhender le personnage historique qu’a été Jésus Christ, à condition de s’entendre sur ce que veut dire l’historicité et compte tenu des limites de tout savoir historique.

qu’on ne saurait séparer le Christ de la foi du Jésus historique : il s’agit bien du même ! La foi est l’adhésion volontaire à un témoignage, en l’occurrence celui des évangiles, mais elle reste strictement soumise aux données objectives offertes par ce témoignage. Il ne saurait être question d’une voie royale qui pourrait court-circuiter le témoignage apostolique.

L’importance du sujet nous a conduits et nous prions les lecteurs de bien vouloir nous en excuser à repousser à plus tard, dans le courant de 1976, le deuxième numéro sur l’Esprit Saint qui devait normalement suivre le numéro 47.

Nous voudrions enfin remercier les conférenciers et animateurs du Cours de théologie de Montmartre qui s’étaient penché sur le même thème dans le courant du premier trimestre, lesquels ont bien voulu s’associer à l’équipe de " Résurrection " et prendre la plus grande part de l’élaboration de ce cahier.

RÉSURRECTION

SOMMAIRE

Editorial

Pages 3 et 4

Mgr CHARLES

Importance de l’historicité du Christ

Pages 5 à 8

Roland HUREAUX

Sur la notion d’historicité

Pages 9 à 21

Marie-Hélène ZEVUDACKI

Jésus-Christ face à l’histoire

Pages 22 à 33

Michel ROLAND

Peut-on séparer le Jésus de l’Histoire et le Christ de la foi ?

Pages 34 à 41

Fernand ZOGHBI

La psychologie du Christ

Pages 42 à 50

Catherine BERGOT

Le Christ et l’Ancien Testament

Pages 51 à 60

M. C., B. G., H. R.

Chronique bibliographique

Pages 61 à 72

Annexe

A propos d’historicité

Napoléon a-t-il existé ?

Pages 73 à 79

RESURRECTION 49 (2ème trimestre 1976) : L’HOMME A LA LUMIERE DU CHRIST

112 pages

OUVERTURE

" L’homme est mort ". Cette affirmation, que l’on rencontre aujourd’hui un peu partout chez les spécialistes des sciences humaines, relaye le mot célèbre et désormais classique, qui annonçait le décès de Dieu.

Certes, on peut montrer qu’il s’agit là plus d’un slogan que d’une conclusion rigoureuse, et que l’expression recouvre des sens différents, voire contradictoires. On peut tenter de contester telle ou telle affirmation de détail.

Il n’empêche que toute " anthropologie ", tout discours sur l’homme se heurte aujourd’hui à une critique systématique de ses présupposés. Parler de liberté, de personnalité paraît de plus en plus irréel.

A ce point, il est bien évident que les chrétiens ont quelque chose à dire et cela, à la lumière de la Révélation.

Ce cahier ne prétend pas donner une réponse achevée à toutes les questions qui se posent, mais dégager quelques lignes de force qui permettront de les résoudre, et les articles qui le composent correspondent à une certaine démarche :

Problèmes de méthode d’abord : c’est par le Christ que l’homme peut être compris et non l’inverse (R. Hureaux).

C’est faute de prendre cela en compte que la pensée contemporaine aboutit au constat de la mort de l’homme (F. Soulages).

Constat qui, d’une certaine façon, a été fait, en son temps et à sa manière par Pascal, en cela très moderne (P. Durand).

Positivement, la tradition chrétienne désigne l’homme comme fils et image de Dieu (Ph. Barbarin).

Cette filiation est manifestée et concrétisée par une certaine pratique (J. P. Fourquet).

Enfin, à titre d’exemples de la compréhension de l’homme à partir du Christ, sont étudiés plus spécialement les aspects de la croissance (G. Nanterre) et de la prière (F. Vinel).

Nous voulons remercier M. 0. Clément, professeur à l’Institut de Théologie Orthodoxe Saint Serge et auteur d’un récent Questions sur l’homme d’avoir bien voulu introduire et encourager l’élaboration de ce cahier.

RÉSURRECTION

SOMMAIRE

Ouverture

Pages 3 et 4

Olivier CLEMENT

L’homme déifié

Pages 5 à 11

Roland HUREAUX

Révélation de Dieu, révélation de l’homme

Pages 12 à 34

François SOULAGES

Eléments pour une généalogie (1) des " morts de l’homme "

Pages 35 à 46

Pierre DURAND

Mort de l’homme… pour quelle résurrection ?

Pages 47 à 64

Philippe BARBARIN

A l’image du Fils

Jalons patristiques

Pages 65 à 74

Jean-Pierre FOURQUET

Morale du précepte ou éthique de l’amour ?

Pages 75 à 88

Gabriel NANTERRE

L’homme en Genèse

Pages 89 à 93

Françoise VINEL

Prière, naissance de l’homme

Pages 94 à 102

C. L., F. S., A. K.

Chronique bibliographique

Pages 103 0 110

Jean-Marie VERMANDER

Correspondance

Pages 111 et 112

RESURRECTION 50 (3ème trimestre 1976) : L’HOMME BRISE

96 pages

OUVERTURE

L’homme brisé, c’est à la fois l’homme déchu, et celui qui souffre. En tant que déchu, ne voulant plus participer au dessein d’amour de Dieu, il a brisé l’harmonie de la Création et s’est brisé lui même dans cette catastrophe dont il a pris la responsabilité, alors qu’il était l’image parfaitement transparente de la gloire de Dieu. Désormais, parce que le mal est entré dans le monde, il doit continuer à subir les conséquences de cette rupture. Il est brisé jusqu’à la fin des temps, dans le sens où il doit supporter cette souffrance, qu’elle soit détresse morale ou brûlure physique.

Ce gigantesque échec, l’homme en porte seul la responsabilité. Face à ceux qui veulent la liberté de l’homme, mais sans en assumer l’une des conséquences, à savoir le mal, il faut toujours réentreprendre de justifier Dieu. Cela se fera dans ce cahier sous une double perspective :

Montrer que l’homme est bien celui par qui le mal advient dans le monde (R. Hureaux).

Méditer sur le risque qu’a pris Dieu de créer un monde, sachant pourtant que telle de ses créatures pouvait le refuser définitivement (Table Ronde).

Mais cette responsabilité de l’homme quant au mal, par la grâce de Dieu, n’est plus fatalité insurmontable depuis qu’en son Fils, il a vaincu le mal. Dans la continuité du cahier précédent, on s’apercevra que seul le Christ donne sens à la souffrance humaine, en lui permettant d’être participation à la Rédemption.

C’est ce qui justifie la contemplation de Jésus face à sa souffrance (A. Kalinowska). C’est ce qui nous entraîne à l’imitation de la Croix (J. P. Fourquet).

C’est donc seulement à partir de ce double préliminaire dessein de Dieu bafoué par l’homme, Rédemption par la Croix qu’on tentera alors une interprétation de cet homme brisé dans son corps (R. Sentis, P. Durand), angoissé devant la mort qui s’avance (Fr. Vinel) ou affrontant sans protection le face à face définitif (G. Nanterre), mais qui sait dès lors qu’il dispose d’une espérance pour rendre compte de la souffrance qu’il traverse (Cl. Lioussou).

SOMMAIRE

Ouverture

Page 3

Roland HUREAUX

L’homme et le mal

Pages 4 à 14

Michel GITTON

(Philippe BARBARIN, Pierre DURAND, Jean-Pierre FOURQUET, Gérard GAUTRON, Gabriel NANTERRE, Roland HUREAUX)

Table ronde : risque de la création et risque de l’amour

Pages 15 à 23

Agnès KALINOWSKA

L’attitude de Jésus devant la souffrance et la mort

Pages 24 à 29

Jean-Pierre FOURQUET

L’imitation de la Croix de Jésus-Christ

Pages 30 à 43

Rémi SENTIS

Le corps et le mal

Pages 44 à 50

Pierre DURAND

Le corps de souffrance et l’épreuve de vérité

Pages 51 à 61

Françoise VINEL

L’homme en attente de la mort

Pages 62 à 68

Gabriel NANTERRE

Survie ou résurrection ?

Pages 69 à 72

Claire LIOUSSOU

La résurrection des corps

Pages 73 à 79

Pierre DURAND

Recension : l’ange, par Lardreau et Jambet, Grasset, 1976, 237 pages.

Pages 80 à 82

Joseph RATZINGER

Annoncer Dieu aujourd’hui

Pages 82 à 96

RESURRECTION 51 (4ème trimestre 1976) : LES SACREMENTS

104 pages

OUVERTURE

" Je suis devenu le ministre (de l’Eglise) en vertu de la charge que Dieu m’a confiée à votre égard : achever l’annonce de la Parole de Dieu, le mystère tenu caché tout au long des âges et que Dieu a manifesté maintenant à ses saints. Il a voulu leur faire connaître quelles sont les richesses et la gloire de ce mystère parmi les païens : Christ au milieu de vous, l’espérance de la gloire ! " (Col. I, 25 27)

au milieu de nous, le Christ vit par une présence multiforme qui culmine dans la présence sacramentelle. Le mystère obscur désormais dévoilé nous fascine ; mais il n’est pas seulement une merveille à contempler, il se manifeste comme une œuvre qui demande une participation active à tous ceux qu’elle atteint. Œuvre divine dont la préfiguration avait été vécue dans le cadre de l’Ancienne Alliance par le peuple élu (A. Kalinowska). Œuvre humaine également puisque c’est par des signes matériels des paroles humaines et des ministres de cette terre que la cité céleste commence à se construire et à se peupler. Pourtant deux être incommensurables ne peuvent pas réaliser une tâche commune ; la conjugaison de l’humain et du divin n’est pas pensable. Disons plutôt qu’elle a un unique repère : le Verbe incarné. Le pas que Dieu a franchi par son Fils dans la Passion et la Résurrection donnent au mystère la dimension pascale qui s’actualise dans chaque sacrement (A. M. Lemaire et J. L. Albouze). Voilà le point d’appui fondamental de tout ce cahier : les sacrements sont à penser dans la logique de l’Incarnation.

Mais comment l’homme entre-t-il dans le jeu de l’économie sacramentelle ? La vie chrétienne emprunte des voies communes à toute expression religieuse ; le sacrement fait intervenir Dieu dans notre vie par un ensemble de rites, de gestes et de symboles que l’anthropologie a beaucoup étudié, et sa parole intéresse le théologien (E. Kessler et G. Bayet). La vie humaine est encore concernée par le sacrement à un double niveau : d’une part, parce qu’en célébrant le Christ, le chrétien exprime une foi dans laquelle se trouve impliquée toute sa vie (P. Durand) et de l’autre parce que ce don de Dieu vient transformer cette vie à un niveau qu’il n’est pas aisé de repérer (J. P. Fourquet).

Ces études sont donc des réflexions théologiques menées librement à propos du sacrement. Il a semblé opportun de les compléter par des articles plus brefs ou de simples fiches ramassant dans la perspective ici adoptée, l’enseignement de l’Eglise sur le septénaire sur les notions de ministérialité, d’institution, de causalité et de caractère.

Le lecteur sait que la revue Résurrection n’est pas rédigée par des théologiens de métier, mais par des chrétiens qui considèrent comme capital l’approfondissement intellectuel d’une révélation inépuisable dont ils sont avec toute l’Eglise les dépositaires. Ils y attachent du prix non pas pour le jeu de l’esprit, mais parce qu’ils y voient une chance d’échapper à la vaine lutte des idéologies. Le chrétien ne défend pas des principes, il constate simplement que sa foi lui met le pied à l’étrier, que l’annonce de la Parole n’est pas achevée, que le mystère à mesure qu’il se dévoile davantage invite à poursuivre le dialogue entre Dieu et l’homme, à vivre davantage au régime de l’alliance et du don. On trouvera souvent le mot don au fil des pages qui suivent ; il est peut être un des synonymes de mystère et de sacrement.

SOMMAIRE

Ouverture

Pages 3 et 4

Agnès KALINOWSKA

Sacrements et Ancienne Alliance

Pages 5 à 12

Jean-Loup ALBOUZE, Anne-Marie LEMAIRE

Les sacrements : actualisation du mystère du Christ

Pages 13 à 27

Elisabeth KESSLER, Gilles BAYET

Chemins anthropologiques vers les sacrements

Pages 28 à 40

Pierre DURAND

Le sacrement, expression ou création du vécu

Pages 41 à 50

Jean-Pierre FOURQUET

A quoi servent les sacrements ?

Pages 51 à 61

José-Miguel MARIANO

La ministérialité dans les sacrements

Pages 62 à 72

Pascale BALLET, Isabelle STAUFF

Le Christ a-t-il institué les sept sacrements ?

Pages 73 à 81

Marie-Thérèse ROUXEL

Le septénaire et sa logique interne

Pages 82 à 90

Hervé BLANCHARD

La notion de caractère sacramentel

Pages 91 à 95

Philippe BARBARIN

Note sur la causalité sacramentelle

Pages 96 à 98

H. R.

Recension : DENIS Henri, Des sacrements et des hommes, Chalet, 1975, 175 pages.

Pages 99 à 101

RESURRECTION 52 (1er trimestre 1977) : L’EUCHARISTIE

88 pages

AVERTISSEMENT

Le lecteur se sera étonné du titre de ce cahier, qui doit revenir sur un sujet vingt fois traité ici. Il sera plus étonné encore d’apprendre que depuis près de dix ans les équipes étudiantes de Résurrection ont pris en charge la rédaction de la revue, et qu’aucun numéro n’a porté ce titre depuis lors. Le fait est d’autant plus surprenant que les réunions de notre mouvement sont centrées sur l’étude théologique et l’adoration eucharistique qui nous relie à toute la fraternité de la Basilique de Montmartre.

Certes, puisque ce mystère est au centre de l’histoire du salut (J. Lestrade), il a dû affleurer maintes fois dans nos travaux, mais nous n’avions pas encore essayé de le traiter de manière systématique. Un article cependant mérite une mention spéciale : c’est celui que Jean Luc Marion a publié dans le numéro 44 consacré à l’adoration, sous le titre : " Présence et distance ". Dans cette étude capitale, il dégageait tous les aspects du dogme de la présence réelle et jugeait à cette lumière la théorie contemporaine de la transsignification. Il nous a semblé difficile de reproduire cet article et impossible de le remplacer ; nous y renvoyons donc le lecteur.

Touchant la présence réelle, on trouvera dans cette nouvelle livraison une réflexion différente (de M. Moreau) s’opposant à deux tendances actuelles : l’une qui vise à minimiser les affirmations de la foi et l’autre qui critique philosophiquement la notion de présence, et préférerait parler du Christ comme du grand Absent. Plusieurs articles traitent ensuite du sacrifice : quel rapport y a t il entre le repas pascal et les sacrifices de l’Ancien Testament (J. Chambe) ? Un premier sondage dans la plus ancienne tradition patristique montre le lien entre l’Eucharistie et le martyre (Y. Barbarin) ; un autre dans les écrits du Moyen Age à nos jours rend compte de l’importance croissante prise par le thème du sacrifice (P. Barbarin). Par ailleurs, puisque la communion au corps du Christ accroît la communion des saints, l’article de Françoise Vinel évoque la réciprocité d’échanges entre le corps eucharistique et le corps ecclésial du Christ. Deux contributions enfin touchent à l’immense domaine artistique inspiré par l’Eucharistie. L’une examine le passage de la théologie dans la liturgie et la poésie chez saint Thomas d’Aquin (P. Descourtieux) et l’autre se livre à une analyse patiente d’un vitrail de l’Église Saint Étienne du Mont (L. Cremière).

Nous tenons à remercier P. de Larminat qui participe à un groupe d’études sur le P. Marcel Jousse à Nantes, et qui a bien voulu, par amitié pour Résurrection, nous donner un aperçu de l’importance de cette oeuvre pour l’approche de l’enseignement eucharistique de Jésus.

SOMMAIRE

Avertissement

Pages 3 et 4

Jean LESTRADE

L’Eucharistie au centre du mystère du salut

Pages 5 à 12

Marie MOREAU

L’Eucharistie : Sacrement de la présence ou de l’absence réelle

Pages 13 à 22

Jean CHAMBE

Les sources juives de l’Eucharistie

Pages 23 à 30

Yves BARBARIN

Communier pour se préparer au martyre

Pages 31 à 38

Françoise VINEL

L’Eucharistie fait l’Eglise

Pages 39 à 45

Philippe BARBARIN

Présence, sacrifice et communion

L’Eucharistie dans les manuels de théologie

Pages 46 à 53

Patrick DESCOURTIEUX

Théologie et liturgie de l’Eucharistie chez saint Thomas d’Aquin

Pages 54 à 60

Laurence CREMIERE

Le pressoir mystique

Note sur une représentation de l’Eucharistie dans l’église Saint-Etienne-du-Mont

Pages 61 à 71

Saint Augustin

Sermon prononcé je jour de la Pentecôte (sermon CCVLXXII)

Pages 72 et 73

Pierre Corneille (trad.)

L’imitation de Jésus-Christ (Livre IV)

Pages 74 et 75

Paul de LARMINAT

La manducation de l’enseigneur dans le milieu ethnique palestinien

(Apports de l’œuvre anthropologique de Marcel Jousse à l’étude de l’Eucharistie)

Pages 76 à 80

Chroniques bibliographiques

R. S.

L. CHARLOT, Jésus est-il présent dans l’hostie ?, Coll. Foi à l’épreuve n° 5, CRER, Angers, 1975.

Pages 82 et 83

G. G.

André MANARANCHE, Ceci est mon corps, Seuil, 1975, 181 pages.

Pages 84 à 86

RESURRECTION 53 (2ème trimestre 1977) : LA LITURGIE

120 pages

OFFRANDE

La liturgie met l’Église en tumulte. Alors qu’elle a pour fonction de réunir la foule éparse des fidèles dans l’écoute d’une Parole qui rassemble et dans la célébration de mystères qui construisent le Corps du Christ, la liturgie divise aujourd’hui les chrétiens. Et tandis que les soldats eux mêmes n’avaient pas osé déchirer la tunique sans couture du Crucifié, ceux qui se disent aujourd’hui ses disciples l’ont tailladée en tous sens. Non contents d’en avoir fait de la charpie, ils brandissent fièrement leur trophée et portent sur la place publique un différend qui n’est en fait qu’une blessure supplémentaire dans le corps meurtri du Rédempteur.

Deux impasses

Tous sont nos frères, certes, ceux qui trahissent la Tradition vivante de l’Église au nom de traditions prétendument immuables, comme ceux qui, fascinés par l’appel de la modernité, asservissent l’Église à l’histoire d’un monde auquel pourtant le chrétien, comme son Seigneur, n’appartient pas (Jean 17, 16). Tous sont nos frères, mais ils se conduisent en frères ennemis. Les premiers seraient bien en peine de dire à quelle date exacte on devra s’en tenir pour l’observance des prescriptions liturgiques, et pourquoi, au nom des " décisions éternelles " de Saint Pie V, il faut d’une part obéir à Pie XII qui restaure la liturgie de la nuit pascale (en 1951), et même à Jean XXIII quand il introduit la mention de Saint Joseph dans le Canon Romain (en 1961) et d’autre part désobéir à Paul VI, quand, faisant usage de la même autorité légitime, il ordonne une modification plus profonde de la liturgie. Les seconds, qui font moins de bruit dans la presse, mais pas dans les communautés chrétiennes, seraient courageux de relire aujourd’hui le texte du Concile Vatican Il et d’en saisir vraiment l’esprit, dont il se sont tant prévalus, pour examiner si les eucharisties sauvages, si les sermons où la conscientisation politique a chassé l’enseignement sur le Christ, sont vraiment une révision de la liturgie faite " avec prudence, dans l’esprit d’une saine tradition " (constitution Sacrosanctum Concilium, S. C ; n° 4).

