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Éditorial

Simon Icard

« Paix sur la terre aux hommes qu’Il aime » : proclamer, de dimanche en dimanche, que notre vieux monde, casqué et couturé depuis la nuit des temps, a pour vocation la paix du Christ annoncée dans la nuit de Noël est un acte de foi qui engage l’Église. L’annonce du « Prince de la paix », qui a pris chair dans l’histoire sanglante de notre humanité, n’est ni un vœu pieux, ni une incantation : l’attente eschatologique de la paix impose d’œuvrer pour elle, afin de « préparer les chemins du Seigneur ». L’un des volets de cette action, en vertu de la mission d’enseignement de l’Église, consiste à penser la paix civile et les conflits armés à la lumière de l’Évangile, à parler « à temps et à contre-temps » à une humanité qui oscille entre cynisme et utopie.

Les événements internationaux récents manifestent l’urgence de reprendre sur nouveaux frais une question de théologie morale qui paraissait un peu poussiéreuse : qu’est-ce qu’une légitime défense ? Les bouleversements considérables que le monde a connus depuis la fin de la guerre froide sont autant de nouveaux défis lancés à la théologie de la paix patiemment mise en place par les différents papes depuis le début du XXème siècle. Ce numéro, premier volet que Résurrection consacre au sujet, essaye d’identifier les questions qui se posent aujourd’hui à l’Église lorsqu’elle donne au monde une vision chrétienne de la guerre et de la paix.

Les trois premiers articles constituent une sorte d’état des lieux. Monseigneur Patrick Le Gal, évêque aux armées, fait le point sur l’action de l’Église en faveur de la paix sous le pontificat de Jean-Paul II. Les conférences de l’amiral Philippe Mallard et d’Olivier Prat, données en septembre 2003 dans le cadre d’un cycle organisé par le Mouvement Résurrection, présentent l’une la situation géostratégique actuelle et l’autre la position du Saint-Siège face aux conflits du XXème siècle. Résurrection a, comme souvent, pris le parti de croiser des regards différents – ceux d’un évêque, d’un militaire, d’un historien – sur un même sujet. Le caractère parfois technique de certains textes peut paraître étrange dans une revue de théologie ; mais nous savons que la théologie chrétienne, qui prend sa source dans le mystère de l’Incarnation, ne peut faire l’économie d’un dialogue avec la réalité du monde. Il nous a également semblé qu’un recul historique s’imposait pour comprendre la situation actuelle du monde ainsi que l’action et l’enseignement de l’Église aujourd’hui.

Deux articles ouvrent des pistes de réflexion dans le prolongement des deux conférences. Christophe Bourgeois interroge le sens profond des exhortations du Saint-Siège en faveur de la paix : il s’agit de comprendre la portée du message pontifical, où s’articulent prédication théologique et discernement sur des réalités éphémères. Le colonel Irénée Saint-Georges, quant à lui, présente les fondements et les enjeux d’une éthique chrétienne de la guerre adaptée à la situation actuelle de notre monde.

Toute théologie chrétienne de la guerre et de la paix est une tentative d’établir un lien entre la stabilité de la croix du Christ et les vicissitudes de l’Histoire. Quarante-quatre ans de guerre froide avaient donné l’impression que les enjeux de la question étaient clairs. Comme l’indiquait Jean-Paul II dans sa lettre apostolique Novo Millennio Ineunte, le combat pour la paix du Christ, à l’aube du millénaire qui commence, est fondamentalement théologique.

Simon Icard, Né en 1975. Chercheur au Laboratoire d’études sur les monothéismes. Il a publié Port-Royal et saint Bernard de Clairvaux. Saint-Cyran, Jansénius, Arnauld, Pascal, Nicole, Angélique de Saint-Jean, Paris, H. Champion, 2010.

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