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L’exemple des Conférences Saint-Vincent de Paul

Matthieu Bréjon de Lavergnée
« Pourquoi restez-vous là, toute la journée, à ne rien faire ? » (Mt 20, 6)
 
« Ce temps est le nôtre. Il se passe des choses merveilleuses dans les âmes, des conversions subites et surprenantes ont lieu…C’est le souffle de Dieu sur le monde ruiné avant le fiat lux. » (Lacordaire, 1839)


Est-il besoin de présenter la Société de Saint-Vincent-de-Paul au lecteur de Résurrection ? 800 000 membres, 150 pays, 175 ans de patiente et laborieuse charité : elle est aujourd’hui, sans en revendiquer le titre, une des principales « O.N.G. » catholiques. Elle a aussi forgé, dans le contexte de la pénurie de prêtres du début du XIXe siècle et de l’indifférence, sinon de l’anticléricalisme, du Paris des années 1830, un modèle d’apostolat des laïcs sans « mandat », mais étroitement lié à la mission de l’Église, qui ne fut pas sans influence sur le décret correspondant du concile Vatican II. Alors que l’œuvre fondée par Frédéric Ozanam et une poignée d’amis a résisté au mouvement conjoint de déconfessionnalisation et de professionnalisation qui a touché nombre d’organisations caritatives, Benoît XVI l’encourageait récemment à enraciner le secours du prochain dans une « vie spirituelle profonde » [1]. Telle était déjà la ligne tracée dans sa première encyclique Deus caritas est (2005) [2].

Il n’est ainsi pas inintéressant de s’interroger sur la manière spécifiquement vincentienne de répondre à la double injonction du Christ qui fonde l’option préférentielle de l’Église pour les pauvres : « Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12) ; « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25, 40) Dieu amour d’un côté, Dieu pauvre de l’autre : il reste à comprendre l’articulation entre ces deux pôles spirituels. C’est là précisément que se situe la voie vincentienne. On connaît la célèbre formule, maintes fois répétée par Vincent de Paul aux Filles de la Charité : « Si le bon plaisir de Dieu était de vous faire assister un malade le dimanche, au lieu de vous faire aller à la messe, quoique d’obligation, oh ! il le faudrait faire. On appelle cela : quitter Dieu pour Dieu. » (1655) Quitter le Dieu d’amour pour le Dieu pauvre. Où plutôt : comment retrouver l’un par l’autre ?

« Dépoussiérer la charité »

La formule est de l’abbé Pierre : « Le mot charité est l’un de ces mots fatigués qu’il faut dépoussiérer. » [3] Pour agaçant qu’il fût parfois, le fondateur d’Emmaüs tient une place de choix dans le Panthéon laïque des Français, où il a pris la place de Monsieur Vincent. Le glissement de l’un à l’autre dans l’imaginaire collectif est marqué par deux films à succès, comme deux buttes-témoin : Monsieur Vincent, de Maurice Cloche (1947) et Hiver 54, l’abbé Pierre de Denis Amar (1989). Dans les sondages IFOP, les sportifs figurent parfois au peloton de tête des personnalités les plus « sympathiques », mais ils sont des demi-dieux éphémères. Les « grandes causes » en revanche, la Nature, l’Homme, suscitent des héros plus durables : le commandant Cousteau et l’abbé Pierre, des années 1980 aux années 2000 [4].

Dépoussiérer la charité, mais de quoi ? Avant tout d’un certain nombre de faux-semblants que quelques écrivains camperont mieux ici qu’une habile démonstration. Voici, par Balzac, le comte de Granville :

Je paie une sensation comme je paierais demain d’un monceau d’or la plus puérile des illusions qui me remuait le cœur. Je secours mes semblables pour moi, par la même raison que je vais au jeu ; aussi ne compté-je sur la reconnaissance de personne. (Une double famille, 1835)

Dans cette forme extrême de dévoiement de la charité, il n’est plus de Dieu, pas même d’amour tout simplement humain : une pure jouissance de soi. C’est ici la vieille question du retour qui est posée : pour qui donne-t-on ? Pour autrui, pour soi ? Les critiques des anticléricaux de l’intérieur sont plus féroces encore. Léon Bloy fulmine contre le « bourgeois », incarnation moderne du pharisien d’antan, lévite sans entrailles qui, s’il ne passe son chemin, n’en est pas moins insensible à la misère qui l’assaille sur la route de Jéricho comme au sortir de son église paroissiale, un dimanche, après la grand-messe :

Un bourgeois à Notre Seigneur Jésus-Christ mourant de faim :
– Mon ami, je suis charmé d’être choisi pour entendre vos supplications. Cette preuve de confiance m’honore et je veux travailler à m’en rendre digne. Je vais donc m’appliquer à prendre des habitudes charitables, et je ne doute pas que, dans le délai de dix ou quinze ans, je ne sois en état de vous faire SPONTANÉMENT l’aumône d’une belle pièce de deux sous. Réjouissez-vous. (Le mendiant ingrat, 1894)