Ces débats publics font grand bruit ; ils semblent n’indiquer que deux impasses, et pourtant nous avons la conviction que le chemin n’est pas difficile à trouver. Au lieu de faire exploser ses passions, et d’accroître le vacarme ambiant, il suffit d’écouter. La vie et la prière de l’Église, pour reprendre la comparaison de saint Basile sont comme un coquillage qui nous donne si nous savons l’écouter attentivement l’écho ou la rumeur de cette mer immense qu’est la vie divine. Les siècles de la vie de l’Église nous transmettent ce murmure ininterrompu, cette longue conversation renouvelée, où Dieu fait confidence à l’homme de son dessein de salut et de la splendeur de sa gloire, tandis que celui ci présente au Père toute sa vie esprit brisé ou cœur bondissant de joie en union avec le sacrifice rédempteur du Fils. Cette perspective dit assez comment la liturgie est à la fois le rocher immuable de la vie chrétienne et l’édifice hétéroclite où chaque époque a laissé sa trace. Elle porte la marque du Dieu éternel qui parle et qui donne, et de l’homme qui, dans la contingence de l’histoire, fait effort pour rendre au créateur tout honneur et toute gloire. Voilà la tension interne qui est à l’origine des conflits que suscite la liturgie. Pour certains, rien n’est contingent dans la liturgie, parce que c’est déjà le ciel sur la terre. Il n’est donc pas question pour eux d’adapter la liturgie à notre vie, car au regard de la louange céleste qui nous fait anticiper sur l’au delà, tout dans notre vie n’est qu’ombre et illusion. D’autres au contraire désirent accentuer le lien entre les réalités liturgiques et la vie des hommes pour bien montrer que le salut s’opère par une intervention directe de Dieu, non dans un monde éthéré, mais dans la pâte humaine, dans cette chair et cette terre que le Christ notre frère et notre Dieu a épousées.

L’Eglise, maîtresse de liturgie

Mais ne nous contentons pas de camper les deux positions, en émettant simplement le voeu qu’une situation d’équilibre se dégage, par l’ouverture des uns et la modération des autres. A cet égard, les principes qui ont guidé les changements demandés par le Concile Vatican II et mis en oeuvre depuis, peuvent nous éclairer. Le premier est l’importance de la liturgie ; par sa fonction de louange, elle unifie l’Église dans la tension vers Dieu et lui donne toute sa force (cf. S. C., n° 10) ; elle avive chez les chrétiens la requête la plus ; exigeante de l’Évangile, celle de chercher la perfection du Père Céleste. Le second est la distinction entre une partie immuable qui nous vient directement du Seigneur et des Apôtres, et des aspects sujets au changement qui peuvent ou doivent varier au cours des âges (cf. S.C. n° 21). Le troisième principe est l’affirmation qu’une célébration liturgique n’est jamais une action privée, mais qu’elle engage toute l’Église comme un peuple solidaire, structurellement réuni autour de ses pasteurs les évêques et du successeur de Pierre, chargé de confirmer ses frères dans la foi (cf. S. C., n° 26). Ces points de repère doivent faire l’unanimité. La vie même de la Tradition implique certains changements que l’Eglise a connus et pratiqués de tous temps avec prudence souvent, avec hardiesse parfois. Les gestes et les paroles de la liturgie, si vénérables quand ils ont servi à tant de générations de nos pères pour exprimer leur foi et leur prière, sont pour la plupart contingents et soumis aux modifications que l’Église l’Église de Jésus Christ, et non pas quelques individus illuminés ou quelques communautés " prophétiques " veut leur faire subir. Or le Concile Vatican II a jugé opportunes certaines modifications ; et il en a tracé les grandes lignes. Le Père Gy o.p., consulteur de la Congrégation romaine pour les sacrements et le culte divin, qui nous fait l’honneur de préfacer ce numéro, écrivait au lendemain du Concile : " La constitution conciliaire affirme à plusieurs reprises à la fois la volonté de rendre à nouveau la liturgie capable d’exprimer l’un à l’autre le Seigneur et l’homme de notre temps, et la volonté de conserver et d’honorer l’héritage spirituel et culturel de l’Occident dont la liturgie romaine est dépositaire " (1).

Aujourd’hui, ce désir du Concile a été traduit dans des décisions que l’autorité romaine et les évêques avec elle ont explicitement approuvées. Mais au lieu de réunir le corps ecclésial du Christ dans la prière et l’action de grâce, leur application dans les faits pose des problèmes et menace la communion catholique. Et de nombreux chrétiens aggravent par leur comportement ces dissensions ; refusant d’accueillir comme des fils cette parole de l’Église, ils s’en font au contraire les juges.

Nous ne serons pas de ceux là. Ce cahier de Résurrection part chez l’imprimeur au milieu de la Semaine Sainte ; 1’Eglise entière s’apprête à vivre pendant quelques jours le point culminant de l’année liturgique. Dans l’affliction et l’allégresse, nous célèbrerons avec tous nos frères chrétiens le mystère pascal du Christ. C’est au Crucifié désormais ressuscité et vivant que nous voulons offrir ces modestes pages, fruit de notre labeur et de notre prière. Puissent elles contribuer à faire comprendre que la liturgie n’est ni une évasion esthétique ni un à côté du christianisme, mais qu’elle lui donne vie, comme le coeur du Christ fait sourdre l’eau vive.

" C’est dans la confession des Personnes divines que consiste l’essentiel du mystère de la religion, et dans la participation aux rites et aux symboles mystiques que se réalise le salut ". (2)

RESURRECTION

N D.L.R. : Une fois par an, les membres de Résurrection invitent les étudiants des Cours spécialisés de théologie de Montmartre à participer à la rédaction de la revue. Le numéro 53 est le fruit de cette collaboration. A la demande de plusieurs lecteurs qui souhaitent mieux nous connaître, nous donnons à la fin du présent cahier quelques renseignements sur ses rédacteurs, espérant favoriser ainsi le dialogue avec nos lecteurs.

1 Vatican II La liturgie, (coll. Unam Sanctam, n° 66), Paris, Le Cerf, p. 124.

2 Grégoire de Nysse, Contre Eunome, P. G. 46, 880 B.

SOMMAIRE

Offrande

Pages 3 à 6

Père P-M GY, o.p.

Préface

Pages 7 et 8

Philippe MOCH

Liturgie et monde à venir

L’attente du Messie

Pages 9 à 28

Christine MARTIN

" Kenose " et " Pompe "

pages 29 à 38

Bernard GAUTHE

Apprendre à dire " Amen "

Pages 39 à 49

Rémi SENTIS

Liturgie et créativité

Pages 50 à 56

Gérard BONNET

Liturgie, tradition et vie spirituelle dans l’Eglise d’Orient

Pages 57 à 65

Marc GODINOT

Prière personnelle et prière liturgique

Pages 66 à 74

Catherine BERGOT

Liturgie et théologie

Pages 77 à 87

Jean LEDION

La liturgie, le corps et le monde

Pages 88 à 96

Michel STOREZ (avec Michèle CORMIER et Gabriel NANTERRE)

Une liturgie qui change la vie

Pages 97 à 100

Cécile DAGRENA

Liturgie chrétienne une et multiple : Babel ou la Pentecôte ?

Pages 101 à 106

Textes :

Célébrer spirituellement la fête (St Siméon le Nouveau Théologien)

Pages 107 et 108

Du fond du cœur, dialogue avec Dieu (prière arménienne)

Pages 108 et 109

Chroniques bibliographiques

Ph. B.

Joseph GELINEAU, Demain la liturgie. Essai sur l’évolution des assemblées chrétiennes - (Collection Rites et symboles) - Paris, Le Cerf, 1976, 157 pages.

Pages 110 et 11

Fernand ZOGHBI

C. DUCOQ, J. GUICHARD et un groupe de recherche de la Faculté de théologie de Lyon - Politique et vocabulaire théologique - (Collection Rites et symboles) - Paris, Le Cerf, 1975, 155 pages.

Pages 112 à 114

Jean-Yves LACOSTE

Cardinal Alexandre RENARD, Où va l’Eglise ? Paris DDB, 1976, 161 pages.

Pages115 et 116

RESURRECTION 54-55 (4ème trimestre 1977) : CHRETIEN QUELLE EST TA FOI ?

Numéro spécial

232 pages

PREFACE

"La Lettre des Evêques aux Catholiques de France" a connu une diffusion qui dépasse les 2.500.000 exemplaires, preuve sans aucun doute de son intérêt pour ses destinataires : dans sa richesse si concise, elle correspondait à l’attente de beaucoup qui, en l"Eglise, accueillent le concile et veulent en suivre les applications indiquées par les Evêques eux mêmes.

Le cap missionnaire de l’Eglise n’est pas changé : témoigner de l’Absolu de Dieu dans la solidarité arec les hommes, selon les exigences élémentaires de la Foi de toujours, de l’Eucharistie de l’Eglise, et de la communion fraternelle dans l’amour du même Seigneur : tel est le contenu de La Lettre.

Son succès a peut être éclipsé d’autres documents de l’Assemblée de Lourdes, qui méritaient plus d’attention, par exemple la déclaration sur " la Catéchèse des enfants " : elle est une manière de développement autorisé de La Lettre des Evêques sur l’annonce du Christ.

Cette déclaration comporte des orientations adressées à tous les éducateurs de la Foi des enfants : ce n’est pas le lieu de les rappeler toutes ici, mais seulement quelques unes, plus en rapport avec La Lettre : elle souligne notamment que le Message chrétien " est exprimé dans le Symbole de la Foi et dans l’ensemble des pratiques qui constituent la vie des chrétiens en Eglise " ; elle renvoie à La Lettre elle même pour tous les mystères de la Révélation ; plus loin, elle écrit : " Une des manières d’assurer le lien étroit avec l’Episcopat... pourra être un nouveau " texte de référence ", ... afin de servir, la fidélité à la tradition et la communion dans la Foi catholique ".

Déjà, ces dernières années, des volumes divers ont été publiés qui visent à donner des exposés de la Foi catholique : c’est que le besoin s’en fait sentir, parmi les croyants, notamment les catéchistes, dans un certain climat actuel de flottement doctrinal, pour reprendre l’image de Karl Barth : "Aujourd’hui, on flotte, et flotter ce n’est pas être libre, c’est être prisonnier de toutes les vagues qui déferlent ".

L’équipe de "Résurrection " a l’audace de présenter l’ensemble de la Foi catholique : des jeunes, la plupart étudiants, épris de théologie, se sont donnés pour tâche de rédiger tout un numéro de la Revue, pour dire l’enseignement de l’Eglise, puisé à la source de la Parole révélée, qui nous vient indissolublement par l’Ecriture et la Tradition. Le concile Vatican II dit expressément, en sa Constitution la plus dogmatique, Dei Verbum : "Il est clair que la Sainte Tradition, la Sainte Ecriture et le Magistère de l’Eglise, par une très sage disposition de Dieu, sont tellement reliés et solidaires entre eux qu’aucune de ces réalités ne subsiste sans les autres et que, toutes ensemble, chacune à sa manière, sous l’action du seul Esprit Saint, contribuent efficacement au Salut des âmes" (D. V. 10).

Ce petit volume est un loyal " essai" au service de l’Eglise : les lecteurs jugeront s’il est " transformé", comme on dit en termes de rugby ; en tout cas, les auteurs voudraient qu’il atteigne son " but ".

+ Cardinal A. RENARD

INTRODUCTION

Ai je bien fait, moi qui ne suis pas un théologien de métier, de réunir des étudiants non seulement pour les initier à la prière, ce qui est ma fonction, mais pour leur permettre de " faire de la théologie ", c’est à dire d’assimiler personnellement et systématiquement la Révélation ? Ai je eu raison de les pousser à éditer une revue pour garder trace de leurs recherches et pour les diffuser ? Ai je surtout à bon droit souhaité devant eux la confection d’une sorte de synthèse, et cru que celle ci pourrait être utile à ceux qui sont troublés par certaines remises en question et ne veulent pas rompre pour autant avec la pensée moderne ? Les lecteurs de ce travail, et peut être ceux qui l’utiliseront, en jugeront.

Les auteurs de toute façon auront eu le mérite d’apercevoir la nécessité de la théologie pour ce temps et sa possibilité pour le Chrétien un peu cultivé d’aujourd’hui. Tout le monde le dit, le renouvellement singulier des sciences humaines dans les domaines philosophique, psychologique, sociologique, historique et linguistique, pose des problèmes nouveaux, dans une certaine mesure, à ceux qui veulent penser et exprimer leur foi. Il n’y a pas motif de panique, car ceci s’est produit plusieurs fois au cours de l’histoire de l’Église et la solution de cet affrontement a été parfois bénéfique. A tout prendre, celui ci est inéluctable, si l’on veut maintenir l’actualité de la foi. Mais il y a tout de même un danger : les chercheurs, même chrétiens, ne mesurent pas toujours les conséquences de leurs hypothèses dans le domaine religieux. Ainsi les jeunes à l’âge d’acquérir une foi personnelle sont ébranlés par des doutes variés qui atteignent successivement toutes les affirmations de celle ci. Les incroyants qui s’interrogent aujourd’hui s’étonnent de ne pas recevoir de réponses claires à leurs questions. Les chrétiens, certes, ne sont plus en sécurité ; ils n’osent plus parler, ce qui est un mal. Ils répugnent tout autant à resservir les formules superficielles dont se sont contentées les générations précédentes, et à entrer dans une façon de penser qui volatilise la réalité concrète de Dieu et de Jésus Christ.

Les jeunes auteurs, au fait des différents courants de la pensée moderne qui correspondent à leurs études profanes ont expérimenté qu’il était possible de réagir. Ils ont découvert que la théologie n’était pas un savoir réservé à des spécialistes subtils, amateurs d’abstractions, de polémiques et de langage ésotérique, mais plutôt la réponse cohérente et vivante aux problèmes humains. Ils ont goûté les sources riches et belles de la Révélation et leur cohérence, et les ont confrontées avec les savoirs humains. Ils se sont étonnés de la liberté laissée par l’Église, qui sans cesse construit des synthèses avec des éléments de la pensée de chaque époque, mais ne les impose pas aux suivantes. Ils se sont eux aussi aperçu que l’esprit humain exigeait de parvenir à une certaine vision globale du dessein de Dieu et s’y sont essayés sans esprit de système ni polémique, sans essayer même de parvenir à une unanimité totale entre eux. Sur certaines questions, chacun dit sa pensée, et de ce fait le problème reste ouvert. Ils ont néanmoins travaillé en équipe, première forme de recherche en Église ; et n’ont même pas récusé l’intervention de leurs aînés, prêtres ou laïcs. Ils ont fait surtout l’expérience, grâce à l’accent mis sur le caractère de relation personnelle entre Dieu et les hommes, que la théologie ainsi comprise dynamisait singulièrement leur ferveur religieuse.

C’est pourquoi il leur est apparu juste de partager les premiers résultats obtenus avec leurs frères chrétiens, non à la manière d’un endoctrinement, même si leurs propos paraissent parfois sentencieux, mais à la façon d’un témoignage, qui s’accompagne de quelque imperfections de vocabulaire ou même de pensée, mais qui appelle à marcher dans les mêmes voies tous les Chrétiens désireux d’entrer dans la lumière et de la faire passer dans leur vie.

Mgr Maxime CHARLES

AVANT DE LIRE CE LIVRE…

Sachez que les auteurs ont voulu :

Donner à ceux qui en sentent le besoin une présentation complète de la foi catholique,

Fournir un instrument de recherche à ceux qui voudront aller plus loin,

Faire un petit ouvrage sûr et facile à consulter.

DISOSITION

Chacun des cent articles occupe deux pages.

Page de gauche : présentation

C’est une explication de ce qu’enseigne l’Eglise sur la question traitée. On a essayé d’être à la fois clair, rigoureux, et concis. La variété des auteurs a permis de conduire les exposés de la doctrine en évitant une lassante uniformité ; L’ensemble des textes a été soigneusement relu afin d’en ôter autant que possible toutes les imprécisions et les obscurités.

Page de droite : recherche et réflexion

Cinq rubriques permettent de trouver rapidement les éléments utiles ou nécessaires à une recherche approfondie.

S : Les principaux textes de l’Ecriture. Toute la théologie chrétienne est enracinée dans la Bible, vénérée par l’Eglise comme Parole de Dieu.

M : Les textes du Magistère (Conciles et Papes) définissant les vérités de foi. La mention FC indique la référence dans l’ouvrage du Père Dumeige, La Foi Catholique.

T : Des textes particulièrement éclairants : leur provenance est diverse : saints, docteurs, évêques, théologiens anciens ou modernes… On y réagira de façon variée ; on les admirera, on les critiquera peut-être, on les méditera en n’oubliant pas qu’ils sont, à des titres divers, importants.

Q : Des questions pour aller plus loin. Ce sont des pistes de recherche dont la réponse n’est pas fournie par la présentation de l’article, mais se trouve généralement dans :

B : La Bibliographie : elle offre un choix d’ouvrages utiles et clairs de préférence. Toutefois, il a paru préférable de citer certains livres un peu plus théoriques, mais vraiment fondamentaux. Le choix a été difficile et il a fallu limiter, mais on trouvera généralement :

un ouvrage assez complet mais pouvant être d’accès ardu ;

un bon livre d’initiation répondant à la plupart des problèmes posés,

un article déjà paru dans Résurrection ou une courte étude sur le sujet.

UTILISATION

Lecture

Il vaut mieux commencer par une lecture d’ensemble de l’ouvrage, ne serait-ce que pour en avoir une connaissance générale… ne vous attardez pas sur les pages de réflexion. Les articles de ce livre ont été conçus pour former un tout, permettant une lecture suivie. Ils sont denses, aussi vaut-il mieux les lire sans précipitation, en gardant en vue le panorama de la Révélation qu’ils veulent présenter.

Etude

Pour une étude plus théologique, la bibliographie générale fournit les grands instruments. Etudiez chapitre par chapitre et article par article. Cherchez les références bibliques, lisez les textes du Magistère, méditez le texte et jetez un coup d’œil sur la bibliographie. Vous pourrez alors comprendre la page de présentation, non lus en simple lecteur, mais comme quelqu’un qui pourrait participer à la rédaction d’un tel livre.

Consultation

Vous pouvez consulter cet ouvrage comme un manuel, pour lever vos doutes sur tel ou tel point de doctrine ; les occasions sont multiples, discussions amicales, groupes de prière, catéchisme, lectures… Consultez le texte de présentation, la page de travail, égarez-vous dans les bibliographies ou écrivez-nous !

