Rechercher

Visite d’un jeune libertin à Blaise Pascal (Claude-Henri Rocquet)

ill. Sylvestre Bouquet, Paris, éd. Les petits Platons, 2011, 64 p.
Jérôme Levie

La recension de ce petit livre consacré à Blaise Pascal fournit l’occasion de présenter aux lecteurs de Résurrection une très attachante collection née il y a à peine trois ans. Elle se donne le but d’introduire les grands enfants, ou les jeunes adolescents, à la philosophie. Pour cela, l’univers d’un grand philosophe est mis en scène dans un court récit de fiction, richement et pertinemment illustré, en cohérence avec les éléments biographiques principaux du philosophe.

Avec plus d’une douzaine de livres, allant de Socrate à Heidegger en passant par Ricœur et Lao-Tseu, le succès est au rendez-vous, à la fois en termes de qualité des objets produits et quant au public que la collection s’est attaché, et qui s’avère composé de petits et de grands. Ce dernier titre ne devrait pas déroger à cette règle d’excellence : pour commencer, l’auteur n’est personne d’autre que Claude-Henri Rocquet, le sage – amoureux de la sagesse… – qu’on ne présente plus.

Celui-ci a porté son imagination sur le lecteur des Pensées, le libertin que Pascal a dans le but de convertir, et a raconté ce qui aurait pu être leur rencontre. Après une efficace restitution du contexte – de l’atmosphère – du Grand Siècle, le libertin, splendidement vêtu, arrive dans la cellule austère de notre philosophe : et l’on se trouve de suite emporté par le contraste des objets et des lieux, qui participent à la narration. L’on en est d’autant plus assidu à suivre les savoureux méandres du dialogue, où Pascal, mû par le désir de sauver l’âme de son interlocuteur, joue avec ce libertin, le pousse dans ses retranchements, ou au contraire abonde dans son sens, pour mieux mettre en évidence le fond de son cœur et de ses pensées.

Apparaissent des éléments de la biographie de Pascal, où on voit qu’il nomme divertissement ce qui précédemment l’a occupé, la quête insatiable de savoir, de connaître et de posséder. Si le scénario est centré sur le pari, le lecteur rencontre les concepts centraux de la pensée du philosophe, le divertissement donc, les deux infinis, l’incommensurabilité de tout bonheur terrestre avec les choses de Dieu.

Le texte, d’une grande qualité stylistique, et non dépourvu d’un certain lyrisme, est servi, rythmé, porté, par un dessin dans la ligne des illustrations de la collection (nonobstant la grande diversité de ses dessinateurs) : un style moderne, original, mais concret et suggestif, sans détails inutiles, concentrant l’intention sur l’expression des ambiances et des sentiments.

Cette collection des petits Platons est une merveilleuse opportunité, pour les enfants de s’initier de façon ludique à la philosophie, pour les parents d’y jeter un regard renouvelé. En sus, ce numéro poussera petits et grands, aidés par le charme de la fiction, à méditer des vérités essentielles telles que : « La science peut être une assez vaine curiosité si elle ne se rapporte à Dieu et à la charité. » « Notre cœur est insatiable parce que Dieu seul le comble. »

Jérôme Levie, ancien élève à l’École Normale Supérieure, poursuit actuellement une thèse de physique théorique et une maîtrise de philosophie.

Réalisation : spyrit.net