Rechercher

Initiation à la liturgie romaine

Jérôme Levie

Le quarantième anniversaire de la promulgation de Sacrosanctum Concilium nous a invités à redécouvrir la beauté de nos liturgies. Le livre du père Gitton a le même objectif, à savoir « rendre à la liturgie romaine sa beauté et sa cohérence pour la gloire de Dieu et le salut des hommes », en initiant les personnes à sa beauté, sa dignité, sa sobriété, son sens des nuances. Pour ce faire, l’auteur entend nous présenter les éléments sensibles disposés par l’église pour nous introduire dans la « Vie du Ressuscité » (préface du cardinal Ratzinger). Il étudie la liturgie romaine rénovée telle qu’elle est codifiée par l’église, la liturgie n’étant pas « l’expression gestuelle et chantante d’un groupe ou d’une communauté », mais un mystère auquel l’église nous introduit.

La liturgie, latine en particulier, respecte plusieurs principes. Le premier est l’objectivité : le contenu de l’acte liturgique ne dépend pas du sentiment subjectif, personnel ou communautaire, ni de son niveau d’expressivité. Par un principe de discrétion, à l’encontre de l’injonction moderne « tout voir tout de suite » (qui engendre l’ennui), la liturgie varie les registres, dissimule et révèle, suggère et sépare. Du principe de distinction (entre les éléments et par rapport au quotidien) procède l’utilisation des divers objets et habits liturgiques, car seule l’absolue altérité de Dieu Lui permet de nous être si proche. Vient enfin la nécessité, condition de toute piété liturgique : la liturgie est d’abord à recevoir.

Pour l’auteur, la liturgie est un art total : toutes les facultés de l’homme sont investies par l’acte liturgique. L’ouïe, organe de réceptivité pure est au premier rang – de la Parole aux cloches, en passant par la musique et… le silence. L’agencement, la hiérarchisation des réalités visibles (et odorantes) permettent de prendre appui sur la Parole pour atteindre l’invisible. Nos positions et gestes sont expliqués, dans leur signification spirituelle et leur origine biblique ou apostolique. La station debout traduit une attitude de vigilance ; la station assise est celle de Marie écoutant le Seigneur... L’auteur traite ensuite de l’organisation de l’espace, suivant les principes de gradation (du narthex au sanctuaire et à l’autel, en passant par la nef) et de focalisation (sur l’autel et le crucifix).

En organisant notre temps, la liturgie nous permet de placer toute notre vie sous le sceau du Christ. Chaque heure de la journée peut être vécue en union avec la vie du Christ et de l’église : aux vigiles, nous attendons avec le Christ à Gethsémani, aux laudes nous accueillons le don du jour nouveau, none est l’heure de la mort du Christ dans la torpeur de l’après-midi… La semaine peut s’organiser suivant la répartition des rosaires, des messes votives, mais est toujours axée sur le dimanche. La liturgie utilise aussi les mois — consacrant l’un à Marie, un autre aux âmes du Purgatoire —, l’octave, en solennisant certaines fêtes, la neuvaine, les cycles de quarante jours ; elle fixe des années jubilaires. L’année liturgique entremêle rythmes temporal et sanctoral, cycles voués à Marie, au Christ, aux apôtres. Elle prépare les fêtes par des temps de plusieurs semaines, des premières vêpres ou une messe anticipée. L’auteur détaille les temps principaux de l’année liturgique, en en donnant le sens, et les aspects de leur liturgie par lesquels nous contemplons les richesses que Dieu nous offre par le Christ.

L’auteur étudie ensuite l’utilisation des textes. L’usage des écritures : de la proclamation solennelle à la psalmodie en passant par les répons, les versets et les antiennes. Les différents types de chants : motets, cantiques, chorals, processionnaux, antiennes mariales. Les textes du missel, leur rôle, leur composition, leur histoire. Sont ensuite exposés brièvement les accents mis par Vatican II, et les malentendus dissipés. Le concile n’a pas voulu changer l’essence de la liturgie, mais déplacer, clarifier les équilibres, dont les rites sont la résultante, entre hiérarchie et communauté, entre nécessité de la répétition et danger de surcharge. Il n’a pas voulu supprimer les signes, mais les rendre plus signifiants. Comment nier le fait que le calendrier liturgique est désormais plus clair qu’auparavant ?

Finalement, l’histoire de la liturgie est retracée à grands traits, avec quelques-uns de ses acteurs en guise de repères : dans la liturgie, nous prions avec l’église, dans la sagesse de sa Tradition, avec tous ceux qui ont construit la liturgie et s’y sont sanctifiés.

En conclusion, si l’imper-fection de nos célébrations liturgiques – souvent causée par des options ecclésiologiques erronées – renforce la baisse de la pratique religieuse, l’effort est énorme, urgent, mais devra être plus pédagogique que disciplinaire – même si la conférence épiscopale doit jouer son rôle régulateur.

« Ni cérémonial minutieux ni œuvre théologique » (présentation de Mgr Guillaume), ce livre atteint son but d’initiation, en présentant l’éventail des offices liturgiques latins et leur contenu. Sa présentation des richesses de l’année liturgique, son introduction aux textes, en permettent une compréhension globales. S’il évite l’écueil du manuel technique, il laisse au lecteur le soin d’approfondir la signification spirituelle : on peut seulement regretter à ce propos une certaine modicité des références biblio-graphiques.

Un des intérêts du livre est qu’il traite la liturgie des heures en continuité avec la messe, sans oublier non plus les « paraliturgies », telles que le chemin de croix ou les processions. Son rappel des principes de la liturgie, et de leurs expressions dans tous les registres, constitue une introduction à la spiritualité de la liturgie, et son insistance sur la participation corporelle nous rappelle que tout notre être est appelé à vivre de la vie divine, en particulier dans ce service divin qu’est la liturgie.

Jérôme Levie, ancien élève à l’École Normale Supérieure, poursuit actuellement une thèse de physique théorique et une maîtrise de philosophie.

Réalisation : spyrit.net