Esprit bourgeois et esprit chrétien seraient-ils contradictoires ? Vieille question posée par Bernard Groethuysen dans les années 1920, reprise par Émile Poulat dans les années 1970 [5]. En préférant l’apostolat du semblable par le semblable à un apostolat de notables, l’action catholique spécialisée a contribué à rendre désuète cette charité du XIXe siècle, vainement compatissante et décidément trop « paternaliste ». L’essentiel n’est-il pas la justice  ? La critique envahit le champ des Églises. Jean Rodhain, dans une note adressée au président de Caritas Internationalis en vue du concile, écrivait : « Il apparaît que sous l’influence de la philosophie marxiste s’est propagée une mésestime de la charité en général et des œuvres de charité en particulier, ceci aussi bien chez certains clercs que chez les laïcs. » [6] Le militant balaye l’homme d’œuvres, avant qu’il ne soit à son tour supplanté par le témoin. Au temps de l’enfouissement a pourtant succédé celui de la nouvelle évangélisation, à la spécialisation par milieux (socioprofessionnels) la diversité des âges et des conditions de vie dans les communautés nouvelles. On comprend mieux peut-être aujourd’hui ce que pouvait exprimer Augustin Cochin, infatigable visiteur des pauvres, polygraphe de la question sociale, mais aussi membre de l’Institut et maire de son cossu VIIe arrondissement :

Plus je vais, et plus je remercie Dieu de ne m’avoir fait ni aigle, ni limace, ni roi, ni gueux, mais en toutes choses de cette situation moyenne où l’on est plus homme, voyant d’assez près le haut pour n’en être point envieux, et le bas pour lui tendre de bon cœur la main. (1857)

Le rêve brisé d’une société régulée par l’État providence, l’espoir déçu de l’après-guerre de voir à jamais disparaître la pauvreté, ont aussi permis de comprendre que le secteur de l’assistance jouait un rôle primordial à côté d’un système de protection sociale incapable de produire du lien social. Or c’est bien là l’essentiel. Au-delà d’un échange non marchand de biens et de services, la charité tisse des liens entre donateur et donataire, entre Dieu et l’homme, puisqu’elle est échange d’amour à trois [7]. À quatre même, car il se passe aussi quelque chose entre ceux qui se sont associés pour le service des pauvres. Voici ce qu’écrit le jeune Ozanam, 21 ans, à son cousin, 19 ans, peu après la fondation de la Conférence de charité : « Or, nous autres, nous sommes trop jeunes pour intervenir dans la lutte sociale : resterons-nous donc inertes au milieu du monde qui souffre et qui gémit ? Non… » Voici une réponse énergique à la question du Christ posée en commençant. Et de préciser :

Il nous est ouvert une voie préparatoire… Avant de régénérer la France, nous pouvons soulager quelques-uns de ses pauvres. Aussi je voudrais que tous les jeunes gens de tête et de cœur s’unissent pour quelqu’œuvre charitable et qu’il se formât par tout le pays une vaste association généreuse pour le soulagement des classes populaires. Je te conterai un jour ce qui s’est fait dans ce genre à Paris… (1834)

On est loin ici des sacs de charbon et des bons de pain parcimonieusement distribués qui ont fait fuir mon père des conférences de Saint-Vincent-de-Paul, dans les années 1960. Pour être modeste, car elle repose d’abord sur un lien personnel, la charité n’en vise pas moins de proche en proche à embrasser toute la société. Elle pose une question profondément politique : comme le don a pu être le ressort de certaines sociétés primitives, l’amour peut-il être une composante, sinon le principe, de nos sociétés modernes ?

