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Compostelle et cultes de saint Jacques au Moyen Âge (Denise Péricard-Méa)

PUF, 2000.
P.G.

La mode de Saint-Jacques de Compostelle a donné lieu à tout un travail de mise en valeur historique, censé instruire le pèlerin. Or un coup d’œil sur l’ensemble de la production ferait apparaître le fossé entre l’état de la recherche compostellane et les ouvrages destinés au grand public ; rien là d’inédit il est vrai. Mme Péricard-Méa cherche à mettre à notre portée les résultats et enjeux de la recherche en nous proposant une étude hagiographique qui élève le débat. La méthode en est connue : resituer les recherches actuelles dans l’historiographie, établir les sources, les critiquer, faire la collation des informations concernant le cœur historique du problème. Son ouvrage a le mérite de dépasser la simple synthèse de vulgarisation en nous faisant pénétrer dans l’atelier de l’historien et en nous initiant un tant soit peu à l’intelligence historique. De plus elle intègre l’exploitation de nouvelles sources : les archives hospitalières.

Après avoir repris le dossier hagiographique de saint Jacques lui même, elle en vient au pèlerinage, et tout de suite fait tomber les clichés. Outre le sanctuaire de Galice, il en existe de nombreux autres, disposant de leurs reliques, de leur pèlerinage, leurs hôpitaux et leurs confréries. Et nous sommes amenés à reconsidérer le réflexe qui nous porte à en faire des étapes sur les fameux « chemins de Saint-Jacques ». Cette partie est aussi pour elle l’occasion de montrer le quotidien du pèlerinage tel que le montre les archives : effroyablement prosaïque.

Cette mise au point faite, Mme Péricard-Méa étudie les pèlerins réels et imaginaires. Pour cela elle montre la naissance du mythe, dans les Asturies assiégées par les musulmans au IXème siècle, mais surtout au XIIme siècle, grâce à la chronique du Pseudo-Turpin. Ce texte, fruit de la collaboration du pape, des moines de Saint-Denis et des chanoines de Compostelle, fait de Charlemagne le premier pèlerin de Saint-Jacques. Sa grande diffusion, la multitude de textes secondaires qu’il suscite, ancrent le mythe dans la noblesse européenne. Puis viennent s’ajouter des développements courtois dont témoignent plusieurs romans. Quand la réalité s’en mêle, on lit avec délectation les histoires d’authentiques pas d’armes, et on commence à mesurer la distance qui nous sépare de ces pèlerins médiévaux. Ce n’est encore rien, nous voilà ensuite confrontés aux pèlerins plus ordinaires. Ils sont aussi loin de nos propres démarches que des clichés que nous projetons sur eux.

Le livre s’achève sur ce succès de Compostelle au début de l’époque moderne, qui a aveuglé l’historiographie. D’abord débarrassé de ses rivaux par l’hostilité de l’Église envers les pèlerinages aux XVme et XVIme siècles, Saint-Jacques se voit promu par la Contre-Réforme. Ce n’est qu’alors qu’il connaît son apogée. La démonstration se conclut ainsi de manière magistrale.

Réalisation : spyrit.net