Pensez à utiliser la table des matières et l’index. C’est en consultant souvent ce livre que vous apprendrez à vous en servir, et à y trouver votre bien.

Permettez-nous ce dernier conseil : un tel travail ne peut être seulement intellectuel ; il ne trouvera sa fin et son épanouissement que dans la charité, la prière et l’adoration. Que les connaissances ainsi acquises le soient pour la plus grande gloire de Dieu !

SOMMAIRE

Ont collaboré à la rédaction de ce numéro spécial de résurrection :

Monique AGREKE, Anne-marie et Jean-Loup ALBOUZE, Yves BARBARIN, Catherine BERGOT, Marie-Christine BEVILLARD, Jean CHAMBE, Jean-Yves COINDREAU, Catherine de DAMAS, Jean-Marie DOBREE, Pierre DURAND, Jean-Pierre FOURQUET, Geneviève et Gérard GAUTRON, Françoise GUIBERT, Agnès KALINOWSKA, Elisabeth KESSLER, Jacques-André et Jean-françois LANEYRIE, Jean-Pierre LECOMTE, Jean LESTRADE, Claire LIOUSSOU, José-Miguel MARIANO, Christine MARTIN, Gilles MARTY, Odile MICHAUD, Philippe MOCH, Marie MOREAU, Gabriel NANTERRE, Françoise PETCHOT, Pascal POIGET, Pia de RANCOURT, Marie-Thérèse ROUXEL, Rémi SENTIS, François SOULAGES, Isabelle STAUFF, Michel VASSEAUX, Françoise VINEL.

Cardinal RENARD

Préface

Pages 3 et 4

Introduction

Mgr CHARLES

Pages 5 et 6

Mode d’emploi

Pages 7 et 8

APPROCHES

Jésus-Christ, notre vie

la splendeur de la Révélation

la foi n’est pas un idéal

Foi d’Israël - Foi en Jésus-Christ

La tradition

L’Ecriture

Ecriture et exégèse

L’infaillibilité de l’Eglise

Le développement du dogme

La théologie

Croire et comprendre

La science et la foi

Contemplation de l’homme et du monde, approche de Dieu

Connaître Dieu hors du christianisme

Le christianisme est-il une religion ?

Encart : La théologie et les sciences de l’homme

ATTENTE

Dieu unique et personnel

Que dire de Dieu ?

La création

L’homme à son image

Les anges et le démon

Le problème du mal

Adam et le péché originel

Mesure de l’homme

L’alliance et la loi

Il a parlé par les prophètes

Celui qui vient

D’un testament à l’autre, sagesse et apocalypse

Les psaumes, prière d’Israël, du Christ et de l’Eglise

LE SAUVEUR

L’Incarnation

L’Incarnation était-elle nécessaire ?

L’Homme-Dieu

Jésus-Christ face à l’histoire

Les débuts

Jésus-Christ, le pasteur et le maître

Les signes et les prodiges

Le mystère pascal

Le dernier repas

Le vendredi saint

La descente aux enfers

Il est ressuscité

" Il vaut mieux pour vous que je parte "

Présence du Christ glorieux

Homme et Dieu : La naissance du dogme

La personnalité du Christ

La mère du Christ

RENAISSANCE

Dieu notre Père

La Trinité sainte et notre salut

La vie trinitaire

Le saint-Esprit

L’homme à l’image du Fils

L’Eglise du Christ

L’Eglise institution

le sacerdoce

Eglise une sainte

Catholicité et œcuménisme

Eglise universelle, églises locales

L’Eglise, lieu du salut

Dieu vient à notre rencontre dans les sacrements

Les sacrements dans nos vies

Les 7 sacrements

La messe

L’Eucharistie - présence réelle du Christ

L’eucharistie est un sacrifice

Communier pour vivre

L’initiation chrétienne

Le baptême

Le pardon des péchés

La liturgie

LA VIE DES CHRETIENS

Marie, notre Mère

La communauté primitive

Des chrétiens, nos frères les saints

La loi et l’amour

Le droit et l’Eglise

La conscience de l’homme et la révélation

Vivre dans le souffle de l’Esprit : la Grâce

La foi et les œuvres

Les chrétiens, pécheurs mais crédibles

La prière

La spiritualité

Consécration

Conversion et pénitence

Valeur rédemptrice de la souffrance

L’amour humain et la famille

Le corps

L’argent

Vivre et agir dans le monde

Ce qui demeurera : la charité

Au soir de notre vie nous serons jugés sur l’amour

Un Dieu qui condamne

Le jour de Dieu

Toute chair ressuscitera

ETENDRE LE ROYAUME

L’histoire des hommes

Appel universel à la sainteté

Une Eglise missionnaire

L’Eglise et le monde

Témoignage et martyre

Dire Dieu

Faire grandir l’Eglise

Action et contemplation

100.L’Espérance de son amour

Index des auteurs

Pages 222 et 223

Index des références

Pages 224 à 227

Bibliographie

Pages 228 et 229

RESURRECTION 56 (4ème trimestre 1977) : L’ACCES A DIEU

96 pages

OUVERTURE

Le dernier numéro de Résurrection nous a demandé un effort particulier que nous voyons aujourd’hui heureusement couronné de succès. Les commandes que nous continuons de recevoir justifient le tirage exceptionnel que nous avons voulu faire de ce numéro spécial " Chrétien, quelle est ta foi ? ". Et il s’avère qu’un panorama général de la foi catholique sous cette forme est un instrument de travail utile à des groupes d’étudiants, à de nombreux adultes et même à des jeunes du secondaire.

Le travail de cette nouvelle année (voir à la fin du cahier le thème de travail des différents groupes du mouvement Résurrection) nous fera étudier quelques aspects du mystère de Dieu. Cette livraison s’attache à repérer les chemins que l’homme emprunte pour découvrir Dieu.

Il y est donc question tout d’abord de l’acte de foi, car telle est bien la disposition fondamentale de l’homme qui s’ouvre au dessein de Dieu. J. P. Fourquet essaie de répondre à des questions aussi simples et profondes que : " Qu’est ce que croire ? Comment croire ? Quelles sont les structures fondamentales de l’acte de foi ? " L’article suivant (M. Benoist), dépassant la critique générale et dans une certaine mesure justifiée de l’apologétique poussiéreuse, cherche à mettre en valeur l’idée d’une défense solide et raisonnée de la foi contre les attaques extérieures. Elle est à la fois nécessité et signe de santé, comme le montre un regard historique sur le souci apologétique des théologiens depuis l’époque des Pères. On aborde ensuite le thème des preuves de l’existence de Dieu (P. Barbarin) ; il ne s’agit là plus tant des chemins parcourus par le croyant que des approches possibles de Dieu. L’article passe en revue différentes démarches rationnelles et cherche une position d’équilibre entre l’affirmation catégorique d’une démonstrabilité rigoureuse de l’existence de Dieu et une certaine démission fidéiste.

Nous remercions le P. Guérandel, chapelain à la Basilique du Sacré Coeur, de nous avoir donné une étude approfondie sur le désir immanent à l’homme de l’Autre, d’une ouverture au transcendant, à partir de deux hommes que la recherche de Dieu rapproche malgré la séparation du temps (Pascal et Blondel).

Outre ces quatre articles qui donnent le sens de la recherche de ce cahier, le lecteur trouvera une illustration du propos dans un aperçu sur l’approche mystique de Dieu et dans une chronique bibliographique analysant quatre démarches contemporaines sur le problème de l’accès à Dieu (Tresmontant, Clavel, la gnose de Princeton, et surtout J. L. Marion, bien connu des lecteurs de Résurrection, dont le dernier ouvrage l’idole et la distance est ici recensé).

RÉSURRECTION

SOMMAIRE

Ouverture

Pages 5 et 6

Jean-Pierre FOURQUET

Connaître pour aimer

Pages 7 à 19

Michel BENOIST

Cette foi qu’il faut défendre et illustrer

Pages 21 à 35

Philippe BARBARIN

Prouver Dieu ?

Pages 37 à 47

Alain GUERANDEL

De la connaissance de l’homme à la connaissance de Dieu

Pages 49 à 62

Michel GAGIN

Mystique, poésie et apologétique

Pages 63 à 69

Chroniques bibliographiques

M. G.

Raymond RUYER, La gnose de Princeton, Fayard, 1977, 477 pages

Pages 71 à 77

Jean-Yves LACOSTE

Jean-Luc MARION, L’idole et la distance, Paris, Grasset, 1977

Pages 78 à 83

J. M. S.

Maurice CLAVEL, Ce que je crois, grasset, 1975

Maurice CLAVEL et Philippe SOLLERS, Délivrance, face à face, Seuil, 1977

Pages 84 à 86

J. L. F. et Jean-Yves LACOSTE

Claude TRESMONTANT, Comment se pose aujourd’hui le problème de l’existence de Dieu ? Seuil, 1966, 427 pages

Pages 87 à 89

Le mouvement Résurrection

Pages 90 et 91

RESURRECTION 57 (1er trimestre 1978) : DIEU, L’UNIQUE SEIGNEUR

80 pages

OUVERTURE

Seconde étape de notre réflexion et de notre travail d’année, ce cahier plonge dans le mystère de Dieu.

Le précédent (n° 56 : L’accès à Dieu) abordait la question du point de vue de l’homme. Quelle démarche devons nous faire pour nous approcher de Dieu, découvrir son existence, fortifier notre foi et la défendre contre les attaques extérieures ? Dans sa prière quotidienne (Deutéronome 6, 4) le peuple d’Israël s’exhorte à orienter toute son attention (Écoute, Israël) et son amour (" tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur ... ") vers Yahvé. car , Yahvé notre Dieu est l’Unique Seigneur ".

Plus que de l’homme et de son attitude croyante, il s’agit maintenant de ce Dieu unique. Que nous a t-il révélé de lui même ? Que pouvons nous dire de sa vie divine, de son attitude envers nous ? Il est clair qu’avec l’Incarnation du Verbe et le message de l’Évangile, le visage de Dieu nous apparaît de manière tout à fait nouvelle. En nous parlant maintes fois de son Père et du rôle de l’Esprit, le Christ nous a appris surtout que Dieu vivait en trois personnes, et saint Jean écrit que la vie de Dieu peut se résumer dans l’amour partagé entre elles. Mais nous laisserons pour la prochaine livraison une approche du mystère de la Trinité.

Le Dieu unique, le Créateur tout puissant n’est pas connu aujourd’hui comme sous le régime de l’Ancienne Alliance. Dans l’événement majeur de l’Incarnation rédemptrice, Dieu lui même, Dieu tout entier, s’est engagé. Par la personne du Christ, il a révélé , le mystère caché depuis les siècles en Dieu " (Colossiens I, 26), et cette révélation a retenti en nos langages d’hommes. Sans entamer nullement la transcendance de Dieu, elle a bouleversé ce que nous pouvons savoir et dire de lui (Jean Pierre Fourquet). Comme un aspect particulier de cette problématique, nous abordons le problème de la souffrance de Dieu. Cet état, incompatible avec la divinité, ne lui est pourtant plus étranger depuis la souffrance du Christ. Mais comment échapper à l’équivoque d’une telle affirmation ? (Gabriel Nanterre).

Reste le rapport de Dieu avec les hommes et l’ensemble de l’univers. On l’éclaire d’abord par l’idée de création. Le monde et tout ce qu’il renferme vient de Dieu (Actes 14, 15 ; 17, 24) ; mais nous savons que tout à été fait par le Christ et pour lui (Gilles Bayet). C’est grâce au Christ, créateur de l’univers et premier né de toute créature que la sollicitude attentive de Dieu s’étend à chaque instant sur le monde. Sa Providence n’est rien d’autre que le bon plaisir de sa volonté, son dessein bienveillant (Ephésiens 1, 57 et 9 Paul Timoléon). La proximité entre le thème de la création et celui de la Providence est manifeste dès l’Ancien Testament. Au chapitre 8 du livre des Proverbes, le long discours de la Sagesse (en qui nous voyons se profiler l’image du Christ) en est une illustration célèbre. Tout au long du livre des Psaumes surtout, le visage de Dieu est saisissant de vie. Sa grandeur inaccessible et terrifiante n’altère nullement sa tendresse et sa miséricorde. Le peuple tour à tour chante sa magnificence, lui rend grâce pour sa délivrance et sa joie (Jean Louis Geringer et Philippe Barbarin).

L’attitude de Dieu a aussi sa dimension personnelle. Le regard miséricordieux qu’il porte sur chacun de nous, nous pénètre et nous traverse de part en part. Quand il sonde nos reins et nos coeurs, Dieu nous connaît et nous fait connaître toutes les exigences de son amour véhément (Pascale Ballet). Mais ce que nous savons de plus profond sur l’être de Dieu et sur son amour pour nous, c’est le Seigneur qui nous l’a enseigné. Dans le Notre Père, il nous ouvre au mystère du Nom, du règne et de la volonté de Dieu, et d’abord à la joie de la filiation (Claude Delibes).

En commençant son traité sur la prière, Origène exprime magnifiquement comment il est devenu possible à l’homme de comprendre quelque chose du mystère de dieu. Ce passage résume la ligne choisie par les divers articles qui suivent :

Il est des réalités qui dépassent notre entendement, elles sont trop grandes, insaisissables pour la faiblesse de notre intelligence ( ... ) Qui pourra nier qu’il est impossible à l’homme de sonder les cieux ? Qui oserait dire que l’homme peut pénétrer les desseins de Dieu ? Et pourtant, ce pouvoir, Dieu nous l’accorde dans le Christ. Le Sauveur ne veut pas seulement être le maître, mais devenir l’ami de ceux dont il était le Seigneur auparavant.

RÉSURRECTION

SOMMAIRE

Ouverture

Pages 3 à 5

Jean-Pierre FOURQUET

Que dire de Dieu ?

Pages 7 à 17

Gabriel NANTERRE

Un Dieu qui souffre ?

Pages 19 à 26

Gilles BAYET

Créateur du ciel et de la terre

Pages 27 à 34

Paul TIMOLEON

Au plaisir de Dieu. Formule de la Providence ?

Pages 37 à 46

Jean-louis GERINGER et Philippe BARBARIN

Ce que Dieu donne, le visage de Dieu dans les Psaumes

Pages 49 à 56

Pascale BALLET

Dieu qui sonde, Dieu qui appelle

Pages 59 à 67

Claude DELIBES

Le Dieu du Notre Père

Pages 69 à 75

RESURRECTION 58 (2ème trimestre 1978) : AU NOM DU PERE, DU FILS ET DU SANT-ESPRIT

112 pages

OUVERTURE

Une année de travail et de prières sur le mystère de Dieu s’achève avec ce cahier sur la Trinité. En marchant dernièrement sur les de Chartres, nous méditions sur le thème : " Amour de Dieu, amour des hommes ". Et le sommet de ce pèlerinage fut la messe dans la cathédrale en l’honneur de la Trinité Sainte.

Dieu en effet, notre Dieu, n’est pas seulement un unique Seigneur tout-puissant qui a manifesté sa bonté en créant à son image de chétives créatures pour lesquelles il aurait " de l’amour ". Dieu lui-même, au fond de son être est amour. Avant la création et en dehors du temps, il vit en lui-même un amour ineffable, plus merveilleux encore que toutes les merveilles dont il est l’auteur. Lorsque saint Jean écrit que " Dieu est amour ", il laisse entier le mystère de la vie divine, mais il nous dit tout sur Dieu.

C’est dans la Trinité que culmine la Révélation chrétienne. Car la recherche de Dieu est le désir le plus profond de l’être humain, la source de son bonheur le plus vrai ; et ce que le Christ nous apprend de son Père et de la vie dans l’Esprit saint, était ignoré sous le régime de l’ancienne alliance.

Pour aider le lecteur à cadrer sa réflexion théologique sur la Trinité, nous proposons au début de ce cahier trois articles de problématique. Le premier s’attaque à l’affirmation centrale et durement paradoxale de notre foi trinitaire : au niveau de l’absolu, l’Un est contemporain du trois. Dans cet article, M. Moreau passe en revue, pour l’expliquer brièvement, le langage trinitaire de la théologie. Deux articles sont ensuite consacrés au thème de la paternité et de la relation de filiation en Dieu (I. Houen) et à la découverte de l’Esprit de vie au carrefour des Écritures (F. Boye).

Dans une partie touchant à l’imprégnation trinitaire de la spiritualité chrétienne, nous avons l’honneur de reproduire le texte d’une conférence donnée récemment par le R.P. M. J. Le Guillou sur " L’expérience de Dieu dans l’Esprit ", où il reprend les traits principaux de son dernier livre : Les témoins sont parmi nous. L’étude suivante s’inspire des grandes écoles de spiritualité pour montrer que toute communication avec Dieu dans la prière est une expérience mystique de communion à la vie trinitaire (M. Cagin). Entre tous les êtres humains, la Vierge Marie, Mère de Dieu, a été un instrument privilégié de la réalisation du dessein de Dieu parmi nous : fécondée par l’Esprit, elle accomplissait la volonté du Père en donnant au monde son Fils et vivait ainsi un type de participation au mystère trinitaire, qui est exemplaire pour tout disciple du Christ (M. A. Corroy).

Les articles suivants sont autant d’études particulières dont la plus utile pour notre lecteur sera sans doute la fiche technique sur l’histoire du dogme trinitaire. Quelques brèves pages sont consacrées à saint Athanase, à sa théologie du Saint Esprit (J. M. Dobrée) et à la lecture d’un fort beau texte où le patriarche d’Alexandrie unit dans une suite de comparaisons analogues la vie et l’œuvre de la Trinité en notre faveur (C. Bergot). Ce cahier se termine par un travail sur la théologie trinitaire de Martin Luther (P. Barbarin) ; en constatant la pauvreté des développements du Réformateur en ce domaine, on peut se demander si elle n’est pas à l’origine de certains développements tragiques de la christologie luthérienne, ou d’un refus partiel de la vie et de la théologie sacramentaires. Sans la communication de l’échange amoureux de la Trinité, les sacrements sont réduits à leur rôle de remède pour notre faiblesse rôle important mais secondaire, comme les oeuvres sont secondaires par rapport à la foi ; sans l’entrée dans la vie trinitaire par le mystère de la filiation, l’œuvre du Rédempteur n"est qu’un drame tragique, la chance ultime que nous avons d’échapper au néant de notre propre existence pécheresse, d’accéder au salut.

Mais qu’est ce que le salut, sinon la possibilité désormais retrouvée de nous conformer au Fils qui est l’image du Dieu invisible, de rendre en nous mêmes l’image de Dieu ressemblante et, comme le dit saint Paul, de nous faire fils dans le Fils ? Tous les aspects de la vie et de la foi chrétienne baignent dans le mystère de la Trinité. N’importe quelle branche de la théologie chrétienne (anthropologie, christologie, sacramentaire...) dont on ne percevrait pas l’enracinement trinitaire, serait gravement faussée. En effet, la Trinité est à la fois le cœur et le fondement de la Révélation chrétienne. C’est dans la contemplation et la lumière de ce mystère. que l’homme peut redécouvrir en vérité toutes choses, lui-même d’abord, et Dieu son créateur et Père, surtout.

