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Encart : Crise de la famille et crise du sacrement ?

J.M.

CRISE DE LA FAMILLE ET CRISE DU SACREMENT ?

Parmi les nombreuses questions qui agitent l’opinion catholique aujourd’hui se trouve celle de l’accès à la communion des divorcés remariés.

Elle peut apparaître secondaire dans la mesure où les catholiques pratiquants ne sont qu’une minorité des divorcés, comme de beaucoup de choses d’ailleurs. Secondaire aussi parce que les catholiques pratiquants mariés religieusement restent un milieu où il y a, Dieu merci, moins de divorces qu’ailleurs, et surtout parce que beaucoup de gens qui se trouvent dans cette situation acceptent la discipline actuelle de l’Église. Une question comme celle du devenir des enfants du divorce, infiniment plus nombreux, en famille recomposée ou pas, est au moins aussi grave.

Mais il se pourrait que derrière l’exigence d’accès à la communion des remariés, se profile une crise qui n’est pas d’abord celle du mariage, mais une crise du sacrement proprement dit.

Cette crise du sacrement a des aspects contrastés. Désaffection pour le mariage et la pénitence. En revanche banalisation en ce qui concerne l’eucharistie : les prêtres ne rappelant presque jamais les conditions que l’Église a mises à son accès, le sentiment désormais commun est que la communion est le prolongement naturel de l’assistance à la messe, ce qui rend d’autant plus frustrante la position des divorcés qui ont le sentiment d’être seuls à être exclus du rite.

La théorie traditionnelle est que l’Église offre à ceux qui sont sans péché grave (ou se sont amendés) et observent ses rites, et à eux seulement, quelque chose de plus qu’un geste ou une consommation : l’entrée dans un espace sacré, distinct du « monde », qui est une véritable anticipation du Royaume des cieux dès ici-bas. Qu’il faille dès lors, pour pénétrer dans cet espace, porter la « robe nuptiale » est admissible. Mais ce n’est pas ainsi que le voit l’immense majorité des communiants d’aujourd’hui, y compris ceux qui ne sont pas divorcés. Bien qu’informulée, leur théorie serait plutôt que tous les hommes étant également pécheurs, le geste de pardon que représente le don du pain et du vin consacrés est également offert à tous. On ne voit pas dans ce cas, pourquoi en seraient exclus ceux qui en ont le plus besoin.

Cette sorte d’inflation eucharistique se double d’une désaffection pour la pratique hebdomadaire, notamment chez les plus jeunes (allant parfois de pair avec un renforcement de la pratique quotidienne chez une minorité, qui peut aussi passer, au vu d’une certaine tradition, pour une banalisation). Une désaffection qui n’est pas sans lien avec la crise de la famille et en tous les cas du sacrement du mariage : si le sacré se retire de la vie tout court, il est a fortiori difficile à admettre dans une réalité aussi naturelle que l’union de l’homme et de la femme.

Cette crise du sacrement, qui touche moins, semble-t-il, le baptême, pourra certes être assignée au matérialisme ambiant. En outre, les sacrements étaient tenus pour un moyen indispensable du salut : quelle est leur utilité dès lors que l’enfer ne fait plus peur ?

Mais on pourrait aussi chercher des causes plus spécifiques. Nous ne sommes pas encore remis d’un temps où le sacrement (celui de l’eucharistie, mais aussi tous les autres) était perçu comme la célébration du « vécu » : la communion était chargée de manifester la fraternité entre les membres de la communauté et d’ouvrir à la solidarité universelle avec les exclus, le Christ se rendant présent à travers nos partages. Selon la vision protestante, le sacrement ne modifiait pas la nature des choses, mais nous permettait de les lire avec un regard de foi. Ne faudrait-il pas insister à nouveau sur l’actio Dei, une action de Dieu intervenant directement parmi les hommes, de manière surnaturelle certes mais avec des effets qui sont tout ce qu’il y a de plus concret, y compris dans la vie des couples ?

J.M.
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