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Éditorial

P. Michel Gitton

L’équipe qui a conçu et réalisé ce numéro est composée de jeunes littéraires réunis dans une même ambition : sauver la littérature, en l’arrachant à la dictature de l’esthétisme, pour l’offrir au Christ.

Pourtant, ils savent le piège d’affubler la littérature d’une vocation apologétique ou moralisante qui lui fait perdre sa couleur et sa spontanéité. Ils savent qu’on ne fait pas nécessairement du beau avec de bons sentiments, mais qu’il y faut un patient travail, mais aussi une passion qui arrache l’artiste aux contingences de la vie banale et le jette, pantelant, dans ce « long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » dont parle Rimbaud. C’est pourquoi ils n’ont pas dédaigné de suivre des chemins quelque peu sinueux, celui de Baudelaire ou de Proust, par exemple.

Mais ils savent aussi que la vérité de la littérature n’est pas en elle-même, ou plutôt qu’elle n’est elle-même qu’à condition de se dépasser, de s’excentrer ; le langage n’accède à sa vraie dignité qu’en acceptant d’être « dépouillé », « tordu » par une exigence supérieure, le pressentiment de l’indicible qui le marque. Qu’il s’agisse de Poésie, de Roman ou de Théâtre, l’exigence du christianisme est comme un appel à accueillir l’inouï au lieu de reproduire ce qui existe. C’est pourquoi l’archétype de la littérature, à la fois omniprésent et inimitable, est le texte biblique lui-même.

Les rédacteurs ont voulu rendre un discret hommage au cheminement des poètes qui cherchent aujourd’hui leur voie (leur voix) dans un contexte extrêmement difficile. Mais c’est tout le renouveau d’une littérature dégrisée de ses prétentions, lavée de ses compromissions, forte de sa seule foi dans le Vrai, qu’il nous faut, avec eux, espérer.

P. Michel Gitton, ordonné prêtre en 1974, membre de la communauté apostolique Aïn Karem.

Réalisation : spyrit.net