RÉSURRECTION

SOMMAIRE

Ouverture

Pages 3 à 5

Marie MOREAU

Trois en Un

Pages 7 à 17

Isabelle HOUEN

Le Fils bien -aimé

Pages 19 à 24

François BOYE

L’Esprit de vie

Pages 25 à 32

R. P. M.-J. LE GUILLOU o.p.

L’expérience de Dieu dans l’Esprit

Pages 33 à 46

Michel CAGIN

Prier avec la Trinité

Pages 47 à 61

Marie-Ange CORROY

Marie, la Mère de Dieu

Pages 63 à 69

RESURRECTION

Brève histoire du dogme de la Trinité

Pages 71 à 78

Jean-Marie DOBREE

La divinité du Saint-Esprit chez saint Athanase

Les lettres à Sérapion

Pages 79 à 82

Catherine BERGOT

Un texte de saint Athanase

Pages 83 à 86

Philippe BARBARIN

La théologie trinitaire de Martin Luther

Pages 87 à 103

Jean-Yves LACOSTE

Recension

André MANARANCHE, Attitudes chrétiennes en politique, Seuil, 1978

Pages 105 à 108

RESURRECTION 59 (4ème trimestre 1978) : LE CHRIST A L’EPREUVE DE L’HISTOIRE

108 pages

Un nouveau tournant

La Revue Résurrection est née en 1956. Sa longévité pour une publication lancée par des jeunes gens est singulière. Néanmoins son histoire a connu des étapes très différentes.

Ses fondateurs étaient tous des anciens de ce fameux Centre Richelieu, longtemps la plus importante organisation d’étudiants catholique. Venus de la famille des Lettres et de la famille des Sciences, ils avaient voulu continuer à travailler ensemble au profit de la culture théologique du monde des adultes dans lequel ils étaient entrés. Leur initiative reçut dès le début l’aide de plusieurs théologiens. Au sommaire du premier numéro sont inscrits les noms du P. Cazelles, du P. Rogues, du P. Brien, du P. Daniélou, du P. Bouyer. Les éditions Bloud et Gay en assuraient alors la confection et la diffusion. Cette dernière connut un extraordinaire succès lorsque la revue traitait le thème du pèlerinage des étudiants à Chartres. Mais elle " fit un malheur " lorsque sortit un numéro double sur l’Apostolat des Laïques. On y prenait hardiment parti en un domaine contesté. Une seconde édition devint nécessaire et le Pape Pie XII en garda longtemps un exemplaire sur son bureau.

A partir de 1959 la revue émigre vers les hauteurs de Montmartre et son comité de rédaction est envahi par des étudiants en théologie issus du même milieu. Plusieurs, devenus prêtres et même chapelains à la Basilique du Sacré Coeur, y jouent un rôle important. Sa diffusion est soutenue par la fondation des cours de théologie dont elle devient en quelque sorte l’organe officiel.

Entre temps, des équipes de recherche théologiques ont vu le jour à Montmartre. Elles ont pris le nom de " Résurrection ". Elles rassemblent des normaliens, des agrégatifs et bientôt des jeunes universitaires. C’est elles qui prennent en charge la publication. De ce fait le niveau philosophique est singulièrement relevé. Certains de ses abonnés sont déconcertés mais les milieux intellectuels sont intéressés. De nouveaux rédacteurs apparaissent, le P. Ratzinger, le P. Urs von Balthasar, le P. Toinet.

Une nouvelle génération des équipes Résurrection, pour atteindre davantage de lecteurs, ramène la revue à un niveau plus accessible. C’est ce souci qui suscite le numéro spécial Chrétien quelle est ta foi ? qui en cent articles résume toute la foi catholique. Dix mille exemplaires sont rapidement enlevés tant ils correspondent aux besoins d’un public avide de doctrine mais aussi de langage simple et jeune.

Et voici que sans rien changer à la rédaction les éditions Desclée de Brouwer acceptent à leur tour de se charger de la confection et de la diffusion de la revue. Tout porte à croire que la collaboration sera fructueuse et que la persévérance à maintenir Résurrection contre vent et marée sera récompensée. Le nom même de cette publication n’est il pas une promesse de durée et d’efficacité ?

Maxime CHARLES

Le Christ à l’épreuve de l’histoire et de la modernité

Evénement pour Résurrection que la parution de ce cahier n° 59 ! La réédition prochaine de Chrétien, quelle est ta foi ?, le numéro spécial de l’an dernier, a établi des liens entre nos équipes étudiantes et la maison Desclée de Brouwer, qui prend désormais en charge l’édition et la diffusion régulière de ces cahiers théologiques. Nous nous réjouissons de ce patronage bienveillant et nous espérons qu’il permettra à notre travail de connaître une plus large audience et ainsi aux membres de notre mouvement de sentir davantage la dimension apostolique de leurs recherches.

Le thème d’étude de nos groupes pour l’année qui commence est la christologie. Plus précisément, c’est le mystère du mal et de la Rédemption qui nous retiendront dans les prochains trimestres ; mais il nous a paru bon de consacrer d’abord une livraison à l’analyse de notre connaissance du Christ. Aujourd’hui en effet, le témoignage chrétien n’attend pas d’avoir parcouru le long chemin des méandres rationnels pour parler du Christ. Le plus souvent, Il est devenu à la fois le commencement, le centre et l’aboutissement de l’apologétique. Cette démarche ne peut que réjouir. Mais elle fait redoubler d’importance la question de savoir si l’on peut accorder toute sa confiance à ce que les textes sacrés, et après eux la communauté croyante affirment à propos du Seigneur.

C’est à cette question que les articles du présent cahier se sont attaqués. Car le soupçon contre ce qui se dit du Christ est fort, et multiforme. On s’en prend sur le plan de l’exégèse aux textes du Nouveau Testament eux mêmes. Ils seraient le fruit de la créativité collective des Apôtres, peu soucieux de la fidélité aux événements. G. Nanterre invite nos lecteurs à élargir leur regard et à le porter au delà de certains cantons de l’exégèse historico critique pour constater que, même hors des frontières du christianisme (entre autres chez des chercheurs juifs), les faits rapportés par les Evangiles sont considérés avec tout leur poids historique. Cette ligne de réflexion est poursuivie par J. A. Laneyrie, qui entend montrer comment, d’une façon générale, la force du renouvellement évangélique ne s’oppose pas à la fidélité à la Tradition mais en jaillit. L’exemple même du Christ indique assez que l’affirmation de la liberté ne consiste pas dans le refus de toute paternité, mais qu’au contraire l’éternelle jeunesse du message vient de la fidélité du Fils qui a répété au monde les paroles de Celui qui l’a envoyé (cf. Jean 8, 26).

Une autre forme du soupçon jeté sur la christologie est l’hésitation croissante du monde contemporain à affirmer clairement la divinité du Fils éternel. Cette hésitation est tempérée ou voilée par un engouement ostentatoire pour l’homme Jésus, dont le rôle essentiel serait de galvaniser des énergies, de donner plus de dynamisme à des pratiques humaines. J. P. Fourquet et F. Boye ont été alertés par ce mode de pensée qu’ils retrouvent par exemple dans le livre récemment publié en France de H. Küng, Etre chrétien. Le premier manifeste que l’Evangile ne se présente nullement comme un manuel d’éthique individuelle ou collective. Le second article, avec des accents claveliens, insiste sur la nécessité d’une fidélité intégrale au mystère, du Christ pour que le témoignage soit authentiquement chrétien. Trop de croyants aujourd’hui ont ratifié les conséquences de la mentalité moderne et, partant, dénaturé leur foi. Le monde contemporain sait très bien que les cadres de pensée de la modernité ne sauraient être des fourches caudines par lesquelles le message chrétien devrait passer. Puisque ce message venu du passé est porteur d’avenir, puisqu’il livre des " paroles de vie éternelle ", nous sommes en droit et en devoir de le garder intact et de le faire résonner d’une manière nouvelle par nos paroles, et surtout par notre vie chrétienne.

A travers ces études, le lecteur sentira le désir de démasquer tous les faux obstacles à la possibilité de connaître le Christ, mais il verra aussi se mettre en place des éléments positifs d’un véritable accès au Christ. Cet accès a des exigences rationnelles ; il est pourtant d’abord un chemin spirituel, une recherche assidue, une découverte progressive du Coeur du Seigneur P. Ballet invite à prendre un tel chemin, à trouver dans la méditation des Evangiles le rabbi, l’ami, le Fils de Dieu, le Ressuscité.

Comme nous l’avons fait dans le précédent cahier à propos de la théologie trinitaire, nous offrons pour la commodité de l’information théologique, une brève histoire du dogme christologique.

L’article de Michel Laurent évoque une difficile question de méthodologie, au centre de tous les débats sur les différents essais contemporains de christologie. Faut il partir de la vie concrète de Jésus pour essayer de le proclamer Christ, Seigneur et Dieu, ou bien suivre un mouvement inverse ? Faut il bâtir une " christologie d’en bas ", ou une " christologie d’en haut " ? Mais surtout, est ce là la vraie question ?...

Enfin l’essai de notre ami Jean Yves Coindreau présente d’une manière originale un problème sous jacent à la plupart des débats actuels : faut il retrouver la vérité du christianisme en deçà de l’élaboration conceptuelle et dogmatique de l’Eglise, ou bien cette dernière n’est elle pas la garantie indépassable d’une véritable fidélité à l’événement fondateur ?

Au moment où s’achève la composition de ce numéro, nous nous réjouissons avec l’Eglise, et nous rendons grâce pour l’élection de JEAN PAUL Il au siège apostolique de Pierre. Elle a déjà mis maintes fois sous la plume des commentateurs deux mots qui ont orienté cette " ouverture " et l’ensemble du cahier : tradition et renouveau. Puisse celui qui archevêque de Cracovie s’est à plusieurs reprises intéressé aux activités des étudiants de Montmartre accueillir notre présente contribution comme un premier et respectueux hommage.

RESURRECTION

SOMMAIRE

Mgr Maxime CHARLES

Liminaire : Un nouveau tournant

Pages 3 et 4

RESURRECTION

Ouverture

Le Christ à l’épreuve de l’histoire et de la modernité

Pages 5 à 7

Gabriel NANTERRE

Peut-on encore écrire une vie de Jésus ?

Pages 9 à 18

Jacques-André LANEYRIE

Une tradition pour un renouveau

Pages 19 à 30

Jean-Pierre FOURQUET

Le christianisme n’est pas une éthique (en marge d’Etre Chrétien de Hans Küng)

Pages 31 à 36

François BOYE

Comment parler du Christ aux hommes d’aujourd’hui ?

Pages 37 à 51

Michel LAURENT

Découvrir Dieu sur le visage du Christ. Christologie d’en haut, christologie d’en bas

Pages 53 à 61

Pascale BALLET

Prier avec l’Evangile

Pages 63 à 70

RESURRECTION

Brève histoire du dogme christologique

Pages 71 à 76

Jean-Yves COINDREAU

Le Dieu juif et le diable grec (essai sur les déterminations culturelles de la première théologie chrétienne)

Pages 77 à 100

Les ateliers de recherches

Pages 101 et 102

RESURRECTION 60 (avril 1979) : LE PROBLEME DU MAL

120 pages

Le problème du mal

Au moment de mettre sous presse ce numéro sur le problème du mal, l’équipe des rédacteurs a été saisie d’une certaine appréhension. N’a t elle pas fait preuve d’outrecuidance en s’attaquant à un pareil sujet et surtout en choisissant un tel titre ? Tous ceux qui ont été au chevet d’un être cher ou témoin d’une grande misère savent que le mal et la souffrance sont d’abord une expérience qui nous dépouille de nos assurances avant d’être un problème qui suppose une solution. Notre monde est marqué par une grande révolte devant la souffrance de l’innocent, le scandale devant ces réalités qui ne supportent pas d’être expliquées par la raison froide et lucide de l’intellectuel. Et voilà qu’un groupe de théologiens en herbe prétend écrire sur le problème du mal ! Que le lecteur se rassure, ces étudiants, ces chercheurs, ces professeurs ont comme lui connu la révolte et le scandale. Mais ils sont chrétiens, ils sont fiers de leur foi en un Dieu puissant et bon, et qui nous aime infiniment. Ils ont voulu dire dans ce numéro que leur foi est raisonnable, que ce Dieu puissant et bon nous a donné en Jésus Christ une lumière extraordinaire sur la condition humaine. En d’autres termes, Résurrection a voulu entreprendre une " théodicée ".

Grave imprudence dira t on, combien s’y sont essayés et ont vu la vanité de leurs efforts ? Certes l’intelligence humaine livrée à elle même n’a jamais dit grand chose de satisfaisant. Mais il existe une manière chrétienne de justifier Dieu et celle ci a traversé les siècles et a soutenu la foi de millions de chrétiens grands et petits. On a simplement voulu ici s’inscrire dans cette tradition.

Les trois premiers articles posent résolument le problème. Il est naturel de voir d’abord les attitudes non chrétiennes devant le mal et la souffrance : François Boye a voulu manifester les valeurs et les limites de ces attitudes. Puis Cyrille Olivier introduit l’explication chrétienne : c’est le péché des hommes qui a brisé ce monde. Catherine Bergot élève le débat : pourquoi Dieu a t il pris un tel risque ?

Les trois articles suivants portent sur le péché originel. Nous savons bien sûr que l’auteur du récit de la Genèse ne raconte pas les origines comme un historien. Le récit doit donc être interprété. Il serait commode de n’y voir qu’un mythe, un récit symbolique. Jean Pierre Fourquet montre qu’on ne peut supprimer la réalité historique du péché d’Adam. Il faut par conséquent prendre en considération le point de vue des scientifiques sur les origines de l’homme, Eric Mahieu s’en est chargé.

Michel Laurent étudie de son côté ce que l’on peut dire sur la transmission de ce péché originel.

Puis viennent deux articles sur l’expérience du péché. Puisqu’on a clarifié la question du péché originel, Claude Delibes est en mesure de puiser dans le récit de la Genèse toute une psychologie de l’homme pécheur. Jean Luc Fabre, de son côté, examine les chemins par lesquels l’homme découvre son propre péché.

Enfin, nous abordons le mystère de notre salut, de notre délivrance du péché. Edmond Bougaud propose quelques clarifications de vocabulaire qui devraient faciliter la lecture des textes du Nouveau Testament. Odile Hubert médite sur le sacrifice du Christ, Evelyne Magny envisage notre propre participation au salut par la Croix.

Sur un sujet brûlant, les auteurs, tous très conscients des courants de pensées qui traversent le monde contemporain, ont voulu témoigner de leur foi. Y sont ils parvenus ? C’est au lecteur d’en juger.

Résurrection

SOMMAIRE

RESURRECTION

Le problème du mal

Pages 5 et 6

François BOYE

Le mal devant la pensée contemporaine

Pages 7 à 14

Cyrille OLLIVIER

Du Dieu vengeur au Dieu amour

Pages 15 à 22

Catherine BERGOT

Le risque de Dieu

Pages 23 à 31

Jean-Pierre FOURQUET

Le péché originel, symbole ou réalité ,

Pages 33 à 39

Eric MAHIEU

Adam et l’homme de Cro-Magnon

Pages 41 à 47

Michel LAURENT

Pécheur ma mère m’a conçu

Pages 49 à 54

Claude DELIBES

Adam où es-tu ? La condition humaine à la lumière de Genèse 2-3

Pages 55 à 65

Jean-Luc FABRE

Reconnais ton péché

Pages 67 à 73

Edmond BOUGAUD

Le sang qui sauve

Pages 75 à 82

Odile HUBERT

Le cœur du Rédempteur

Pages 83 à 87

Evelyne MAGNY

La Rédemption en marche

Pages 89 à 96

Jean LESTRADE

Que ta volonté soit faite : démission, masochisme ou acte de foi ?

Pages 97 à 103

Mgr Maxime CHARLES

Plan de travail sur le mal et la souffrance

Pages 105 à 109

Les livres

Emmanuel BARATTE

Jean-Charles DIDIER, Histoire de la présence réelle, Solesmes, CLD, Collection Esprit et Vie, 1978

Pages 11 à 113

Patrick de BONNIERES

Dom Guy-Marie OURY, Histoire de l’Eglise, Solesmes, CLD, 1978

Pages 113 et 114

RESURRECTION 61 (décembre 1979) : LE SACERDOCE APOSTOLIQUE

132 pages

Le sacerdoce apostolique

Les mouvements de la basilique du Sacré Coeur de Montmartre orientent cette année leurs réflexions vers le mystère de l’Eglise. Il est heureux que Résurrection puisse leur proposer, en guise de préliminaire, ce numéro sur le sacerdoce apostolique. Car la question du sacerdoce est comme la jonction entre la christologie et l’ecclésiologie. Mais indépendamment des études propres à Montmartre, ce numéro présente un intérêt tout particulier, car, nous le savons tous, le sacerdoce apostolique ou ministériel est une question brûlante de notre temps. En ce qui concerne, par exemple, le dialogue oecuménique, il semble de plus en plus que la difficulté principale entre catholiques et protestants est actuellement le statut des ministres de l’Eglise. Il faut donc croire que ce qui est en jeu dans ce débat, touche au dépôt même de la foi et au mystère même de Dieu. Il est indispensable de mettre en lumière les raisons théologiques qui fondent l’attachement de l’Eglise catholique à la foi traditionnelle, afin de faciliter la discussion entre les frères séparés. D’autre part, une telle recherche permettrait aux catholiques de ce temps de résoudre, sans colère ni passions, les problèmes pastoraux qui actuellement apparaissent de toute part du fait de la diminution du nombre des prêtres et de la nécessaire collaboration entre prêtres et laïcs. En se lançant dans cette étude, les rédacteurs de Résurrection avaient conscience de toucher un point névralgique où se rencontrent le dogme, l’exégèse, l’histoire, le dialogue oecuménique, la pratique pastorale et la spiritualité. Ils s’y sont lancés malgré tout, conscients aussi de l’urgence d’un approfondissement de cette question.

Le choix d’un point de départ conditionne l’ensemble du travail. Il nous a semblé impensable de parler du Sacerdoce apostolique sans avoir clairement dans l’esprit ce que peut signifier le titre de grand prêtre attribué à Jésus. C’est pourquoi, le premier article, rédigé par Jean Lestrade, est consacré à cette question. Un livre entier ne suffirait pas à traiter la question du Sacerdoce du Christ et de ses ministres dans le Nouveau Testament. Nous nous sommes contentés de l’analyse d’Edmond Bougaud sur le problème crucial de l’institution par Jésus du sacerdoce apostolique et d’une étude de Cyrille Olivier sur la seconde lettre de Saint Paul aux Corinthiens. Puis vient une enquête historique pour laquelle quatre périodes ont été choisies : les Pères, le Moyen Age, les Réformes protestante et catholique, le Concile Vatican II, avec une longue étude sur Bérulle.