Les hommes d’œuvres ont souvent découvert une pauvreté dont leur milieu les avait préservés en pénétrant les taudis infects des villes de la monarchie de Juillet, en s’aventurant loin dans des quartiers où les sœurs Rosalie n’étaient pas si nombreuses. C’est sous sa conduite qu’un Armand de Melun, jeune oisif légitimiste qui refuse de servir les Orléans après les journées de juillet 1830, fait son éducation charitable. Député en 1849, il veut être à l’Assemblée « le représentant des pauvres et des petits. Et je ne demanderai, continue-t-il, que pour ceux que personne ne songe assez à défendre. » Loin des « utopies phalanstériennes », Melun est un « expert » avant la lettre, qui a l’initiative de la première loi sur les logements insalubres (1850). C’est bien finalement un des paradoxes de la charité du XIXe siècle : modeste mais ambitieuse, « paternaliste » mais soucieuse des personnes. Elle paraît si proche, et pourtant si étrangère, moins peut-être par l’esprit qui l’anime que par les formes sociales qu’elle revêt et qui sont désormais révolues. L’anachronisme, on le sait, est le péché irrémissible de l’historien, la faute contre l’Esprit. Et, à juger hâtivement, on risque de pécher souvent. Je me demande parfois si le « XIXe siècle » pris en bloc, qualifié sans nuances de bourgeois, victorien, hypocrite, moralisateur, etc., n’est pas devenu, à l’instar du « Moyen Âge », un accessoire commode du prêt-à-penser de la mythologie contemporaine, un repoussoir facile nous érigeant en censeurs de l’histoire : loin de nous les pratiques charitables d’un autre âge, moyenâgeuses entend-on parfois – dira-t-on demain, aussi hideusement, dixneuvièmeuses ? –, désignant par là un siècle qui ne cesse de s’éloigner où, « par notre faute » (Henri Guillemin), les catholiques eux-mêmes, confondus avec les riches, auraient perdu les ouvriers et les gens de peu !

N’y aurait-il pas, dans le rejet d’une pratique bourgeoise de la charité, caricaturée jusqu’à l’excès – une charité au service de l’ordre social : « Pauvres, tenez-vous tranquilles, le royaume des Cieux est à vous ! » [8] –, une posture intellectuelle de la bonne conscience contemporaine ? Moi, je donne généreusement, sans aucune arrière-pensée, parce que je signe un chèque pour le Noël des Restos du Cœur ou glisse une pièce à l’Armée du Salut. Et je dépense dix fois, cent fois plus pour obéir à cette intimation consommatrice, cette forme nouvelle de destruction ostentatoire, de potlatch [9] occidental, que sont les fêtes de fin d’année. Bref, seul l’oubli du pauvre me permet de jouir de moi-même. Renaud l’a bien chanté (Hexagone, 1975) :

En décembre c’est l’apothéose,
La grande bouffe et les p’tits cadeaux,
Ils sont toujours aussi moroses,
Mais y’a d’la joie dans les ghettos,
La Terre peut s’arrêter d’tourner,
Ils rat’ront pas leur réveillon ;
Moi j’voudrais tous les voir crever,
Étouffés de dinde aux marrons.

Mais cette mauvaise conscience du riche que l’on s’achète aujourd’hui à vil prix n’est-elle pas ce qui reste, dans une société laïcisée, de la malédiction prononcée contre lui par le Christ [10] ? Et n’était-elle pas entendue avec plus de force, pour lutter contre l’égoïsme des possédants, dans une société qui se voulait encore chrétienne ?

Qu’à la suite de Michel Foucault on ait pu montrer que toute pratique charitable n’est pas neutre socialement et peut véhiculer une certaine forme de contrôle social, personne ne viendra le contester. Mais le soupçon généralisé qui a marqué toute une génération en sciences humaines a conduit à des contresens. Faire du visiteur du pauvre avant tout un « voyeur », aux multiples fonctions, « tutélaire, policière, hygiéniste tout à la fois », c’est s’interdire de penser d’autres formes d’intérêt pour les pauvres [11]. François Ewald ne voit dans les caisses de secours patronales que des « ruses de la charité » destinées à stabiliser la main-d’œuvre ouvrière [12]. Jacques Donzelot est moins inspiré encore lorsqu’il décrit « l’échange symbolique » qui fonde le don : « Je te donne ma misère pour que tu puisses me donner ta bonté, je te donne ma nature, ma force physique pour que tu puisses faire montre et usage de ta culture, etc. » [13] ! Critiquer par principe toute action morale, c’est fondamentalement engager un débat philosophique dont rien ne dit qu’il soit tranché, révélant une posture individualiste (l’autonomie de chaque homme qui ne doit rien à personne), matérialiste (seuls les besoins matériels sont dignes d’intérêt) et relativiste (la morale est l’expression d’un ordre culturel, voire d’une classe sociale). Or le préambule du Règlement de la Société de Saint-Vincent-de-Paul (1835), constamment reproduit jusque dans les années 1960, en prend l’exact contre-pied : c’est à Jésus-Christ, « divin modèle », que l’homme doit chercher à ressembler, en s’appuyant sur les frères que lui donne la Conférence de charité [14]. Non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod procedit de ore Dei  : « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » ; ce sont donc des « secours en nature » mais aussi des « consolations religieuses » qu’il convient de porter au pauvre ; « Jésus Christ est venu pour affranchir et sauver tous les hommes » : c’est le sens d’une morale catholique, qui se veut universelle. Alors que les historiens ont montré que le retour des classes dirigeantes à des sentiments religieux était antérieur à la peur des « rouges » de 1848, c’est, me semble-t-il, trop fort acheter la paix sociale que de la payer de sa personne. Visiter chaque semaine, pendant toute sa vie, une à plusieurs familles pauvres, donner son argent mais surtout son temps jusqu’à son dernier souffle, c’est décidément trop pour un bourgeois seulement apeuré par la perspective d’une hypothétique révolution fille de la misère. Où l’on retrouve la seule question importante : l’amour du prochain peut-il fonder le lien social ? Comment, entre l’État et l’individu, refaire société ? C’est une des questions fondamentales que pose le catholicisme social. Par ses expériences comme par le discours de l’Église qu’il a suscité, il a proposé plusieurs réponses.

