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Jean de la Croix

Dominique Poirot, Paris, Editions du Cerf, 2004, 162 p.
Jean-Sébastien Règue

Dans la préface de cet essai biographique, l’auteur nous expose très amicalement son but : Partageant avec toi, lecteur, la grande joie de ma vie, mon intention est de te proposer saint Jean de la Croix comme guide et comme ami. Dominique Poirot retrace le chemin de Jean de la Croix vers ce « un je ne sais quoi », qui a guidé toute la vie du grand saint déchaussé du Carmel.

Dominique Poirot nous décrit les différentes étapes de la vie de Jean de la Croix et sa spiritualité. Elle est fascinante, car expérimentale : Jean de la Croix a l’ambition de conduire jusqu’à l’union parfaite avec Dieu.

L’auteur commence par nous parler de la naissance du saint, de la Castille qui l’a vu naître. La culture y est empreinte des siècles d’occupation musulmane, même si l’islam a été repoussé, et la région compte de nombreuses et vivantes colonies juives séfarades. Nous sommes en plein Siècle d’or espagnol. Le renouveau est essentiellement humaniste et mystique. L’Église est marquée par l’inquisition et le schisme avec Luther en 1520. Le concile de Trente va s’ouvrir en 1545 et durera jusqu’en 1563, année de l’entrée de Jean dans la vie religieuse. L’enfance du saint sera marquée par la pauvreté, mais bien plus par l’amour familial. On en retrouve l’influence dans ses écrits, ainsi que dans les choix de son entrée au Carmel et de la Réforme en son sein, qui lui permettront de vivre la pauvreté à la suite du Christ.

Jean, devenu prêtre, garde le désir d’une vie plus contemplative. Une rencontre va alors déterminer le cours de sa vie. Thérèse de Jésus souhaite parler avec ce jeune père que l’on dit tout à fait exceptionnel. Jean de la Croix s’engage avec Thérèse de Jésus dans la fondation d’une Réforme à l’intérieur même de l’Église et du Carmel. Cela n’ira pas sans discorde, car le prieur de Tolède, Maldonado, mandaté par le père Tostado, visiteur général des chaussés, veut en finir avec les Carmes déchaux. Le conflit ira jusqu’à l’arrestation de Jean. Il sera enlevé, battu, fouetté et séquestré. Cette épreuve, qui dura plus de neuf mois, a bien sûr marqué l’œuvre du saint. Il écrira sur la symbolique de la nuit, qui appelle celle de l’amour. L’épreuve de Jean trouve son issue dans la tendresse de Dieu. Son cœur chante en méditant les Écritures. Grâce à la bienveillance de son gardien, qu’il a fini par conquérir, il compose les Neufs romances pour la Nativité, et d’autres poèmes comme Super flumina, ainsi que des strophes du Cantique. Cette période difficile de la vie du saint lui aura permis d’avancer dans la compréhension de la nuit spirituelle et de l’esprit d’abandon qui lui est lié. Il s’agit de se rendre libre et vide pour laisser Dieu agir en soi. Car il faut garder présent à l’esprit que l’initiative vient toujours de Dieu, y compris dans l’acte de la Rédemption.

L’auteur alterne, jusqu’à la mort du saint en Andalousie à la fin de l’année 1591, les parties historiques et les enseignements qu’on peut en tirer sur les grands thèmes de la pensée du maître : pauvreté et culture, spiritualité et amour, féminité et sens de l’essentiel, etc. Le dernier chapitre est consacré au patrimoine mystique de saint Jean : il y est question de ses disciples, de ses écrits, de leurs traductions et de leur pertinence pour notre temps.

Dans sa préface, l’auteur avait énoncé les difficultés qu’il savait devoir rencontrer dans la rédaction de son ouvrage. La première est celle de tout biographe : comment parler de l’intimité d’une autre personne, d’une psychologie intime qui toujours nous échappe ? La seconde est celle de tout historien : comment ne pas tomber dans la légende et demeurer rigoureux ? L’erreur est possible, l’illusion plus encore. Gageons que l’auteur n’est tombé dans aucun de ces écueils.

A contrario, on peut lui reprocher un excès de prudence. Le système d’alternance entre récit biographique et analyse spirituelle qu’il utilise ne nous semble pas permettre un approfondissement suffisant. "On n’entre pas" véritablement dans le récit et l’on demeure en quête de son expérience mystique. Bien sûr, de la volonté même de son auteur, ce livre ne vise qu’à initier aux grands thèmes de la pensée de saint Jean de la Croix. Il invite donc ardemment à lire le grand mystique lui-même. On pourra pour cela se reporter aux traductions de Jean de la Croix parues au Cerf et à leurs introductions par l’auteur.

Jean-Sébastien Règue, né en 1973, a fait des études cinématographiques. Il écrit des scénarios de bandes dessinées. Son premier album, Les Stèles de Myrianda, l. 1, est sorti en juin 2005 chez E.P. éditions.

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