La deuxième partie du cahier est constituée d’articles de synthèse. Nous aurons une note d’Edmond Bougaud sur les trois fonctions (prêtre, prophète et roi) et une autre de Jean Lestrade sur les trois étapes du sacrement de l’ordre. JeanPierre Fourquet aborde de front la question de la différence entre le sacerdoce des baptisés et celui des prêtres. Mgr Charles, qui non seulement est particulièrement au courant des problèmes théologiques, pastoraux et spirituels du ministère sacerdotal, mais qui est encore un spécialiste de la pensée du Cardinal de Bérulle, nous propose en ces pages sa propre synthèse. Enfin, Jean Yves Coindreau nous livre une méditation, à la fois traditionnelle et originale, sur le célibat sacerdotal.

A travers la diversité des approches, les rédacteurs ont conscience d’une certaine cohérence de leur pensée. Pour eux, le prêtre de la Nouvelle Alliance ne se ramène à aucun autre modèle que celui que le Christ a institué en choisissant ses apôtres. Le prêtre est celui qui permet à l’Eglise d’être l’Eglise du Christ. Puissent ils faire partager leur conviction au lecteur.

Résurrection

SOMMAIRE

RESURRECTION

Le sacerdoce apostolique

Pages 3 et 4

Jean LESTRADE

Un seul prêtre : Jésus

Le sacerdoce du Christ selon l’Epître aux Hébreux

Pages 5 à 8

Edmond BOUGAUD

Jésus invente les prêtres

Pages 9 à 16

Cyrille OLIVIER

Saint-Paul, prêtre de Jésus-Christ

Pages 17 à 21

Gilles de TOULOUSE

Où les Pères ont-ils parlé du sacerdoce ?

Pages 23 à 29

Pierre MARTIN

Sauver le sacerdoce pour sauver l’Eglise

Pages 31 à 35

Dominique SAGE

Le sacerdoce à l’épreuve de la Réforme

Pages 37 à 45

Denys DUTERTRE

Prêtre seulement d’après Bérulle

Pages 47 à 66

Claude ELLESSE

Ce que Vatican II a dit du prêtre

Pages 67 à 72

Edmond BOUGAUD

Bâtisseurs d’Eglises

Pages 73 à 81

Jean-Pierre FOURQUET

Prêtres et baptisés, quelle différence ?

Pages 83 à 91

Jean LESTRADE

Evêques, prêtres et diacres : l’origine d’une distinction

Pages 93 à 95

Mgr CHARLES

Spiritualité sacerdotale

Pages 97 à 100

Jean-Yves COINDREAU

Sur le célibat du prêtre et ce qu’il veut dire

Pages 101 à 115

Thèses

Page 117

Textes sur le sacerdoce apostolique

Pseudo saint-Jérome, Lettre sur les sept ordres de l’Eglise

Concile de Trente (session 23)

Erreurs modernistes condamnées par saint Pie X en 1907

Encyclique " Mediator Dei ", Pie XII, 1947

Pages 119 à 126

RESURRECTION 62-63 (janvier 1980) : 100 POINTS CHAUDS DE L’HISTOIRE DE L’EGLISE

308 pages

PRÉFACE

Naguère, l’équipe de jeunes de Résurrection publiait un livre : " Chrétien quelle est ta Foi ? ". Cent questions étaient étudiées, avec un sérieux et une concision, qui expliquent le succès du livre. Terminant la préface, je souhaitais que cet " essai " de jeunes soit " transformé " en but, comme on dit au rugby. Le résultat a été atteint.

Résurrection tente un nouvel essai : " Cent points chauds de l’histoire de l’Eglise ". Le travail est aussi difficile : mais des jeunes ont l’audace et le courage de ce projet !

On connaît peu l’Eglise en son déroulement séculaire ; on la juge souvent à travers des suppositions ou des approximations ; on juge le passé à partir de vues actuelles, par manque de sens historique. Le nouveau livre vient donc à son heure, d’autant plus qu’il nous permettra de mieux comprendre le présent, de le relativiser, car, trop proche, il est séduisant ou redoutable !

Aussi, je souhaite à ce second volume un aussi franc succès que pour le premier. En sport, on fait confiance à une équipe qui a gagné.

+ Cardinal A. RENARD

INTRODUCTION

Le succès de Chrétien, quelle est ta foi ? a conduit ses auteurs à récidiver. Mais, avec une audace renouvelée, ils se sont attaqués aux problèmes les plus difficiles de l’histoire de l’Eglise.

Ce choix répond à une nécessité de l’heure. Jamais autant qu’aujourd’hui, le passé n’a fourni autant de thèmes aux films, téléfilms et autres spectacles diffusés largement. La culture, certes, profite de cet engouement ; mais la vulgarisation historique ne rencontre pas toujours dans le public la formation nécessaire à l’exercice d’une saine critique. L’histoire à la façon de Victor Hugo ou d’Alexandre Dumas connaît de beaux jours.

Cette naïveté ne va pas sans inconvénient quand il s’agit des événements qui tissent l’histoire de l’Eglise. Il est tentant en effet de monter en épingle auprès des incompétents certains épisodes qui lui font peu d’honneur et de ricaner lorsque les défenseurs de la vérité, de la morale et de la sainteté y manquent par trop. Certains s’en donnent à cœur joie, sans beaucoup de souci d’exactitude et sans tenir compte de ce que l’Eglise dit d’elle même.

Pour rectifier cette vision malveillante, il faut une certaine culture en deux domaines : celui de l’histoire et celui de la théologie. Le premier est foisonnant de périodes, de faits, de civilisations diverses ; le second réclame une certaine finesse d’esprit et une assez bonne familiarité avec la Révélation.

Plusieurs des auteurs du présent recueil sont des étudiants en histoire, les mêmes ou d’autres ont déjà bien travaillé la théologie. Faute d’être des maîtres chevronnés, ils ont du moins le mérite de savoir où trouver les sources et de ne vouloir tricher en aucune de ces deux disciplines. Ils ont droit à la sympathie de tous ceux qui, grâce à eux, cesseront d’être troublés par des évocations historiques offensantes pour leur foi.

Mgr CHARLES

CENT POINTS CHAUDS

Il ne faut pas avoir parlé bien longtemps avec des incroyants pour savoir que les grandes objections au christianisme ne sont plus aujourd’hui d’ordre philosophique, mais visent l’histoire de l’Eglise : " Vous qui avez derrière vous vingt siècles d’histoire, vous n’avez pas fait mieux que les autres, vous avez même fait pire parfois ".

Face à ces objections répétées et qui isolent arbitrairement toujours les mêmes faits, les chrétiens sont souvent démunis : ou ils se désolidarisent de l’Eglise passée, en faveur de l’Eglise qui se cherche aujourd’hui, et ils font bien peu sérieux. Ou ils affirment que la foi au Christ est une substance trop volatile pour apparaître dans le champ de l’histoire, et ils sont aussi disqualifiés pour idéalisme.

Il est urgent que les catholiques assument leur histoire sans naïveté, mais aussi sans complexe. S’il existe des pages sombres dans le passé de l’Eglise, celle ci reste, pourvu qu’on la regarde sans a priori réducteur, la servante d’un extraordinaire projet sur l’homme qui a soulevé le monde et peut seule aujourd’hui lui donner une âme.

Les étudiants des Equipes Résurrection (qui participent aux activités de prière et de réflexion du Sacré Coeur de Montmartre), ont voulu relever le défi. Etudiants en histoire, en lettres, en philosophie, mais aussi en sciences et en droit, jeunes universitaires, prêtres amis, ils se sont pendant un an attachés à 100 "points chauds" qu’ils présentent aujourd’hui.

Après Chrétien quelle est ta foi ? les Equipes Résurrection reprennent la formule qui a fait leur succès : 100 sujets traités de façon synthétique, généralement sur deux pages, avec, cette fois-ci, une chronologie précise, une appréciation historique tenant compte des dernières recherches, un jugement théologique, des questions pour élargir la réflexion et une bibliographie très à jour. Ni un manuel d’histoire, ni une " réfutation des objections", Cent points chauds de l’histoire de l’Eglise veut aider la réflexion et promouvoir une nouvelle manière de considérer le passé de l’institution fondée par le Christ.

Le cardinal Renard, archevêque de Lyon, dit, dans son introduction, l’urgence de cette tâche et sa confiance dans ceux qui l’ont entreprise.

AVANT DE LIRE CE LIVRE

Un projet ambitieux

Ce livre a été réalisé par des étudiants appartenant aux groupes de réflexion et de prière du Sacré Coeur de Montmartre et, en particulier, aux Equipes "Résurrection".

Leur intention est de présenter cent points chauds de l’histoire de l’Eglise et de donner à tous ceux qui s’intéressent à cette histoire des éléments d’information et de jugement.

Ils n’entendent ni refaire un manuel , d’apologétique traditionnelle, ni écrire une nouvelle histoire de l’Eglise, mais contribuer, grâce à un livre d’accès facile, à éclairer quelques événements controversés.

L’originalité de cette entreprise tient à ce qu’ils ont voulu distinguer le récit objectif des événements de l’appréciation que le chrétien doit porter sur eux. Si ce récit requiert impartialité et rigueur quels que soient les scandales ou les faits qu’il révèle, le jugement ne peut être fait qu’à la lumière de la foi, l’Eglise ne pouvant être jugée que par rapport à sa mission.

Les six premiers chapitres de ce livre précisent les conditions et les limites de ce travail. Le reste de l’ouvrage retrace des épisodes connus ou moins connus dont le choix est sans doute arbitraire. Il a été fait sans crainte d’aborder les périodes troublées et les questions délicates. En revanche, les jugements qui sont portés témoignent avec vigueur de la foi que les auteurs portent en l’Eglise.

Une tâche aussi ambitieuse ne s’accomplit pas sans erreur et, comme toujours en matière historique, ce livre suscitera des controverses. L’essentiel est que la lecture de ces pages, en apportant à des questions sans cesse posées aux chrétiens des éléments de réponse et des pistes de réflexion, les aide à devenir un peu mieux chaque jour des pierres vivantes de l’Eglise.

Chaque article est divisé en 5 paragraphes

Les faits

Ce paragraphe donne les dates et les faits essentiels de l’événement considéré. Il permet de situer la chronologie et constitue la matière brute de l’histoire.

Dans les cas contestés, on s’est aligné sur les dates de la Bible de Jérusalem (éd. du Cerf, 2e édit.), pour le Christianisme primitif, et de l’Histoire de l’Eglise par elle même sous la direction de J. Loew et M. Meslin (éd. Fayard) pour les périodes ultérieures.

L’événement

Cette partie a pour objet de placer l’événement dans son contexte historique en décrivant les lignes de force de son déroulement. L’analyse d’un événement permet de le ramener à ses justes proportions, d’en réparer les causes et d’en mesurer la portée. Elle évite les jugements hâtifs, les condamnations sans appel, comme les admirations naïves.

Ce qui est en cause

C’est dans ce paragraphe que sera donné le jugement théologique qu’il convient de porter sur l’événement. Pour ce faire, la question posée est rattachée à un problème fondamental rencontré par l’Eglise au cours de son histoire. A chaque fois, c’est un développement concret sur l’un ou l’autre aspect de l’expérience chrétienne qui est présenté et dans lequel l’auteur n’hésite pas à s’engager.

Questions

Quelques questions permettent au lecteur de prolonger sa réflexion, en suscitant des rapprochements éclairants. Elles montrent le plus souvent, que les réponses apportées n’ont pas épuisé le problème mais ont contribué à lui donner un éclairage nouveau, à le placer dans une perspective chrétienne.

Bibliographie

La bibliographie, volontairement réduite, donne au lecteur le moyen de s’informer plus complètement sur la question. On s’est contenté d’indiquer quelques ouvrages récents et accessibles, lorsqu’il en existe (voir ci dessous, la bibliographie de base).

BIBLIOGRAPHIE DE BASE

FLICHE A. et MARTIN V., L’Histoire de l’Eglise (Bloud et Gay) ; l’ensemble de l’œuvre représente 14 volumes.

DANIELOU J. et MARROU H. I., Nouvelle Histoire de l’Eglise (Le Seuil).

LOEW J. et MESLIN M., Histoire de l’Eglise par elle-même (Fayard).

SOMMAIRE

Ont contribué à la rédaction de ce numéro :

Emmanuel BARATTE, Philippe BARBARIN, Catherine BERGOT, Marie BIENVENUE, Patrick de BONNIERES, Edmond BOUGAUD, François BOYE, Yves BRIEND, Béatrice CERCEAU, Marie-Hélène CONGOURDEAU, Albert DALLE, Claude DELIBES, Emmanuelle de MARS, Jean des DESERTS, Jean DUCHESNE, Richard ESCUDIER, Jean-Luc FABRE, Jean-Pierre FOURQUET, Gilles FUMEY, Michel GITTON, Marc GODINOT, Eric GUILLEMOT, Isabelle HOUEN, Christian HUM, Yvonne KAPPES GRANGE, François-Jérôme LEROY, Gérard MARCHAND, Jean de MATHAN, Philippe MOCH, Ellinor MORILLON, Philippe MORILLON, Donatienne MOUILLOT, Philippe NASZALYI, Xavier ROYER, Jean-Marie SALAMITO, Dominique SAGE, Florence TERRIEN, Christine TYBURN, Françoise VERGOBBI.

Préface du Cardinal RENARD

Page 5

Introduction de Mgr CHARLES

Page 7

Cent points chauds

Pages 9 et 10

Avant de lire ce livre

Pages 11 et 12

Perspectives d’ensemble (pages 13 à 22)

L’Eglise , risque de Dieu

Chrétiens et non-chrétiens juges du passé de l’Eglise

L’Eglise dans l’histoire des hommes

Qui engage la responsabilité de l’Eglise ?

Une histoire en miettes

Les masses, l’institution et les saints

Les origines de l’Eglise (pages 23 à 35)

Le Christ a-t-il fondé l’Eglise ?

Les premiers chrétiens étaient-ils communistes ?

Les apôtres et le pouvoir politique

Des apôtres aux évêques

L’Eglise et la synagogue

Le temps des persécutions (pages 37 à 41)

La crise gnostique

Les martyrs : refus de la société païenne ?

L’Empire Chrétien (pages 43 à 69)

Constantin : bienfaiteur ou fossoyeur du christianisme ?

La tentation majoritaire

La responsabilité du christianisme dans la décadence de la civilisation antique

Les premiers moines : évasion ou libération ?

L’influence du christianisme sur la législation

La rencontre du christianisme et de l’hellénisme à Nicée

L’Eglise, un appareil comme les autres

Saint Augustin et le recours au bras séculier

Ephèse, Chalcédoine : querelles doctrinales ou rivalités politiques ?

Vers le Moyen Age (pages 71 à 93)

Le prestige du successeur de Pierre

La récupération du paganisme

L’Eglise passe aux barbares

De la pénitence publique à la confession privée

L’Eglise et la culture antique

La théocratie byzantine

Honorius : un pape hérétique ?

La Croix et le Croissant

Le combat pour la beauté

Le Pape Roi

Les siècles de fer (pages 95 à 107)

Les papes indignes du X° siècle

Les terreurs de l’an mil

L’Eglise face à la violence

1054 : la rupture avec l’Orient chrétien

L’Eglise au pouvoir des laïcs

Crise et réforme du clergé

Encart (pages 109 à 113)

Un problème permanent : l’Eglise et la coercition

Le XIIe et XIIIe siècles (pages 115 à 139)

Les Croisades : entreprise mystique ou politique impérialiste ?

L’Eglise et l’argent

L’hérésie cathare et les bûchers de l’Inquisition

Une honte ineffaçable : la 4ème croisade

Les juifs dans la chrétienté

L’évangélisation par le fer et le feu : les chevaliers teutoniques

Le XIIIe siècle : âge d’or de la chrétienté ?

Saint-Louis, chef d’Etat chrétien ?

La pensée chrétienne à l’épreuve de la modernité

L’Eglise et la promotion de la femme

La fin du Moyen Age (pages 141 à 157)

Le procès des Templiers

Les spirituels contestent l’institution

La chasse aux sorcières

Les fausses décrétales

Naissance de la bureaucratie pontificale

Deux papes en guerre l’un contre l’autre

Jeanne d’Arc devant ses juges

Le concile contre le pape

La Renaissance et la Réforme protestante (pages 159 à 217)

Les Borgia

Le retour de l’humanisme païen

Le trafic des indulgences

Les conséquences catastrophiques du système de la commende

Fallait-il condamner Luther ?

Les royaumes catholiques à la conquête des cinq continents

L’aventure missionnaire

Le christianisme face à l’esclavage

L’Inquisition espagnole

Henri VIII et le divorce

Les guerres de religion

La Saint-Barthélemy

Les monarchies de droit divin

Concile de Trente : contre-réforme ou réforme catholique ?

L’apogée du triomphalisme

L’affaire Galilée

La chirurgie mise en cause

Molière à la fosse commune

Jansénistes et Jésuites

Les mystiques sur la sellette

L’Eglise peut-elle adopter les rites chinois ?

Le temps des révolutions (pages 219 à 259)

Le Procès de l’intolérance

L’Eglise et la Révolution française

Le Concordat : les prêtres fonctionnaires

Le déclin des institutions collégiales

La Restauration : le trône et l’autel

Le prodigieux essor des congrégations religieuses

Combat pour l’Ecole

L’Eglise cesse d’être le monopole de l’Occident

L’Eglise et le monde ouvrier. Pour ou contre le capitalisme ?

Le Syllabus : les chrétiens sur la défensive ?

Catholique ou papiste ? Les excès de l’ultramontanisme

La fin des Etats pontificaux

Le Sacré-Cœur et la Commune

La franc-maçonnerie

l’antisémitisme des chrétiens

Saint-Sulpice et la déroute de l’art chrétien

Le XXe siècle (pages 261 à 295)

Les débuts de l’œcuménisme

L’Eglise cesse d’être le monopole de l’Occident

La répression anti-moderniste et la naissance de l’intégrisme

Les condamnations du Sillon et de l’Action Française

L’Eglise et les régimes totalitaires

Pie XII : un collaborateur ?

Les prêtres ouvriers

Vatican II : rupture ou continuité ?

La Réforme liturgique : un échec ?

Le Cardinal Spellman et la défense de l’Occident chrétien

La " Jesus-Revolution "

Humanae vitae et ses suites

100.Vers un renouveau ?

Index thématique

Pages 297 et 298

Table des matières

Pages 301 à 304

RESURRECTION 64 (décembre 1980) : UN CHRISTIANISME SANS EGLISE ?

Un christianisme sans Eglise ?

Les questions les plus banales rejoignent parfois les plus spéculatives. " Pourquoi devrais je passer par cette Eglise déterminée pour rencontrer Dieu ? ", se demande t on couramment. " Pourquoi l’Eglise est elle incluse dans le dessein éternel de Dieu sur l’humanité ? ", telle est la question du théologien. Les membres des équipes Résurrection se sont posé eux aussi ces questions, à la fois sous la forme banale et sous la forme élaborée. Conscients d’appartenir à une Eglise bien concrète, ils veulent rendre compte de la nature exacte de cette appartenance. Pour cela, ils ont exploré ce que l’Eglise avait déjà dit d’elle-même afin de chercher à leur tour et de proposer, dans les articles de ce cahier, leur propre manière de poser et de résoudre la question.