Un détour par l’anthropologie

Il n’était pas bien difficile au XIXe siècle d’ouvrir les yeux sur la pauvreté. Ou de l’ignorer, comme aujourd’hui d’ailleurs. Voici en 1840 un taudis du Ve arrondissement (ancien 12e), décrit par un collégien de Stanislas :

C’est chose pitoyable à voir que ces noires maisons, sans air et sans lumière, aux allées sombres, aux escaliers vermoulus, aux réduits humides et malsains. Des familles entières, enfants rachitiques, vieillards et femmes que dévore la maladie et entassés pêle-mêle dans les bouges, je ne dis pas sans meubles, mais souvent sans lit : tout leur manque, feu, vêtements et nourriture. Il n’est pas rare de trouver des familles entières qui n’ont rien mangé depuis deux jours et qui ne savent, quand le soleil se lève, si le soir ils ne seront pas morts de faim.

Vingt ans plus tard, dans les quartiers périphériques où se tasse la main-d’œuvre ouvrière du Second Empire, tel est Montmartre :

Nos pauvres sont entassés dans de misérables réduits, construits à la hâte avec du plâtras et de mauvaises planches, sur des rues à peine tracées, sans pavés ni réverbères. On y gèle en hiver, on étouffe en été. Ceux que nous secourons ont en général quatre ou cinq enfants, et souvent huit ou dix [15].

Pour comprendre le sens d’une charité qui s’attelle à soulager cette extrême pauvreté, il paraît nécessaire de recourir aussi bien à l’histoire (elle préserve des jugements anachroniques), à la théologie (comment un catholique entendait-il alors la charité ?), mais encore à une anthropologie du don. Les pratiques charitables peuvent en effet être observées comme des « dons » qui tissent un ensemble de liens sociaux que l’on peut tenter de comprendre au-delà du discours « indigène » produit sur la charité. Je propose ainsi de parler de « don charitable ».

La première question à laquelle se heurte toute analyse du don est son absence apparente de rationalité : « Mais pourquoi diable ! donne-t-on ? » (Jacques T. Godbout [16]) Si le don peut encore se comprendre dans le cadre de relations primaires (liens de parenté et amicaux), il est beaucoup plus malaisé d’en saisir le sens entre étrangers (relations secondaires). À la différence des fortes contraintes d’obligation qui pèsent sur le don dans un cas, pourquoi se priver dans l’autre des relations contractuelles qu’offre le marché, assurant liberté (la relation, ponctuelle et sans dette, se limite à la transaction) et assurance d’un retour (par l’équivalence des échanges marchands) ? Pourquoi des avocats donneraient-ils des consultations gratuites alors que leur métier est justement d’en vendre ? Pourquoi s’intéresser au pauvre – l’étranger par excellence ? Qu’est-ce qui pousse les « riches du siècle » d’hier vers les « déshérités de la terre » (cardinal Guibert [17]) ?

La question conduit vers une phénoménologie de la pitié. Dans un bel essai, Emmanuel Housset souligne ce paradoxe : la pitié me donne accès à autrui, perçu non comme ce qui me fait plaisir mais comme un homme de douleur qui devrait me révulser, me faire fuir ; et pourtant je l’accueille, je n’endurcis pas mon cœur [18]. Quel étrange mystère que « celui qui prend sur lui une douleur qui, pourtant, ne lui revenait pas », écrit encore Jean-Luc Marion dans la préface. Plus encore, comment comprendre que le sentiment de pitié ne se limite pas à une affection passive – mon cœur se serre à la vue de la misère – mais fonde le dévouement, me lie au bien par une sorte d’obligation morale qui éveille chez celui qui détourne le regard les « reproches secrets de sa conscience ».

