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L’Antichrist (Collectif)

Introduction de Cristian Badilita, coll. « Bibliothèque » n°4, éditions J.-P. Migne, 2011, 434 p.
P. Michel Gitton

Antéchrist, ou Antichrist, ce nom mystérieux et redoutable n’a cessé de faire rêver les chrétiens et a alimenté d’innombrables identifications avec les personnages historiques les plus variés, depuis Néron jusqu’à Hitler, en attendant d’autres.

Les éditions Migne, dans un volume qui ne fait pas partie de la série « les Pères dans la foi », mais s’inscrit dans l’ensemble « Bibliothèque » dont c’est le volume 4, rassemble un très copieux dossier patristique sur le thème. C’est un travail collectif auquel ont collaboré près d’une dizaine d’auteurs (dont nos amis J.-R. Armogathe et M.-H. Congourdeau). L’introduction et la charpente de l’ouvrage sont dues à Cristian Badilita, qui enseigne à Paris IV et dont on sait les liens avec l’équipe de la Septante. C’est encore une fois la démonstration de la fécondité de la recherche biblique et patristique en Sorbonne, à la suite de Henri-Irénée Marrou, de Marguerite Harl et de tant d’autres.

Après une rétrospective solide sur les sources bibliques, nous disposons d’un dossier de textes des Pères, sans équivalent jusqu’ici [1]. Car il ne s’agit pas seulement des passages incontournables de saint Irénée ou de saint Augustin sur le sujet, nous avons aussi la traduction d’un traité d’Hippolyte intitulé De Christo et Antichristo, connu jusque là des seuls spécialistes. Origène est présent à travers le commentaire de divers passages de l’évangile de saint Matthieu. Les Institutions divines de Lactance sont sollicitées. On fait connaissance avec l’étrange poème de Commodien, probablement un disciple de saint Cyprien. Voilà pour les auteurs d’avant la paix de l’Église. Pour la suite, ce sont Cyrille de Jérusalem, Jérôme, une homélie du IVe siècle attribuée à Hippolyte, Augustin et Théodoret de Cyr qui sont cités à la barre.

Une typologie des textes relatifs à l’Antichrist laisse apparaître, comme on peut s’y attendre, plusieurs courants : au départ, ce qui domine est la vision ici qualifiée d’historico-eschatologique, qui voit dans l’Antichrist un personnage réel, soit déjà présent, soit sur le point d’apparaître, qui inaugure le jugement final, mais par la suite domine une vision « morale », où le règne de l’Antichrist est identifié au péché qui se répand jusque dans l’Église, ainsi qu’une vision qualifiée de « typologique », qui voit l’Antichrist derrière tous les ennemis de l’Église – et surtout les hérésiarques. Néanmoins la considération de l’eschatologie n’est jamais absente du thème de l’Antichrist, et ceci même, comme on sait, jusque dans sa forme moderne.

On tirera particulièrement profit des commentaires bibliques qui sont ainsi étudiés et qui prouvent le souci des Pères, à toutes les époques, de rendre compte aussi complètement que possible de la lettre des Écritures, même quand celle-ci se révèle déconcertante (ainsi qu’on le voit pour tel passage du livre de Daniel commenté par saint Jérôme).

P. Michel Gitton, ordonné prêtre en 1974, membre de la communauté apostolique Aïn Karem.

[1] La revue Connaissance des Pères de l’Église vient de publier, dans son numéro 120 de décembre 2010 intitulé « Le Diable et les démons chez les Pères », une étude fouillée sur « L’Antichrist chez saint Irénée », qui complète bien le présent ouvrage.

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