Le numéro spécial sur les cent points chauds de l’histoire de l’Eglise avait déjà abordé un certain nombre de débats concernant l’histoire de l’Eglise. Nous avons voulu reprendre ici deux questions préalables à l’ecclésiologie. La première, traitée à fond par Jean Marie Salamito, porte sur les origines historiques de l’Eglise, le rôle de Jésus dans la naissance de l’Eglise. Philippe Naszalyi, quant à lui, s’interroge sur cette forme qu’a prise l’Eglise lorsqu’elle a suscité une chrétienté. S’agissait il toujours de l’Eglise du Christ ? Quelle signification a la disparition de cette forme ?

Au seuil du monde moderne, Pascal est sans doute celui qui a le mieux pressenti les questions qui surgiraient dans ce monde, et l’étude que Vincent Carraud nous propose présente de ce fait, un intérêt tout particulier. Les quatre articles qui suivent prennent, chacun à leur manière, la question de fond : l’Eglise concrète comme réalité christique, humano divine. Pourquoi Dieu n’a t il pas limité son intervention historique à la personne du Christ, et pourquoi a t il prolongé cette intervention dans et par l’Eglise ? Marie Ange O’Connell s’efforce de saisir l’Eglise comme Tradition, au sens le plus fort : le don que Dieu fait de lui même dans l’Eglise. Pierre Julg montre que nul n’est sauvé sans prendre part d’une manière ou d’une autre à l’unique Eglise du Christ. Denis Marianelli souligne qu’en l’Eglise historique, c’est le Royaume de Dieu qui est déjà là, quoique pas encore achevé. Etienne Roulleaux Dugage essaie de percevoir le lien mystérieux qui unit le Christ à son Eglise.

Accepter la nécessité de l’Eglise pour sa vie intérieure seulement est une manière subtile de la récuser. C’est pourquoi François Boye a voulu montrer que le discours de l’Eglise sur les réalités sociales n’est pas étranger à sa mission divine.

Enfin, pour conclure cette réflexion, Isabelle Ledoux nous propose une méditation sur l’analogie entre la Vierge Marie et l’Eglise.

Espérons qu’à travers ces diverses approches, le lecteur percevra la certitude qui anime les rédacteurs, que c’est dans l’Eglise seulement que l’on peut vivre intégralement sa foi chrétienne.

Résurrection

SOMMAIRE

RESURRECTION

Un christianisme sans Eglise ?

Pages 3 et 4

Jean-Marie SALAMITO

De Jésus-Christ à l’Eglise

Pages 5 à 26

Philippe NASZALYI

Le problème de la chrétienté

Pages 27 à 37

Vincent CARRAUD

Sainteté et vérité de l’Eglise selon Pascal

Pages 39 à 52

Marie-Ange O’CONNELL

Vivante tradition

Le verbe de Dieu livré et transmis dans l’action de grâce

Pages 53 à 61

Pierre JULG

L’Eglise, lieu unique de notre salut

Pages 63 à 74

Denis MARIANELLI

L’Eglise, prémices du royaume des cieux

Pages 75 à 82

Etienne ROULLEAUX-DUGAGE

Le Christ présent dans et par son Eglise

Pages 83 à 92

François BOYE

L’esprit du discours social de l’Eglise

Pages 93 à 104

Isabelle LEDOUX

L’Eglise et la Vierge Marie

Pages 105 à 110

Recension

Bernard MEUNIER

Claude MONDESERT, Pour lire les Pères de l’Eglise, Sources Chrétiennes, Paris, Cerf, 1979

Pages 111 et 112

Yves-Marie DUBIGEON, C’est le Seigneur, CLD, 1979

PAGES 112

RESURRECTION 65 (sans date) : QUAND DIEU HABITE EN L’HOMME : LA GRACE

104 pages

Quand Dieu habite en l’homme : la Grâce

La théologie de la grâce ne serait elle qu’un prétexte pour donner libre cours à la pensée la plus spéculative et la plus hermétique ? un domaine réservé où les spécialistes peuvent opposer système à système pour cerner avec des mots humains ce qui dépasse toute notion et toute représentation, l’éternité créatrice face à la liberté créée ? S’il en était ainsi, les équipes Résurrection auraient hésité avant de pénétrer dans un tel domaine. Mais il se trouve qu’un retour aux sources leur a fait découvrir que la grâce, avant d’être un prétexte pour des disputes scolastiques, est une réalité existentielle, la réalité même de l’expérience chrétienne comme accueil du Dieu qui se donne.

De cette expérience, il faudra bien en parler, non pas tellement pour défendre une idée, peut être pas non plus en vue d’une utilité pratique, mais d’abord pour en reconnaître l’origine en Dieu, pour en rendre grâce. C’est dans cet esprit d’action de grâce pour ce que Dieu a fait en notre faveur, que ce cahier de Résurrection a été entrepris.

Le Nouveau Testament nous fournit l’expression la plus riche et en quelque sorte native de la grâce de Dieu. Hervé Soubias et Jean Bruno Durand en soulignent quelques aspects. L’enquête menée par Luc des Mazery dans l’œuvre immense de saint Augustin donne une approche intéressante de cet auteur, spécialiste s’il en est de la question. . Notre sujet nous imposait aussi une étude de la crise du XVI° siècle. Isabelle Ledoux a dégagé avec beaucoup de pertinence les grandes intuitions des Réformateurs et aussi certaines de leurs limites.

Ce parcours historique nous conduit à quelques articles de synthèse. Nous avons d’abord repris un ancien article du numéro 11 de Résurrection dans lequel Michel de la Palud traite, de manière fort imagée, la fameuse question de grâce et de la liberté. Mais c’est Jean Marie Salamito qui nous montre comment le Christ seul est le lieu d’où puisse surgir une meilleure compréhension de l’action de la grâce dans une liberté humaine.

Toute cette recherche théologique a une certaine incidence dans notre vie chrétienne. Marie Ange O’Connell montre comment l’effort peut trouver sa place dans l’abandon de l’homme à la grâce de Dieu. Marie José O’Connell tire quelques conclusions en ce qui concerne la prière. Enfin Emmanuelle Bourquin nous livre une analyse originale de l’entretien de Jésus et de Nicodème, analyse qui souligne le rôle de l’Esprit Saint.

Espérons que ce modeste travail intéressera le lecteur et le conduira à accueillir le Dieu qui donne, en Jésus Christ, sa grâce.

Résurrection

SOMMAIRE

RESURRECTION

Quand Dieu habite en l’homme : la Grâce

Pages 3 et 4

Hervé SOUBIAS, Jean-Bruno DURAND

La grâce dans le Nouveau Testament

Pages 5 à 12

Luc des MAZERY

La grâce chez saint Augustin

Pages 13 à 23

Isabelle LEDOUX

La grâce chez Luther et Calvin

Pages 25 à 43

Michel de la PALUD

Liberté et grâce sont-elles incompatibles ?

Pages 45 à 54

Jean-Marie SALAMITO

L’exemple du Christ

Grâce et liberté à la lumière du Verbe incarné

Pages 55 à 64

Marie-Ange O’CONNELL

Nous vaincrons parce que nous sommes les plus faibles

Pages 65 à 70

Marie-José O’CONNELL

La prière dans l’Esprit

Pages 71 à 78

Emmanuelle BOURQUIN

L’Esprit souffle où il veut

Pages 79 à 88

Recension

B. MARCHADIER

Georges HABRA, Du discernement spirituel, tome 1

Pages 89 à 91

La vie du mouvement

Pages 93 à 100

RESURRECTION 66 (2ème trimestre 1981) : MA CHAIR POUR LA VIE DU MONDE

Pain rompu pour un monde nouveau

108 pages

Ce numéro de Résurrection est orienté vers le thème du Congrès Eucharistique International de Lourdes. Ce n’est pas que les publications manquent en ce domaine. Mais la basilique de Montmartre, qui pratique l’adoration eucharistique perpétuelle depuis cent ans et la réflexion théologique sur ce culte depuis plus de vingt ans, a cru avoir le droit de faire connaître elle aussi sa pensée. Celle ci a pris bonne note de l’accent mis par les responsables du Congrès sur les effets de lEucharistie et les exigences qui en découlent, spécialement sur le plan caritatif, social et même politique. Elle s’y rallie sans réticence ; mais, dans la tradition des congrès eucharistiques, elle propose aussi d’approfondir les réalités révélées que sous entend l’expression " pain rompu pour un monde nouveau" : la rédemption, l’actualisation du sacrifice ou mémorial, la présence réelle, le sacrement.

Liminaire

Pourquoi Résurrection a t il décidé de proposer à ses lecteurs un cahier sur le thème du congrès de Lourdes ? Trois raisons, semble t il, peuvent être avancées. Tout d’abord la préparation du Congrès suscite actuellement un immense intérêt, une occasion devait donc être saisie. D’autre part le thème du pèlerinage à Chartres organisé par la Basilique du Sacré Coeur sera précisément le thème du Congrès : Pain rompu pour un monde nouveau. Il était nécessaire de fournir aux animateurs de ce pèlerinage et aux participants les éléments de leur réflexion. Enfin, l’importance que les rédacteurs de Résurrection (membres des équipes du mouvement ou chapelains à la Basilique) attachent à l’adoration eucharistique, devaient les rendre particulièrement sensibles à la nécessité d’un approfondissement doctrinal.

Le lecteur remarquera que dans ce cahier, contrairement aux habitudes, les articles sont courts et nombreux. Espérons que l’ouvrage sera de ce fait plus lisible et mieux utilisable.

Après le texte des lettres du Pape et des évêques de France relatives au congrès de Lourdes on trouvera une étude des diverses publications proposées à l’heure actuelle. L’article de Mgr Charles sur la rédemption nous rappelle les dimensions fondamentales du Sacrifice du Christ actualisé dans l’eucharistie. Les quatre articles qui suivent portent sur des points d’exégèse qui ont une grosse importance. si l’on veut interpréter correctement les sources de notre foi. La présence réelle fondée dans l’Ecriture, affirmée par la Tradition, doit être prise au sens fort, présence à la manière d’une chose, et ce point de notre foi ne contredit nullement les requêtes d’une pensée scientifique. Voilà ce qui est affirmé dans les trois articles suivants. Trois articles examinent ensuite l’eucharistie comme sacrement, son lien avec une matière déterminée le mode de son efficacité, le sens de l’adoration. Il faut enfin aborder la question du monde nouveau que promeut l’eucharistie. Dans quelle mesure ce monde nouveau se réalise t il dans l’Eglise, dans la société temporelle. Trois articles sont consacrés à ces questions. Enfin nous n’oublions pas que l’eucharistie est célébrée liturgiquement, les deux derniers articles nous font goûter quelques richesses de cette liturgie.

Résurrection

SOMMAIRE

Liminaire

Page 4

Lettre De Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II à son Eminence le cardinal James Robert Knox, président des congrès eucharistiques internationaux (suive d’une note d’Alain GUERANDEL)

Pages 5 à 9

La lettre des évêques de France

Pages 10 et 11

Alain GUERANDEL

Présentation du document théologique de base pour le congrès de Lourdes

Pages 13 à 15

Livres et revues préparant au Congrès

Pages 17 à 25

Gabriel NANTERRE

Réponses à une enquête

Pages 27 à 31

Mgr Charles

La Rédemption

Pages 33 à 37

Pierre JULG

Le vrai sens du Mémorial

Pages 39 à 43

Michel JOURDIN

Ce qui s’est passé le soir du Jeudi Saint

Pages 45à 49

François de VORGES

Le discours du pain de vie

Pages 51 à 53

Georges de VIVEYROL

D’où vient la foi en la présence réelle ?

Pages 55 à 57

Jean-marie LEBLANC

La présence réelle et le magistère du XIe siècle au XIIIe siècle

Pages 59 à 62

Gabriel NANTERRE

Réel et vrai

Pages 63 et 64

Laurent SENTIS

Objections scientifiques à la présence réelle

Pages 65 et 66

François de VORGES

Pourquoi pas du riz et du thé ?

Page 67

Francis de ROTALIER

L’Eucharistie est un sacrement

Pages 69 et 70

François de VORGES

Pourquoi adorer le Saint Sacrement ?

Pages 71 et 72

Laurent SENTIS

Un monde nouveau

Pages 73 à 82

Michel GOUNOT

Eglise et eucharistie

Pages 83 à 89

François de VORGES

Rôle temporel, social et politique de l’eucharistie

Pages 91 à 93

François de VORGES

A travers les prières eucharistiques

Pages 95 à 97

Robert de GOURMONT

Les hymnes eucharistiques

Pages 99 à 104

RESURRECTION 67 (octobre 1981) : L’HOMME EST FAIT POUR DIEU

88 pages

L’homme est fait pour Dieu

A ceux qui, à l’instar de saint Augustin, de saint Ignace de Loyola, de Charles de Foucauld, ont fait un jour l’expérience bouleversante de l’irruption de Dieu dans leur vie, le thème du présent cahier de Résurrection apparaîtra comme une évidence.

Ceux ci rediront avec le grand docteur africain : " Tu nous as faits pour toi et notre coeur est inquiet jusqu’à ce qu’il t’ait trouvé. " Ils méditeront le fameux principe et fondement des " Exercices " : " L’homme est fait pour servir, louer et honorer Dieu. " Ils confesseront avec le plus célèbre ermite du XXe siècle : " Aussitôt que je sus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de vivre uniquement pour lui. "

Pourquoi donc cette affirmation aussi centrale de notre foi est elle si peu prise au sérieux dans notre Occident moderne ? On concédera, en effet, qu’il faut dans une vie humaine donner une certaine place à la religion pour consacrer les grands moments de la vie humaine, on accordera éventuellement une certaine réalité à la vie spirituelle. Mais orienter la totalité d’une existence en fonction de Dieu, cela ne semble pas sérieux.

Faire à Dieu une place dans notre vie ou trouver notre place devant Dieu, seule source de notre vie ? Tout chrétien est confronté un jour à cette alternative, c’est le moment de la " seconde conversion ". Comprenons alors que Dieu est tout et qu’il est indécent d’assigner à Dieu une place, fût elle la plus élevée de notre système de pensée. C’est Dieu qui juge et qui donne à chacun sa place selon sa vocation propre et pour son vrai bonheur.

Assigner à Dieu une place bien connue, que ce soit pour l’honorer ou pour mieux l’en déloger, c’est l’éternelle tentation de l’idolâtrie. Cette tentation dont le Pape Jean Paul Il débusquait l’an dernier dans son discours aux évêques de France, la forme très radicale en notre modernité. " L’homme contemporain, disait il, est soumis à la tentation du refus de Dieu au nom de sa propre humanité " et il ajoutait que cette tentation était particulièrement menaçante dans la mesure où " l’homme n’a de sens que comme image et ressemblance de Dieu ".

C’est donc par souci de l’humanité de l’homme (souci qui va de pair avec celui de la gloire de Dieu) qu’il importe de se démarquer point par point d’une modernité qui en s’éloignant de Dieu croit être humaniste alors qu’elle n’est qu’idolâtre. L’équipe des rédacteurs de Résurrection a voulu baliser ce démarquage.

Dans son étude originale et judicieuse au sujet du sacrifice, Pierre Julg ouvre des pistes de recherches dont nous ne doutons pas qu’elles seront bientôt parcourues. Nous avons demandé à notre ami Roland Hureaux, ancien de l’équipe rédactionnelle de Résurrection, de résumer à notre intention l’analyse très fine qu’il propose au sujet des sciences humaines et de leur statut : en quoi le christianisme se distingue t il d’une gnose ? L’idée d’une relation avec Dieu peut sembler incompatible avec la liberté et l’inachèvement du désir humain qui ne pourrait subsister que par l’absence de son objet. Face à une hypothétique " théologie de la béance ", Jérôme de Gramont montre combien le désir est respecté dans une authentique relation d’amour, de complaisance. Marie Ange O’Connell étudie de façon brève mais éclairante, l’usage des images humaines pour parler de Dieu. Enfin Christine Martin nous ramène à l’essentiel : l’amour que suscite en nous la Trinité et qui est notre raison d’être. A travers chacun de ces articles et, malgré leur technicité, transparaît de façon discrète mais non moins certaine le goût profond qui anime chaque auteur pour la louange de Dieu, louange en laquelle tous nos discours (et tous nos écrits) trouvent leur vérité et leur achèvement.

Résurrection

SOMMAIRE

Liminaire

Pages 3 et 4

Pierre JULG

Anthropologie du sacrifice et théologie de la rédemption

Pages 7 à 42

Roland HUREAUX

De la connaissance à la relation

Pages 43 à 52

Jérôme de GRAMONT

Théologie de la béance, théologie de la complaisance

Pages 53 à 66

Marie-ange O’CONNELL

Des images humaines pour parler de Dieu

Pages 67 à 74

Christine MARTIN

Comment la Trinité nous donne d’aimer

Pages 75 à 85

RESURRECTION 68 (sans date) : LA REVELATION

84 pages

La Révélation

Dieu s’est révélé aux hommes. Cette affirmation, fondement de notre foi, est moins simple qu’il n’y paraît. La possibilité même d’une révélation, d’une communication entre Dieu et l’homme, est loin d’être évidente. Si Dieu est le tout Autre, radicalement différent de nous, comment peut il nous parler dans un langage que nous puissions comprendre ? Si elle existe, la Révélation doit nécessairement passer par des médiations humaines. Mais ces dernières ne vont elles pas trahir la Révélation, ou la déformer peu à peu ?

Nous sommes naturellement méfiants à l’égard de tout intermédiaire humain. Mais les refuser totalement conduirait à rejeter toute révélation. C’est pourquoi, très souvent, pour admettre la Révélation chrétienne tout en oubliant qu’elle ne saurait exister sans les médiations voulues par Dieu en premier lieu l’humanité du Christ, puis l’Eglise, l’Ecriture... , nous privilégions un intermédiaire particulier, que nous déclarons si transparent, si directement relié à Dieu qu’il s’identifie à la Révélation même ; en sorte qu’il n’y a plus une médiation, mais un simple instrument par lequel Dieu nous parle, directement, comme sans intermédiaire. Ainsi, par exemple, la Révélation s’identifierait au texte même de la Bible, comme d’un livre tombé du ciel. Ou bien, autre forme de cette réduction, on identifie la Révélation à une liste de dogmes, ou même au catalogue de toutes les déclarations des papes et des conciles, dont la moindre parole serait une vérité divine.

Aussi est il fondamental de comprendre la Révélation, non comme l’intrusion d’une vérité extérieure à l’homme, mais comme le dévoilement du dessein de Dieu sur l’homme, dans l’histoire du Salut. C’est dans cet esprit que Résurrection a entrepris de contribuer modestement à cette compréhension.

Ce cahier débute par un article d’Isabelle Ledoux qui a pour but de montrer comment la Révélation, en suscitant des médiations et donc des relations reflète l’être intime du Dieu Trinité, et comment la Révélation, si elle est d’abord communication, n’est pas une circulation de parole vide de sens puisque l’Incarnation du Verbe lui donne une figure.