Pour répondre à cette question ontologique, il faut aussi s’intéresser à ce qui circule dans le don. La circulation revêt une double dimension. Elle est d’une part matérielle : ce sont des biens (des bons de pain par exemple) et des services (réunir des pièces d’état civil pour un mariage) qui sont donnés. Mais elle est aussi symbolique dans la mesure où la triple obligation bien connue du don – donner, accepter et rendre : le don crée une dette qui appelle un contre-don, lequel peut annuler ou non la dette – tisse des liens sociaux entre donateur et donataire. Le don crée un lien en même temps qu’il désigne un au-delà du don : « Accepter un don, c’est plus qu’accepter une chose, c’est accepter que celui qui donne exerce des droits sur celui qui le reçoit. » (Maurice Godelier [19]) Le donateur continue à être présent dans la chose donnée. Si l’on reconnaît là une donnée anthropologique fondamentale qui ne régit pas seulement les relations de mariage chez les Baruya de Nouvelle-Guinée, c’est un mauvais procès que de reprocher aux pratiques charitables occidentales de véhiculer autre chose que des biens et des services purs, comme si le don pouvait être unilatéral, sans retour. C’est confondre deux domaines d’échanges radicalement étrangers : l’économie de marché et l’économie du don. Dans une logique d’échanges marchands, l’acheteur d’un bien en devient pleinement le propriétaire et ne doit plus rien au vendeur. Il est libre d’user et d’abuser de son bien jusqu’à le détruire. En revanche, dans une logique d’échange de dons, tout se passe comme si le donateur n’avait cédé qu’un droit d’usage tandis qu’il conserve le droit de propriété. Dans le cas de la S.S.V.P., les pauvres ne sont pas libres de disposer des bons de pain ou de viande qui leur sont remis (comme s’ils les avaient achetés) mais encore – pour compliquer l’analyse ! – les confrères eux-mêmes sont contraints par leur conférence au nom de laquelle ils visitent les pauvres. Il y a don du confrère à la conférence (par une quête en fin de séance), don de la conférence au confrère (bons pour les pauvres), puis don du confrère au pauvre. La structure des échanges n’est pas à deux termes mais à trois : quel est le sens de ce troisième acteur, la conférence, dans l’économie du don de la S.S.V.P. ? L’échange s’épuise-t-il d’ailleurs dans ce premier circuit ?

S’intéresser à ce qui circule, c’est aussi relever ce qui ne circule pas : l’argent. Il circule en amont du don charitable (au sein de la conférence) et en aval (pour rembourser les fournisseurs, boulangers et bouchers par exemple, de la valeur des bons). Mais il est en principe absent du don charitable lui-même. Il pose en effet problème dans une logique d’échange de dons car il permet de s’affranchir du donateur (le pauvre peut acheter ce qu’il veut tandis qu’un bon le lie) et crée en même temps une dette qui appelle un remboursement équivalent. C’est peut-être le signe que le don fonctionne à un autre niveau dans la S.S.V.P. : quel retour le confrère attend-il du pauvre ? Plus fondamentalement, le pauvre est-il prêt à entrer dans la relation créée par le don ? Il n’y a pas de don sans acceptation et l’on est toujours libre de refuser un don. C’est ce qui choque parfois, faute de l’avoir compris, les bonnes âmes. Le pauvre est fier. Malgré son dénuement, il refuse la main tendue car il sait bien qu’elle l’engage au-delà d’une aide ponctuelle. Il faut ainsi revisiter l’opposition en apparence scandaleuse entre « bons » et « mauvais » pauvres, brave vieille reconnaissante et mendiant ingrat. Ne recouvre-t-elle pas la distinction entre ceux qui acceptent d’entrer dans la logique du don charitable et ceux qui la refusent ? On retrouve, analogiquement, la différence entre « bons » et « mauvais » clients dans une économie de marché. Les uns répondent aux sollicitations pressantes de l’offre, tandis que les autres refusent de se laisser aspirer par la spirale consommatrice.

La nécessité profonde pour le pauvre d’accepter le don qui lui est fait pour que la relation s’établisse invite à considérer la place de l’altérité au sein de la S.S.V.P. L’œuvre charitable est organisée autour de deux pôles, le semblable (le confrère) et l’autre (le pauvre), qui répondent à deux finalités distinctes : se soutenir mutuellement dans une vie chrétienne et aider son prochain. La relation entre ces deux éléments n’est pas sans tension et tous ne comprennent pas leur engagement chrétien de la même manière. Certains majorent la dimension personnelle et spirituelle et transforment leur conférence en confrérie ; d’autres tendent plutôt vers une pure organisation charitable, essentiellement préoccupée d’efficacité. Marc Augé considère trois éléments : l’identité, l’altérité et la relation. L’ethnologue a remarqué que dans les sociétés lignagères africaines le moi y était « pluriel, relationnel, et par là même relatif » ou, dit autrement, « les êtres individuels n’ont d’existence que par la relation qui les unit » [20]. Dans un siècle bourgeois issu de la Révolution française qui a promu l’individualisme en doctrine politique, mais qui a aussi fait de l’ego le principe de l’autonomie, la radicale originalité de la S.S.V.P. est de porter à grande échelle l’idée que le moi se construit dans la relation. Cette relation fonctionne à trois niveaux : avec son confrère, avec son pauvre, avec son Dieu. Le possessif, loin d’être dans le deuxième cas l’expression d’un paternalisme bourgeois, se retrouve à tous les niveaux et apparaît plutôt comme le signe grammatical que la relation construit l’identité.

