Rechercher

Traité des sacrements.( I –Baptême et sacramentalité. 1. Origine et signification du baptême).

Jean-Philippe Revel, Collection « Théologies », Cerf, 2004, 681p.
Jean Lédion

Ce volume, que publient les éditions du Cerf, est le premier d’un vaste « Traité des sacrements ». Il s’agit avant tout d’une introduction générale à l’étude des sacrements chrétiens, dans laquelle le baptême est étudié pour lui-même, en tant que premier de tous les sacrements, mais aussi comme exemple pouvant servir à illustrer les propos de l’auteur, afin d’éviter un discours trop abstrait. Ce volume est bien un « traité », car c’est la mise par écrit de recherches, de cours et d’enseignements divers que l’auteur a eu l’occasion de dispenser au cours d’une longue carrière, à la fois pastorale et universitaire.

Le frère Jean-Philippe Revel est né à Marseille en 1931. Il est entré chez les Dominicains en 1950 où il a fait ses études de théologie. Il est l’un des fondateurs, en 1977, de la Fraternité des moines apostoliques diocésains à Aix-en-Provence. Curé puis doyen à Toulouse et à Aix, de 1964 à 1998, il a simultanément enseigné la liturgie, la théologie sacramentaire et la patristique au Studium des Dominicains de Toulouse, à l’École de la foi de Fribourg et, au grand séminaire d’Aix-en-Provence.

Ce traité des sacrements comporte une vaste et intéressante introduction générale intitulée « Situation de l’étude des sacrements en théologie » dans laquelle l’auteur montre ce que pouvait être la situation d’un étudiant en théologie de sa génération, face à un enseignement qui reposait, pour l’essentiel, sur un commentaire du traité des sacrements de saint Thomas d’Aquin. En fait, ce commentaire n’était qu’un extrait de la Somme théologique, extrait composite, puisqu’il s’agissait des questions 60 à 90 de la troisième partie de la Somme, auxquelles on adjoignait les questions 28 à 68 du supplément de la Somme. Or ce supplément n’est pas de la main de saint Thomas, mais de ses disciples qui ont puisé dans ses œuvres de jeunesse pour compléter la Somme. Ces questions ne donnent donc pas forcément la pensée définitive du maître après vingt ans d’ensei-gnement.

Mais partir de saint Thomas garde son intérêt à cause du caractère systématique de sa réflexion. Cependant, un esprit un peu exigeant reste sur sa faim. En effet, les sacrements sont les sacrements de l’Église dans laquelle ils s’enracinent, certes par la doctrine, mais aussi par la pratique liturgique et par la pastorale. Or sur ces aspects, il faut aller au-delà de saint Thomas, car ce dernier n’a jamais écrit de traité sur l’Église. L’auteur est donc conduit à déborder le cadre thomiste, trop étroit, pour aborder son sujet. C’est pourquoi, dans la seconde partie de l’introduction, il étudie les relations qui peuvent exister entre théologie sacramentaire et théologie de l’Église, après les acquis du second concile du Vatican.

Après cette longue et importante introduction (120 pages), est abordée, dans un premier chapitre, la question de l’institution du baptême. Et, à travers le cas du baptême, c’est tout le problème de l’institution des sacrements qui est examiné sous toutes ces faces. Puis, dans un second chapitre, J-P. Revel essaie de définir ce qu’on entend par « nature du baptême  » d’abord par la description des rites, puis par les significations du nom de « baptême » (définition nominale) et, enfin, en examinant les définitions « essentielles » de ce sacrement. Tous ces points conduisent le lecteur à poursuivre des analyses très poussées sur la notion de signe et de symbole. L’auteur se plait à développer tous les sens du symbole ainsi que ses trois dimensions. Ceci lui permet de terminer son ouvrage par le problème de la constitution des signes sacramentels.

Il est bien entendu impossible de détailler en quelques lignes tous les points d’intérêt contenus dans cet ouvrage, mais on peut néanmoins évoquer divers aspects que le lecteur peut relever comme particulièrement dignes d’intérêt. Ainsi, en ce qui concerne l’institution des sacrements, l’auteur montre avec beaucoup de clarté que l’on ne peut pas se contenter d’une notion d’institution juridique des sacrements. C’est pourquoi il insiste sur le fait que les sacrements sont d’abord le prolongement des paroles et des gestes sauveurs du Christ lui-même, transmis, pratiqués et organisés par les apôtres, et enfin recueillis par la Tradition vivante de l’Église qui va progressivement les codifier et les formaliser.

L’enracinement liturgique de la pratique sacramentelle est étudié de manière très complète. On peut regretter que l’auteur se soit contenté de montrer que les sacrements n’avaient pas d’équivalents dans l’ancienne alliance et que la liturgie de la nouvelle alliance n’était pas non plus la transposition des sacrifices du Temple de Jérusalem. Bien qu’il n’ignore pas les points de contact entre le culte synagogal et la liturgie chrétienne, qu’il évoque à plusieurs reprises, il ne tire pas parti de cet enracinement du culte chrétien dans cette liturgie synagogale et dans celle des repas religieux des juifs pieux du temps du Christ. On peut cependant supposer que cet aspect sera davantage traité dans le volume consacré à l’eucharistie.

Un autre point fort du livre est la large place faite aux citations de textes patristiques, en particulier à celles des Pères grecs. Cela permet au lecteur de se rendre compte de toute l’ampleur de la réflexion théologique des Pères lorsqu’ils abordent, par exemple, le baptême dans leurs homélies pascales, homélies où ils traitent tout ensemble les aspects salvifiques, symboliques et moraux.

Notons aussi la partie importante de l’ouvrage qui est consacrée à l’étude des signes et des symboles. Les auteurs modernes sont mis à contribution pour faire le tour de la question, au risque de perdre un peu de vue l’originalité des symboles chrétiens tout en risquant de tomber sur l’écueil classique, en matière de symboles, de trop les étudier pour, finalement, les appauvrir dans une réduction un peu trop rationnelle.

Même si l’on peut trouver quelques points où l’on ne suivrait pas sans réserve l’auteur, il reste vrai que ce traité garde toute sa valeur. C’est vraiment un ouvrage exhaustif qui ne néglige aucune époque de la réflexion chrétienne sur ce sujet. La théologie des Pères, celle des théologiens médiévaux ou post-tridentins, comme celle des auteurs modernes, est exposée de manière compréhensible pour le lecteur non spécialiste, ce qui est fort louable pour un livre qui se veut un « traité ». On attend, avec intérêt, la parution des volumes suivants.

Jean Lédion, marié, trois enfants. Diplôme d’ingénieur, docteur d’État ès Sciences Physiques. Enseignant dans une école d’ingénieurs à Paris.

Réalisation : spyrit.net