Il était également important de préciser la place de l’Ecriture dans la Révélation. L’article de Pierre Julg souligne l’importance de l’existence d’un corps scripturaire bien délimité, et son fondement dans le fait de l’Incarnation.

Isabelle Guyot nous montre ensuite comment le passage de l’Evangile au dogme, loin de trahir le message du Christ, a permis de le défendre, en préservant le mystère de l’Incarnation. Béatrice Cerceau nous présente les Pères de l’Eglise, qui ont joué un rôle fondamental dans cette confrontation entre les pensées juive et grecque.

La question de l’actualisation de la Révélation pose un double problème qu’a traité Alyette de La Chaise : le développement du dogme d’une part, et ce que l’on a appelé il y a quelques années les " signes des temps ", d’autre part. Claude Delibes nous invite à une compréhension renouvelée des textes du Magistère, toute nourrie de foi et d’amour de l’Eglise.

Enfin, pour clore ce cahier, Vincent Bourguet nous présente, d’un point de vue philosophique, et en s’inspirant abondamment des Pères, notamment de Denys l’Aréopagite, le paradoxe de l’amour divin qui se dévoile en restant caché.

RÉSURRECTION

SOMMAIRE

Liminaire

Pages 3 et 4

Isabelle LEDOUX

Dieu se révèle tel qu’il est

Pages 7 à 19

Pierre JULG

L’Ecriture, premier maillon de la Tradition ?

Pages 21 à 32

Isabelle GUYOT

De l’Evangile au dogme

Pages 33 à 43

Béatrice CERCEAU

Qui sont les Pères de l’Eglise ?

Pages 45 à 52

Alyette de la CHAISE

Aujourd’hui Dieu nous parle

Pages 53 à 60

Claude DELIBES

Du bon usage des textes du Magistère

Pages 61 à 69

Vincent BOURGUET

Manifestation et Transcendance

Pages 71 à 82

RESURRECTION 69 (4ème trimestre 1982) : LA TRINITE CREATRICE

120 pages

Le mystère de la Création

De tous les articles du Credo, l’affirmation d’un Dieu " créateur du ciel et de la terre " est celui qui peut sembler le moins spécifiquement chrétien. La plupart des religions, en effet connaissent des mythes de la création, dont les récits bibliques semblent bien proches. D’ailleurs, au delà des représentations mythiques, l’idée d’une création, d’un commencement absolu du monde, est largement répandue, dans la culture moderne comme dans les cultures dites primitives. On admet volontiers qu’il existe un Dieu, cause première, premier moteur, architecte ou horloger, qui est à l’origine du processus par lequel le cosmos est devenu tel que nous l’observons.

Si la foi chrétienne en la création n’était que cela, alors elle ne serait qu’une sorte de foi minimale commune à la majeure partie de l’humanité, permettant d’identifier le Dieu juif et chrétien avec le Dieu créateur de bien des religions, ou avec l’Etre Suprême des philosophes. La théologie de la création ne serait qu’une sorte de préliminaire philosophique à l’exposé de la foi chrétienne. Rien n’y laisserait présager que le Dieu créateur est aussi Celui qui destine l’homme à l’adoption filiale, que le Dieu unique est aussi Trinité. On n’y trouverait rien qui permette de dire : Dieu est Amour.

Mais si nous relisons attentivement notre Credo, nous découvrirons qu’il contient une vision profondément originale, et spécifiquement chrétienne, de la création

Je crois en un seul Dieu, le Père tout puissant créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible.

Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le Fils unique de Dieu... par qui tout a été fait...

Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie...

Dans le symbole de notre foi, l’idée de création est reprise dans une perspective trinitaire. Elle est intégrée dans l’histoire du salut dont elle est le commencement, et qui s’achèvera par " la résurrection des morts et la vie du monde à venir ". Le Créateur est d’abord le Père, qui est à l’origine de tout au sein même de la Trinité ; il crée toutes choses dans le Fils, tandis que l’Esprit parfait cette oeuvre. C’est pourquoi toute la création a été faite, selon le dessein bienveillant du Père, en vue de l’adoption filiale des hommes dans le Fils unique, par l’Esprit. La création est un mystère, qui a sa source dans le mystère même de la charité divine, c’est à dire de l’amour des personnes trinitaires.

Après une brève analyse des mythes égyptiens et babyloniens de la création, Bertrand Ramongt nous montre l’originalité du récit biblique, et de son accomplissement dans l’incarnation du Verbe.

Jérôme de Gramont, dans son très bel article, nous montre que la création nous révèle quelque chose de la gloire et de l’amour de Dieu : à travers elle, nous pouvons éclairés par la Révélation entrevoir, non seulement le Dieu unique cause de toutes choses, mais le Dieu d’amour qui est Père, Fils et Esprit. Tout un courant de la tradition patristique va dans ce sens, d’Irénée à Maxime le Confesseur, en passant par les pères cappadociens et par Cyrille d’Alexandrie.

Pour illustrer ces réflexions théologiques, nous présentons quatre brefs articles qui relient à la théologie de la création des domaines aussi divers que la poésie (commentaire de l’Eve de Péguy, par Alyette de la Chaise), l’art (Hélène Pichon), la liturgie juive et chrétienne (Marie Ange O’Connell), et l’étude scientifique du cosmos (Gabriel Nanterre).

Il était nécessaire, dans ce cahier sur la création, d’aborder le difficile problème du rapport entre naturel et surnaturel. C’est ce que fait Pierre Marcellin en étudiant les polémiques des XVIe et XVIIe siècles à ce sujet (Cajetan, Suarez). Il montre qu’entre la distinction nature/surnature chez saint Thomas, et le concept de " nature pure " de ses commentateurs du XVIe, s’est produit une déviation ruineuse pour la théologie.

Vincent Bourguet nous propose ensuite une étude sur le concept d’analogie de l’être, qui est fondé sur la création ex nihilo comme don du Père à son Fils.

Enfin, nous sommes heureux de clore ce cahier par une " méditation théologique " d’un de nos amis et ancien collaborateur, Jean Yves Lacoste, professeur à l’Ecole Biblique de Jérusalem.

RÉSURRECTION

SOMMAIRE

Liminaire

Pages 3 à 5

Bertrand RAMONGT

La création : des mythes au Verbe

Pages 7 à 16

Jérôme de GRAMONT

La création nous dit la gloire de Dieu

Ages 17 à 45

Alyette de la CHAISE

Le climat de la grâce : commentaire d’un extrait de l’Eve de Péguy

Pages 47 à 52

Marie-Ange O’CONNELL

La liturgie gardienne du cosmos

Pages 53 à 68

Hélène PICHON

Représenter la création

Pages 69 à 71

Gabriel NANTERRE

Le cosmos peut-il nous apprendre encore quelque chose ?

Pages 73 à 77

Pierre MARCELLIN

Naturel et surnaturel : de l’ordre à l’économie

Pages 79 à 92

Vincent BOURGUET

De l’analogie : une clef pour comprendre la création

Pages 93 à 104

Jean-Yves LACOSTE

Du désir de Dieu, méditation théologique

Pages 105 à 116

RESURRECTION 70 (1er trimestre 1983) : LA CONSCIENCE DU CHRIST

140 pages

La conscience du Christ

Jésus avait il conscience d’être le Fils de Dieu ? Voilà une question que se posent bien des chrétiens aujourd’hui, et qui est sans doute l’une des plus difficiles pour le théologien comme pour l’exégète.

D’un côté, au nom d’une exégèse scientifique, on voudrait ne voir en Jésus que l’homme en devenir qui, totalement donné aux autres et à la mission prophétique que Dieu lui a confiée, est finalement conduit à la croix. S’il a su un jour qu’il était le Fils de Dieu, il s’agissait là de quelque chose qu’il avait d’abord ignoré, puis dont il avait pris conscience à l’occasion d’événements extérieurs, de ses relations avec ses disciples ou de ses affrontements avec ses adversaires.

A l’opposé, au nom du dogme, d’autres s’élèvent contre toute idée d’un devenir dans le Christ, comme attentatoire à sa divinité. Le Christ a toujours su qu’il était Fils de Dieu, d’une façon qui n’aurait pas connu d’évolution. Certes, le Christ est un homme, mais prêter attention à son humanité comme telle, à son devenir temporel, à sa croissance, serait inutile au christianisme, voire même nuisible.

Face à ces deux types de positions, nous voudrions proposer une autre approche du problème, que nous pensons fidèle à la Tradition de l’Eglise.

Nous pensons que le Christ a été vraiment un homme, qu’il a donc connu le devenir et la croissance, mais d’une manière parfaite parce que filiale  : s’il a voulu, dans son humanité, connaître l’ignorance, la dépendance, c’est parce qu’il est le Fils, c’est à dire celui qui reçoit tout de son Père, selon un accroissement progressif qui est lié à notre humanité. Jésus montre qu’il est Dieu, non pas en révélant des capacités surhumaines, mais en réalisant, dans une humanité semblable à la nôtre, son être de Fils.

Affirmer que Jésus, dès son plus jeune âge, a eu une perception immédiate de cette filiation, est donc compatible avec l’existence chez lui d’une croissance et d’un devenir. Mais d’autre part, affirmer ce devenir, loin de diminuer la divinité du Christ, révèle, à travers la manière dont il a su être homme, la manière dont il est Dieu, c’est à dire ce qui, au sein même de la Trinité, le distingue du Père et du Saint-Esprit : qu’il est le Fils.

Gabriel Nanterre, dans l’article qui ouvre ce numéro, présente différents aspects du problème de la conscience du Christ, face aux différentes remises en cause.

L’article de Pierre Julg aborde le difficile problème que pose l’exégèse du Nouveau Testament : peut on affirmer, d’après les textes évangéliques, que Jésus savait qui il était, ou bien doit on accepter, au nom de conclusions prétendues scientifiques, que Jésus n’a jamais pensé être le Fils de Dieu ?

Marie Ange OConnell nous montre, par des exemples tirés des vies de Jésus (Hegel, Strauss, Renan) comment des présupposés philosophiques peuvent mutiler complètement la personnalité du Christ, montrant ainsi, a contrario, la nécessité d’une vision globale de celle ci : celle que nous présentent les évangélistes.

Les articles d’Isabelle Guyot et de Charlotte Le Bouteiller montrent le premier à propos du ministère de Jésus, le second à propos de son enfance la cohérence de la figure de Jésus que dessinent les quatre évangiles.

Il était ensuite nécessaire d’aborder, d’un point de vue théologique, la question du devenir et de la croissance de Jésus.

Isabelle Ledoux montre en partant de la théorie des sciences du Christ selon saint Thomas dAquin comment la perfection du Verbe incarné est compatible avec sa croissance.

Les articles, plus techniques, de Vincent Bourguet et de Jérôme de Gramont, essaient de montrer que la réflexion sur la conscience de Jésus n’est pas une spéculation gratuite, mais est d’une grande importance pour la théologie de la Rédemption, au même titre que la mise en lumière, au 7e siècle par Maxime le Confesseur, du dogme des deux volontés du Christ.

En guise de conclusion, nous présentons cinq " thèses " qui résument la position à laquelle nous sommes arrivés sur ce problème difficile. Conclusion qui se voudraient une invitation à la réflexion et à la prière.

RESURRECTION

SOMMAIRE

Liminaire

Pages 3 à 5

Gabriel NANTERRE

Simples remarques sur la conscience du Christ

Pages 7 à 11

Pierre JULG

L’exégèse peut-elle nous révéler la conscience de Jésus ?

Pages 13 à 29

Marie-Ange O’CONNELL

La conscience du Christ à travers les vies de Jésus

Pages 31 à 45

Isabelle GUYOT

Ce Jésus que nous pouvons connaître et aimer

Pages 47 à 55

Charlotte LE BOUTEILLER

L’enfant Jésus : croissance et perfection

Pages 57 à 65

Isabelle LEDOUX

La croissance du Christ

Pages 67 à 81

Vincent BOURGUET

De l’humanité du Christ à l’humanité du chrétien

Pages 83 à 97

Jérôme de GRAMONT

La science transfigurée par la charité

Pages 99 à 133

Thèses sur la conscience du Christ

Page 135

RESURRECTION 71 (2ème trimestre 1983) : REDEMPTION ET RECONCILIATION

112 pages

Rédemption et réconciliation

En promulgant 1983 Année Sainte, Jean Paul II a invité les chrétiens à méditer sur le centre de notre foi chrétienne : le mystère de la Rédemption, et tout spécialement sous l’un de ses aspects, la Réconciliation.

C’est pourquoi nous avons entrepris, dans ce numéro, de présenter la Rédemption dans la lignée des plus grandes pensées théologiques qui ont fleuri dans la Tradition de l’Eglise Nouveau Testament, Pères Grecs, théologiens médiévaux. En même temps, nous avons voulu élargir notre réflexion à la pensée de quelques grands théologiens contemporains.

Dans un article introductif, Gabriel Nanterre présente les problèmes que pose la théologie de la Rédemption, et s’intéresse en particulier à la question : pourquoi cette multiplicité d’images pour décrire une seule et même réalité, celle de notre salut ?

Un des points sur lesquels achoppent beaucoup de chrétiens ou de non chrétiens porte sur la nature même de la Rédemption si nous sommes sauvés par la Croix, cela signifie t il que Dieu avait besoin, pour nous pardonner, des souffrances de son Fils ? Pour répondre à cette question, Caroline Rouxel nous montre que la Rédemption est avant tout une affaire d’amour entre Dieu et nous : Dieu ne demande rien en compensation de nos fautes, si ce n’est que nous revenions vers lui, pour vivre avec lui comme ses fils, selon son projet d’amour. D’autre part, Jean François Boutout analyse la théologie de saint Anselme où apparaît l’idée de la réparation de l’honneur divin offensé par le péché, et montre que, même si le sens premier n’est pas un marchandage où Dieu ferait payer à l’homme ses fautes, le thème de la satisfaction a abouti à des présentations inacceptables de la Croix, où le Fils devrait payer à notre place un poids de souffrance compensateur de nos jouissances illicites.

Cette idée de châtiment subi par le Fils a exercé par l’intermédiaire de Luther une influence sur la théologie moderne. Isabelle Ledoux nous expose la pensée de trois de ses plus grands représentants (Moltmann, Pannenberg, Urs von Balthasar) sur la Rédemption.

Jérôme de Gramont nous invite à contempler la Croix, icône de notre salut, comme fondement de toutes les images de la Rédemption.

Isabelle Guyot montre comment notre salut est actualisé par les sacrements, et souligne en particulier le rôle du sacrement de pénitence ou de réconciliation.

Pour achever ce numéro, nous présentons un dossier biblique et patristique qui permettra au lecteur de percevoir la richesse de la théologie du Nouveau Testament et des Pères, où toute la réflexion ultérieure prend sa source.

Enfin, nous avons voulu proposer quelques pistes de réflexion sur le thème de la Réconciliation, comme prolongement à la théologie de la Rédemption, dans le domaine des relations entre les hommes.

RESURRECTION

SOMMAIRE

Liminaire

Pages 3 et 4

Gabriel NANTERRE

Réflexions autour du dogme de la Rédemption

Pages 5 à 10

Caroline ROUXEL

La Rédemption, une affaire d’amour

Pages 11 à 17

Jean-François BOUTOUT

Dieu exige-t-il réparation ?

Pages 19 à 28

Isabelle LEDOUX

La Rédemption selon trois théologiens contemporains

Pages 29 à 45

Jérôme de GRAMONT

La croisée des images

Pages 47 à 60

Isabelle GUYOT

La Rédemption en marche : les sacrements

Pages 61 à 67

Béatrice CERCEAU

Le premier théologien de la Rédemption

Pages 69 à 77

Eric de MOULINS-BEAUFORT

Saint-Paul, théoricien du salut : les images juridiques et financières

Pages 79 à 83

Christiane ROUSSAY

Le thème du sacrifice dans l’Epître aux hébreux

Pages 85 à 96

Frédéric RODER

Ce que nous disent les Pères grecs sur le salut par le Christ

Pages 97 à 103

Pistes de réflexion sur la Réconciliation

Pages 105 à 107

RESURRECTION 72 (1er trimestre 1984) : CONFESSION, PENITENCE, RECONCILIATION

100 pages

Le sacrement de la réconciliation

Il y a quelque chose d’incroyable, d’admirable dans cette manière divine, d’amener les hommes à l’innocence. Tant d’insistance et de douceur mêlées. Comment ne pas s’étonner, au moment de présenter le sacrement de réconciliation, qu’il nous soit tant donné pour un geste si simple ?

Le sacrement de pénitence est l’occasion pour chaque baptisé de revenir au cœur du mystère rédempteur, au moment où le projet de Dieu sur le monde redevient cette déclaration d’amour qui lui est faite, personnellement. Ce que chacun de nous savait peut être, mais si mal. Pour parodier Pascal, qu’il y a loin entre nous savoir aimés et nous sentir pardonnés. L’amour divin nous surprend toujours.

Dans l’article qui ouvre ce numéro, Alyette de la Chaise nous invite à contempler Celui qui est venu tout d’abord sur les routes de Palestine apporter le pardon aux pécheurs. C’est bien le même regard miséricordieux du Christ, cette visibilité humaine du pardon infini de Dieu qui se reflète aujourd’hui dans le sacrement, dans la simple rencontre du pénitent et du confesseur. Aussi cette évocation du face à face de Jésus et des pécheurs de son temps nous introduit elle naturellement notre réflexion sur la pénitence.

Le pardon venu du Fils rend possible le retour de cet autre fils le fils pécheur, prodigue : nous mêmes encore - vers la maison du Père. Cette histoire est celle de l’enfant prodigue, non plus un récit direct de la vie du Christ, mais c’est bien de lui encore qu’il s’agit. C’est sous la forme d’un commentaire de la parabole de saint Luc que Vincent Bourguet nous montre la relation qui existe entre l’œuvre du Fils et la conversion du pécheur. Comment le fï1s prodigue devient le fils pénitent.

En analysant la théologie médiévale, Florence Jardin aborde la même question du retournement du cœur. Derrière les questions scolastiques portant sur la contrition à quelles conditions notre repentir est il sincère ? animé par un vif désir d’aimer Dieu ? Il s’agit dès lors de retrouver cette relation coopération entre l’œuvre de Dieu, la grâce du pardon toujours offert, et cette libre réponse de l’homme qui commence dans le repentir.

Mais parler de repentir, de péché, de pénitence, n’est ce pas enfermer l’homme dans le cercle de bien tristes pensées ? Les deux articles qui suivent font justice à cette accusation tant de fois entendue. Loin d’être complice d’une culpabilité diffuse ou de forger des consciences malheureuses, le christianisme nous libère précisément parce qu’il nous montre ce que le péché veut dire et à quel amour nous sommes promis, parce que c’est en même temps que nous découvrons la véritable horreur de la faute et la véritable richesse de la charité. Tel est le propos de Jean Clair Giraud. Jeanne Pérault le complète en montrant comment la pénitence du fidèle, librement accueillie, devient un signe d’amour et une action de grâce.