Esquisse du « don charitable »

Ce qui suit paraîtra un peut-être un peu abrupt car, des questions et hypothèses qui précèdent, je passe directement aux conclusions. Le travail de l’historien tient dans le long déploiement de la démonstration ; on la retrouvera ailleurs [21].

Disons d’abord que le modèle du « don charitable » repose sur un repoussoir : le don « philanthropique ».

Celui-ci relève du don dans son acception la plus classique, enchaînant les trois obligations de donner, accepter et rendre. Le don crée une dette qui appelle un contre-don (un bien contre de la reconnaissance). Ce don, qui peut être animé d’un réel désir de faire le bien, est dit non-agonistique ; il est de ceux qui cimentent des solidarités. Mais on peut n’être payé que d’ingratitude. Le pauvre prend ce qui est donné tout en rejetant la relation à laquelle la chose donnée invite. L’échange peut aussi bien être interrompu par le donateur lui-même, lassé de donner, ou qu’il donne dans un autre but, moins louable lorsqu’il se cache sous une forme philanthropique. C’est là le fameux potlatch, ou don agonistique, qui n’est pas absent de la société du XIXe siècle. Il se glisse aussi bien dans les rapports que le donateur entretient avec le donataire (logique de clientélisme) qu’entre donateurs eux-mêmes (logique de prestige).

Le comte de Rambuteau, préfet de la Seine, rencontre ainsi en août 1847 Victor Hugo, académicien et pair de France : « En me parlant des bons de pain de cet hiver, [il] me disait avec une réelle admiration de lui-même : “J’ai nourri 450 000 personnes cet hiver.” » [22] Notre homme est moins satisfait d’avoir nourri la moitié de la capitale que d’avoir montré sa capacité à désamorcer, en période de crise frumentaire, disette et émeutes. Le don renforce son capital politique. Une des formes prise par la quête de prestige social est la liste de souscription. On se souvient, dans The Cardinal (1963) d’Otto Preminger, de ce riche industriel qui veut surtout que son chèque le fasse figurer en tête des donateurs de sa paroisse.

Mais le don charitable est plus complexe. Il introduit, dans la relation donateur/donataire, deux autres acteurs qui renvoient à une autre réalité. Il met en relation quatre « acteurs » (deux « réels », deux « idéels ») entre lesquels deux types de « réalités » (matériel et spirituel) sont échangés :

Celui qui met en mouvement le « don charitable », c’est Dieu : il donne son fils, le Christ, par amour pour les hommes afin de les racheter du péché. Dieu cherche à rétablir l’homme dans sa relation d’amour brisée par la faute d’Adam. C’est un don gratuit, le seul don gratuit concevable, qui oblige l’homme à jamais envers Dieu. Cette dette irrémissible est une dette immense que seul le christianisme pose, dans la mesure où l’homme est seul responsable de sa chute (péché originel). Il n’en partage pas la faute avec les dieux comme dans bien des religions polythéistes. Il ne lui est donc pas possible, au sens strict, de « rendre » à Dieu ce qu’il a reçu car aucun contre-don ne peut être l’équivalent du don divin. La relation du Christ au confrère est donc un échange d’amour (1), mais une des voies – parlons de spiritualité vincentienne – pour le lui rendre n’est pas un retour direct ; elle passe par les pauvres.

Dieu lui-même montre à l’homme comment lui « rendre » son amour. Mais au culte ancien, aux holocaustes (Lv 1), le Christ vient substituer le sacrifice d’amour. Or le pauvre c’est le Christ. Pour aimer le Christ, l’homme est invité à aimer le pauvre. La relation n’est cependant pas directe car le confrère ne donne pas en son nom mais il donne à Dieu au nom de Dieu. Le don passe par l’Église, signe sur terre de l’alliance de Dieu avec l’homme. Le confrère donne donc son aumône à la S.S.V.P. (2), signe visible de l’Église, au nom de laquelle il donne des secours au pauvre (3). On comprend ainsi pourquoi le confrère remet au pauvre les bons qu’il reçoit de la conférence et non des secours tirés de sa propre poche. Bien sûr, il est des raisons plus banales : compassion, désir de faire davantage. Mais il est surtout une autre relation que les secours ne doivent pas étouffer.

