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Chronique sémantique

Benedictus

Il y a les vraies et les fausses étymologies : les vraies tiennent compte de l’évolution des mots au fil des décennies et des siècles ; les fausses veulent aller droit au sens, mais ne s’embarrassent pas des pesanteurs de l’histoire, elles veulent revivifier l’usage des mots en les rapprochant d’autres termes, selon des affinités philosophiques, théologiques, etc.

Le mot « connaître » a pour vraie étymologie le latin cognoscere, qui correspond au grec gignôskein  : le même radical, d’origine indo-européenne, *gno, contient l’idée d’une relation entre une personne humaine d’une part (sujet de la connaissance) et un autre terme, objet de la connaissance, qui peut être concret (personne, animal ou objet inanimé) ou abstrait (idée, théorie, discipline). On saisit tout de suite l’immense étendue du champ sémantique ainsi ouvert à nos yeux : le monde entier est appelé à être objet de connaissance.

La Bible, qui véhicule la parole de Dieu et n’a donc pas sur le monde un regard superficiel, emploie le même mot pour la reconnaissance de Dieu par l’homme, et pour cette connaissance intime réciproque d’un homme et d’une femme que donnent les relations conjugales. On lit ainsi dans le livre de l’Exode (6, 3) : « Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu Puissant, mais sous mon nom, le Seigneur, je ne me suis pas fait connaître d’eux », et dans le livre de la Genèse (4, 1) : « L’homme connut Ève sa femme. Elle devint enceinte… ».

Deux conclusions s’imposent de ce rapprochement : les relations conjugales sont chose sacrée ; mais aussi la connaissance de Dieu a en commun avec ces relations, la donation totale de l’être qui résulte d’un amour unique. La connaissance a donc indéniablement à voir avec l’amour.

Allons plus loin. Le livre de la Genèse nous instruit encore des relations entre le premier homme et la première femme : « Aussi l’homme laisse-t-il son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair » (3, 24). Ce verset est ainsi commenté par saint Paul : « ce mystère est de grande portée : je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église » (Ép 5, 32). Cela signifie que la connaissance mutuelle des époux – non seulement charnelle, mais aussi affective, intellectuelle – qui permet une habitation commune, est une image pour nous aider à comprendre la relation aimante entre Dieu fait chair, Jésus-Christ, et l’humanité restaurée par lui dans sa beauté originelle, l’Église.

Le mariage humain est donc une image pour nous aider à penser le mystère de l’Incarnation, celui de Noël, celui de la venue du Tout-puissant dans le sein de la Vierge Marie, puis de sa naissance en notre monde. Dès lors, connaître Dieu pour un chrétien, c’est, selon la fausse étymologie en vogue, « co-naître » avec lui, c’est-à-dire partager avec lui l’expérience fondamentale de la naissance vulnérable par pur amour, de l’abaissement et du renoncement à nos privilèges pour partager une condition humble et toute offerte au regard de ceux qui viendront nous rencontrer.

Dieu nous conduit à le connaître. Il nous invite à nous pencher sur le petit enfant déposé dans la crèche de Bethléem. Le connaître, ce sera L’aimer, nous laisser aimer par Lui, et Le laisser aimer nos frères et sœurs en chacun de nous.

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