En marge de ces études théologiques, Guy Fessier nous propose une illustration littéraire du thème de l’aveu à travers les romans de Bernanos.

Les deux derniers articles de ce numéro inscrivent le sacrement de pénitence à l’intérieur d’une histoire qui est tout à la fois personnelle et ecclésiale. Histoire personnelle, qui est celle d’une vie spirituelle, et dont nous parle Charlotte Le Bouteiller en répondant à la question suivante : pourquoi, si nous avons reçu au baptême la plénitude de la grâce, avons nous encore besoin de cet autre sacrement ? Histoire ecclésiale, qui est celle de la constitution, cœur après cœur, de ce corps mystique du Christ qu’est l’Eglise. Avec les réflexions d’Isabelle Ledoux sur l’Eglise qui concluent ce numéro, notre regard peut ainsi se tourner vers l’avènement dernier du Fils de miséricorde et la royauté à venir.

Résurrection

SOMMAIRE

Liminaire

Pages 3 et 4

Alyette de la CHAISE

Jésus, le péché et les pécheurs

Pages 5 à 13

Vincent BOURGUET

De l’éminente pauvreté de la pénitence

Pages 15 à 35

Charlotte le BOUTEILLER

Baptême et pénitence : pédagogie divine et croissance de l’homme

Pages 37 à 45

Florence JARDIN

La contrition, premier fruit du sacrement de pénitence

Pages 47 à 52

Isabelle LEDOUX

L’Eglise, écran ou nœud de relations ?

Pages 53 à 64

Jeanne PERAULT

La pénitence est douce

Pages 65 à 69

Guy FESSIER

Vrais et faux aveux. La confession dans les romans de Georges Bernanos

Pages 71 à 76

Jean-Clair GIRAUD

Sortir de la culpabilité pour s’avouer pécheur

Pages 77 à 89

L’actualité bibliographique

Gilles de TOULOUSE

En marge d’un livre récent : le Christ hébreux, de Claude Tresmontant

Pages 93 à 95

RESURRECTION 73 (2ème trimestre 1984) : LE BIEN ET LE MAL, FONDEMENT DE L’ETHIQUE CHRETIENNE

76 pages

Le Bien et le Mal

Confesser la foi : confesser le Fils, celui qui toujours fait la volonté du Père.

Mais comment faire la volonté, du Père et comment nous situer devant elle, nous Chrétiens, qui nous savons sauvés dans le Fils, et pourtant pécheurs encore, en proie à cet affrontement, et jusqu’à la fin du monde, celui de l’Amour toujours plus fort et du péché ?

Mystère d’amour et d’obéissance à nous d’apprendre, de découvrir ce qu’emporte d’exigence la volonté bienveillante du Père, ce que recèle de béatitude le consentement sans réserve du Fils, et pour nous qui avons à vivre jour après jour ce même mystère.

Comment quotidiennement répéter la parole qui fut prononcée une fois pour toutes les fois, à Gethsémani : " Non pas ma volonté, mais ta volonté " Apprendre ce qu’est cette volonté, savoir lui obéir.

C’est pourquoi la théologie morale ne saurait passer simplement pour la contribution de la théologie à l’édification d’une morale à laquelle des philosophies aussi bien s’emploient. L’article de Caroline Rouxel s’efforce de dégager la nouveauté radicale de la morale chrétienne pourquoi aucune sagesse du monde ne saurait tenir lieu du message révélé en Jésus Christ.

Une fois reconnu l’originalité de l’éthique chrétienne, il restait à s’interroger sur les limites et le bien fondé d’une morale naturelle, d’une réflexion sur le bien et le mal menée hors de la constante référence au Christ c’est à quoi s’emploie l’article de Jérôme de Gramont.

La plénitude de la loi morale nous est livrée en Jésus Christ, transmise en son Eglise. Sa connaissance est inséparable d’une tradition, d’une histoire encore fallait il montrer que cette histoire est une comme le Christ, son fondement est un, une comme la charité est une. C’est bien ce que montre Jean Clair Giraud : tous les moments de cette histoire explicitent le même donné révélé, comme toutes les vertus sont tournées vers la même charité qui les informe.

Si la charité se traduit dans la loi, cette loi morale demande aussi à s’accomplir dans une vie personnelle. Discerner le bien et le mal est le fait de la conscience morale. C’est ce dont traite Hervé Soubias : comment la loi morale prend vie dans une conscience.

Enfin les Considérations sur l’Ethique Chrétienne, texte destiné à un ouvrage général sur la morale chrétienne et que Mgr Charles a bien voulu nous confier, permettront au lecteur de synthétiser les réflexions ici ouvertes.

La nouveauté de ce cahier est de s’ouvrir à l’actualité, sous la forme d’un essai de G. Tabard sur " la crise " et grâce à une étude inédite du théologien britannique Th. F. Thorrance sur la notion d’ordre.

Résurrection

SOMMAIRE

Liminaire : le Bien et le Mal

Pages 3 à 4

Caroline ROUXEL

La morale chrétienne dit-elle quelque chose d’original ,

Pages 7 à 12

Jérôme de GRAMONT

Considérations intempestives sur la morale naturelle

Pages 13 à 21

Jean-Clair GIRAUD

Permanence et évolution de la morale chrétienne

Pages 23 à 29

Hervé SOUBIAS

De l’éminente dignité de la conscience

Pages 31 à 35

Mgr CHARLES

Considérations générales sur l’éthique chrétienne

Pages 39 à 55

Guillaume TABARD

Crise : ce que les Chrétiens ont à dire

Pages 59 à 61

Th. F. TORRANCE

Le concept d’ordre, en théologie et dans la science (traduction de Jean-Yves LACOSTE)

Pages 65 à 72

RESURRECTION 74 (sans date) : LE MARIAGE : LES NOCES DE L’AGNEAU

84 pages

Le mariage sacrement de la Nouvelle Alliance

Noces de chair et noces mystiques. Comment ne pas s’étonner ici qu’une réalité charnelle puisse aussi bien nommer la vocation béatifique de l’être humain ? Mais cet étonnement est à la mesure de l’unique mystère, celui qui est scellé dans le Christ. De l’Incarnation au mystère nuptial, c’est le même Fils qui a pris chair de l’homme et qui prend pour épouse son Eglise. Le mariage de deux êtres humains prend sens si l’on voit qu’il consiste à les retourner l’un et l’autre en direction de cet unique mystère. Et celui ci, à son tour, prend ce chemin pour s’accomplir dans notre chair. dans notre histoire.

C’est en vue des noces célestes qu’homme et femme ils furent créés. L’article de Laurent Charnin montre les fondements scripturaires de cette affirmation théologique cardinale à travers l’étude du thème du couple dans les Ecritures.

Ce qui est fondé dans la Bible s’explicite dans la tradition ultérieure, celle ci est lue ici à trois les époques, selon trois perspectives essentiellement convergentes. Moment patristique d’abord, avec la lecture du traité de saint Augustin entreprise par Jérôme de Gramont et où se voit établie la hiérarchie des fins du mariage. Moment médiéval où l’article d’Elizabeth Bourguet montre comment le mariage est vécu chrétiennement, dans un esprit profondément théologique, à rebours de toute tentation de lire dans le sacrement de mariage une innovation historique, une invention tardive. Moment moderne la relecture de Karol Wojtyla et Jean Paul II menée, par Jérôme Berge, expose la possibilité de définir la personne humaine à partir d’une théologie du mariage.

Au centre de toutes ces analyses, il y a la reconnaissance du mariage comme un des sept sacrements cette reconnaissance fait plus spécialement l’objet de l’article de Florence Jardin, tandis que Patricia Quérenet met en valeur l’une de ses originalités les plus marquantes, que les ministres en sont les époux, soit ceux là mêmes qui reçoivent la grâce sacramentelle et non pas le prêtre. Avec Laurence Mardon nous voyons pourquoi il convient d’inscrire le sacrement lui même au sein d’une cérémonie qui en montre le sens, l’éclat.

La spiritualité conjugale nous est présentée par Isabelle Guyot : comment deux êtres peuvent vivre, à travers leur don mutuel, leur commune union au Christ.

Enfin, l’article de Vincent Bourguet, qui clôt ce cahier, nous apprend ce qui est proprement en jeu dans le sacrement de mariage, non pas la continuité du monde, mais son ouverture à la grâce, son passage au Père.

Résurrection

SOMMAIRE

Liminaire : le mariage sacrement de la Nouvelle Alliance

Pages 3 et 4

Laurent CHARNIN

Le couple dans l’ancien Testament

Pages 5 à 11

Elisabeth BOURGUET

Le mariage chrétien existe-t-il au moyen Age ?

Ages 13 à 21

Jérôme de GRAMONT

Le sacrement du tiers

Pages 23 à 29

Jérôme BERGE

La personne révélée

Pages 31 à 39

Florence JARDIN

Le mariage - sacrement : une invention de l’Eglise ?

Pages 41 à 46

Patricia QUERENET

Une question disputée : le ministre du sacrement de mariage

Pages 47 à 51

Laurence MARDON

Une cérémonie pour fêter les noces de l’Agneau

Pages 53 à 56

Isabelle GUYOT

Le mariage : un chemin de sainteté

Pages 57 à 65

Vincent BOURGUET

Les noces du Christ et les miennes

Pages 67 à 81

RESURRECTION 75 (1er trimestre 1985)

62 pages

Ouverture

Voici un nouveau cahier de Résurrection, et nouveau tout d’abord par son style. Une même exigence à confesser notre foi - celle de l’Eglise conduit nos travaux, mais elle s’y voit autrement traduite.

Notre souci fut au long des années passées de découvrir les richesses de la foi, et il demeure aussi vif. D’où venait notre étude de la théologie, sinon du désir de mieux connaître Celui qui est venu nous apporter le salut ?

La théologie se nourrit de la prière et de l’adoration, elle naît de ce commerce avec Celui qui n’est pas seulement venu nous apporter la vie mais qui est la Vie en personne. Emerveillés, nous avons voulu entrer plus avant dans le mystère de la charité tel qu’il est révélé en Jésus Christ.

Puisse cet émerveillement être celui de tous les hommes ! Ce n’est pas seulement à découvrir les richesses du mystère que nous sommes invités, mais à porter témoignage. La théologie répond aussi à cette exigence, celle d’annoncer l’événement du salut. C’est à cette seconde exigence que nous voudrions aujourd’hui répondre davantage.

C’est l’étonnement devant l’incessante actualité du Ressuscité qui nous a, cette fois, pressés. Ce que nous entendons montrer à travers les divers articles de ce cahier.

Attention à l’actualité du monde sans doute, et sur quoi notre foi porte un regard libérateur, mais aussi bien à la vie de l’Eglise - c’est pourquoi nous ferons place désormais aux publications récentes des théologiens comme aux documents officiels qui émanent du Magistère. Persuadés que le passé de l’Eglise est notre mémoire de baptisés, nous ouvrons aussi nos cahiers à l’histoire. La mission d’enseigner aux enfants dans un langage qui leur soit accessible le mystère du salut pose de difficiles problèmes auxquels répondront des articles consacrés à la catéchèse. Non moins difficiles sont les questions de morale, et où plus que jamais l’urgence du message chrétien se fait sentir nouvelle direction que nous voulons donner à nos réflexions.

Tels sont les nouveaux articles qui, aux côtés des travaux de vulgarisation théologique, trouveront place dans la Résurrection.

Mais une revue n’est pas seulement l’affaire des quelques-uns qui y écrivent tous ceux qui la lisent y ont aussi part. De vos suggestions et vos remarques dépend la Résurrection de demain.

Résurrection

SOMMAIRE

Ouverture

Pages 3 et 4

Jérôme de GRAMONT

Le Credo : prière des savants et doctrine des tout petits

Pages 7 à 12

Isabelle LEDOUX

Quelle théologie pour quelle libération ?

Pages 15 à 24

Pascale POCH

Le médecin chrétien et l’avortement

Pages 27 à 32

Charlotte Le BOUTEILLER

Le prévôt de Sales et la propagande religieuse

Pages 35 à 43

Laurent SENTIS

Un exemple de catéchèse biblique : l’Arche de Noé

Pages 47 à 50

Actualité des livres

Marie-Ange O’CONNELL

François VARONE, Ce Dieu sensé aimer la souffrance, cerf, 1984.

Pages 53 à 56

Béatrice CERCEAU

La datation des Evangiles : vrai ou faux problème ?

Claude TRESMONTANT, Le Christ Hébreu, ŒIL,1984.

Jean CARMIGNAC, La naissance des Evangiles synoptiques, ŒIL, 1984.

Pierre GRELOT, Evangiles et tradition apostolique, Cerf, 1984.

Pages 56 à 60

RESURRECTION 76 (2ème trimestre 1985)

104 pages

Jean-Yves MASSON

La communion des Saints

Pages 5 à 17

Jérôme de GRAMONT

Esquisse d’une doctrine de l’amour

Pages 19 à 25

Isabelle LEDOUX

Réconciliation et pénitence

Pages 29 à 33

Pascale POCH

Mort sur commande : ce qu’en dit l’Eglise

Pages 37 à 51

Dominique POIREL

Isidore de Séville : Docteur de l’Eglise

Pages 55 à 58

Edith BOUYEURE-MENAGER

Victor Hugo, l’homme de l’essentielle déchirure

Pages 61 à 75

Laurent SENTIS

La vie après la mort

Pages 79 à 82

Guillaume TABARD

Communistes et chrétiens : même déclin ?

Pages 85 à 91

Actualité des livres

I. H.

François DREYFUS, Jésus savait-il qu’il était Dieu ?, Cerf, 1984.

Pages 95 à 98

Jean CHAUNU

Jean COMBY, Pour lire l’histoire de l’Eglise, tome I, des origines au XV° siècle, Cerf, 1984.

Pages 99 à 102

[1] Lettre ouverte aux chrétiens, 1969.

[2] Le problème de l’impossibilité pour nous de dire l’Indicible est donc résolu car l’Indicible est venu lui-même se dire, et, se disant, nous a appris à le dire. Le dépassement de l’impossible dénomination en reconnaissance filiale n’est possible cependant que si, loin de maintenir une autre distance, trop humaine quant à elle, entre le Christ et nous, nous acceptons de dire Père dans le Christ et par le Christ qui seul nous apprend le sens de ce mot, c’est-à-dire si nous nous assimilons au Christ dans l’Eglise en assimilant son corps dans la louange (et reconnaissance) de l’Eucharistie.

[3] Le titre allemand de l’ouvrage de Urs von Balthasar De l’Intégration, est précisément Das Ganze im Fragment (le Tout dans la Partie).

[4] Nous tenons à dire ici notre gratitude à J. Ratzinger, qui a bien voulu développer pour ce numéro la référence constante du Fils au Père, et donc la liaison du mystère du salut à la distance trinitaire.

[5] Sur tout ceci, et la lecture trinitaire de la vie du Christ, voir l’article de F. Vinel : Evangile trinitaire, p. 15 sqq.

[6] Voir l’article de M. Costantini et M. Bottino.

[7] La question métaphysique se formulait pour Blondel de la manière suivante : comment se peut-il que Dieu ait créé des créatures créatrices ? La reddition de l’amour humain à l’amour divin peut seule réaliser l’unité des deux amours, ce qui est l’inverse de la rupture et de la faille : la réconciliation, le partage, le salut, la divinisation. Les saints sont les amis de Dieu.

[8] Sur cette question, T. Bert : De la Trinité à l’Unité, p. 43 sqq.

[9] Les limites de notre esprit nous font éprouver des difficultés énormes dans toute tentative pour dépasser le paradigme du successif dans l’expression de la génération et de la procession.

[10] Cf. Marc Schmitter, la Personne et la Relation selon saint Thomas d’Aquin.

[11] Cf. Martine Blum, Vouloir ce que Dieu veut, p. 83 sqq.

[12] Voir l’article de J. L. Marion, Distance et louange, p. 89 sqq.

[13] Cette réinterprétation du concept d’amour, à l’encontre d’une certaine philosophie de l’univocité, qui prétend savoir ce qu’est l’amour, et, l’appliquant à Dieu, manque la Charité, est entreprise par Rémi Brague, Métaphysique de la volonté et Théologie de l’amour, p. 123 sqq.

[14] La théologie négative n’est pas d’abord le complément d’une théologie affirmative constituée comme telle. Elle est, au terme même de toute raison, la reconnaissance d’un au-delà de la raison exprimable, dont une Révélation peut seule rendre compte. Qu’elle intervienne donc au terme d’un développement conceptuel inachevé et dangereux, car elle peut alors avoir fonction de résolution systématique d’une aporie par recours à l’impensable. La démarche thomiste, qui peut paraître un hyper-rationalisme, avère toutefois dans la distinction conceptuelle entre relation en tant que relation et relation subsistante, le mystère même d’une nature une qui inclut dans sa définition, au degré le plus absolu (la distinction étant réelle), la différenciation de plusieurs subsistances. La pureté même de ces subsistances, en tant que telles, fonde une infinie distance, mais aussi leurs relations, qui sont identiquement les mêmes. La parenté verbale prend alors valeur mystique, qui lie en leur sens relation, rapport, transport, extase. Ce n’est pas la vie, mais l’extase éternelle que la Trinité nous fonde à reconnaître. C’est ainsi que pourrait se penser l’unité des démarches opérées dans les articles de J-L Marion, Marc Schmitter, Rémi Brague et Thierry Bert.

[15] Il est bon de remarquer que la philosophie moderne, quand elle croit en Dieu, le fait exactement comme les chrétiens " croient " en Satan.

[16] La division de l’espèce en individus n’est pas le péché, mais la conséquence de la séparation de la personne de son Dieu et Père (contrairement à certaines cosmologies, orientales ou philosophiques).

[17] Il ne nous est pas demandé d’être pères selon la chair, mais pères selon l’Esprit, consacrés par Dieu pour engendrer des personnes dans l’Esprit et non des individus dans la chair. Une personne est littéralement " engendrée par Dieu ", comme il est dit du Christ " Lui que ni sang, ni vouloir de chair, ni vouloir d’homme, mais Dieu a engendré " (Jean 1, 13). La paternité selon l’Esprit nous introduit à la fécondité divine et s’anéantit devant elle en tant que paternité, comme la paternité simplement charnelle avait à le faire devant la paternité spirituelle qu’elle doit devenir. La paternité spirituelle (du saint, du martyr, du père spirituel) se mue, une fois reconnue, en fraternité dans le Christ et louange du seul Père. Nous n’ignorons pas le caractère paradoxal de telles vérités, en un temps où l’effondrement de la paternité véritable la fait paraître un mythe, tandis que nous affublons de ses vêtements royaux notre pauvre et irresponsable procréation, quand elle ne la remplace pas par la dictature du " grand frère " décrit par George Orwell. Notre méditation doit s’enraciner dans ce fait que c’est de Dieu que toute paternité tire son nom (Ephésiens 3, 14), comme toute fraternité le fait du Christ.

[18] Considérations actuelles sur la Guerre et la Mort, 2.

[19] Le " mécanisme " de cette libération sera l’objet du numéro 41de Résurrection.

Réalisation : spyrit.net