Le don vincentien cherche en effet à rétablir le pauvre dans l’échange d’amour qui en fait un membre de l’Église et dans sa fonction de figure du Christ souffrant sur terre. Le pauvre ne peut rendre directement au confrère ni biens matériels, ni même une reconnaissance qui n’est pas l’objet ultime du don charitable. Il rend surtout à Dieu ce qu’il a reçu du confrère (4) : l’amour présent à travers les choses données. Le pauvre est à la fois le moyen par lequel passe le confrère pour rendre à Dieu et en même temps la fin du don, car le pauvre est le Christ lui-même. En plaidant pour lui au jugement dernier, le pauvre rend donc au riche beaucoup plus que ce qu’il en a reçu : son salut. Une richesse éternelle contre des richesses passagères. Mais il peut aussi répondre par sa conversion à l’amour du Christ qui s’est donné pour lui, amour que le confrère lui a transmis. Il est alors invité à donner à son tour à plus pauvre que lui s’il le peut, et surtout à transmettre l’amour du Christ. Pour les protagonistes de l’échange, la chose donnée n’est reçue qu’à condition d’être transmise.

Le plus délicat, dans cette démarche profondément spirituelle, est de faire entrer le pauvre dans la relation. Le « don charitable » se heurte même à une double difficulté. Comme don, il s’inscrit en faux par rapport à une logique marchande des échanges où l’on est pleinement propriétaire du bien acquis. Le contrat clôt l’échange tandis que le don l’institue dans la durée par le mécanisme de la dette et du retour. Comme don charitable, la déchristianisation populaire lui est un deuxième obstacle. Le pauvre ne comprend pas ce que le confrère attend de lui, voire même rejette un don qui lui est insupportable. Le don vient ici briser l’autonomie en replaçant l’individu dans une chaîne d’amour.

Pour le confrère, l’ultime donateur et donataire est le Christ lui-même, origine et fin du don, présent dans la chose donnée car il est lui-même ce qui circule : l’Amour. Ce qui est donné n’est donc pas insignifiant car il répond à des besoins réels (se nourrir, se vêtir, payer son loyer) mais l’essentiel est la relation, établie par le don, qui permet à l’Amour de circuler. La relation spirituelle entre confrère et pauvre inverse le rapport de dépendance créé par le don. Alors que l’indigent apparaît comme le débiteur du bourgeois qui lui fait la charité, le « pauvre » devient le maître du « riche ». Il lui est plus facile d’entrer dans le royaume des cieux et c’est à lui que revient la tâche d’aider le riche à le suivre. Si le pauvre accepte la relation charitable, il est moins humilié qu’honoré tandis que le riche, rabaissé aux yeux du pauvre, est conduit vers Dieu. Dans l’économie du salut, un rapport de solidarité s’établit. Les deux partenaires contribuent à faire grandir la relation d’amour entre l’Église qu’ils forment et le Christ (double flèche du schéma). Tout est appelé à être donné à la suite du Christ qui s’est lui-même donné tout entier. L’amour n’a de sens que donné et fait fonctionner le don charitable. On retrouve la quatrième obligation familière aux anthropologues : donner aux dieux. C’est même elle qui fonde le don entre les hommes et qui permet l’échange entre eux. Néanmoins, tout circule ici. On retrouverait plutôt Lévi-Strauss que Godelier [23]. Il n’y a pas d’objets inaliénables, sacrés, exclus de l’échange. Ici, la dynamique du don charitable ne peut être interrompue car il n’y a pas d’équivalence possible entre le don divin et le contre-don humain. Par conséquent, le confrère n’a jamais fini de donner et le pauvre de rendre à Dieu. Balzac l’exprimait à sa façon dans L’interdiction (1836) :

La bienfaisance a son entraînement comme les vices ont le leur. La charité dévore la bourse d’un saint comme la roulette mange les biens du joueur, graduellement.

Au quotidien toutefois, la prudence est de règle. « Toute ardeur n’est sainte » conseillait Emmanuel Bailly, l’un des fondateurs. Par son attention première aux conditions de vie matérielles, préalable nécessaire à l’annonce de la foi, la S.S.V.P. est loin de toute mystique de la conquête. Sans prôner non plus l’enfouissement au domicile du pauvre, le sillon vincentien se trace dans la profondeur des vies blessées et guette l’heure favorable, « l’heure de Dieu » chère à Bailly, celle où il est enfin possible d’annoncer le Christ [24].

Il faut conclure. Et se demander si, plus largement, les fondations vincentiennes n’ont pas profondément contribué depuis le XVIIe siècle au « mouvement d’altruisme ascendant » décrit par Jean Delumeau [25]. En faisant du dévouement à autrui le critère du salut individuel, elles dessinent les contours d’une spiritualité altruiste qui, selon le même historien, caractériserait le XXe siècle. Ce dernier modèle de christianisme plonge donc ses racines bien avant ce dernier siècle. Cette « voie vincentienne », que d’aucuns ont appelée une « mystique active », rend première l’action au service des pauvres, des petits, des humbles [26]. Elle avance à la rencontre de l’autre : qui est mon prochain ? Et en dernier ressort : qui est le Christ ? Le pauvre me le fait connaître.

