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Encart : Un clivage Nord-Sud dans l’Eglise ?

R.H.

UN CLIVAGE NORD-SUD DANS L’ÉGLISE ?

Les questions relatives à la famille, notamment celles des divorcés remariés ou de la place des homosexuels, débattues au présent Synode, semblent opposer le Nord et le Sud de la chrétienté. Le Nord, surtout la « vieille Europe » (car l’Amérique est plus partagée), où des figures éminentes plaident pour un assouplissement des positions de l’Église. Le Sud, principalement l’Afrique et l’Asie, qui paraissent refuser en bloc toute évolution de la position de l’Église.

L’opposition a d’autres dimensions : la moindre n’est pas la question démographique : à la forte natalité africaine (en baisse cependant), on opposera le déficit dramatique de l’Europe qui, depuis trente ans ne renouvelle pas ses générations. Problème particulièrement aigu en Allemagne où, si l’on exclut les immigrés turcs, un couple a à peine plus d’un enfant en moyenne, signe d’une crise de la famille peut-être plus grave encore que la divorcialité.

Dans l’opposition Nord-Sud, l’opinion libérale occidentale met en cause le « retard » des chrétientés du Tiers-monde, demeurées, croit-on, attachées à un modèle traditionnel de la famille et qui ignoreraient les évolutions propres à la modernité.

Cette conception ne reflète pas l’opposition actuelle Nord-Sud. Elle projette abusivement le contraste qui existe ou a existé en Europe entre les grandes villes et les régions rurales plus traditionnelles. La vérité est que les Églises d’Afrique subsaharienne (la situation est plus complexe en Asie), n’ont jamais connu la famille stable telle qu’elle a prévalu en Occident au cours des derniers siècles. Une grande instabilité y règne, comme elle régnait sans doute dans l’Europe du Moyen Age. L’Afrique, pour le meilleur mais aussi pour le pire, a ignoré le gigantesque effort de régularisation de mœurs qui a suivi le Concile de Trente (et, sous une autre forme, la Réforme protestante) et qui a abouti au modèle familial classique, lequel a prévalu jusqu’au milieu du XXe siècle dans la plupart des pays de l’Europe occidentale.

Cet effort de moralisation étendu à toutes les classes sociales, sans précédent dans l’histoire, conjugué à une mentalité technicienne qui ne tolère pas les erreurs, a fini par susciter en Europe une réaction de rejet, dont la vague libertaire est l’expression. Mais elle a aussi laissé subsister une aspiration à l’impeccabilité chez ceux-là même qui n’ont pu respecter les disciplines traditionnelles, en divorçant par exemple. Cette aspiration leur fait ressentir avec une particulière acuité les censures de l’Église qui semble, en ne les admettant pas à la communion, leur refuser le « label de qualité ». Plutôt que de rectifier leur situation (ce qui n’est pas facile pour beaucoup de divorcés remariés engagés dans une nouvelle union), beaucoup attendent une reconnaissance par l’Église de ce qu’ils demeurent malgré tout dans le camp des justes.

L’Afrique, tenue à l’écart de la vague de moralisation des derniers siècles, n’a pas, non plus, adopté la mentalité technicienne du « zéro défaut ». Pour les pasteurs, la survivance de la polygamie y parait un problème plus grave que le divorce ou l’union libre, lesquels sont aussi très répandus. On peut formuler l’hypothèse que, pauvres entre les pauvres, les Africains acceptent plus facilement que les Européens de se reconnaitre pécheurs. Ils savent que, pour la plupart des hommes, la distance avec la perfection évangélique est immense. Pour tous ceux qui vivent dans une situation irrégulière, l’obsession d’obtenir une reconnaissance de régularité est moins grande.

Le mystère de l’Église n’est-il pas précisément de maintenir, dans l’l’Esprit-Saint, l’unité entre des communautés que l’histoire et l’arrière-plan culturel pourraient éloigner ?

R.H.
Réalisation : spyrit.net