Laissons à Montherlant le mot de la fin. Il aurait pu être le fondateur bien involontaire d’une aristocratie du cœur :

TIA CAMPANITA : Sans doute n’est-il pas riche ; du moins il se conduit comme s’il ne l’était pas. Et, à de certains moments, il fait montre d’une générosité folle.
MARIANA : Il se conforme à notre plus ancienne devise : Dedi et dabo, « J’ai donné et je donnerai ». Donner, voilà sa tour et ses créneaux [27].

Matthieu Bréjon de Lavergnée, né en 1976, agrégé et docteur en histoire, est pensionnaire de la Fondation Thiers (Institut de France-CNRS). Il a publié sa thèse sous le titre La Société de Saint-Vincent-de-Paul au XIXe siècle. Un fleuron du catholicisme social, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Histoire religieuse de la France », 2008, 713 p.

[1] Lettre du cardinal Bertone à José-Ramon Diaz-Torremocha, président général de la S.S.V.P., 12 novembre 2008.

[2] Voir les § 33 à 37.

[3] Dans un entretien recueilli par Odile Gandon, La Charité. L’amour au risque de sa perversion, Paris, Éd. Autrement, 1993.

[4] www.ifop.com/europe/sondages/opinionf/top50persoaout2005.asp

[5] Origines de l’esprit bourgeois en France, t. I : L’Église et la bourgeoisie, Paris, Gallimard, 1977 (1e éd. 1927) ; Église contre bourgeoisie. Introduction au devenir du catholicisme actuel, Paris, Berg international, 2006 (1e éd. 1977).

[6] Cité par André Gueslin, Les Gens de rien. Une histoire de la grande pauvreté dans la France du XXe siècle, Paris, Fayard, 2004.

[7] « La charité est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toute chose pour Lui-même, et notre prochain comme nous-mêmes pour l’amour de Dieu », Catéchisme de l’Église catholique, Paris, Mame/Plon, 1992, § 1822.

[8] Pour retourner la première béatitude : « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux. » (Mt 5, 3)

[9] Mot d’origine chinook (Indiens d’Amérique), qui désigne, en ethnologie ou en sociologie, une institution sociale de lien, de rivalité et de légitimation, faite de don et de contre-don.

[10] « Malheur à vous, les riches. » (Lc 6, 24)

[11] Giovanna Procacci, Gouverner la Misère. La question sociale en France (1789-1848), Paris, Seuil, 1993.

[12] Histoire de l’État providence. Les origines de la solidarité, Paris, Librairie générale française, 1996.

[13] La Police des familles, Paris, Éd. de Minuit, 1977.

[14] Règlement de la Société de S. Vincent de Paul, Paris, 1836.

[15] Archives de la S.S.V.P., Conseil de Paris, 8, rue de Saint-Pétersbourg (VIIIe).

[16] Le Don, la dette et l’identité. Homo donator vs homo œconomicus, Paris, La Découverte, Bibliothèque du MAUSS, 2000.

[17] Lettre pastorale… sur les devoirs des riches et des pauvres, 1873. Assurément, la question résonne encore et se fait entendre aussi bien dans le champ confessionnel – voir Nora Seni, Les Inventeurs de la philanthropie juive, La Martinière, 2005 – que là où l’on s’y attend le moins, la philanthropie californienne des « start-up » par exemple – voir Marc Abélès, Les Nouveaux Riches. Un ethnologue dans la Silicon Valley, Paris, Odile Jacob, 2002.

[18] L’Intelligence de la pitié. Phénoménologie de la communauté, Paris, Cerf, 2003.

[19] L’Énigme du don, Paris, Paris, Fayard, 1996.

[20] Le Sens des autres. Actualité de l’anthropologie, Paris, Fayard, 1994.

[21] Matthieu Bréjon de Lavergnée, La Société de Saint-Vincent-de-Paul au XIXe siècle. Un fleuron du catholicisme social, Paris, Cerf, 2008.

[22] Choses vues. Souvenirs, journaux, cahiers, 1830-1885, Paris, Gallimard, 2002.

[23] M. Godelier critique la conception de l’échange – de femmes (parenté), de biens (économie) et de mots (culture) – de Claude Lévi-Strauss, censée être une explication suffisante de la totalité du social. Pour lui, il y a aussi « des choses que l’on garde », qui ne circulent pas.

[24] Règlement de la S.S.V.P.

[25] L’Historien et la Foi, Paris, Fayard, 1996.

[26] É. Poulat, Dominique Decherf, Le Christianisme à contre-histoire, Paris, Éd. du Rocher, 2003.

[27] Le Maître de Santiago, Acte I, scène 2 (1947).

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